Réussir à contacter Stephen n’a pas été si difficile que ça. Disons qu’il m’en doit une, après le coup qu’il m’a fait à l’hôpital il a des mois de cela. On n’arrive tout simplement pas sur ma table d’opération alors qu’on est aux portes de la mort sans fournir d’explication. Et les choses que j’ai vues ce jour-là… Je ne sais pas vraiment ce qui était réel et ce qui ne l’était pas et, malheureusement, Stephen a réussi à s’en tirer avec de brèves explications qui, au final, n’expliquent rien du tout. D’où il sort sa tenue ? C’est quoi ces choses que j’ai vues, ces… esprits ? Et enfin, sans doute la question qui me frustre le plus : qu’est-ce qu’il foutait durant tout ce temps ?
Mais comme Stephen a décidé d’être aussi muet que les cadavres que je côtoie parfois à la morgue (mais heureusement, mais si souvent que ça, mon boulot parvient quand même à sauver des vies, merci bien), j’ai décidé d’obtenir les réponses par moi-même. Et de le suivre, par extension. Ignorant le fait que je ressemble à une femme en train de stalker son ex, je me dirige vers un bâtiment dans lequel je l’ai déjà vu entrer plusieurs fois, beaucoup trop de fois pour que cela soit anodin. Et je dois avouer que j’ai bien eu de la chance de le voir sortir de ce bâtiment pour aller se diriger quelque part ailleurs, sans doute pas très loin sinon il aurait utilisé l’un de ses portails magiques là. Franchement, je ne fais que faire des hypothèses, car je ne sais vraiment pas comment il se déplace et ce qu’il fait de ses journées. Pas que je sois curieuse ou que cela m’intéresse, je m’inquiète, tout simplement.
Malheureusement, je ne suis pas allée très loin dans ma poursuite, car quelques rues plus loin, il a disparu. Comme ça, dans l’air. Volatilisé. Frustrée et déçue, j’hésite sur la façon de procéder et je n’ai pas le temps de voir la suite venir. Ni de me protéger quand une bombe explose. Je ne savais pas que je me trouvais en plein milieu d’une zone qui allait sauter. Attaque terroriste ou non, je ne devrais pas m’étonner, j’en ai opéré des victimes d’attentats ces derniers mois, si ce n’est années. Et depuis l’assassinat du président, la situation politique est devenue particulièrement épineuse. Mais mine de rien, je suis étonnée de me retrouver à la place de mes patients, couchée sur le sol et entourée de débris.
Malgré tout ce que l’on m’a appris en cours de médecine, malgré mon expérience et tous les conseils que je donne à mes patients, j’entre en état de choc dès l’instant où mon regard se pose sur mes blessures. Je ne sais combien de temps s’est passé depuis l’explosion, mes oreilles résonnent encore et mon sang s’écoule sur le goudron. Des morceaux de débris dépassent ici et là, l’un de mes membres est certainement cassé au vu de la douleur, mais toutes ces informations que mon cerveau me fournit me sont inutiles. J’ai beau savoir que je dois appuyer sur les blessures pour arrêter les saignements, mon corps lui, refuse d’obéir.
es attentats étaient malheureusement devenu le lot quotidien de nombreux américains (sans compter ceux qui éclataient de par le monde), et plus le temps passait, plus l'événement avait malheureusement tendance à se normaliser. On ne se demandait plus quand tout ceci cesserait, on se demandait où et quand aurait lieu la prochaine attaque. Et personne n'était à l'abri, ces attentats étaient aussi violents qu'aléatoires, après tout, le but était de semer la panique, rien dire... et force est de constater que c'était bien trop efficace. Shuri, dans de telles circonstances, était plus que jamais fière et heureuse d'appartenir à un organisme qui s'efforçait de rendre ce monde un peu meilleur, qui cherchait à rétablir un peu d'ordre dans le chaos de l'humanité... même s'il était souvent frustrant de considérer tous ces événements qu'aucun d'eux n'avaient su empêcher, en dépit des efforts que chacun fournissait à sa propre échelle.
Une nouvelle bombe avait explosé, à Washington, et Shuri découvrait ce sentiment déplaisant de presque-routine. Elle n'était pas étonnée de la nouvelle, et c'est quand l'événement devient la norme que l'on est en droit de s'inquiéter. On s'agitait, dans les locaux du SHIELD, plusieurs agents avaient été mandatés pour se rendre sur place et enquêter sur les lieux. Aucune raison pour que Shuri se joigne à eux. Elle était supposée jouer les rats de laboratoire, pas agir sur le terrain. Mais elle était incapable de rester sur place... alors sans demander l'aval de personne, elle avait rassemblé autant de matériel qu'elle était capable d'en supporter et s'était joint à l'équipe sans spécialement lui laisser le choix.
Un véritable carnage. Du sang, des débris, des corps inanimés, d'autres que l'on transportait de toute urgence sur des civières. Shuri serra les poings en considérant ce spectacle avec horreur. Mais pas le temps de s'appesantir, il fallait agir. Comment ? Aucune idée, Shuri avait estimé qu'elle jugerait sur place de ce qu'elle serait apte à faire ou non, et son premier réflexe fut de se précipiter vers cette femme qui lui semblait terriblement mal en point... Elle avait perdu beaucoup de sang, et ne serait-ce que la perspective de la déplacer pouvait constituer un risque important... à ce rythme, elle ne tiendrait pas longtemps.
-Madame, vous m'entendez ? l'interrogea-t-elle soucieuse en examinant ses plaies, déterminée à panser celles qu'elle pouvait. Elle pouvait la soigner, elle le savait, mais il lui manquait une bonne partie de son dispositif resté au labo. Il fallait qu'elle réussisse à l'embarquer... même si le trajet pourrait tout aussi bien la tuer.
C’était comme si le monde se trouvait sous l’eau, comme si tous les bruits venaient d’être réduits de moitié. Un instant, je ferme les yeux, laissant passer les vagues de douleur et m’efforçant de ne pas tomber dans les pommes, ce n’est absolument pas le moment. Mais plus les secondes passent, plus je perds l’envie de lutter, de m’accrocher, priant simplement pour que tout s’arrête, que la douleur s’envole, que l’on me foute définitivement la paix.
L’instant d’après, j’ouvre les yeux en entendant des bruits de pas et le visage d’une jeune femme afro-américaine apparaît dans mon champ de vision. Elle me demande si je l’entends et je hoche la tête autant que je le peux en serrant les dents pour éviter de hurler. C’est comme si la simple présence de cette étrangère me redonnait de l’énergie et mes paupières ne sont plus si lourdes maintenant. Comme si je ne pouvais pas me permettre d’abandonner maintenant que quelqu’un m’a trouvée.
« Je crois que… que mon tibia est cassé… » je gesticule vers ma jambe gauche, la manche de mon pantalon déchirée et rouge. La douleur la plus forte provient de là, mais je sais que ce n’est pas le seul endroit où je suis blessée. « Je pense avoir des côtes de cassées aussi… ici… et là… » je touche quelques endroits sur ma poitrine du bout des doigts, sans trop appuyer, la douleur triplant à chacun de mes mouvements. Je suis même étonnée de réussir à me diagnostiquer dans mon état. Je dois aussi avoir des coupures un peu partout, dont une profonde sur la tête, vu le liquide chaud que je sens le long de mon visage et glissant dans mon cou, ruinant ma chemise.
« Vous… vous êtes médecin ? » je demande à la jeune femme. Car si elle ne l’est pas, elle ferait mieux d’en appeler un, ou des secouristes. Sauf s’ils sont occupés avec des victimes en pire état que moi. Il doit y en avoir, je suis sûre, une bombe n’a pas pu me blesser que moi, il doit y avoir d’autres victimes dans les parages. Malheureusement, et même si je l’aimerais bien, je ne pourrais pas les aider et le médecin en moi hurle au désespoir.
« Il faut aider les autres… y’a-t-il assez de secours ? » Stephen me réprimanderait s’il m’entendait dire ça. Mais Stephen n’est pas là et c’est un peu à cause de lui que je suis là. C’était lui que je suivais, c’était lui qui a disparut. Mais la douleur qui émane d’à peu près chaque endroit de mon corps me ramène vite à la réalité et je serre les poings avant de grimacer. Tiens, je dois m’être faite une entorse au poignet aussi…
ucun doute possible, la grande blessée dont Shuri s'acharnait à s'occuper était médecin. Au fond, tant mieux, elle était capable d'établir un diagnostic assez précis de ses blessures, et même si elle ne serait pas à même de se soigner elle-même, il serait plus simple pour Shuri de cibler son intervention. Même si dans l'état de choc et de douleur où se trouvait la jeune femme, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'elle n'ait pas conscience de tous les maux dont elle souffrait, ou qu'elle prenne certains mots pour d'autres.
-On va dire ça, oui, répondit Shuri dans un léger sourire quand son interlocutrice lui demanda si elle était médecin.
Non, elle n'était pas médecin, mais elle avait de bonnes notions de médecine et d'anatomie, le tout nécessaire quand on cherchait à mettre la technologie à sa disposition au profit de la cause médicale. Dans tous les cas, médecin ou pas, l'intention était la même : elle allait sauver cette femme, point barre. Et elle estimait (en toute humilité) qu'elle avait de bien meilleures chances de s'en sortir en se fiant à elle qu'en remettant son destin entre les mains d'un chirurgien, même le plus talentueux du monde.
-Relax, ajouta-t-elle quand Christine, paniquée, pensa aux autres victimes. Oui, il y en avait beaucoup d'autres, et de ce qu'elle voyait, nombre de spécialistes du corps médical était à l'oeuvre... sans doute pas assez... et beaucoup de ces gens ne pourraient être sauvés. Mais Shuri décidait de se focaliser sur la vie qu'elle était à même de sauver de son côté, du moins l'espérait-elle. Si vous vous agitez, ça va empirer, j'vous apprend rien.
Tout en prononçant ces mots, elle rassemblait ce qu'elle avait pu emporter de matériel. Elle ne pourrait que la soigner que superficiellement, mais cela lui permettrait de stopper les saignements et d'atténuer la douleur. Elle parvenait à parler, elle était lucide, ça devrait le faire.
-Je vais vous amener avec moi, mais d'abord...
Elle ne dit rien. Avec une extrême concentration, elle mit ses compétences à l'oeuvre et commença à manipuler scanners, tablettes holographiques et autres petites trouvailles wakandiennes qui devraient au moins apaiser un peu la douleur de sa patiente improvisée.
Dans d’autres circonstances, j’aurai hésité à faire confiance à cette demoiselle lorsqu’elle m’annonce qu’elle est en quelque sorte un médecin. On n’est pas en quelque sorte un médecin, on l’est ou on l’est pas. Il n’y a pas de milieu, ou du moins, il ne devrait pas y avoir de milieu. La vie des gens est une chose beaucoup trop importante pour que l’on perde du temps à décider si oui ou non nous pouvons les soigner. On le fait, c’est tout, ou alors on laisse quelqu’un de plus compétent le faire. C’est comme ça que s’est déroulée ma première opération. Je n’avais jamais opéré avant. Pas pour de vrai, pas sur une personne vivante et dont la vie est entre mes mains. Je me suis évanouie après l’opération, de ce qu’on m’a dit. Je ne m’en souviens qu’à moitié. Mais il y a un moment dans la vie où il faut se lancer et, forcément, il faut une première fois à tout.
Mais je suis beaucoup trop sonnée et en état de choc pour faire la moindre remarque à ce sujet, la douleur de mes propres blessures beaucoup trop présente dans mon esprit et ne laissant pas vraiment de place à autre chose. Sauf, occasionnellement à de l’inquiétude pour les autres victimes de cette explosion.
Je panique presque lorsque la demoiselle m’annonce qu’elle va m’embarquer. Mon instinct est de lutter, d’essayer de me lever et d’aller vers les autres victimes, d’aider ceux qui sont en pire état que moi. Mais mon corps en est incapable, malgré les ordres de mon esprit et je ne peux que me lamenter depuis ma position sur le sol. Les médecins sont les pires patients, après tout.
La seule raison qui accapare mon attention temporairement sont les appareils que la demoiselle vient de sortir, le genre d’équipement technologique que je n’ai jamais vu auparavant de toute ma vie et qui a le mérite de m’intéresser au plus haut point. Contrairement à Stephen et son mojo magique ou je ne sais quoi, j’ai toujours été plus du côté scientifique de notre profession. Et il l’était aussi, fut un temps. Avant que tout ne bascule et qu’il change. C’est triste à dire, mais je suis contente qu’il ait changé, même si je ne fais plus partie de sa vie pour l’accompagner dans ce changement. C’est l’une des réalités (au même titre que le décès de mon père) qu’il m’a été le plus difficile d’accepter ces quinze dernières années.
« D’où venez-vous ? » je demande alors plus faiblement que je ne le voudrais. Mon cerveau noie mon esprit de toutes sortes d’informations, m’indiquant que je subis les conséquences d’une perte importante de sang, que l’état de choc augmente et que ma respiration saccadée et les papillons qui dansent devant mes yeux en sont le résultat. Mais je ne parviens pas à me concentrer sur cela, fermant à la place les yeux et reposant la tête sur le sol.
Jusqu’à ce que la question de la demoiselle me parvienne et me fasse réaliser que la douleur s’est atténuée. « Étrangement, ça va légèrement mieux. » Ce qui est une chose purement ridicule à dire dans cette situation, mais passons. Mettons cela sur le compte de l’état de choc.
lle allait un peu mieux. Très bien, Shuri n'en attendait pas moins (mais peut-être un peu plus). Au vu du peu dont elle disposait, elle ne pouvait pas faire beaucoup plus en l'état, mais elle était confiante. La vie de sa patiente improvisée n'était plus en danger, et une fois dans son labo, elle pourrait prendre soin d'elle dans des conditions plus... idéales, on va dire. Pas autant que si elle l'emmenait directement au Wakanda, mais c'était un risque à ne pas courir. Ce genre de voyage serait trop éprouvant pour elle, donc c'était parfaitement exclu. Elle allait faire avec les moyens du bord, mais ce n'était pas grave, la jeune femme estimait qu'elle n'était pas mauvaise quand il était question d'improviser, et pour le coup, elle mettrait d'autant plus de coeur à l'ouvrage (ce qu'elle faisait dans tous les cas) qu'elle ne voulait surtout pas que la jeune femme sous ses yeux risque quoi que ce soit à cause d'une quelconque maladresse de sa part. Ce n'est pas parce qu'elle avait déjà sauvé une minuscule poignées de vies par le passé (Everett pouvait en témoigner) que ça marchait à tous les coups et qu'il ne fallait pas faire preuve du minimum logique de vigilance.
-Je viens du Wakanda, répondit-elle finalement après avoir achevé examiner Christine, non sans une pointe de fierté dans la voix. Et pour cause, Shuri était particulièrement fière de ses origines, même si elle ne savait pas vraiment si cela parlerait à son interlocutrice, déjà parce que cette dernière était à moitié dans les vappes, ensuite parce que le Wakanda avait longuement décidé de se cacher de toute autre civilisation. Même si, depuis, ils avaient décidé de partager leur technologie avec le monde, cela passait pour le moment par des organismes assez confidentiels, comme le SHIELD. Mais pour l'instant, on va vous conduire dans mon labo.
Elle aurait pu préciser qu'elle bossait pour le SHIELD, ce genre de chose, mais ça pouvait bien attendre. Pour le moment, il fallait l'évacuer. Heureusement, ce n'était pas bien loin, et rapidement, aidée par d'autres agents, elle put conduire en toute sécurité le médecin loin de l'accident. Elle fut transportée sur une civière jusqu'à son laboratoire, et sitôt arrivée, Shuri, s'agita en tout sens pour assurer à Christine les meilleurs soins possibles.
Ma question aurait pu être mal interprétée et je ne pense pas que je l’aurai posée aussi brutalement si je n’avais pas perdu autant de sang et donc si mon cerveau était mieux irrigué que ça. Mais ce n’est pas le cas et je suis vraiment trop curieuse pour laisser le mystère de cette nouvelle technologie planer plus longtemps. Bien entendu, le nom Wakanda ne me dit absolument rien et je me considère comme étant assez douée en géographie. Mais ça pourrait être le nom d’une ville ou d’une province et non pas d’un pays, et je ne connais pas toutes les villes du monde. « Wakanda ? Je ne connais pas. » Mais l’instant d’après la demoiselle m’annonce qu’elle va d’abord m’emmener dans son laboratoire et je ne peux m’empêcher de froncer les sourcils, car un laboratoire n’est pas habituellement un endroit où se reposent les gens blessés ou même l’endroit où se déroulent les opérations.
Mais je ne suis absolument pas en position pour protester et je laisse échapper un grognement de douleur, suivi de gémissements lorsqu’on me déplace sur une civière. Les autres personnes venues l’aider, civils ou agents je ne saurais le dire, se déplacent rapidement tels des professionnels, effectuant des gestes précis et concis et je n’ai que le temps de murmurer « Il faut prévenir Stephen… » avant que l’inconscience ne vienne me prendre par surprise.
Lorsque je me réveille, la première chose que je sens c’est mon propre corps, couché à l’horizontal comme auparavant, mais de façon confortable cette fois-ci. Quelque chose se trouve sur moi, mais ce n’est pas quelque chose de vraiment lourd, c’est plutôt chaud en fait et je n’ai pas spécialement envie de l’enlever. Mais lorsque j’essaie de lever la main, je me rends compte que mon bras est trop lourd, que mon esprit est trop englué pour pouvoir faire agir mon corps.
Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé entre cette pseudo somnolence et mon premier véritable réveil, mais mes yeux s’ouvrent presque au ralenti comme s’ils étaient couverts de miel. Il me faut bien cinq minutes pour que mes yeux s’habituent à la lumière de la pièce et cinq minutes de plus pour que mon cerveau se rende compte que je suis dans une pièce, dans un lit et donc à l’intérieur. On a finit de me déplacer. Des bruits de diverses machines m’accueillent lorsque je tourne la tête sur le côté. J’ai eu le droit à toute la panoplie, IV, machines… Et c’est à ce moment-là que les souvenirs de l’attaque et de ce qui a suivit me reviennent et la douleur, bien que réduite, revient soudain, comme si le fait de m’en être souvenue l’avait déclenchée, comme si elle n’attendait que ça.
huri n'était pas si surprise d'entendre son interlocutrice lui affirmait qu'elle n'avait jamais entendu parler du Wakanda. Le pays s'était isolé du reste du monde pendant beaucoup trop longtemps, et même si la nouvelle de l'ouverture des frontières du Wakanda, un pays dont nul n'avait jamais entendu parler à la technologie ultra-développée aurait pu faire grand bruit, la nouvelle n'était finalement connue que de quelques sphères très spécifiques... ce qui n'était au fond pas plus mal. Shuri n'avait pas spécialement envie de voir une foule de touristes foulait tout à coup au pied sa terre natale et en altérer progressivement tout ce qui en faisait l'intérêt et l'essence... ce qui arrivait malheureusement beaucoup trop souvent. Bref, elle ne connaissait pas, et pour le moment, ce n'était pas important. La priorité, c'était de la conduire au labo au plus vite et de la soigner une bonne fois pour toutes.
La jeune femme avait sombré dans l'inconscience, si bien que Shuri ne put pas l'interroger sur qui était ce Stephen en question. Son mari, son compagnon, peut-être ? Ou bien un membre de sa famille ? Elle espérait que ce n'était pas quelqu'un qui se trouvait sur les lieux, car qui sait si elle le retrouverait en vie... Mais dans tous les cas, ele n'était plus en état de lui répondre à ce sujet, et Shuri aurait tout le loisir de le faire quand son interlocutrice serait réveillée et en meilleure forme. Elle lui prodigua tous les soins nécessaires, grâce aux possibilités d'une technologie qu'elle maîtrisait définitivement à la perfection. Quand elle sut qu'elle avait fait tout ce qu'elle pouvait, elle attendit au chevet de la jeune femme, afin de vérifier ses constantes vitales, qui normalement ne devraient plus varier à ce stade et garantissaient qu'elle s'en sortirait parfaitement... mais sait-on jamais. Enfin, la jeune femme finit par ouvrir les yeux.
-Ne faites pas de geste brusque, la prévint-elle, des fois qu'elle en ait eu l'envie, pour le moment, il vaut mieux que vous restiez allongée. Elle lui adressa un sourire, ravi parce qu'elle était satisfaite d'avoir su la remettre sur pied, et encourageant, parce qu'elle voulait que Christine n'ait aucun doute quant au fait qu'elle était tirée d'affaire. Comment vous vous sentez ?
La réponse ne devrait plus être la même que tout à l'heure.
Il me faut plusieurs longs moments pour me repérer et me rendre compte exactement où je me trouve. Un hôpital. En soit, ce n’est pas étonnant, mais ce qui me rappelle brutalement les évènements des dernières heures est le fait que, cette fois-ci, c’est moi qui me trouve dans le lit. Ça fait bizarre d’inverser les rôles et je dois avouer que je ne suis pas contente de la situation. Non pas à cause de ma propre douleur, mais pour tous les blessés que je ne pourrais soigner. Je peux presque entendre la voix de Pepper me dire d’arrêter de penser aux autres quand je suis dans un état aussi critique.
La demoiselle de tout à l’heure est là, me confirmant une bonne fois pour toute qu’elle est bel et bien médecin et ça me rassure. Avant que je ne puisse me relever, elle me dit de rester assise et c’est uniquement la douleur de mes blessures qui m’empêche d’ignorer son conseil. Les médecins sont les pires patients dit-on…
Je ris à sa question. « Comme si un camion m’avait roulé dessus. Y’a-t-il d’autres survivants ? Sait-on ce qui s’est passé ? » Outre le fait qu’une bombe a détonée, je me souviens de ça au moins. « Combien de temps étais-je inconsciente ? » Je regarde alors autour de moi, cherchant à déterminer l’hôpital où je me trouve par le biais de la décoration et de l’agencement de la chambre, mais aucun nom ne me vient à l’esprit. Ne serais-je plus à New York. « Où suis-je ? »
Le bruit des machines autour de moi attire alors mon attention. Si je ne peux pas bouger, je peux au moins essayer de déterminer mes blessures. La douleur que je ressens est déjà un bon indice de ce qui est cassé ou déchiré, mais l’effet progressif des drogues fausse un peu ces observations. Les diverses machines m’indiquent de nouvelles informations, mais pas des choses incroyables. Il faudrait que j’ai mon dossier sous le nez, en fait.
« Je suis désolée, je ne me suis pas présentée. Je suis le docteur Christine Palmer. » C’est très ironique de mettre en avant mon titre de docteur alors que je suis celle allongée dans le lit. « Et vous êtes ? » Parce qu’il n’y a rien de mieux que mettre un nom sur un visage et que je suis maintenant suffisamment lucide pour me rendre compte que je ne sais rien sur celle qui m’a visiblement sauvée la vie, outre son pays d’origine, pays dont il me semble avoir vaguement entendu parler dans les médias et encore.
a réponse de Christine fit légèrement grimacer Shuri, même si elle s'était effectivement attendue à quelque chose dans ce goût-là. Après ce qu'elle avait vécu, tout le sang qu'elle avait perdu, tous les os brisés et réparés, il était normal qu'elle se sente encore dans les vappes et que son corps soit douloureux. La médecine du Wakanda faisait des miracles, mais elle ne permettait pas de rétablir les patients en un claquement de doigts. Il fallait quand même laisser passer un temps de... rétablissement, disons. Elle irait mieux, elle était tirée d'affaire, mais elle ne pouvait pas être au sommet de sa forme non plus. Pour le reste... l'inquiétude manifeste de la jeune femme ne devait pas non plus aider son état quoi qu'il en soit. Elle posait de nombreuses questions, et malheureusement, Shuri savait d'avance qu'elle allait la décevoir. Elle s'était jusqu'ici concentrée sur sa patiente, si bien qu'elle n'avait pas pris le temps de se renseigner davantage sur la situation. Elle essaya de répondre à ses questions l'une après l'autre... pour celles auxquelles elle était capable d'apporter des réponses satisfaisantes, du moins.
-Relax. Ca fait quelques heures, répondit-elle doucement, sans chercher à se montrer plus précises, elle se disait que si son interlocutrice savait que son état d'inconscience n'avait pas duré plusieurs jours, elle serait rassurée. Vous êtes dans l'un des laboratoires du SHIELD. C'est pas exactement les conditions idéales, mais j'ai fait ce que je pouvais. Elle marqua une pause. J'ai pas encore de nouvelles des personnes restées sur place, mais je vous tiendrai au courant, pour l'instant, ça sert à rien de paniquer, ça aidera personne, et vous encore moins.
Mais elle pouvait deviner que son interlocutrice ne trouverait pas cela suffisant quoi qu'il en soit. Elle faisait ce qu'elle pouvait avec les moyens qu'elle avait pour l'heure, et elle ne pouvait pas forcément en dire plus. Finalement, la grande malade se présenta. Elle s'appelait Christine Palmer. Docteur Christine Palmer, mais ça, Shuri l'avait déjà deviné à quelques menus indices.
-Vous pouvez m'appeler Shuri, se contenta de dire la jeune femme en guise de présentation.
Pas la peine de préciser une nouvelle fois qu'elle bossait sur le SHIELD, elle lui avait déjà appris où elle se trouverait. Malgré tout, elle se doutait que les questions de sa patiente ne s'arrêteraient certainement pas là.
« Shuri… » je teste ce prénom, m’efforçant de le prononcer comme elle l’a prononcée. « Merci de m’avoir sauvée. » Il serait inutile de lui dire que je lui dois la vie. De plus, étant moi-même médecin, je sais à quel point cela peut très vite devenir embarrassant de voir un patient fondre en larmes et nous répéter cinquante mille fois qu’il ne nous remerciera jamais assez. Certains diraient que nous ne faisons que notre métier et c’est le cas, mais si nous ne croyions pas en ce que nous faisons nous n’en serions certainement pas là à l’heure actuelle.
Je la remercie aussi de me tenir au courant, car effectivement, je voudrais savoir ce qu’il est advenu des autres victimes. Cela ne changera absolument pas le fait que je ne pouvais pas intervenir et, ironiquement, faire mon travail et sauver des vies, mais au moins, savoir si d’autres personnes ont pu s’en sortir sera déjà une bonne (ou une mauvaise nouvelle). Cela permet surtout de mettre les choses en perspective. Cela ne me donnera absolument pas une excuse d’aller chercher moi-même les responsables de cette attaque, ce n’est pas mon rôle et d’autres s’en chargeront mieux que moi. De plus, je ne suis pas du genre rancunière ou vengeresse. Ça a toujours été plutôt le rôle de Stephen ça, bien qu’il ne le dira jamais lui-même.
Je regarde ensuite autour de moi, observant l’équipement médical. Je n’ai jamais été dans des locaux du SHIELD, je n’ai même jamais rencontré l’un de leurs agents d’ailleurs et la seule raison pour laquelle je connais leur existence, c’est parce que je suis les infos et que j’ai de temps en temps pu rencontrer tel ou tel sénateur qui a été en contact avec le SHIELD. « Le SHIELD hein ? Ce sera une première… » je souris. Parce que s’il y a bien une chose qui est sûre, c’est que même blessée, je ne peux m’empêcher d’être curieuse et de vérifier s’ils ont bel et bien le type d’équipement haute technologie dont j’ai entendu parler. On ne peut le dire autrement, je cherche à vérifier si les rumeurs sont vraies.
« Vous me semblez jeunes, cela fait longtemps que vous travaillez pour le SHIELD ? Et j’imagine que vous ne pouvez pas me dire exactement dans quelle ville nous nous trouvons, même si je ne pense pas qu’on a changé de pays, n’est-ce pas ? » J’espère pas, vraiment, parce que ce sera le gros bordel pour rentrer par la suite, même si je ne pense pas que Shuri me relâchera aussi rapidement. « Alors, docteur Shuri, combien de temps pensez-vous me garder ici ? » J’essaie de sourire, mais je tiens vraiment à connaître la réponse, bien que je me doute de ce qu’elle pourrait être puisque j’ai fait des centaines de diagnostiques dans ma vie. Même si cette fois-ci c’est différent.
huri se contenta d'afficher un sourire qui pourrait presque donner l'impression qu'elle s'était simplement adonnée à un exercice tout à fait anodin alors que son interlocutrice la remerciait de lui avoir sauvé la vie. Elle ne pensait pas méritait le moindre remerciement, tout simplement parce qu'il était évident à ses yeux qu'elle n'aurait tout simplement pas pu agir d'une autre manière... et son interlocutrice avait dû sauver suffisamment de vie au cours de son existence (bien plus qu'elle, en tout cas) pour que la question ne se pose même pas, il était juste normal, au bout d'un moment, qu'on lui rende la pareille. Elle ne dit rien, donc, et se contenta de mettre un ordre très relatif (mais dans lequel elle se retrouvait parfaitement) dans son matériel tandis que son interlocutrice observait autour d'elle.
Sa curiosité était toute légitime, bien sûr, et Shuri ne pouvait pas lui reprocher d'y jeter un oeil attentif. Elle voulait bien croire que c'était une première pour elle que de se retrouver dans les locaux du SHIELD, ce n'est pas comme si c'était une occasion qui se présentait tous les jours (du moins pour ceux qui n'y bossaient pas à temps plein comme elle) et vu les circonstances pour s'y retrouver, il fallait espérer pour Miss Palmer que cette première serait aussi une dernière.
Quand son interlocutrice lui demanda si elle pouvait lui répondre au sujet de la localisation précise de ces locaux, elle se contenta d'un geste de la tête qui en disait suffisamment long. Inutile d'expliquer pourquoi il valait mieux qu'elle n'ait pas plus de précision quant à l'endroit où ils se trouvaient. Cette femme était sans doute bien suffisamment intelligente pour en tirer ses propres conclusions sans l'aide de qui que ce soit. Elle ne piperait mot, donc. C'était déjà peu conforme aux prérogatives que de conduire des personnes extérieures au SHIELD dans son labo. Mais aux grands maux les grands remèdes... et ce ne serait pas la dernière fois qu'un cas de figure identique se présenterait au passage.
-Je vais encore vous garder en observation un petit temps, juste pour la forme, on sait jamais. Il ne manquerait plus qu'il y ait un couac ou des complications, mais Shuri pensait vraiment que son interlocutrice était tirée d'affaire. Dès demain, vous serez remise sur pied. Et pour répondre à votre question, ça fait que quelques mois que je travaille ici. Mais en général, je fais pas dans le médical.
Je dois avouer que je ne pensais pas que les locaux du SHIELD ressembleraient à cela. Mais après tout, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, le SHIELD est tellement secret, je pense que c’est déjà étonnant que j’en sache autant. Je suis rassurée pourtant de voir qu’ils semblent être au top niveau médical et j’essaie très fort de ne pas penser à toutes les vies que je pourrais soigner en ayant accès au genre de technologie qui m’a soignée, car sinon je vais en devenir folle à tourner en rond.
La réponse de Shuri est claire, dès demain je serais sur pieds. J’espère que cela signifie aussi que dès demain je pourrais sortir de là et retourner voir mes patients. « Bien, j’ai des rondes et des opérations à faire demain… » Je m’en veux déjà de m’être fourrée dans un bordel pareil et d’avoir abandonné mon staff médical qui ne sait probablement pas ce qui m’est arrivé d’ailleurs. S’il y a une urgence, ils m’appelleront, mais bon, ce n’est pas comme si je pouvais aller quelque part dans mon état et soigner qui que ce soit alors que moi-même je suis clouée au lit.
« La technologie que vous avez utilisée est vraiment impressionnante » je remarque alors, plus pour me distraire et ne pas penser à l’accident parce qu’en soit, je n’en ai pas vu des masses de cette technologie faiseuse de miracles. Et je ne pense pas que ce soit quelque chose que l’on puisse discuter ouvertement, sachant que l’on est au SHIELD. Mais toute distraction est bonne à prendre pour ne pas repenser à cette bombe, aux dizaines de blessés, non de morts qui n’ont pas été aussi chanceux que moi, à la façon dont Stephen a disparut et toutes les questions que je me pose à son sujet depuis son accident, la façon dont il a changé…
Je suis ensuite étonnée d’apprendre que Shuri ne travaille pas dans le médical habituellement. Ce qui me fait aussi me demander pourquoi c’est elle qui m’a soignée dans ce cas. Certes, je ne vais pas m’en plaindre, elle m’a sauvée la vie et elle l’a très bien fait, mais je me demande si tous les agents du SHIELD sont aussi polyvalents ou bien si son domaine de prédilection est quand même relativement proche de la médecine. « C’est dommage, vous feriez un excellent médecin » j’annonce alors en souriant et en essayant de ne pas trop bouger, la douleur se faisant encore sentir.
« Quel est votre domaine de prédilection dans ce cas ? » Quelque chose en rapport avec la technologie, j’en suis sûre, car il faut un bon niveau de maîtrise pour avoir su gérer de la sorte.
es circonstances et le bon sens voudraient que Shuri réagisse en entendant sa "patiente" affirmer qu'elle devait repartir au travail dès le lendemain, qu'elle la dissuade de se remettre au travail si vite, mais ce n'était pas le genre de la jeune femme. Si elle passait une bonne nuit de sommeil, elle serait parfaitement à même de travailler le lendemain, la douleur qu'elle ressentait encore se serait complètement dissipée, et elle devrait être d'aplomb.
Shuri aussi était du genre à venir travailler quelles que soient les circonstances, contre vents et marées, alors ce n'était certainement pas elle qui allait faire des leçon de morale à son interlocutrice. Et puis, vu la situation, on aurait grand besoin de ses services. Elle semblait compétente, et mettre du coeur à l'ouvrage, pas le genre de personne à qui il était de bon ton d'interdire ce que d'autres avaient peut-être l'intention d'interdire.
Shuri la laissa dire, donc, et se contenta d'un léger sourire, qui s'agrandit quand son interlocutrice complimenta la technologie qu'elle avait utilisée afin de guérir Christine. Elle n'en était pas peu fière de son côté, et elle appréciait, par conséquent, que ce soit bel et bien remarqué. Même si elle estimait que cette technologie n'était clairement pas la plus élaborée qu'elle ait mise au point. C'était même assez basique, en fait, mais ça faisait son effet, et c'était tout de même ce qui comptait. Le résultat avant tout, même si, si elle avait eu plus de temps, elle aurait pu perfectionner le dispositif, et son interlocutrice aurait pu guérir rapidement, et sa douleur aurait pu être dissipée bien plus vite. Mais bon, en effet, elle n'était pas médecin, et ce n'était peut-être pas si dommage. En règle générale, ce n'était pas aux dispositifs médicaux qu'elle adressait le plus d'attention, même s'ils étaient primordiaux et n'étaient pas à négliger, évidemment.
-Je touche un peu à tout, en fait, répondit Shuri, qui aurait relativement peine à définir son domaine de prédilection tant elle s'attaquait à des propositions diverses et variées. Tout ce qui a trait à la technologie. On va dire que je suis un genre d'ingénieur, en quelque sorte.
C'était la meilleure façon de le décrire, à ses yeux. Même si ça pouvait vouloir tout et rien dire.
En d’autres circonstances j’aurai probablement été la pire des compagnies. On dit bien que les médecins sont les pires patients et dans mon cas c’est vrai si je suis contrainte de rester couchée dans un lit alors que mes responsabilités m’appellent et ce, même si je sais que rationnellement je ne suis pas capable de prendre soin des dites responsabilités. Mais cette impression d’être complètement inutile ne me quitte pas et si la présence de Shuri n’était pas si plaisante, j’aurai probablement déjà envoyer valser la personne s’occupant de moi. Pour preuve, les infirmières de mon hôpital principal savent qu’il vaut mieux me laisser seule si j’ai le malheur de devoir passer quelques nuits dans un lit d’hôpital. D’ailleurs, la seule fois que cela m’est arrivé c’est lors d’un léger accident de voiture qui a résulté en une fracture du bras et une commotion cérébrale légère dans ma vingtaine lorsque j’étudiais encore la médecine au lieu de l’appliquer.
Mais Shuri a l’art de me faire sourire et étrangement, je n’ai pas envie de me retrouver seule. Parce que si je suis seule, je vais repenser à l’explosion, à l’accident, à toutes ces vies que je n’ai pas pues sauver parce que je me suis retrouvée comme une imbécile à la place de l’un des patients. Et bien que ce genre de pensée ne va me mener nulle part et surtout ne fera pas revenir les personnes qui n’ont pas survécues à l’explosion, je ne peux m’empêcher de les avoir. C’est pourquoi ma conversation avec Shuri est une excellente distraction.
« Ingénieur, hein ? C’est un bien beau métier aussi. » Je souris. On croirait entendre ma mère. « J’imagine qu’en travaillant pour le SHIELD vous avez de quoi faire en matière de technologie » je lance, songeuse, me demandant de nouveau si le SHIELD a développé des technologies médicales qui pourraient sauver des vies si elles étaient connues du public. De nouveau, je suis quasiment certaine que la réponse est oui, mais ce n’est pas en sachant que le SHIELD possède une technologie avancée que cette technologie deviendra miraculeusement publique. Et ce ne serait pas nécessairement une bonne chose aussi si cela devient le cas, toute technologie pouvant être détournée à de mauvaises fins.
Après quelques instants de silence durant lesquels je suis perdue dans ces débats philosophiques dans ma tête, je me tourne vers celle qui m’a sauvée la vie. « Est-ce que je pourrais avoir accès à mon téléphone ? Je voudrais prévenir l’hôpital de ce qui m’est arrivé et appeler un… proche. » Car je ne sais pas vraiment comment qualifier ma relation avec Stephen. Ex ? C’est certain. Amis ? Peut-être. Plus que ça ? Je ne sais pas. Notre relation est un véritable puzzle qui devient plus complexe à chaque fois que j’essaie de le compléter. Et Stephen est loin de me rendre la tâche facile. Cela ne m’étonnerait même pas si lui-même n’avait pas de mots exacts pour définir ce que nous sommes, si ce nous existe encore…
huri afficha un grand sourire, convaincue d'office, quand son interlocutrice observa qu'ingénieure était un beau métier aussi. La jeune femme était de cet avis. Elle était capable de créer à partir de quasiment rien, de donner vie à des idées qui pour certaines pouvaient paraître absolument inenvisageable, et quelque part, c'était beau. Peut-être pas aussi noble que de sauver des vies, il est vrai. Mais puisque la technologie, comme cette situation l'avait démontré, pouvait y contribuer, ça n'avait rien d'incompatible. En tout cas, la princesse appréciait l'intérêt et le respect que son interlocutrice attachait à son travail, et qui dépassait, en tout cas le pensait-elle, le simple discours d'une personne en soi reconnaissante. Et pour de bonnes raisons, pour le coup.
Elle hocha la tête, quand sa "patiente" observa qu'au sein du SHIELD, il n'y avait pas de quoi chômer. Elle ne voyait aucune nécessité à le confirmer verbalement, c'était en effet évident. Oui, ses compétences étaient loin d'être sous-exploitées au sein de l'organisation. Dans le cas contraire, jamais la jeune femme n'aurait quitté le Wakanda pour se mettre au service du SHIELD. Elle avait une liberté d'expression presque totale, et une utilité réelle.
Finalement, la jeune femme demanda si elle pouvait accéder à son téléphone. Rien à craindre des interférences, logiquement, un coup de fil ne la tuerait pas. Elle allait déjà beaucoup mieux, ça se voyait et ça s'entendait, sans l'ombre d'un doute. Alors elle pouvait bien lui accorder cette faveur. D'autant qu'elle sentait bien que ce coup de fil comptait pour elle, peu importe la personne qu'elle cherchait à contacter. Si ça pouvait lui ajouter du baume au coeur et rassurer certains de ses proches, alors elle ne comptait pas s'en priver. Ce n'était pas grand chose, après tout.
-Oui, ça ne devrait pas poser de problème, confirma-t-elle. Je vous l'apporte. Il est dans votre veste ?
Dans tous les cas, c'était une faveur qu'elle acceptait de lui accorder. En parallèle, elle se posait une multitude de questions, bien évidemment indiscrètes, mais elle allait les garder pour elle malgré tout. Elle devinait que l'appel devait être personnel, elle n'avait pas l'intention de l'épier ou de l'interroger sur la question, ça ne la regardait pas.
Si je vais être coincée dans ce lit pour les heures à venir, autant que l’hôpital soit au courant de ce qui m’est arrivé. Je ne suis pas censée être de garde tout de suite, mais je reste disponible en cas d’urgence. Et actuellement, je ne vais aller nulle part.
« Oui, il devrait être dans ma veste. » Et heureusement que j’ai eu le réflexe de le ranger dans ma poche avant que l’explosion n’ai lieu. Je ne suis pas quelqu’un de très porté sur la technologie de base, sauf lorsque cela concerne la médecine. Mais tout ce qui est téléphone, non, ce n’est pas mon truc. Tout ce qu’il me faut, c’est un téléphone qui fonctionne, qui me permet d’appeler les personnes que je dois appeler et c’est tout.
Lorsque Shuri me l’apporte, je vérifie déjà s’il fonctionne. « Merci » je lui dis lorsque l’écran s’allume, même si les trois micro-fractures qui ne se trouvaient pas sur l’écran avant me font grimacer. Mais au moins, il s’allume. Pendant que les logos familiers se succèdent, je l’essuie du mieux que je peux, essayant d’enlever la poussière. Heureusement, il n’y a pas de sang. Il était assez protégé à vrai dire dans ma poche, même si ça ne l’a visiblement pas empêché de se retrouver avec un écran fracturé.
Je mets à peine quelques secondes à trouver le numéro de mon hôpital principal de rattachement puisqu’il figure parmi mes contacts d’urgence. Je ne vérifie même pas si Shuri se trouve encore dans la pièce, ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à cacher et l’adrénaline coule encore légèrement dans mes veines, me rappelant que j’ai bien failli mourir. Oui, ça me fait un choc léger de me dire que j’ai fini à mon tour sur la table et que sans l’aide et l’expertise de Shuri, je ne serais probablement pas en train d’en parler.
La discussion avec l’infirmière générale de mon service puis plusieurs de mes collègues et enfin le directeur de l’hôpital (comme je suis la chirurgienne en chef de mon service) se passe de la même manière : après une légère inquiétude, ils me demandent mes blessures, mes coordonnées et m’assurent tous de ne pas m’inquiéter à propos de la relève et m’ordonnent de me reposer. Le directeur finit même par me dire qu’il ne veut pas me revoir à l’hôpital avant la semaine prochaine. Terminant l’appel, je repose la tête contre les coussins en souriant. Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de tout ce temps de repos ? Je vais devenir folle.
J’appelle ensuite Stephen et après quelques secondes de silence nerveux, j’entends sa voix rauque à l’autre bout du fil. Rien que le simple fait qu’il prononce mon prénom avec cette once d’inquiétude fait briller mes yeux de larmes. Je ne pensais pas que le simple fait d’entendre sa voix allait me manquer autant et me faire cet effet. « Oui, c’est moi, Stephen. » Je le rassure que je vais bien, que j’ai survécu à l’explosion et que je devrais m’en remettre rapidement. Il semble rassuré et propose d’aller me chercher, mais je l’arrête. « Ça va aller, Stephen. Je me trouve au SHIELD, même si je ne sais pas exactement où. » J’en ris. Mais je sais que si les rôles étaient inversés, je voudrais aussi aller chercher Stephen, même si nous ne sommes plus ensemble, même si notre relation est plus que compliquée. De plus, je peux entendre la remise en question dans son ton, il a toujours eu du mal à croire que quelqu’un serait capable de faire le boulot mieux que lui, moi y comprise.
Mais je continue de lui parler au téléphone un peu plus longtemps, juste afin d’entendre sa voix, comme au bon vieux temps.
huri s'affairait à ses propres activités tandis que sa patiente passait ses coups de téléphone. Elle faisait au mieux pour ne pas laisser traîner son oreille où il ne fallait pas, mais elle devait tout de même reconnaître que c'était bien tentant... Pour palier cette tentation, elle trouva un prétexte imaginaire et s'éloigna un moment. Elle se doutait que Christine devait avoir beaucoup de personnes à appeler, à rassurer. C'était normal. D'autant plus que les circonstances avaient peut-être laissé imaginer à certains qu'elle ne s'en était pas sortie. Shuri, de son côté, se sentait rassurée.
La tension pouvait retomber, à présent. Christine serait bientôt sur pieds, et toute cette histoire, si elle laisserait peut-être son empreinte dans l'esprit de cette femme, serait malgré tout de l'histoire ancienne... Elle avait fait ce qu'il fallait, etelle ne pouvait que se sentir rassurée de ne pas avoir failli. Ce n'était pas la première fois qu'une vie humaine reposait entre ses mains, même si elle n'était pas médecin, techniquement... à chaque fois, les personnes concernées s'en étaient sorties. Malheureusement, il y avait un début à tout, et elle était heureuse que ce début soit reporté à plus tard, d'autant plus qu'elle éprouvait une sympathie sincère et naturelle pour Christine.
Quand elle revint de ses occupations imaginaires, elle était encore au téléphone. Elle parlait à un certain Stephen. Elle ne chercha pas à en savoir plus... elle songea seulement que parler à cet homme avait eu l'air d'être important pour elle. Chose qu'il lui semblait distinguer à quelques signes infimes : son regard, son sourire, le ton de sa voix... mais en même temps, peut-être qu'elle se trompait totalement. C'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait s'empêcher d'y aller de ses suppositions. Malgré tout, elle fit semblant d'être particulièrement occupée (et elle finit par l'être réellement, en même temps, Shuri était du genre hyperactive, elle avait toujours un truc à faire dans tous les cas), jusqu'à constater que Christine n'était plus au téléphone.
-C'était votre petit ami ? se permit-elle de demander avec un léger sourire.
Bien sûr, son interlocutrice pourrait toujours décider de l'envoyer promener, ou juste de ne pas répondre, elle n'en prendrait pas ombrage, mais elle estimait sa question suffisamment innocente pour pouvoir la poser sans mettre d'office son interlocutrice mal à l'aise.
Parler à Stephen en cet instant est plus agréable que toutes les conversations que nous avons pu avoir durant les dernières semaines, voir mois. En partie parce qu’il y a toujours eu ce gouffre entre nous, cette différence primordiale qui a sans doute été la raison de l’échec de notre relation, cette différence qui fait que nous faisions le même métier, mais pour des raisons différentes, cette différence qui nous a éloigné l’un de l’autre alors que nous étions plus proches que jamais.
Et ce gouffre n’a fait que grandir après notre rupture, malgré les petites plaisanteries souvent coquines, nostalgie d’un passé de vie commune durant presque une décennie, jusqu’à surpasser le Grand Canyon après son accident. Ses secrets n’ont pas aidés, ni ma capacité à vraiment me détacher complètement. C’était comme si le destin nous mettait en permanence l’un sur le chemin de l’autre sans nous permettre de marcher sur ce chemin ensemble. Un avant-goût sans jamais vraiment pouvoir goûter à l’intégralité. Et je sais que je devrais l’accepter, j’ai commencé à le faire, mais c’est un processus long et douloureux.
Mais comme toute chose, l’appel finit par se terminer, sa voix ne résonne plus dans mes oreilles et je repose mon téléphone sur mes cuisses, l’écran indiquant encore son numéro jusqu’à ce qu’il raccroche quelques secondes plus tard, comme si lui aussi ne savait pas vraiment quoi dire, quoi faire. Bien sûr, il est rassuré de savoir que je vais bien, mais les mots n’ont jamais été sa spécialité. Il est juste incapable de parler de ses sentiments à travers la parole, est incapable de montrer qu’il tient, que je compte. Il le fait par des gestes, des actions, mais ne me le dira jamais en face. Et de toute manière, nous ne sommes plus ensemble.
C’est pourquoi la question de Shuri me fait sourire amèrement et j’en ris un peu pour cacher la gêne grandissante. « Non, c’était mon ex. Et aussi un ancien collègue. Le meilleur chirurgien que je connais. » Jusqu’à son accident du moins. Dieu sait qu’il est incapable d’opérer maintenant, ne serait-ce même que mettre des points de suture.
Je n’ajoute pas que je risque malheureusement de ne pas réussir à trouver un autre partenaire convenable. Qui peut être comparé à Stephen ? Certes, il a ses défauts et ils prennent beaucoup de place, mais il est fait d’un tout autre matériau que tous les hommes que j’ai côtoyés dans ma vie. Il est plus intense que tous les autres, plus extrême. Ce qui a rendu la séparation beaucoup plus violente aussi. Tout est fait dans les extrêmes avec Stephen, ça a toujours été ainsi.
Son ex, bon d’accord, elle ne l’aurait pas devinée, celle-là. Comme quoi, ce n’était pas un mythe, certains exs étaient capables de rester en bons termes après leur rupture. Certes, Shuri avait eu quelques exemples sous les yeux pour le lui prouver, mais quand même, à jauger sa seule attitude au téléphone, elle aurait vraiment parié que le Stephen en question était plus qu’un ami. Bon, elle n’y connaissait rien, et elle n’allait pas prétendre être la meilleure en matière de psychologie. Malgré tout, elle se demandait s’il n’y avait pas anguille sous roche.
Dans tous les cas, on saurait lui faire remarquer que ça ne la regardait pas du tout, d’autant plus que Shuri et sa « patiente » se connaissaient à peine, pour ne pas dire qu’elles ne se connaissaient pas du tout. Mais c’était comme ça, la jeune femme avait toujours été une grande curieuse, et du genre à fourrer son nez dans les affaires qui ne la concernaient pas. Si sa vie sentimentale était réduite à… rien du tout si ce n’est quelques flirts sans la moindre conséquence, la jeune femme adorait se mêler de la vie sentimentale des autres. Généralement, c’était T’Challa qui en entendait parler le plus, mais parfois, la jeune femme savait changer de cible. Encore qu’elle ne se permettrait pas forcément de se montrer plus indiscrète qu’elle ne l’avait déjà été en cet instant. Elle avait déjà largement dépassé les bornes et elle en avait parfaitement conscience.
En tout cas, que l’ambiguité que Shuri semblait percevoir soit fondée ou non, il y avait une chose dont la jeune femme pouvait bien être certaine, et c’était le fait que la jeune femme avait vraiment de l’admiration, au-delà de l’amitié, pour son ancien collègue. Pourquoi ancien ? Elle ne se posa pas vraiment la question. Elle se disait qu’il devait tout simplement travailler dans un autre hôpital à ce jour. Ou bien l’inverse ? Ce n’était pas ce qui l’intéressait le plus dans tous les cas.
-Le meilleur jusqu’à aujourd’hui, se permit de plaisanter Shuri. En faisant référence à elle-même donc.
Mais bien sûr, elle n’était pas vraiment sérieuse. Non, elle ne se considérait pas comme la meilleure chirurgienne qui existe, même pas vraiment comme une chirurgienne tout court. Disons plutôt qu’elle maîtrisait une technologie qui, incidemment, permettait aussi d’opérer les grands blessés. Mais elle ne cherchait pas à être prise au sérieux dans tous les cas. Juste à faire une pointe d’humour… Tout en se retenant au passage de demander plus de précisions à la jeune femme sur sa relation avec ce fameux Stephen. Si elle voulait lui en dire plus, libre à elle, elle y était plus qu’invitée.