oilà, son retour à New-York était plus qu'officiel, désormais, d'autant plus officiel que les quelques traces de ses différents méfaits, en équipe et en solo, n'avaient pas tardé à remonter jusqu'aux autorités compétentes. Elle louait cash un vieux hangar dans lequel elle s'était dors et déjà réapprovisionnée en armes et matériel, elle s'était procurée une bonne demi-douzaine de faux papiers... en bref, elle était parée. Hit Girl était bel et bien de retour, et elle ne comptait plus partir de sitôt. Puisqu'elle se dispensait désormais de ce que les gens normaux appelait "la vraie vie" (en même temps, l'avait-elle seulement jamais connu ? Pas sûr... sa seule tentative d'immersion parmi l'absurde et décérébré commun des mortels lui avait coûté trop d'énergie et de désillusion pour qu'elle réitère l'expérience - très peu pour elle), elle consacrait tout son temps à l'entraînement, et à sa traque (ô combien pacifique, douce et sans violence) du crime. Elle passait plus de temps en tenue de justicière taille mini qu'en tenue de Mindy Macready. Mindy Macready n'existait plus vraiment, de toute manière, il ne faisait partie d'aucun des noms d'emprunt qui s'affichaient désormais sur ses cartes d'identité plus vraies que nature. Ça lui avait demandé un effort considérable d'ailleurs que de, pour cette fois, troquer ses tenues de sport ou costumes de super-héroïne contre les basiques jean et t-shirts qui devaient lui permettre de se confondre avec ses congénères.
Ce n'était vraiment qu'à contrecoeur, il faut bien le dire, que la demoiselle avait fait cet effort. Elle se dissimulait aisément derrière le fait que moins elle était vue, mieux cela pouvait être pour elle, le fait est, tout simplement, que moins elle goûtait aux interactions sociales, plus elle était convaincue de pouvoir s'en priver. À une exception près, et c'était cette exception en question qui l'avait forcé à jouer les civiles de base quelques heures. Dave, lui avait-il dit, avait eu une altercation plutôt musclée en tant que Kick-Ass, et la victime qu'il avait voulu protéger se trouvait dans un état critique à l'hôpital. En soi, ça n'avait pas grand chose d'exceptionnel, mais allez savoir pourquoi, Dave avait tenu à lui rendre visite. Bon, à la limite, c'était tout à son honneur... si l'on veut. Mais allez savoir pourquoi encore, il avait voulu que Mindy l'accompagne. Je vous épargnerais le détail de sa réaction quant à une telle proposition, qui avait valu à Dave d'entendre les plus grands trésors de vocabulaire fleuri dont la jeune fille était capable (sur ce point, je laisse votre imagination faire son office), mais elle même ne savait pas à quel moment il était finalement parvenu à la convaincre.
Quoi qu'il en soit, ils en étaient là, aux portes de l'hôpital. Mindy, les bras croisés, affichait un accès d'enthousiasme absolument évident. Et encore, elle n'avait pas la moindre idée du patient que le jeune homme avait en vérité l'intention de lui faire voir. Comment dire ? À l'instant où elle le découvrirait, elle ne répondrait plus de ses actes.
-Je te préviens, dit-elle à l'adresse de Dave alors qu'il la conduisait jusqu'à la chambre du grand blessé, au premier qui chiale, je me tire.
Ça faisait plusieurs mois déjà que Chris D'Amico espérait pouvoir enfin rentrer à Long Island. Techniquement il avait payé pour sa liberté, mais il était toujours coincé tantôt dans un lit d'hôpital morbide et beaucoup trop petit, tantôt dans un fauteuil roulant qu'on acceptait à peine de faire rouler dans le couloir de ce même hôpital. Putain d'infirmières. Elles auraient pu correspondre à ses fantasmes mais non, ils fallait qu'elles soient toutes des cinquantenaires aigries à aux poitrines tombantes sous des blouses tâchées tout sauf sexy. Il en avait tellement marre d'être enfermé. Il ne faisait qu'attendre, attendre, regarder la télé, lire des comics, et attendre encore. Ça lui avait prit deux mois pour que la douleur diminue seulement de moitié. Il fallait encore patienter il ne savait combien de temps pour commencer la rééducation, pour savoir s'ils voulaient bien lui mettre des prothèses, et encore plus longtemps pour s'habituer aux prothèses en question, si jamais c'était oui. Il était quasiment sûr que ce serait oui, mais quand même, ça le faisait chier d'attendre. Il avait jamais eu autant envie de se lever. Tout ce qu'il pouvait faire c'était repenser à toutes ces fois où il avait préféré rester au pieu que de sortir de chez lui, ou imaginer ce qu'il ferait une fois qu'il pourrait à nouveau le faire.
« Ooooargh j'en peux plus de cette chambre ! grogna-t'il à l'adresse de la soignante venue changer ses bandages. Y'a pas moyen que vous m'emmeniez dehors ? Mon portefeuille est sur la table, vous prenez le pourboire que vous voulez ! »
Elle lui répondit d'aller de faire mettre et s'appliqua à border le lit parce qu'elle savait qu'il détestait ça. Est-ce qu'elle était seulement autorisée à parler comme ça à un patient ? se demanda-t'il. Ça y'est, plus de flic devant la porte, alors elle se permettait toutes les extravagances ? Quel genre de personne refuse une offre pareille de toute façon ? Et c'était lui le taré. Vieille peau. Il tira sur la couverture pour la dégager de sous le matelas, et passa son bras valide sous sa nuque. Fixant le plafond d'un blanc immaculé qui le mettait mal à l'aise, il se demanda quand est-ce qu'un de ces hommes viendrait le voir. Il recevait très peu de visites. Et dire qu'il était censé être à la tête de la famille... Pourtant il avait aucune idée de ce qui se passait pour eux. Visiblement Ralph avait dû s'occuper de tout. Et prendre le contrôle. Lou se contentait de lui déposer des affaires de temps en temps et ne lui disait rien; il aurait pu insister mais Chris n'avait plus vraiment envie de se mêler des affaires de son oncle. Curieusement. Il aurait bien voulu qu'un des gars lui rende visite, quand même. Pas mal d'entre eux l'avaient vu grandir, et le jeune homme les aimait bien. (NDA : Sauf Tony.) Et puis ça lui aurait fait passer le temps, quoi. Mais voilà qu'il était exaucé, d'après ce que lui annonça soudain l'infirmière d'un ton pas du tout enchanté. Elle pensait probablement que ses visiteurs allaient foutre la zone, et cette idée – contrairement à son patient – ne la réjouissait pas. Elle ressortit avec un profond soupir pour faire entrer ses "amis". Alors, qui c'était ? L'ex Mother Fucker se redressa de son mieux sur son matelas. Lou ? Ricky ? Luigi ? Salvator ?
Oh. Oh fuck.
« Bordel de merde, qu'est-ce que vous foutez ?!! » s'écria-t'il, prêt à se réfugier pathétiquement sous les draps.
Dave savait bien qu’il risquait gros en mentant à Mindy, comme s’il avait besoin de ça en plus pour l’énerver. Mais le jeune homme savait aussi parfaitement que sa petite amie ne l’aurait pas suivi s’il avait dit la vérité. Cela faisait des mois que Dave se renseignait discrètement de l’état de Chris, celui qui avait eu de grave blessure après leur altercation. Logiquement, Dave devrait n’en avait que faire de l’état du jeune homme, parce qu’il était quand même responsable du décès de son père. Mais en même temps, il ne pouvait pas s’empêcher de comprendre. Chris avait perdu son père aussi avant lui, c’était même Kick Ass et Hit Girl qui étaient responsables de son décès. Franck D’Amico avait mérité son sort, il était un trafiquant de drogue après tout et il avait causé la mort du père de Mindy avant. C’était une histoire de vengeance tout ça et Dave avait bien envie d’y mettre un terme. Trop de personne avait souffert dans cette histoire, il était temps d’y mettre un point final. Même si Chris pouvait difficilement faire quelque chose pour le moment contre Dave et Mindy. Dans le doute, il n’avait pas envie d’attendre le dernier moment. Vraiment, Dave considérait qu’il était important qu’ils se voient tous les trois, qu’ils puissent se parler à cœur ouvert. Sauf qu’il connaissait assez Mindy pour savoir qu’elle refuserait de l’accompagner. Alors, le jeune homme avait inventé une histoire. Soit disant, il avait sauvé une personne dans son costume de justicier, mais ce dernier était très blessé. Alors il voulait aller lui rendre visite à l’hôpital et il voulait qu’elle l’accompagne. Elle n’avait pas accepté de suite bien sûr, Dave avait eu le droit à toute la panoplie de juron qu’elle connaissait, mais elle avait fini par accepter. Kick Ass se demandait encore comment il avait réussi à la convaincre.
Ainsi donc, ils prirent le chemin de l’hôpital. Dave connaissait où se trouvait la chambre de Chris, ils n’avaient donc pas besoin de passer par l’accueil. Heureusement, parce qu’il était clair que Mindy prendrait ses jambes à son cou si elle savait le but de la visite qu’ils faisait, après avoir bien sûr assigné un ou deux coups bien placés à Dave.
« Je te promets que personne ne va pleurer. » Répondit-il à Mindy quand ils marchaient dans le couloir, s’approchant de la chambre de Chris. « On y est. »
Ils venaient d’arriver devant la porte de la chambre de Chris. Ils n’avaient donc plus qu’à rentrer. Dave se doutait bien qu’il allait payer les conséquences de ce mensonge, mais c’était pour la bonne cause. Il ouvrit donc la porte et entra, en compagnie de Mindy, refermant rapidement derrière elle. La voix de Chris s’éleva alors. Il n’était pas au courant de cette visite non plus, ça allait être joyeux.
« On est venu pour prendre de tes nouvelles. » Il parlait au nom de Mindy aussi, avant que cette dernière ne réagisse, avant qu’elle n’explose donc.
ow wow wow... C'était quoi encore, ce plan foireux ? Décidément, Dave les collectionnait, en ce moment. Quoi alors ? Il avait tellement peur de s'en manger une qu'il n'était plus fichu de lui dire ce qu'il avait en tête et décidait chaque jour de lui réserver une surprise du genre parce qu'il n'aurait pas été fichu de lui dire la vérité ? Ouais, ça devait être ça... Et en même temps, Mindy ne pouvait qu'à moitié l'en blâmer, car si le jeune homme était effectivement venu lui demander la bouche en coeur si ça lui dirait d'aller voir le fils d'Amico à l'hosto, la demoiselle ne se serait pas privée de lui en foutre une ou de l'envoyer chier, ou les deux tant qu'à faire. Et donc, voilà qu'elle se trouvait une nouvelle fois mise dans le fait accompli, aussi surprise que pouvait l'être celui qui, aux dernières nouvelles (mais elle avait dû manquer un chapitre), était leur ennemi, mais pour sa part, elle se sentait moins prompte à prendre la tangente qu'à lui balancer son poing en pleine figure, et rien à foutre, que ce mec soit handicapé et dans un état tel qu'il ne soit pas le moins du monde fichu de se défendre... il l'avait cherché, après tout, et si Mindy avait décidé, après avoir appris qu'il était toujours en vie, de ne pas achever le travail entamé par... Dave ? (Ou Chris, plutôt, d'ailleurs, ce crétin se devait son état à lui-même en grande partie, après tout), c'était parce qu'elle considérait qu'il avait déjà bien morflé et que même Mindy était d'accord pour affirmer que Chris était plus bête que méchant, à l'inverse de son paternel (oui, nul doute qu'elle ne le portait pas dans son coeur).
Mais la placer ainsi devant le fait accompli !! Il y avait des limites, tout de même. Surtout que, bordel de merde, c'était quand même Chris qui avait fait tuer le père de Dave... et son père qui avait assassiné le sien (ils avaient tous les trois des sérieux problèmes de père, en définitive, mais faisons comme si ce n'était pas la question). Elle voulait bien se la fermer et oublier l'existence de Chris, mais aller le voir à l'hôpital et enterrer la hache de guerre... fallait pas abuser non plus. Non mais franchement ! Si Dave avait des soucis avec sa conscience, il avait qu'à y aller seul, hein, elle avait rien demandé à personne. Elle adressa à Dave un regard noir qui en disait long sur les reproches qu'elle se retenait de lui faire (parce qu'elle n'avait pas spécialement envie de lui faire une scène devant l'autre handicapé) avant de focaliser son attention sur le "pauvre" hospitalisé (qui à ses yeux n'était pauvre dans aucun sens du terme).
-Correction, il est venu prendre de tes nouvelles, et moi pour m'assurer qu'elles sont mauvaises.
Et si elle pouvait les agraver dans la foulée, c'était encore mieux. Puisqu'ils étaient là, maintenant, elle n'avait certainement pas envie de jouer le jeu de l'échange absurde de politesses entre personnes qui s'étaient quand même sérieusement mis sur la tronche et avaient bien manqué de s'entretuer. D'ailleurs, au point où il en était, un membre de plus, un membre de moins, qu'est-ce que ça pourrait lui foutre. Mindy commençait à sérieusement regretter d'être venue ici en civile... Même si elle n'avait pas forcément besoin de son arsenal pour frapper fort.