n pourrait sans doute s'imaginer qu'à force de s'y faire ramasser par des hommes rarement scrupuleux moyennant paiement, Vanessa aurait en horreur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un bar en dehors de ses heures de travail. Mais ce n'était pas le cas. D'accord, elle évitait autant que possible de fréquenter les bars où elle officiait en dehors de son "service", ne serait-ce que pour éviter la confusion, mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'aimait pas juste se poser sur une chaise, commander à boire et profiter de l'ambiance bruyante d'un bar plus ou moins animé, avec son cortège de poivreaux plus ou moins alcoolisé. Elle s'y rendait sans doute même trop souvent pour ce que son foie pouvait potentiellement avoir envie de tolérer, mais c'était sans compter sur sa descente prodigieuse et son incommensurable goût pour toute boisson à base de vodka.
Cette fois, et puisqu'elle se trouvait dans le coin, Vanessa avait décidé de partir à la découverte d'un bar qu'elle ne connaissait pas (en même temps, même à grands renforts de tournée des bars tous les soirs, connaître l'intégralité des bars de New York relèverait de l'exploit pur et dur), l'occasion de découvrir... et aussi de ne pas croiser certaines têtes qu'elle n'avait pas forcément envie de voir ce soir en particulier. Parfois, c'était juste agréable de se fondre dans la masse, et ce soir-là, c'était ce dont Vanessa avait le plus grand besoin.
Elle en donnait l'air le moins possible, elle ne voulait appitoyer personne, encore moins s'appitoyer sur son propre sort, mais le fait est qu'elle n'était pas vraiment au meilleur de sa forme. Wade lui manquait, c'était aussi simple que ça. Tous les soirs (ou matins, tout dépendait de ses horaires), elle retournait dans son appartement désespérément vide, et forcément, ça lui donnait le cafard. Dans un premier temps, elle s'était attendue à tout instant à ce que Wade passe le pas de la porte, revienne sur sa décision, lui revienne. Mais il n'était jamais revenu, il ne reviendrait plus, elle savait très bien ce que ça voulait dire...
Et quand elle y pensait trop, forcément, ça lui filait un bourdon monumental, et il n'y avait bien qu'une seule manière d'y remédier.
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ avait pris le rythme maintenant. Il est vrai qu’au début, c’était assez compliqué de tenir derrière un bar, surtout les soirs d’influence comme le weekend, les clients affluaient de partout, elle était sans cesse appelée pour servir telle ou telle boisson… on perdait vite le file, mais MJ était habituée, et les soirs où elle travaillait se passaient toujours bien. Elle n’avait jamais eu d’incident, quelques clients se montraient dragueurs parfois, mais aucun n’avait vraiment été lourd ou trop insistant, elle savait gérer dans tous les cas. Mais au final, elle s’était faite à ce job, et elle l’appréciait. Elle n’en ferait pas une carrière, bien évidemment, mais il y avait pire comme travail, du moins pour elle. MJ était une fille qui aimait le monde, qui aimait être entourée, et il n’était pas rare qu’elle rencontre et discute avec quelques clients le temps de son service.
Cela aidait à passer le temps, et MJ appréciait cet aspect de son métier aussi. Elle était toujours épuisée quand elle rentrait, c’est vrai, mais au moins, elle avait gagné de l’argent. C’est pour ça qu’elle le faisait, pour aider sa tante à assumer les dépenses. Elle savait que ce n’était pas simple pour elle, qu’elle n’avait pas non plus à tout payer pour elle, mais MJ était vraiment touchée par la générosité de sa tante, et elle comptait bien lui montrer combien elle lui était reconnaissante, et qu’elle la remerciait vraiment. Elle se sentait vraiment bien avec elle en plus de cela. Bien mieux qu’avec sa sœur ou son père.
En tout cas, la soirée n’était pas trop speed pour une fois. Il y avait du monde oui, mais c’était tout de même calme, et MJ avait le temps de faire les choses correctement. Tant mieux, elle n’aimait pas bâcler les choses et devoir se presser. Elle servait les clients tranquillement, efficacement et avec le sourire, et cela rendait sa soirée bien plus agréable. Ce n’était pas comme ça tous les soirs, alors elle en profitait, logique. Elle remarqua la femme qui vint s’assoir au bar, elle ne se souvenait pas l’avoir déjà vue en tout cas, et elle ne semblait pas au meilleur de sa forme.
-Une vodka, s'il vous plaît.
Mary Jane s’empara aussitôt du verre adéquat avant d’y verser l’alcool demandé, elle n’était pas du genre à contester l’avis des clients, ils buvaient ce qu’ils voulaient. Les seules fois où elle disait non, c’est quand les clients étaient déjà complètement souls, c’était les ordres qu’elle avait, on arrêtait de servir un homme ou une femme qui avait déjà eu une consommation d’alcool bien trop importante. Elle déposa ensuite le verre devant la jeune femme délicatement.
anessa s'empara de son verre une fois servi et en vida la moitié du contenu en une gorgée. Sentir la brûlure de l'alcool contre sa gorge lui faisait du bien... même si ça faisait peut-être d'elle un cliché sur pattes. La pute alcoolique qui avait attendu qu'un homme la tire de sa misère affective le tout pour se retrouver le bec dans l'eau... le bec dans la vodka, en l'occurrence. Bah... cliché ou pas, elle en était là, et boire lui faisait du bien, alors ce n'était pas tout de suite qu'elle allait choisir d'être sobre. Elle s'apprêtait à replonger dans son verre quand la serveuse lui fit la conversation. Vanessa leva les yeux vers elle.
Bah, parler à la serveuse, c'était déjà moins pathétique que de taper la discute à sa boisson. Et puis, elle avait l'air sympa, cette fille. Elle en connaissait des moins aimables, dans d'autres bouges. Mais en même temps; elle n'était pas exactement dans un bouge en l'occurrence, plutôt dans un bar un peu festif, où les gens venaient célébrer, pas se morfondre. C'était clairement le cadre dont elle avait besoin à l'heure actuelle.
-On peut dire ça comme ça, répondit Vanessa.
Dure journée, sans doute, en tout cas, ça n'avait pas été la meilleure qu'elle ait jamais passé. Mais dans le fond, elle en avait déjà connu de pires. Le jour où ils avaient découvert que Wade avait le cancer, le jour où Wade était parti... Bref, tous associés à la même personne. Mais en même temps, elle pouvait également associer ses meilleurs souvenirs à Wade. Logique, sans quoi les mauvais ne seraient pas à ce point douloureux, en fin de compte.
Vanessa jaugea un instant. Est-ce qu'elle avait assez vu pour raconter sa vie à une parfaite inconnue ? Non, sans doute pas. D'un autre côté, la jeune femme n'avait pas vraiment besoin d'avoir bu pour ça. Elle sentait qu'elle avait besoin de parler, et l'avantage de le faire avec une personne qui ne la connaissait pas, c'est qu'elles pourraient mutuellement oublier leurs existences respectives le moment venu.
-Ca fait des mois que c'est une dure journée, ajouta-t-elle finalement avant de finir son verre en une nouvelle gorgée. Je peux en avoir un autre ?
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ savait que rien dans son contrat ne l’obligeait à discuter avec les clients, mais cela ne la dérangeait pas, au contraire. Ça lui faisait passer le temps au moins. Il y en avait des moins ouverts à la conversation que d’autres, et certains étaient trop bizarres ou semblaient trop louches pour qu’elle se risque à engager la conversation. Elle savait que certains appréciaient parler à des inconnus, se confier au barman était un truc répandu, même si en l’occurrence, c’était une barmaid. Si MJ avait voulu s’engager sur une carrière de psychologie, elle aurait déjà de bonnes bases, mais il n’en était rien. Mais il est vrai qu’elle avait déjà entendu pas mal d’histoires depuis qu’elle travaillait ici.
Elle ne savait rien de la femme installée au bar, mais en tout cas, elle ne semblait pas être en grande forme. En même temps, ceux qui venaient seuls ici n’étaient jamais très jouasses. Certains venaient se souler, pour oublier la plupart du temps. C’était malheureux tout de même, de voir des gens en arriver là, mais MJ ne jugeait pas. Même si elle n’était pas pour la consommation abusive d’alcool, un paradoxe étant donné sa profession, mais ce n’était que temporaire.
-On peut dire ça comme ça.
MJ se demandait ce qui pouvait mal se passer pour cette femme. Elle était jeune, belle, elle ne semblait pas être dans le besoin. Peut-être une peine de cœur ? Ou un problème avec son travail, ou sa santé. Il y avait de nombreuses possibilités, et il était impossible de deviner avec seulement un coup d’œil. Il ne serait peut-être pas très poli de demander à la jeune femme ce qui la tracassait, et mal placé, mais elle avait peut-être envie de parler.
En tout cas, elle semblait avoir une bonne descente, étant donné que son verre était déjà presque vide. Soit elle avait l’habitude, soit elle en avait vraiment besoin. Ou alors, il y avait simplement des deux. Quoiqu’il en soit, la jeune femme se sentait curieuse, elle n’osait pas trop poser des questions, parce qu’elle ne voulait pas sembler indiscrète ou inquisitrice, mais la curiosité était tout de même présente.
-Ca fait des mois que c'est une dure journée. Je peux en avoir un autre ?
MJ hocha la tête et prépara un autre verre. Elle n’était pas habilitée à refuser de servir les clients dans tous les cas, sauf quand ceux-ci étaient déjà trop souls et que cela devenait dangereux, ce qui n’était pas le cas de cette femme. Elle en était à son premier verre. Elle déposa la boisson doucement en face d’elle et la regarda durant quelques secondes, hésitante.
anessa récupéra son verre et le but plus lentement que le précédent, se contentant d'une simple gorgée quand la serveuse lui demanda si elle avait envie d'en parler. La jeune femme observa un moment son interlocutrice sans répondre. A la vérité, elle n'en savait trop rien. Parler de tout cela ne changerait rien à sa situation, et elle n'était pas certaine que cela lui ferait du bien. En même temps, tout garder pour elle ne l'aidait pas davantage. Vider son sac, avec une personne qui ne la connaissait pas et ne la reverrait sans doute jamais, ça pourrait peut-être l'aider ? Ou pas.
Mais dans le pire des cas, elle pourrait tout simplement se taire et oublier cette discussion dans un peu plus d'alcool. Après tout, ce n'était pas comme si ressasser tout cela allait l'empêcher d'y penser faute d'en parler. Elle s'ôtait difficilement Wade de l'esprit, c'était plus fort qu'elle. Alors elle but une nouvelle gorgée, comme pour se donner du courage, elle prit une grande inspiration. Et décida que oui, elle avait envie d'en parler.
-Il n'y a pas grand-chose à dire.
Et c'était vrai, quelque part. Il n'y avait pas grand-chose à dire, car cette histoire pouvait se résumer en quelques mots très simples... Mais en réalité, il y avait tout de même plus à dire qu'il n'y paraissait. Parler de Wade et de leur relation, des sentiments qu'elle avait pour lui, ce devrait être raconter toute l'histoire : celle de leur rencontre, de leur rapprochement, celle de leurs promesses et de leurs projets, celle de la nouvelle qui avait fauché leurs espoirs radicalement. Il y avait tant à dire, mais elle ne se sentait pas capable, en vérité, de tout déballer. Mais ne serait-ce que l'évoquer en partie pourrait peut-être déjà lui faire du bien en fin de compte.
-J'ai perdu l'homme que j'aimais...
Et voilà comment faire un résumé simple d'une situation compliquée, et qui lui arrachait le coeur. Rien que d'évoquer Wade, elle sentait l'envie de fondre en larmes. A la place, elle choisit de boire une nouvelle gorgée de son verre. Elle n'avait pas envie de s'attirer la pitié de son interlocutrice. Elle se découvrait juste le besoin, peut-être, de parler.
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ n’avait pas envie de se montrer trop insistante, ou indiscrète. Surtout qu’elle savait ce que cela faisait, quand les gens voulaient absolument savoir ce qui n’allait pas. A l’époque où sa famille ressemblait à un véritable chaos, on la prenait souvent en pitié, alors elle s’était toujours forcée à sourire, et à prétendre que tout allait bien, et qu’elle était une adolescente des plus heureuses. Tout simplement, mais elle savait aussi que parfois, ça faisait du bien d’extérioriser ce qu’on avait à l’intérieur, et peut-être que c’est ce dont cette femme avait besoin.
Enfin bon, MJ avait posé la question, elle était tout à fait capable de lui dire qu’elle n’avait pas envie d’en parler. Et la jeune fille n’en prendrait pas ombrage. Elle comprendrait, et la laisserait tranquille, ou alors elles pouvaient parler d’autre chose, pour la distraire, si elle avait envie de compagnie. MJ se disait que servir au bar, ce n’était pas juste servir de factrice, c’était aussi prendre le temps de s’intéresser aux clients. Pas juste les encaisser.
-Il n'y a pas grand-chose à dire.
MJ pouvait très bien se contenter de cela, encore une fois, elle ne forçait personne, si elle ne voulait pas en dire plus, elle le respecterait. La jeune femme ne voulait pas jouer les indiscrètes, elle voulait simplement servir d’oreille attentive, si jamais il y avait besoin. Elle ne connaissait pas du tout cette femme, et elle ne se souvenait pas l’avoir déjà vu. Certes, New York était une grande ville, mais MJ était quelqu’un de physionomiste, et elle arrivait à repérer les visages déjà croisés. Enfin, tout cela pour dire, qu’elle n’avait rien à gagner ou à perdre à l’écouter. Juste donner un peu de compassion, et d’empathie, ce qui ne faisait jamais de mal à son avis.
-J'ai perdu l'homme que j'aimais...
MJ fut un peu surprise, par sa déclaration. Une fois la surprise passée, elle fut peinée. Elle n’avait jamais été amoureuse. Elle avait eu quelques histoires, mais c’était des amourettes de lycée, pas le vrai amour. Alors elle ne pouvait pas la comprendre, mais elle pouvait imaginer que cela devait faire mal. Elle n’osa pas demander comment. S’il était mort, ou s’il était parti… ce serait trop indiscret et indélicat. En tout cas, elle comprenait pourquoi elle avait l’air d’aller si mal.
omment casser l'ambiance en quelques secondes. Vanessa savait bien qu'elle aurait tout aussi bien fait de se taire, mais à vrai dire, recevoir un semblant de compassion, même de la part d'une inconnue, ça faisait du bien. Elle ne pouvait pas prétendre avoir dans son entourage foule de confidents auprès de qui déverser sa peine. Elle n'avait pas de famille, ou en tout cas personne qu'elle veuille considérer comme telle, elle n'avait pas foule d'amis, et ce n'était certainement pas à ses "collègues" qu'elle allait confier ses déboires. Alors pas de chance pour la jeune serveuse, ça tombait sur elle... et l'air de rien, rien qu'avoir prononcé ces mots, ça semblait comme la délester d'un poids.
Oh, ça n'atténuait pas du tout la douleur, bien sûr, elle ne cesserait pas pour autant de penser à Wade, elle n'allait pas tout à coup croquer la vie à pleine dent et oublier son absence, mais au moins, c'était un poids qu'elle posait sur ce comptoir, juste un instant, pour le remporter avec elle une fois de retour chez elle, dans la solitude de son appartement merdique qui tombait en ruine, sans plus de projet, si ce n'était d'attendre vaguement de voir ce que la journée du lendemain accepterait - éventuellement - de lui apporter.
-C'est pas comme si on pouvait y faire quoi que ce soit, répondit Vanessa d'une voix défaite, tout en adressant tout de même un fin sourire à son interlocutrice.
Elle allait trop parler, c'était bien parti, mais tant pis, au pire, elle ne retournerait jamais dans ce bar afin d'épargner à jamais à sa pauvre interlocutrice sa présence. Elle avait obtenu sa compassion, elle lui faisait du bien, même un tout petit peu, elle choisissait d'en profiter tant que son interlocutrice ne l'envoyait pas balader en prétendant avoir d'autres clients à gérer, ce qu'elle accepterait sans broncher, consciente qu'elle était du fait qu'elle devait avoir l'air particulièrement pathétique en cet instant. Sans doute parce qu'elle l'était, justement.
-On devait se marier, ajouta-t-elle alors, visiblement décidée à raconter sa vie. Elle n'avait même pas réellement l'impression de le choisir, les mots glissaient tout seuls, c'est tout. Puis on lui a diagnostiqué un cancer, et il a disparu.
Encore un résumé trop bref d'une situation bien plus complexe et encore plus douloureuse.
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MJ se sentait un peu gênée. Elle se demandait si elle n’avait pas un peu plus braqué la jeune femme, en la poussant à parler. Certes, elle ne l’avait pas forcée en posant un pistolet sur sa tempe, mais elle l’avait peut-être un peu trop encouragée, sans s’en rendre compte. Elles ne se connaissaient pas, après tout, alors Vanessa n’avait aucune raison de se confier à elle. MJ espérait au moins qu’elle ne souffrait pas davantage, en en parlant. MJ n’avait pas les détails, et elle ne se sentait pas de les demander, parce qu’elle trouvait que là, ce serait totalement inconvenant de demander plus d’informations. Mais sa curiosité intérieure se demandait tout de même ce qui avait bien pu se passer.
Il pouvait y avoir beaucoup de situations différentes. Quoiqu’il en soit, MJ ne pouvait que souhaiter à son interlocutrice de pouvoir s’en remettre rapidement. Les chagrins d’amour, ce n’était jamais drôle, et même si la jeune femme n’en avait jamais connu jusqu’alors, elle imaginait sans mal que cela devait être difficile à vivre. Elle ne connaissait pas cette femme, mais elle lui semblait tout de même amical, alors elle ne lui souhaitait aucun mal, et elle espérait qu’elle arrêterait rapidement de souffrir.
-C'est pas comme si on pouvait y faire quoi que ce soit.
MJ hocha la tête. Evidemment, elle ne pouvait rien n’y faire, pas plus que son interlocutrice. Et en soit, c’était un peu idiot, de s’excuser dans ce genre de situations, mais c’était ce que tout le monde faisait. Peut-être le fait de ne pas savoir quoi répondre, et donc choisir de ne pas rester silencieux, pour ne pas installer un malaise. La jolie rousse n’était pas à penser qu’il y avait un malaise, mais il fallait reconnaitre que leur conversation était bien loin d’être agréable et légère. Elles n’engageaient pas sur un terrain facile, mais c’était MJ qui avait commencé à aborder le sujet, alors elle n’allait pas commencer à s’en plaindre.
-On devait se marier. Puis on lui a diagnostiqué un cancer, et il a disparu.
C’était vraiment… tragique pour le coup. MJ se sentait encore plus peinée pour elle. C’était juste la faute à pas de chance. Elle ne pensait pas que l’un ou l’autre ait mérité cela. Elle ne les connaissait pas, mais la jeune femme en face d’elle ne lui semblait en aucun cas être malveillante. MJ fut tentée d’une nouvelle fois, lui dire qu’elle était désolée, mais ce serait un peu trop peut-être. Néanmoins, elle ne savait pas quoi dire, qui ne serait pas maladroit.
« C’est vraiment triste… Mais… je ne doute pas qu’il devait beaucoup vous aimer. »
anessa esquissa un sourire aussi triste que sa situation. Oui, c'était tout à fait l'adjectif qui convenait en effet. Cette histoire, son histoire, celle qu'elle se traînait comme un boulet qu'elle en oubliait le vrai bonheur qui était pourtant à l'origine de cette même souffrance, c'était triste. Et en plus du reste, c'était un véritable gâchis. Ses rêves fauchés en plein vol, elle ne faisait désormais rien d'autre que ce qui était attendu de son existence, comme si elle n'avait eu aucune perspective avant cela, comme si tout le reste n'avait plus d'existence, ni plus de consistance non plus. Triste, c'était un mot faible... et en même temps assez juste. Parce que simple, banal, avec ce qu'il fallait de pathétique. Alors que Vanessa n'avait jamais considéré son histoire comme quelque chose de simple, de banal ou de pathétique.
Malgré tout, ça avait fini de la même manière. Parce que c'est comme ça que finissent toutes les histoires d'amour, il paraît. Mal, en général. Et elle n'était plus qu'un cas général, un pilier de bar parmi les piliers de bar, à faire la conversation avec cette serveuse trop gentille, polie et charmante peut-être pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas envie d'entendre ses histoires déprimantes... Ou bien elle avait envie de les entendre ? Etonnamment, elle semblait honnêtement se soucier de son histoire, et vouloir l'aider, la consoler, la rassurer. C'était sûrement peine perdue, vu son état à l'heure actuelle, mais Vanessa appréciait le geste malgré tout.
Elle haussa les épaules quand la serveuse affirma que cet homme avait dû beaucoup l'aimer. Elle ne doutait pas vraiment de l'amour que Wade avait eu pour elle. Cette complicité, cette alchimie qu'elle n'aurait jamais avec qui que ce soit d'autre, elle savait bien que tout ça avait été fondé sur des sentiments bien réels, et s'ils avaient vraiment pu se marier et fonder une famille, alors ils auraient été heureux. Mais la vie était une pute. Bien plus que Vanessa elle-même. Mais quand bien même Wade l'avait aimée, il ne l'avait pas fait comme elle l'avait espéré, de la manière qu'elle aurait désiré.
-Pas assez pour comprendre que je voulais être avec lui jusqu'au bout, rétorqua-t-elle tout de même, un peu amer.
Parce que même si Wade s'était certainement pensé grand seigneur, Vanessa le trouvait égoïste d'avoir décidé pour eux deux de s'en aller sans donner plus de nouvelles.
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MJ se sentait un peu stupide de lui dire de telles choses. Mais en même temps, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle était censée dire dans cette situation. C’était vraiment quelque chose de particulier. Enfin, de délicat pour être plus précis. En même temps, vu que la jeune femme ne semblait pas du tout dans son assiette, il était certain que c’était pour quelque chose de lourd. Et pour le coup, ça l’était. Elle était vraiment triste pour elle. Ce qu’elle avait vécu, elle ne le souhaitait à personne. Et encore, MJ ne pouvait même pas vraiment comprendre ce que cette femme avait ressenti. En vivant cette épreuve. Et elle n’avait pas envie de le ressentir un jour. En même temps, qui le voudrait ? Personne, c’était une certitude. Et elle était certaine que cette femme n’avait absolument pas mérité cela, même si elle ne la connaissait pas.
Dans ces situations-là, il était toujours difficile de trouver quoi dire. MJ s’était rabattue sur de vulgaires excuses, que tout le monde donnait. Même si cela ne servait à rien. En fait, ce qu’il y avait à dire, dans ce genre de choses, dans les annonces de décès (même si là ce n’était pas vraiment le cas) il valait mieux ne rien dire. Parce qu’il n’y avait rien à dire. Ou au mieux, réconforter la personne si elle avait besoin, et envie de l’être. Elle n’irait pas dire qu’elle allait faire un câlin à cette femme (quoique si elle le voulait, MJ pourrait faire le geste) mais elle l’écoutait au moins, ce qui était déjà pas mal.
Mais bon, elle voulait bien reconnaître qu’avancer qu’il devait beaucoup l’aimer, c’était un peu maladroit de sa part. Au final, elle n’en savait rien. Elle ne connaissait pas cette femme, et elle n’avait pas connu son fiancé. Mais elle estimait que si ce dernier l’avait demandée en mariage, c’est qu’il devait beaucoup l’aimer. Elle n’avait pas de certitude, mais son côté romantique voulait penser que certaines personnes s’aimaient assez pour se marier. Même si là, cela s’était mal fini. Et elle en était la première désolée pour eux, pour Vanessa.
-Pas assez pour comprendre que je voulais être avec lui jusqu'au bout.
Ça, c’était une autre histoire. Face à la mort, on ne savait jamais comment on allait réagir. Certaines personnes avaient besoin d’être entourées par leurs proches, dans leurs derniers instants, d’autres préféraient la solitude. MJ ne prenait le parti de personne. Partir sans prévenir, comme ça, ce n’était pas la bonne méthode, mais le forcer à rester alors qu’il voulait lui épargner des moments dégradants, ce n’était pas ça non plus.
« Je suppose que c’est normal, de vouloir rester avec les gens qu’on aime jusqu’au bout, pour les accompagner. Je comprends votre douleur, et votre frustration. »
anessa hocha la tête. Elle pensait que c'était normal, en effet, de vouloir accompagner les personnes que l'on aimait jusqu'à leurs derniers instants. Et dans le cas de Wade, il ne s'agissait pas uniquement d'une personne qu'elle aimait, Wade était tout pour elle, son âme soeur en quelque sorte, et ça continuait d'être le cas, même maintenant qu'il n'était plus là, raison pour laquelle elle n'avait pas envisagé un seul instant de refaire sa vie. Les hommes ne défilaient dans son lit que s'il pouvait lui rapporter quelque monnaie sonnante et trébuchante, et ça s'arrêtait là.
Oui, il était normal de vouloir accompagner ceux qu'on aime jusqu'au bout, mais il lui arrivait parfois d'admettre que c'était peut-être normal aussi de ne pas vouloir infliger ces derniers instants aux gens qu'on aime. Comment aurait-elle réagi si elle s'était retrouvée à la place de Wade ? C'était difficile à dire, peut-être qu'elle n'aurait pas forcément fait différemment, peut-être qu'elle aurait disparu dans la nature, elle aussi. Sauf que les rôles n'étaient pas inversées, Vanessa était dans son rôle, Wade avait été dans le sien, et si elle éprouvait de la douleur et une infinie tristesse en pensant à son fiancé, il y avait aussi de la colère, en effet, parce que même si elle ne le devrait peut-être pas, elle continuait de lui en vouloir de l'avoir abandonnée, même si, le pensait-elle, il était actuellement six pieds sous terre.
La jeune serveuse semblait sincère quand elle lui assurait comprendre sa douleur et sa frustration. Cette jeune femme semblait véritablement empathique, pas seulement pour s'attirer la sympathie du client, mais parce que c'était bel et bien son état d'esprit. Vanessa la connaissait bien sûr trop peu pour en juger parfaitement, mais elle lui donnait réellement le sentiment d'être une belle personne, comme on en croisait trop peu, en tout cas dans les lieux et milieux que la jeune femme avait pour habitude de fréquenter.
-Merci, répondit-elle. Parce que ce pouvait n'avoir l'air de rien, mais le simple fait d'entendre quelqu'un lui affirmer qu'elle la comprenait, cela lui faisait déjà du bien, sincèrement. Vous vous appelez comment ?
Vanessa savait que certaines serveuses détestait qu'on leur tienne la jambe en posant des questions personnelles, mais elle avait envie de s'intéresser à cette personne, et le fait qu'elle ne soit pas un vieux pervers en train de lorgner sur son décolleté pouvait éventuellement encourager sa confiance.
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MJ se sentait un peu bête sur le coup. Elle s’en voulait d’avoir été curieuse, parce que l’histoire de son interlocutrice était vraiment triste, et elle voyait bien qu’elle était encore très affectée par ce qu’elle avait vécu. Comment pourrait-elle ne pas l’être au juste ? MJ trouvait cela vraiment très triste. Elle comprenait que la jeune femme ne se sente vraiment pas bien, et qu’elle soit au fond du gouffre. MJ était loin d’être une spécialiste des peines de cœur, mais elle savait ce que cela faisait de perdre un proche. Alors combiner les deux, devait être une souffrance terrible.
Quoiqu’il en soit, la jeune femme ne pouvait pas s’empêcher de lancer des petites phrases débiles, que son interlocutrice devait entendre tout le temps. Mais la rouquine ne savait pas quoi dire sans que cela sonne maladroit. En même temps, qu’est-ce qu’il y avait à dire dans ce genre de situation ? Rien du tout, exactement. Mais elle ne pouvait pas non plus laisser le silence être de mise. Elle espérait ne pas froisser la jeune femme, elle ne voulait pas qu’elle soit plus mal qu’elle ne l’était déjà. MJ serait incapable de dire si parler de cela lui faisait du bien, mais elle espérait en tout cas que cela ne lui faisait pas plus de mal.
La jolie rousse aurait été incapable de dire comment elle aurait réagi dans la situation de Vanessa. Elle n’avait jamais été assez amoureuse pour avoir le cœur brisé, elle n’avait connu que des amourettes, rien de bien sérieux, mais elle se doutait qu’on devait vraiment se sentir mal. Même si la plupart des gens s’en remettait et passaient à autre chose, là c’était totalement un autre scénario. Elle avait beau dire qu’elle comprenait sa douleur, elle ne pouvait tout de même que l’imaginer. Et autant dire que MJ n’avait absolument aucune envie d’être dans ce cas de figure un jour.
-Merci. Vous vous appelez comment ?
MJ était un peu surprise par la question, mais cela ne la dérangeait pas vraiment, en fin de compte. Elle ignorait s’il était temps de changer de sujet, mais elle reconnaissait que ce ne serait en réalité pas si mal. L’ambiance n’était clairement pas au beau fixe, mais c’était plus que compréhensible. Peut-être que maintenant qu’elle avait parlé de son histoire, son interlocutrice avait envie de se changer les idées. MJ lui accorda un petit sourire.
« Mary Jane, mais presque tout le monde m’appelle MJ. Et vous ? »
anessa n'allait pas dire que s'épancher sur ses problèmes avec une totale inconnue ne lui avait pas fait du bien. C'était le cas. L'alcool aussi aidait un peu, c'est vrai. Dans tous les cas, elle avait clairement eu besoin de vider son sac, et puisque ses fréquentations dernièrement se réduisaient globalement au proprio qui venait marteler à sa porte chaque fois qu'elle était en retard dans le paiement de son loyer et aux clients qu'elle mettait dans son lit (et avoir l'air malheureuse ou raconter sa vie, semble-t-il que c'était pas très sexy, donc bon), elle n'avait pas vraiment d'opportunités de juste dire ce qu'elle avait sur le coeur. Bien sûr, elle ferait sans doute mieux de consulter un psy, tant qu'à faire. Mais elle ne roulait certainement pas sur l'or, alors autant oublier ça fissa, d'autant qu'elle avait tendance à considérer tous ces "spécialistes" comme des charlatans.
Mais elle avait assez parlé d'elle. Dans tous les cas, le tour de la question était vite fait. C'était ça le pire. Cela avait beau être particulièrement douloureux pour elle, ça se réduisant en quelques mots. Et au final, Vanessa préférait largement changer de sujet en s'intéressant à son interlocutrice, ce qui devait rarement arriver à cette dernière... Enfin, dans une optique qui n'ait rien à voir avec la séduction. Parce que, pour le reste... vu le joli minois de celle qui s'appelait donc Mary Jane, mais que tout le monde appelait MJ, elle devait se faire draguer constamment. Qu'elle ne s'inquiète pas, Vanessa n'en avait pas la moindre intention. Elle voulait seulement... se sortir la tête de ses problèmes en s'intéressant à la vie des autres.
-Vanessa, se présenta-t-elle à son tour. Et tout le monde m'appelle Vanessa. Ce qui en vérité était assez faux... Dans son métier, elle s'entendait appeler d'un millier de manières, mais la jeune femme n'allait certainement pas s'épancher sur la question. Qu'est-ce que tu fais dans la vie, quand tu n'écoute pas des clients se lamenter sur leur triste sort ? demanda-t-elle, bien décidée à en apprendre plus sur cette MJ.
Il était très possible qu'elles ne se revoient jamais, mais elle lui était sympathique, et pour le moment, personne ne monopolisait son attention, alors elle pouvait bien faire connaissance.
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ appréciait rencontrer de nouvelles personnes. C’était quelque chose qui la mettait de bonne humeur de manière générale. Sauf si c’était un gros lourd qu’elle avait en face d’elle. Mais fort heureusement, ce n’était pas une majorité de cas. Elle savait que dans ce métier c’était quitte ou double souvent, en termes de socialisation, mais ce n’était pas comme si elle allait faire carrière en tant que barmaid. Ce n’était qu’un tremplin, ou solution pour aider sa tante financièrement, le temps qu’elle fasse ses études, et qu’elle puisse déménager. Mais elle s’était toujours dit que même quand elle ne serait plus une charge pour sa tante, elle continuerait de lui donner un peu d’argent, pour la remercier de tout ce qu’elle avait fait pour elle durant toutes ces années. Elle ne l’avait pas laissée tomber, comme elle aurait pu le faire, et MJ en était vraiment touchée.
Elle savait tout de même se montrer sensible, avec les gens qui l’entouraient. Quand elle le décidait, et c’était le cas avec cette femme. Son histoire était bouleversante. Perdre la personne que l’on aimait, c’était vraiment dur. D’autant plus que le deuil de son interlocutrice était particulier, étant donné qu’elle n’avait pas vu son compagnon mourir, elle n’avait pas pu lui dire aurevoir, il n’y avait pas eu de funérailles, ce genre de choses. MJ se souvenait qu’à la perte de sa mère, les choses n’avaient pas été simples, mais de pouvoir lui dire adieu l’avait beaucoup aidée à surmonter cette épreuve. Chacun vivait les choses différemment bien sûr, mais dans ce cas précis, c’était juste logique que la difficulté devait être ardue.
-Vanessa. Et tout le monde m'appelle Vanessa. Qu'est-ce que tu fais dans la vie, quand tu n'écoute pas des clients se lamenter sur leur triste sort ?
MJ adressa un petit sourire à son interlocutrice, Vanessa donc. Elle avait décidé de la tutoyer, cela ne la gênait pas du tout. MJ avait l’habitude que les clients la tutoient d’emblée, parce qu’elle était jeune, et ce n’était pas dérangeant. Ce n’était pas une barrière à laquelle elle tenait, et puis, Vanessa ne lui causait aucun tort, au contraire, alors elle n’avait aucune raison de lui faire une remarque à ce sujet.
« Je vais suivre des études de théâtre à la rentrée. J’aimerais être actrice. Je travaille ici pour aider ma tante financièrement, elle m’élève seule depuis la mort de ma mère. »
anessa était assez curieuse d'en apprendre plus sur son interlocutrice. Il était bien possible que leurs chemins ne se croisent plus jamais, mais au moins, le temps de cette conversation, elle aurait fait la connaissance d'une personne intéressante et sympathique, et qui avait le mérite de l'aider à penser à autre chose. Ce qui n'était pas simple. Les jours, les semaines, les mois passaient, et ça ne changeait rien à la douleur qu'elle éprouvait. Elle ressassait toujours, encore et encore, ce qui s'était passé, et surtout ce qui ne s'était pas passé, s'interrogeant sur ce qui aurait pu lui arrivé si elle avait fait d'autres choix, pris d'autres décisions.
MJ accepta sans broncher d'en dire plus à son propre sujet. D'autres auraient peut-être été plus réticents. D'un autre côté, le fait qu'elle ne soit pas un vieux pervers et pilier de bar qui la reluque de bas en haut devait aider les confidences, d'un côté comme de l'autre, d'ailleurs. Vanessa s'était exprimée de façon très directe sur son vécu, elle s'était confiée à une personne qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Elle aurait accepté, bien sûr, de ne pas obtenir de réciproque, mais elle appréciait tout de même que cette discussion aille dans les deux sens. D'autant plus que l'intérêt semblait honnête et réciproque des deux côtés.
La jeune femme était donc une future étudiante, ce qui confortait Vanessa dans sa première impression, à savoir que MJ était effectivement bien jeune. Elle voulait devenir actrice et faisait des études de théâtre en ce sens. Beaucoup observeraient ce choix de carrière avec réticence, mais Vanessa était plutôt du genre à encourager tous ceux qui s'engageaient sur des voies moins rassurantes, moins faciles, mais le faisaient par passion.
-Je suis désolée, pour ta mère, répondit Vanessa sincèrement, en découvrant que MJ était orpheline (ou pas, elle n'évoquait pas son père, mais s'il était parti du tableau familial - c'était bien les hommes, ça -, il ne valait pas la peine qu'on le prenne en considération dans tous les cas). Ta tante a l'air d'être quelqu'un de bien. C'est pas tout le monde qui autoriserait sa nièce à poursuivre ses rêves, tu as de la chance - mais je suis sûre que tu le sais déjà. Je suis convaincue que tu la rendras fière.
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ n’avait jamais eu beaucoup à parler, et sympathiser avec autrui, mais au final, elle parlait très peu d’elle. Elle n’aimait pas dévoiler des choses personnelles, encore moins quand cela touchait sa famille. Non pas qu’elle en avait honte, mais c’était comme si c’était une bavure dans sa vie, même si elle n’y était pour rien, et elle ne voulait surtout pas qu’on la prenne en pitié. Elle faisait donc celle pour qui tout allait toujours bien, et dont la vie familiale ne ressemblait pas à rien. Ce n’était pas nouveau, elle avait commencé à agir ainsi quand son père vivait encore avec eux, avant que tout n’éclate définitivement.
Et cela avait toujours bien marché, personne n’était venu mettre son nez dans ses affaires, en même temps, elle n’avait jamais laissé personne être très proche d’elle, hormis Peter, qui savait probablement plus de choses sur elle que n’importe qui. Mais Peter avait été son voisin, son confident… les choses avaient été assez naturelles entre eux, en réalité, et elle ne regrettait absolument pas. C’était rassurant, d’avoir quelqu’un sur qui on pouvait compter, quelqu’un à qui parler. Même si MJ était proche de sa tante, elle ne voulait pas trop l’accabler, avec tout ce qu’elle faisait déjà pour elle.
Mais sans trop savoir pourquoi, elle arrivait facilement à parler de sa famille à cette jeune femme qu’elle ne connaissait pas du tout. Peut-être parce qu’elle lui avait confié un pan de sa vie très douloureux, et donc que MJ se sentait plus en confiance, plus légitime de se montrer sincère. Encore que, elle ne rentrait pas dans les détails, ni ne parlait de sa sœur ou de son père.
-Je suis désolée, pour ta mère. Ta tante a l'air d'être quelqu'un de bien. C'est pas tout le monde qui autoriserait sa nièce à poursuivre ses rêves, tu as de la chance - mais je suis sûre que tu le sais déjà. Je suis convaincue que tu la rendras fière.
MJ s’autorisa un petit sourire, quand elle lui déclara être désolée pour sa mère. MJ était désolée également qu’elle soit partie si vite, mais elle n’y pouvait rien. Quant à mesurer la chance qu’elle avait d’avoir une tante comme la sienne, elle en était pleinement consciente. Si elle n’avait pas été là, MJ n’avait aucune idée d’où elle serait aujourd’hui. Elle avait toujours été un soutien, et une figure maternelle inébranlable pour elle, et elle ferait tout ce qu’elle peut pour la remercier.
« Oui, je sais que j’ai beaucoup de chance de l’avoir. Je ne sais pas si je la rendrai fière, en tout cas, j’essaye d’être un poids le moins possible pour elle. »
black pumpkin
Dernière édition par Mary Jane Watson le Lun 23 Nov - 17:30, édité 1 fois
était quelque part rassurant de constater qu'il y avait des personnes en ce bas monde qui avaient une vie de famille heureuse et équilibrée, Vanessa n'en connaissait pas beaucoup dans son entourage, pour ne pas dire qu'elle n'en connaissait pas du tout. Bon, l'histoire familiale de la jeune serveuse n'était au fond pas si heureuse que cela, mais ce qui importait, ce n'était pas tant son passé douloureux que le moment présent, et dans le présent, elle avait pour l'aimer, l'aider et la soutenir une tante qui semblait être un vrai bijou... Et la jeune femme en avait bien conscience.
Cela témoignait une fois encore d'une grande maturité de sa part. Les gens n'étaient pas toujours à même de réaliser leur chance... ou ils n'en prenaient conscience qu'à partir du moment où cette chance s'évanouissait. Vanessa ne pouvait pas les blâmer, elle sombrait régulièrement dans ce genre de travers. Ce devait être dans la nature humaine que d'agir de la sorte... Du moins si on décidait de s'essayer à de la psychologie de comptoir... Mais puisqu'elles se trouvaient présentement à un comptoir, ça se tenait, quelque part.
Elle était convaincue que la jeune femme n'avait pas grand-chose à faire pour rendre sa tante fière. Elle s'assumait, elle essayait de s'autonomiser financièrement, elle était déterminée, et surtout, elle était de toute évidence une personne fondamentalement agréable et sympathique... autant dire que si cette femme - que Vanessa ne connaissait pas du tout donc elle parlait un peu dans le vide mais qu'importe - n'était pas fière de sa nièce, alors c'était qu'elle avait de la merde dans les yeux. Ou des exigences à revoir à la baisse. Vanessa avait cru reconnaître en Mary Jane une personne sûre d'elle, mais elle n'était pas totalement sûre qu'elle l'était vraiment : ne pas être sûre de rendre sa tante fière, ne pas vouloir être un poids... Elle ne dégageait plus tant de belle assurance, et c'était dommage. Une fille comme elle avec toute l'assurance de la terre pourrait avoir le monde à ses pieds.
-Ne dis surtout pas ce genre de choses. On n'est jamais un poids pour ceux qu'on aime ou qui nous aiment... Jamais.
Elle avait peut-être parlé un peu trop vivement, mais le sujet était sensible. C'était exactement la raison pour laquelle Wade était parti. Pour ne pas être un poids pour elle. Mais maintenant, ce poids, elle le portait dans son coeur tous les jours de sa vie.
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ le pensait sincèrement, elle ne savait pas ce qu’elle serait sans sa tante. Elle aurait probablement dû rester avec sa sœur, mais elle ne l’aurait pas supporté, elle aurait fini par partir, quitte à abandonner ses études et à se trouver un emploi à plein temps pour se payer un appartement. En vivant avec sa tante, elle avait la chance de faire des études, elle avait rencontré Peter, elle avait eu un semblant de vie heureuse. Alors évidemment, elle ne pouvait qu’être reconnaissante et vouloir tout faire pour l’aider au maximum, et ne pas être une charge supplémentaire.
Sa tante ne s’était jamais plainte, elle n’avait jamais émis l’idée qu’MJ était de trop, elle l’avait toujours accueillie et soutenue avec bienveillance. Elle l’avait presque traitée comme une fille, mais elle n’avait jamais tenté d’être sa mère pour autant. Elles avaient développé une très belle relation, sans tout le bagage familial qu’il y avait autour. Elles avaient juste été toutes les deux, elles avaient réussi à trouver le bon équilibre pour qu’elles puissent vivre toutes les deux de la manière la plus sainte, et plus correcte qui soit pour toutes les deux.
En tout cas, il est vrai que MJ avait envie de la rendre fière. Pas qu’à cause de tout ce qu’elle avait fait pour elle, mais parce qu’aujourd’hui, elle était la seule personne ou presque dont l’avis comptait pour MJ. Il n’y avait plus qu’elle à rendre fière. Elle n’avait plus de parents, elle ne parlait jamais à sa sœur, elle n’avait pas de petit-ami… alors oui, elle avait sa tante. Mais cela lui suffisait, elle avait réussi à s’en convaincre en tout cas. Au moins, elle n’était pas complètement seule. La situation aurait pu être bien pire pour elle, et elle le savait.
-Ne dis surtout pas ce genre de choses. On n'est jamais un poids pour ceux qu'on aime ou qui nous aiment... Jamais.
MJ fut un peu surprise par la réaction de son interlocutrice. Mais elle fit ensuite le lien avec son fiancé qui était parti parce qu’il ne voulait pas être un poids pour elle. La jeune femme avait manqué de tact sur ce coup-là, et elle s’en voulait un peu. Elle n’avait pas été très habile, elle avait occulté ce point de son esprit quelques instant, et elle n’avait pas vraiment pris la peine de réfléchir pleinement. Elle s’était seulement laissée à dire ce qu’elle ressentait.
« Oui, vous avez raison. Je suis désolée, je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie. »
anessa avait peut-être pris un peu trop personnellement la remarque de son interlocutrice, mais que Wade ait fait partie de sa vie pour en disparaître ensuite ou non, ça n'aurait pour autant rien changé à la manière dont elle considèrerait, quoi qu'il en soit, qu'il était réducteur, injuste, et une très mauvaise chose de se considérer comme un poids pour les autres. Partir du principe que l'on puisse vraiment peser sur l'existence des personnes que l'on aimait et qui nous aimait, c'était négliger combien cet amour, justement, s'épargnait ce genre de considération.
Alors oui, elle avait très bien compris où la jeune serveuse voulait en venir : elle était jeune, elle était de toute évidence attentionnée, elle ne voulait pas vivre aux crochets de qui que ce soit : ça s'entendait, et ça se comprenait, mais en suggérant qu'elle pourrait éventuellement être un poids, Vanessa estimait que son interlocutrice se dénigrait, et elle n'avait aucune raison de le faire : pas seulement parce qu'en quelques minutes, elle lui avait prouvé avoir de nombreuses qualités qui avaient de quoi, très largement, faire d'elle une personne de valeur.
Mais même si l'on devait estimer que certaines personnes valaient moins que d'autres, ce qui était intrinsèquement faux (même si ce monde était quand même composé d'un sacré nombre de connards, ce qui ne pouvait pas non plus être négligé), personne ne devrait jamais se dévaloriser en se considérant comme un poids éventuel.
-Oh non, ne t'en fais pas. Je ne dis pas que je ne parle pas d'expérience, mais ce que je te dis là serait tout aussi valable s'il ne m'était pas arrivé... ce qui m'est arrivé. Je déteste voir d'autres personnes se dénigrer, même indirectement, même sans s'en rendre compte. Et encore moins quand c'est une personne pour qui j'ai de la sympathie.
Mary Jane n'avait peut-être pas eu le sentiment de se dénigrer, pour elle, ce n'était peut-être qu'une façon de parler, mais dans la manière qu'on avait de formuler les choses, il y avait toujours un fond de vérité qu'on ne pouvait pas négliger. Vanessa ne voulait pas du tout que la serveuse s'apitoie sur son sort, et elle n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit pour que la douleur soit vive, elle l'était constamment. Elle avait juste parlé avec son coeur, voilà tout.
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MJ se rendait compte qu’elle n’avait pas été forcément très maline, ou délicate pour le coup. Sachant ce que la jeune femme au comptoir avait vécu, elle aurait dû réfléchir à deux fois à ce qu’elle était en train de dire. Mais cela lui était venu naturellement, et c’était le genre de choses qu’elle pensait bien avant de rencontrer Vanessa. Sa tante n’avait jamais été forcé de s’occuper d’elle, et MJ n’avait jamais voulu représenter une charge supplémentaire pour elle, elle avait toujours eu un maigre revenu, alors MJ avait fait son possible pour ramener elle aussi de l’argent, quand elle avait été en âge de le faire.
Sa tante ne lui avait pourtant jamais rien demandé, et elle l’avait toujours accueillie les bras ouverts, et sans jamais faire la moindre remarque déplacée, mais c’était une façon pour MJ de la remercier de tout ce qu’elle avait fait pour elle, et pour sa mère avant que celle-ci ne meurt. MJ ne savait pas ce qu’elle serait devenue si elle n’était pas allée vivre avec sa tante. La cohabitation avec sa sœur avait été une catastrophe, et elle ne parlait plus à son père depuis des années. Alors oui, elle était vraiment reconnaissante envers sa tante.
Mais bon, elle avait bien compris qu’elle ne devait pas se considérer comme un poids, surtout devant son interlocutrice. Après tout, elle avait perdu son compagnon pour les mêmes raisons. Elle l’aurait perdu dans tous les cas, mais s’il n’était pas parti, elle aurait pu rester près de lui plus longtemps, jusqu’à la fin. A chaque fois que MJ y repensait, elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que cette histoire était vraiment dramatique, et tragique.
-Oh non, ne t'en fais pas. Je ne dis pas que je ne parle pas d'expérience, mais ce que je te dis là serait tout aussi valable s'il ne m'était pas arrivé... ce qui m'est arrivé. Je déteste voir d'autres personnes se dénigrer, même indirectement, même sans s'en rendre compte. Et encore moins quand c'est une personne pour qui j'ai de la sympathie.
La jeune femme lui adressa un sourire. Elle comprenait où elle voulait en venir. MJ était capable de penser la même chose, elle n’aimait pas spécialement entendre des gens se dénigrer, et elle en entendait beaucoup, au bar. Beaucoup de ceux qui venaient boire pour oublier n’avaient pas spécialement une bonne opinion d’eux-mêmes, et passaient leur temps à se traiter de tous les noms. Et c’était amusant, de voir que les positions étaient inversées. Heureusement que la jeune femme en face d’elle n’agissait pas ainsi, mais elle lui semblait être vraiment une femme forte, qui savait encaisser.
« Vous savez, vous feriez une très bonne barmaid. »
anessa afficha un sourire amusé en entendant la réponse de son interlocutrice. Est-ce qu'elle ferait une bonne barmaid ? Elle pensait que oui, et d'ailleurs, elle en avait déjà été une durant une courte période, ça faisait partie de la multitude de petits boulots qu'elle avait accumulés après avoir abandonné son détestable foyer. Elle s'y entendait pour recadrer les poivrots et écouter les histoires insipides de ceux qui vidaient leur sac ici. Et en plus du reste, elle savait préparer des cocktails du feu de dieu (du moins selon ses propres critères, donc tout était relatif... C'était quelque chose qui ne lui déplaisait pas, mais qu'elle avait finalement laissé tomber, pour ce que ça payait...
Quitte à se faire reluquer et déshabiller des yeux toutes les nuits, elle avait admis que c'était toujours mieux, tant qu'à faire, d'être payée pour. C'était à l'arrière d'un comptoir comme celui-ci, d'ailleurs, qu'elle avait été abordée la première fois par celui qui serait son premier mac, un connard de première catégorie, qui prenait des pourcentages hallucinants sur ses passes, mais qui avait eu le mérite de lui permettre, pour la première fois depuis très longtemps, de payer ses loyers de retard et de ne pas recevoir quelque nième menace de la part de son proprio. Puis il y avait eu Wade, puis Wade avait disparu, puis c'était David qui était venu la cueillir alors qu'elle était au fond du trou.
-Oh ça, je te le fais pas dire, j'ai pas mon pareil pour tenir la jambe des piliers de bar et pousser à la consommation. D'ailleurs, j'ai été barmaid un petit temps, lui apprit-elle, toujours aussi prompte à la confidence avec son interlocutrice, avec qui il était infiniment facile de bavarder. Encore plus quand on avait un léger (ou plus que léger en l'occurrence) coup dans le nez, ce qui était à l'évidence son cas. Est-ce qu'elle irait jusqu'à lui parler de sa véritable profession ? Elle n'en avait pas spécialement honte. Être une travailleuse du sexe était un job comme un autre à ses yeux. Mais elle était parfois épuisée d'avance d'accuser la réaction de ses interlocuteurs quand elle leur apprenait de quelle façon elle gagnait sa vie. Je me débrouillais pas trop mal, mais entre toi et moi, ce genre de job, c'est quand même un maximum d'effort pour un salaire minimal.
Et elle-même devait avoir bien du mal à joindre les deux bouts, surtout si elle devait financer ses études en plus de tout le reste. Vanessa espérait pour elle qu'elle avait des personnes dans sa vie capable de l'aider à garder la tête hors de l'eau, sans quoi, on finissait très vite par se noyer, dans ce milieu ou n'importe quel autre, d'ailleurs.
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Après ces sujets ô combien sérieux abordés, MJ se disait que ce ne serait pas trop mal de changer un peu de direction. Son interlocutrice semblait avoir vécu le pire, et avec ce qu’elle lui avait raconté, la jeune femme ne pouvait que le confirmer. Alors, si les choses pouvaient devenir un peu plus légères, ce ne serait pas plus mal, et cela pourrait peut-être lui faire du bien. Certes, MJ devrait sans doute surveiller la consommation de sa cliente, et éviter qu’elle se mette totalement la tête à l’envers, mais elle ne voulait pas non plus jouer les réprobatrices, et puis, elle semblait aussi en avoir besoin. Pourtant, l’alcool ne résolvait rien, et la consommation de son père le lui avait appris, mais en ces circonstances, elle estimait ne rien avoir à lui dire.
Quoiqu’il en soit, elle trouvait que son interlocutrice avait une très bonne capacité d’écoute, et qu’elle était de bon conseil, raison pour laquelle MJ trouvait qu’elle serait à son aise derrière le bar. Bon, il y avait mieux, c’était certain, mais elle avait dit la première chose qui lui passait par la tête. MJ était habitué à écouter les clients, et Vanessa l’écoutait elle aussi, alors elle pourrait tout à fait se retrouver à sa place. Surtout qu’étant donné que le critère physique comptait beaucoup, Vanessa n’aurait aucun mal à le valider.
-Oh ça, je te le fais pas dire, j'ai pas mon pareil pour tenir la jambe des piliers de bar et pousser à la consommation. D'ailleurs, j'ai été barmaid un petit temps. Je me débrouillais pas trop mal, mais entre toi et moi, ce genre de job, c'est quand même un maximum d'effort pour un salaire minimal.
La rouqine lui adressa un petit sourire. Elle ne pouvait pas lui donner tort, ce n’était pas un travail de rêve, ce n’était pas particulièrement bien payé, et en plus, le travail ne manquait pas. Surtout lorsque les clients affluaient. Mais MJ ne s’en souciait pas réellement, parce que ce n’était que temporaire, un complément pour payer ses études. Elle comptait bien ne plus rester ici quand ce ne serait plus nécessaire. Elle n’était pas spécialement surprise d’apprendre que Vanessa s’était déjà retrouvée de l’autre côté du bar. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait à présent, mais elle espérait qu’elle avait trouvé mieux aujourd’hui.
« Oui, c’est sûr que c’est loin d’être un job de rêve, mais étant donné que je travaille ici en attendant de terminer mes études, je ne m’en soucie pas trop. Et qu’est-ce que vous faîtes maintenant du coup ? »
anessa haussa les épaules, si MJ arrivait à se satisfaire de son job, c'était très bien comme ça, dans tous les cas, ce n'était clairement pas elle qui allait donner des conseils à qui que ce soit en matière de choix de carrière. Elle assumait les siens, elle refusait d'en avoir honte, ce n'était pas pour autant qu'elle souhaitait à d'autres, et encore moins à des jeunes femmes aussi jeunes que la belle serveuse, de s'engager sur une voie similaire. Dans tous les cas, elle avait des projets, un avenir brillant qui l'attendait, ce job n'était qu'un job d'appoint.
Dans ces circonstances, il était en effet compréhensible qu'elle n'en ait au final pas grand-chose à faire. C'était très bien comme ça. Dans tous les cas, Vanessa estimait qu'on ne devrait jamais vivre pour son travail, en aucun cas. Ce ne devait jamais être qu'un moyen, jamais une fin, sinon, quelle vie bien triste on mènerait. Evidemment, se plaire dans son travail et s'y épanouir ne pouvait être qu'un bonus, mais à la fin de la journée, il fallait savoir décrocher... Ou à la fin de la nuit en fonction du métier que l'on cherchait d'exercer.
Et à ce sujet, MJ choisit de se montrer curieuse quant au métier qu'elle exerçait maintenant. Vanessa hésita un instant. Il pouvait lui arriver de mentir quant à ses activités selon les circonstances, parce qu'elle préférait s'éviter quelques regards déplaisants, quelques jugements hâtifs ou du harcèlement intempestif, mais en soi, elle ne voulait pas parler avec honte de sa profession ou se cacher de ses activités. Non, Vanessa était une pute, et elle l'assumait, elle" n'était pas de ces pauvres filles qui n'avaient aucune autre option, elle avait choisi le métier parce qu'il était facile et que ça payait bien, fin de l'histoire. Alors finalement, elle répondit avec beaucoup de naturel.
-Oh, moi, je tapine, maintenant, même si j'approche de ma date de péremption, faut bien l'avouer. Elle sourit. T'en fais pas, je tapine jamais ici, t'as pas à t'en faire pour la réputation de ton bar. Mais oui, je me vends. Et avant que tu t'inquiètes inutilement, je le fais totalement de mon plein gré.
But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful.
MJ continuait de s’intéresser à cette jeune femme. Et mine de rien, en plus de lui rendre son service un peu plus animé, et un peu plus agréable, elle appréciait apprendre à connaître cette femme. Elles avaient peu de choses en commun comme ça, sur le papier. Elles étaient de deux milieux différents, elles n’avaient pas le même vécu, pas le même âge, mais cela ne les empêchait pas du tout d’avoir une conversation animée. Elle ne savait pas vraiment si Vanessa appréciait parler avec elle, ou si elle tuait le temps, mais elle préférait penser que l’intérêt était partagé entre elles.
Certes, la discussion n’avait pas été que sympathique, puisque Vanessa lui avait appris avoir perdu son fiancé de la pire des façons, et de toute évidence, elle n’était toujours pas remise de cette perte. Mais c’était le genre d’évènements qui marquaient au fer rouge, alors rien de plus normal que cela soit difficile à avaler, et qu’il ne soit pas simple d’avancer. Mais la conversation avait depuis changé de sujet, et MJ espérait qu’à présent le ton serait un peu plus guilleret, elle ne voulait pas que sa cliente ressorte d’ici avec une mine sombre et effondrée.
Elle espérait donc que parler boulot serait une combinaison gagnante. Même si en soit, personne n’aimait forcément parler de son travail. MJ par exemple ne voyait pas l’intérêt de parler de son travail en tant que barmaid, parce qu’elle ne comptait pas en faire sa carrière, c’était juste histoire de se faire un peu d’argent. Si elle avait déjà décroché un rôle, dans un film ou sur les planches, les choses auraient été totalement différentes. Mais peut-être que Vanessa faisait quelque chose qui lui plaisait, après tout, elle n’en savait rien, elle n’avait pas d’indication à ce sujet.
-Oh, moi, je tapine, maintenant, même si j'approche de ma date de péremption, faut bien l'avouer. T'en fais pas, je tapine jamais ici, t'as pas à t'en faire pour la réputation de ton bar. Mais oui, je me vends. Et avant que tu t'inquiètes inutilement, je le fais totalement de mon plein gré.
La première réaction de MJ fut de se dire qu’elle aurait sans doute mieux fait de se taire. Elle ne s’attendait pas à une telle réponse. C’était la première fois qu’elle discutait avec ce genre de femme. C’est stupide, tout le monde savait que cette, profession si on pouvait appeler ça comme ça existait, c’était le plus vieux métier du monde, mais MJ se sentait tout de même gênée. Non pas qu’elle jugeait son interlocutrice, ou la traitait en inférieure, mais elle ne savait pas vraiment quelle attitude avoir face à cette déclaration, même si de son côté, Vanessa semblait être totalement à l’aise avec.
« Oh… je vois. Ce n’est pas mon travail de m’enquérir de la réputation du bar vous savez, moi je ne fais que servir. Mais… tant mieux si vous le faites de votre plein gré, c’est rassurant en effet. »
anessa eut le léger sentiment d'avoir provoqué un semblant de gêne chez son interlocutrice. Il faut dire qu'elle n'y était pas allée de main morte, mais en même temps, si elle découvrait de la gêne chez les autres à l'évocation de sa profession (et oui, c'en était une), elle n'estimait pas, elle, devoir en avoir honte. Bon, peut-être que dans les premiers temps où elle avait fait le trottoir, elle n'était pas aussi fière, mais entre-temps, elle avait appris à assumer pleinement ce qu'elle faisait. Elle estimait hypocrite de s'en cacher ou de planquer ça sous le tapis en faisant mine que ça n'existait pas, de même qu'elle considérait qu'on dressait autour du sexe un tabou plutôt absurde, et qui entraînait justement les conditions désastreuses dans lesquelles officiaient certaines prostituées. Puisque ce métier n'était pas prêt de s'éteindre, autant y apporter un encadrement digne de ce nom, n'est-ce pas ?
De ce point de vue, Vanessa considérait qu'elle n'était pas trop mal tombée avec les Death Demons. Certes, David était un sale type, un pourri et une ordure (ces mecs-là l'étaient tous), mais il n'avait jamais essayé de lui extorquer plus que ce qu'elle demandait, et de manière générale, il était plutôt réglo avec ses filles. Oh, il les considérait évidemment comme des morceaux de viande, en stupide maquereau qu'il était, mais pour avoir entendu le témoignage de certaines collègue et pour avoir elle-même tapiné dans d'autres circonstances, elle admettait que toute pute qu'elle était, elle était une pute plutôt chanceuse en fin de compte.
-En tant que serveuse, tu représentes le bar, certains demanderaient à me faire virer d'ici pour moins que ça, je te l'assure, répondit Vanessa avec un sourire enjôleur, tout en faisant mine de ne pas constater l'embarras de sa jeune interlocutrice. Enfin, je suppose qu'il faudra rapidement que je reconsidère mes choix de carrière, cela dit, je commence à arriver à ma date de péremption, si ça peut vous rassurer, ça aussi, ajouta-t-elle avec un sourire amusé avant de finir son verre cul-sec. Tu m'en ressers un autre ?
Vanessa ignorait si le regard de la jeune serveuse avait changé au point que cette conversation lui devienne insupportable, de son côté, elle assumait ses choix et ses actes avec le plus grand naturel du monde.