Ceux qui le connaissaient bien étaient unanime : Cyclope était quelqu’un de posé. Capable de planifier, de poser des plans et de les modifier même en cas de stress intense. Quelqu’un qui savait parfaitement garder la tête froide en toutes circonstances, capable de se concentrer et de repousser ses émotions, jusqu’à ce qu’il soit temps de les montrer. Quelqu’un qui ne se jetait pas tête la première dans la bataille, mais prenait toujours la peine de réfléchir. De planifier. Quelqu’un qui, en somme, ne se laissait pas guider par ses émotions… ou qui, du moins, essayait d’y résister de toutes ses forces.
Parce que le jeune mutant qui traversait l’Institut au pas de charge, clairement, était très loin du calme et posé Cyclope. Très loin du leader des X-mens qui planifie chaque détail. Non. Cet après-midi, Scott était plus énervé qu’autre chose. Et l’objet de sa fureur avait même un nom : Logan. Celui-là même qui n’hésitait pas à flirter avec Jean, y compris en sa présence. Celui qui s’obstinait à le provoquer, à le défier, que ce soit en geste ou dans ses paroles. Celui qu’il aurait pu qualifier sans trop de peine d’ennemi mortel, si ce n’était qu’ils étaient dans le même camp. Bref, Logan l’avait encore fait sortir de ses gonds et cette fois, Scott le pacifiste en avait marre de tendre l’autre joue. Même s’il était tenté de lui laisser une dernière petite chance, gardant sa fureur sous clé autant qu’il le pouvait. Histoire de préserver le calme de l’institut au maximum.
Il avait essayé d’être amical, pourtant. Enfin, autant qu’il l’avait pu, c’est –à-dire, peut-être pas avec la même ardeur que Jean avait exigé. Il avait essayé de s’entendre avec l’homme, de se trouver des points communs, de passer outre ses remarques assassines et ses gestes bien trop appuyés à l’égard de sa fiancée. On ne pouvait pas lui reprocher grand-chose, il avait essayé. Promis. Avec presque assez d’entrain pour donner le change. Sauf que clairement, ça ne marchait pas. Logan étant à peu près tout ce que Scott n’était pas, et vice-versa, une entente semblait très peu probable… une entente cordiale encore moins.
Et si le premier sujet de désaccord était sa copine, ce que Scott s’efforçait d’ailleurs de ne pas trop souligner histoire que la jeune femme oublie la possessivité de ce mot, le second était sans doute sa moto. SA moto, cette fois. Son bébé, qu’il bichonnait avec grand soin et que ce… crétin s’obstinait à emprunter sans permission. Pour ne pas dire volait, en fait.
Le mutant s’était promis d’être diplomate : il ne savait pour quelle obscure raison, Jean semblait considérer ce gros balourd comme un ami, attisant la jalousie de Scott. Bien sûr, il se montrait protecteur envers la jeune femme, trop selon ses dires, mais pas au point de l’isoler non plus. Mais… lui, quoi ! Elle n’aurait pas pu se choisir quelqu’un de plus civilisé comme ami ? Et le professeur Xavier qui, lui aussi, semblait s’être entiché de ce mutant brutal et complètement crétin… enfin bref. Cyclope s’était promis de se montrer diplomate, malgré le fait qu’il avait déjà souligné que c’était sa moto, et que franchement, il était prêt à la prêter. Enfin, pas à Logan certes, mais bon, puisque ce dernier n’avait même pas daigné lui poser la question, il n’avait pas eu à lui répondre.
Quoi qu’il en soit, cette fois, c’était la goutte d’eau. Scott avait eu besoin de l’engin la veille, pour retrouver l’emplacement vide, la moto envolée, et Wolverine volatilisé. Le principal suspect. Et quand la moto était réapparue, le réservoir à sec et nécessitant un bon nettoyage, Scott s’était résolu à remettre le sujet sur le tapis. Diplomatiquement, donc. L’autre mutant ne lui faisait par peur, malgré son air peu recommandable, et s’il fallait lui rentrer dedans pour être entendu, soit. Le fait qu’il soit jaloux de sa proximité avec Jean n’entrait absolument pas en ligne de compte. Aucun rapport. Scott avait donc attendu d’avoir terminé ses cours pour confronter l’autre imbécile, et malgré sa décision de se montrer calme et diplomate, il ne pouvait empêcher ses pas décidés de trahir la colère qui le prenait dès qu’il pensait à Logan. Et sa moto. Et Jean. Et… non. Sa moto. Il était là pour parler de ce qui lui appartenait, et la jeune femme ne lui appartenait pas, elle avait été très claire là-dessus. Il ne devait pas se laisser embarquer là-dedans.
Avisant l’homme dans un couloir non loin de sa salle de cours, où il pensait le trouver, Le jeune mutant se fendit d’un salut presque courtois, avant de lui lancer un trousseau de clés. Il lui importait peu que le mutant les attrape au vol ou pas. « Ce sont les clés d’une des voitures à disposition de tous » indiqua-t-il. « Puisque visiblement tu as plus de mal à les trouver que les miennes ». Diplomate, n’est-ce pas ? Pas d’énervement, pas de réaction puérile, pas de plainte ou de menace. Franchement, il était presque fier de lui-même.