C'

était sans doute la mission la plus frustrante qu'elle se soit jamais confiée à elle-même, et pourtant, peut-être l'une des plus importantes également. D'ordinaire, son mode opératoire était très simple. Elle se rancardait sur la personne qu'elle cherchait à abattre, venait lui dire un petit bonjour dans sa planque, et l'abattait dans la foulée, lui et tous ses éventuels petits copains avant de passer aux suivants. Là, force lui était de bouleverser ses habitudes. Et pour cause, la cible qu'elle avait dans le collimateur était une cible qu'il fallait interroger avant que de la refroidir, et se rancarder à son sujet s'avérait bien plus délicat que cela ne l'était quand elle s'intéressait à de quelconques dealers ou maquereaux qui n'avaient de réputation que dans les milieux obscurs qu'ils assombrissaient encore de leur présence. Là, la cible n'était ni plus ni moins que Norman Osborn, le PDG certes estimé par certains et peu apprécié d'autres, mais à qui l'on ne prêterait certainement pas cette facette que la mini-justicière savait pouvoir lui attribuer. Norman Osborn était le bouffon vert, ce seul motif aurait suffi à la volonté de la demoiselle de lui trancher la tête d'un coup sec et maîtrisé. Sauf que Norman Osborn, au sens propre comme au figuré, avait également engendré le Hobgoblin, et dans la position délicate de vouloir détruire le Hobgoblin et de garder Harry Osborn en vie, Mindy n'avait d'autre choix que de guetter, se renseigner, d'attendre le moment idéal pour atteindre Osborn père, lui faire cracher un éventuel antidote et lui faire lâcher son dernier souffle. Mais l'atteindre, c'était une autre paire de manche, d'autant que, grâce à l'opération foirée de la dernière fois, elle ne pouvait pas se contenter de s'infiltrer dans sa tenue de Hit-Girl dans les locaux d'Oscorp et se la jouer bourrin comme bien souvent. En tenue civile, donc, elle se contentait de guetter quotidiennement autour des locaux d'Oscorp, glanant autant que possible, et aussi discrètement que possible, toutes les informations qu'elle pouvait au sujet du nouvel ennemi à abattre, le numéro 2 sur sa liste (après Chris d'Amico, ça va de soi). Ce fut dans cet état d'esprit qu'elle aborda un homme qui sortait tout juste de l'immeuble devant lequel elle était postée depuis plusieurs bonnes minutes déjà, et qui lui donnait tout l'air d'être un employé de M. Osborn.

-Hey vous ! l'interpela-t-elle d'un ton peut-être un peu trop indélicat, mais bon, on parle de Mindy, là, elle allait pas non plus battre des cils et l'inviter à jouer au bridge et prendre le thé. Tout ce qu'elle voulait, c'était attirer son attention, et il lui semblait que cela avait marché. Elle se rapprocha de lui, pour se retrouver à son niveau... Enfin, façon de parler, car de manière générale, elle était plus petite que la moyenne. De manière générale, donc, elle devait lever les yeux pour soutenir le regard de ses interlocuteurs. Vous bossez chez Oscorp ?

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B

ruce Banner, ou devrais-je plutôt dire Jim Wayne, sortait d'une nouvelle journée de travail, tout content, le sourire aux lèvres. Il rentrait tranquillement chez lui dans son petit appartement discret de 12 mètres carré qu'il pouvait désormais entièrement payer grâce au salaire qu'il recevait en travaillant chez Oscorp. De plus, son ami aubergiste qui avait réussit grâce à ses relations à lui dégoter une nouvelle identité avait accepté de le fournir gratuitement en nourriture. De quoi pouvoir faire trois repas suffisants par jour. Plus le temps passait, plus Bruce Banner songeait oublier, effacer complètement son ancienne vie sans en laisser aucune trace. Oublier sa famille, une grande partie de ses amis… Betty. Betty Ross. La seule personne qu'il ait le plus aimé dans sa vie. Seulement, pouvait-il s'y résoudre ? Chaque années qui passaient attisaient la nostalgie de Bruce qui continuait de rêver du temps où sa vie était on ne peut plus normale. Avant qu'il fasse la bêtise de s'exposer à ces rayons qui permirent au Hulk de pouvoir enfin s'exprimer en ayant les pleins contrôles. Du temps où il ne tuait pas de pauvres innocents contre sa volonté. Avant d'être exposé aux rayons qui créèrent l'incroyable Hulk, Bruce avait encore les moyens de venir à bout des plans que l'autre planifiait dans sa tête et contre sa volonté. Il pouvait encore canaliser ce concentré de haine qui ne cherchait qu'à répandre la douleur et la souffrance. Mais il avait suffit d'une petite bêtise pour que le monde s'écroule en même temps que la vie de Bruce Banner.

Enfin, alors que le physicien (qui était désormais heureux de ne plus avoir à rajouter le qualificatif ''ex'' avant ce mot) entamait sa route pour rentrer chez lui, il fut interpeller assez brusquement par une jeune fille aux cheveux blonds et à l'allure d'une étudiante en fin de lycée qui se rapprocha de lui après avoir réussit à capter son attention. Pour vérification, Bruce s'était tourné à droite, à gauche, et avait fait demi-tour pour s'assurer que c'était bien à lui que l'on s'adressait. Et finalement, anxieux, il rangea ses mains dans les poches de sa veste avant de demander, la voix modifié par la peur et la timidité : ''Moi ? Qu… Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?'' En son for intérieur, il sentait son cœur qui commençait à battre à toute allure. Sa tension devait avoir facilement dépassé les dix-huit sans difficulté. C'était comme si le Hulk en lui prenait la peine de frapper à la porte en disant : ''Hey ? Tu veux un coup de main ?'' Mais Bruce avait progressé de son côté. Il savait contrôler l'autre quand il n'était pas clairement menacé.

La jeune femme s'approcha donc, et Bruce nota qu'elle semblait beaucoup plus grande de loin que de près. Il fallait dire aussi qu'elle dégageait une sacrée présence qui semblait écraser tous ceux qui se trouvaient aux alentours. Elle lui demanda si il travaillait chez Oscorp. Bruce baissa légèrement le regard un enfant baissant les yeux devant sa mère en train de le disputer. Nerveux, il ne s'était pas rendu compte qu'il était en train de frotter ses mains l'une contre l'autre à cause de son anxiété. Alors, sans réfléchir et tout en bégayant légèrement, il répondit : ''Ça dépend… Qui le demande ?''

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Q

uand Mindy abordait sa tenue de Hit-Girl, il fallait attendre que les premiers coups pleuvent pour que ses adversaires reconnaissent devoir se montrer anxieux et intimidés, et comprennent que malgré son petit gabarit, elle était parfaitement capable de leur maraver la face bien comme il faut. En civil, elle n'avait logiquement pas ce genre d'autorité, puisqu'elle devait se retenir de porter trop fort ses coups (quoi qu'elle ne se retenait pas forcément toujours), en tous cas, elle ne s'attendait pas, en abordant un homme bien plus âgé qu'elle, qu'il fasse preuve d'autant de timidité à son adresse. Certes, elle l'avait abordé forte de son assurance toute naturelle, mais son fort caractère ne suffisait pas toujours à attiser de telles attitudes. Elle n'était pas certaine que ça l'arrangeait, d'ailleurs, quoi qu'au moins son interlocuteur ne se contentait pas de lui tourner le dos et de l'envoyer paître. Elle avait au moins réussi à l'intriguer, et tout dans sa réponse, même s'il ne l'avait pas exprimé en ces termes, paraissait lui signifier que les apparences ne la trompaient pas, et qu'il était effectivement employé chez Oscorp. L'homme ne perdait pas le nord, il lui demandait de décliner son identité avant qu'il ne décline la sienne. Ça ne l'arrangeait pas forcément, mais soit, quels autres choix avait-elle, de toute façon ? Si elle voulait glaner autant d'informations que possible, il allait falloir qu'il y mette du sien. Elle s'inventa donc rapidement une identité et une raison de l'aborder, donner son vrai nom, alors qu'il était fiché parmi les autorités, n'était pas la meilleure idée au monde, l'interroger directement sur Norman Osborn en lui expliquant directement pourquoi aussi.

-Je m'appelle Mindy Williams. Elle afficha sur ses lèvres un sourire, de ceux qui voulaient désamorcer son autorité de tout à l'heure et lui donner l'air plus humble et plus égarée. J'essaye désespérément d'entrer en contact avec quelqu'un qui travaille ici, j'ai fais une demande de stage il y a plusieurs semaines, et chaque fois que je tente d'appeler, je tombe sur un répondeur.

C'était la première excuse qui lui était venue, dans l'urgence, mais elle lui semblait plutôt crédible, après tout. Elle avait tout à fait l'âge d'une étudiante pas encore diplômée en recherche de stage, et elle se doutait que les demandes de stage devaient pleuvoir au sein de cette entreprise, beaucoup sans la moindre réponse. Elle allait passée pour une gamine capricieuse qui ne sait pas comprendre qu'un silence signifie non, mais ça lui était plus qu'égal, du moment qu'elle trouvait un prétexte pour cuisiner un peu son interlocuteur et en apprendre ainsi davantage sur son illustre employeur. Elle n'avait pas trouvé manière plus subtile de procéder. Déjà, elle avait réussi à faire preuve d'un semblant de subtilité, et n'avait prononcé aucun mot grossier, de sa part, ça relevait dors et déjà d'un petit exploit.

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''A

llez Bruce, bon sang de bois ! Ce n'est qu'une gamine ! Tu ne vas pas te laisser intimider par ça ! Si ?'' Ces mots raisonnaient en Banner comme un ordre donné directement par l'Autre qui sommeillait en lui. Ça ne sonnait pas comme des encouragements, plutôt comme un sermon exaspéré. En même temps, cette jeune femme ne lui avait rien fait. Certes, elle l'avait interpellé un peu trop fort à son goût, mais il ne fallait pas en faire une affaire d'état. Et même si sur le coup Hulk était prêt à lui en retourner une aussi sec pour avoir osé lui parler de la sorte, Bruce avait réussit à bien le canaliser. Si le physicien n'arrivait même plus à garder son calme face à une jeune adolescente en pleine crise (simple supposition), alors ça voudrait dire que tout était fichu et qu'il n'avait plus qu'à se caler une balle dans la tête… Ah oui, non… C'est vrai… J'avais oublié.

La jeune femme se présenta. Son sourire quelque peu rassurant enleva l'hésitation de Bruce. ''Jim Wayne'' se contenta-t-il de répondre, avec une voix qui avait encore un niveau assez bas. Mindy semblait vouloir rentrer elle aussi à Oscorp. Bruce se souvenait combien ça avait été difficile pour lui. Il était allé jusqu'à bousculer involontairement le directeur de la structure (c'était VRAIMENT involontaire, promis juré) et à lui hurler dessus avec l'Autre commençant à prendre le dessus. Oui, je l'admets, il y avait mieux comme rencontre pour un entretien d'embauche. Malheureusement… ''Je… Je suis désolé mais… Je ne travaille pas ici depuis très longtemps et je n'y connais vraiment rien concernant les entretiens d'embauches… Je suis désolé… Je sais juste que les gens à l'accueil ne sont pas très aimables, qu'envoyer son C.V. par courrier revient au même que si on le mettait à la poubelle et qu'un coup de téléphone risque de toujours nous mettre en relation avec la messagerie… Voilà…'' En toute honnêteté, c'était la seule réponse que Bruce pouvait donner à la jeune femme. C'était triste, mais c'était ainsi. Encore plus désolé et plus mal à l'aise qu'avant, il ajouta : ''J'espère que vous aurez votre chance vous aussi. Bonne journée'' avant de tourner les talons et de partir d'un pas précipité.

Il regrettait profondément de ne pas pouvoir l'aider davantage. De plus, elle semblait quelqu'un de très posé et de très ouvert à la conversation. Dommage que Bruce soit encore ce trouillard moins que rien qui craignait le moindre contact avec les autres êtres humains… Il fallait dire aussi que passer sa vie à éviter les autres pour ne pas les menacer de mort était quelque chose de difficile à vivre. Cela pouvait laisser des séquelles pour le reste d'une vie.

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B

on, il lui faudrait plus d'entraînement que ça pour que Mindy finisse par remporter l'Oscar de la meilleure actrice, mais visiblement, elle avait quand même réussi à rattraper son... agressivité de tout à l'heure (qui ressemblait à s'y méprendre à son comportement de tous les jours). En tous cas, son interlocuteur paraissait mordre à l'hameçon. Elle ne savait pas le moins du monde si interroger cet homme allait la mener où que ce soit, mais puisqu'il lui fallait impérativement un passe-droit pour rentrer dans Oscorp, elle faisait ce qu'elle pouvait. Ce ne pouvait pas être du temps perdu quoi qu'il en soit que de chercher à se rencarder auprès des employés de la firme maléfique (ou plutôt que Mindy décidait de considérer comme telle depuis qu'elle avait découvert que son grand patron était un psychopathe fini). Son interlocuteur eut non seulement la décence de trouver son mensonge efficace (elle en eut l'impression tout de moins), mais en plus de faire réellement preuve de compassion à son encontre plutôt que de moquer son comportement frondeur. Certes, il compatissait donc à une situation qui n'existait pas le moins du monde, il faut bien le reconnaître, mais le capital sympathie qu'elle avait potentiellement pu se donner était sans doute un point positif, qu'elle pourrait exploiter du mieux possible. Bref, elle avait au moins su attirer l'attention de son interlocuteur, su l'inviter à parler, et calmer un courroux dont elle n'avait pas la moindre idée de l'impact. Il lui expliqua qu'il était bel et bien un employé d'Oscorp, mais que ça n'avait pas été sans difficulté, que son CV n'avait pas reçu la réception qu'il espérait et, bref, qu'il espérait qu'elle serait plus chanceuse. Ces derniers mots, ceux où il lui affirmait qu'il espérait qu'elle parviendrait à ses fins, étaient sans doute pure formule de politesse, mais elle allait justement profiter de cette politesse pour insister un peu plus. Elle ne pouvait pas le laisser filer. Pas alors qu'elle tenait peut-être avec lui l'un des meilleurs moyens qu'elle avait pour l'instant d'approcher Norman Osborn, même si elle n'irait peut-être pas très loin en se contentant d'alpaguer une toute nouvelle recrue, et qui n'était donc pas au fait de ce dont son très cher boss pouvait être capable et de ce qu'il mijotait dans ses petits laboratoires secrets.

-Attendez ! dit-elle dans l'espoir de le retenir, même s'il allait peut-être l'envoyer sur les roses histoire d'avoir la paix une bonne fois pour toutes (ce qui serait parfaitement compréhensible, au demeurant). Vous, comment vous avez fait pour vous faire embaucher, alors ?

Si personne n'avait prit la peine de lire son CV, si ses coups de téléphone étaient resté sans réponse, et s'il travaillait tout de même chez Oscorp (même si cela ne faisait pas longtemps), c'est bien qu'il était parvenu à passer entre les mailles du filet. Bon, en soi, la façon dont il avait pu s'y prendre ne l'intéressait qu'à moitié... Non, même pas à moitié, à un tiers, on va dire. Mais elle n'avait pas l'intention de laisser filer si vite son interlocuteur. Elle n'avait pas encore épuisé toutes ses cartes, et elle comptait bien les abattre jusqu'à la dernière pour parvenir à ses fins.

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