Aujourd’hui, je m’étais levée de bonne heure. J’avais rendez-vous avec un avocat de Manhattan ; Matthew Murdock. J’avais préalablement fait quelques recherches sur lui ; Il fait partie d’un petit cabinet d’avocat, pas très/trop connu, ce qui serait plutôt pratique pour moi. Après quelques journées de recherches, j’avais réussi à avoir un maximum d’information sur sa vie privée, son enfance, ses études etc. C’était le stéréotype parfait de l’avocat qu’il me fallait. Et le petit plus offert par la maison, il est devenu aveugle ! Ce qui est plutôt pratique en un sens, car je me doutais parfaitement que c’était le genre de personne qui évite les problèmes, n’ayant pas tous ses sens en éveil. Evidemment, j’étais loin, très très loin de me douter qu’il est en réalité un Super-Héros. Mais ça, je ne le découvrirais que plus tard ou même peut-être jamais ! Qui sait ?!
Je recherchai un profil plutôt banal et discret, histoire d’éviter d’attirer trop l’attention. Je tiens quand même à préserver un maximum de transparence et de discrétion également. Ma profession est certes, parfois dangereuse et cela me servirait d’excuse pour être et rester judiciairement défendable au cas où j’ai un casse qui se passerait mal. Même si mes cambriolages sont de haute qualité et de haute performance, je sais que je suis rarement confronté à des problèmes et que jamais je ne me suis faite pincée. Mais avoir un avocat à ses côtés est plutôt rassurant quand on a un projet comme le mien. Il faut que j’apparaisse totalement clean aux yeux d’une personne faisant partie du barreau pour avoir une chance d’être défendable, le jour où j’aurai réussi à libérer mon père. Si ca se passe mal, il me faudrait quelqu’un de mon côté. Vu son passé avec son père, je pense qu’il est parfaitement le genre de personne qui me comprendrait et me soutiendrait. En attendant, mon boulot de détective serait ma seule identité pour lui. C’est pourquoi, j’avais pris rendez-vous avez lui à Manhattan.
Je pris un taxi, passai la frontière du Queens et arrivai enfin dans la plus belle partie de la ville. J’adore Manhattan ! C’est tellement plus vivant et plus riche que le Queens ! J’aime y passer du temps pour souffler et parfois pour faire un peu de shopping. Ca ne m’arrive que très rarement vu mon boulot et mes occupations mais bon.
J’avais exclusivement demandé un rendez-vous hors du cabinet, histoire que je ne sois pas confrontée tout de suite à son collaborateur, Franklin Nelson dit « Froggy ». Quoi ? Vous pensiez que je n’avais fais que des recherches sur Matt’ ?! Vous plaisantez ! Vous oubliez qui je suis ! L’une des meilleurs détectives privée de New-York !
10h23. Et merde ! J’allais être en retard. J’avais encore 7 minutes pour arriver au petit café dans lequel Matt’ m’avait conseillé. Je sortis du taxi, le payai et entrai enfin à 10h40 dans le café. Evidemment, il n’y était pas encore puisque le rendez-vous était fixé à 11h. Mais comme vous le savez surement, j’aime avoir connaissance des lieux, des personnes, de l’environnement dans lequel je vais devoir rencontrer quelqu’un. Défaut professionnel ; toujours arriver à l’avance pour observer le client en question dans son environnement à son état naturel. Dans le commerce, il y avait une douce odeur de café qui flottait dans l’aire. De petites pâtisseries maison et hors de prix étaient exposés derrière une petite vitrine. Il n’y avait une dizaine de personne dans l’établissement dont un serveur qui bougeait derrière sa vitrine et sa caisse, entretenant ses machines. L’endroit était plutôt bien choisi. C’était peu fréquenté mais il y avait tout de même assez de personne. C’était propre, pas trop bruyant, délicatement parfumé, saint. Il va falloir que je le remercie quant au choix de cet endroit. Je m’installai sur un tabouret en attendant que mon avocat arrive. Je commandai un thé vert en attendant. L’homme me regarda du coin de l’œil. Quoi ? Cela se voit tant que ça que je ne suis pas de Manhattan ?! Pourtant j’étais plutôt bien habillée ! Un t-shirt à longue manches noir avec un décolté en V, un jeans plutôt moulant avec des hautes bottes à talons noires, une veste courte en cuire brune et un long collier argenté pour la touche féminine. Peut-être n’était-ce pas assez classe à son goût… Mais au moins, il formula le minimum de politesse syndicale. Je commençai donc à déguster mon thé, en attendant l’arrivée de maître Murdock.
Matt était aveugle. Pourtant dans le taxi qu'il avait décidé d'emprunter pour se rendre à son rendez-vous de la matinée, il pouvait distinguer -à sa façon- le quartier de Manhattan défiler. Grâce à son sens d’écho-location il pouvait ressentir l'activité fourmillante de cette partie vibrante de la ville comme aucune autre personne ne le pouvait. Un festival de vagues et de traits bleus s’offrait à lui au travers de la fenêtre. Il consulta sa montre braille : 10h50. La circulation dense dans cette partie de la ville lui fit dire qu'il risquait d'être en retard. Sans s'en inquiéter ses pensées se tournèrent plutôt vers la jeune femme avec qui il allait s'entretenir dans une dizaine de minutes.
Mademoiselle Hardy.
Dans les formes presque liquides des échos de son sens radar, il tenta de distinguer les traits de celle qu’il avait décidé de rencontrer, un peu contre l’avis de Frank. Celui-ci pensait qu’ils n’avaient pas besoin d’une « détective sortie d’on-ne-sait-où ». Matt lui avait répondu qu’au contraire, c’était exactement ce qui leur faisait défaut : un investigateur indépendant, capable de fouiner dans les manigances des adversaires qu’ils combattaient, et qui ne reculaient eux devant aucune bassesse. Adversaires. Ce mot le renvoya à son autre vie, et les traits hypothétiques de Félicia furent alors remplacés par ceux tout aussi flous de sa douce Elektra. Il caressa douloureusement la vitre du bout des doigts, comme pour l’atteindre. En vain. Poussant un léger soupir, il tourna la tête vers l’avant du taxi. Il faut que tu te secoues, Matt. Ça ne peut plus continuer comme ça ! se dit-il en prenant soudain toute la mesure de l’auto-destruction dont il était en train de faire preuve.
Caressant sa canne, Il décida de se concentrer sur le présent. La mystérieuse jeune femme prénommée Félicia avait des références impeccables, et une très belle voix. Son timbre, sa tessiture et sa façon de s’exprimer renvoyaient l’image d’une femme sûre d’elle, sûrement très belle. Mais ce n'était pas ce qui l’avait intéressé sur le moment. Il la sentait surtout débrouillarde, capable d’initiative, et aussi honnête ou malhonnête qu’on pouvait l’être dans ce genre de milieu.
Elle avait voulu qu’ils se voient en dehors du cabinet. Matt avait donc choisi le Dewie’s, un petit café de Manhattan. Situé dans une petite rue transverse, le Dewie’s était un cadre idéal pour discuter en toute tranquillité, et qui offrait en plus l’avantage de servir un excellent café à un prix abordable. Ce rendez-vous allait lui permettre de se faire une idée plus précise de la jeune femme.
Il était assez difficile de mentir à Matt. Tous ceux et celles qui avaient essayé en avaient vite réalisé l’inutilité. Car s’il était bel et bien aveugle, L'ouïe surhumaine de Matthew lui permettait de sentir le plus petit écart d’un battement de cœur, tandis que son toucher -tout aussi exceptionnel- pouvait détecter la moindre variation de chaleur corporelle, s’il était assez prêt. Véritable détecteur de mensonge humain, il parvenait ainsi à deviner à presque tous les coups si quelqu'un lui cachait quelque chose d'important. Et il comptait bien se servir de ces talents pour évaluer son hypothétique future collaboratrice ponctuelle.
La voix rude du chauffeur de taxi le tira alors de ses pensées : « Oh, tu dors ? On y est, l’aveugle. Tu m’dois 15$...». Matt fronça vaguement les sourcils en observant l'afro-américain une seconde. Cet homme mentait. Cette course ne coûtait pas 15 dollars. Mais il pensait sûrement qu'un pauvre aveugle qui ne pourrait pas voir le compteur ne s’en rendrait pas compte. Et visiblement il n'en était pas à son coup d'essai. Malheureusement pour l'escroc, Matthew prenait souvent le taxi, et c’était loin d’être la première course qui l’amenait à ce café. Le jeune homme finit par sourire, tendant deux billets de 5$ pliés en deux, puis ajouta d’un ton aimable en ouvrant la portière : « Gardez la monnaie…Et vous devriez vraiment songer à arrêter de boire pendant votre service. Le whisky ne va pas arranger votre cirrhose...».
Le taxi, bouche bée, finit par s’exclamer une fois la surprise passée : « Eh, p'tit génie, y a pas l’compte ! ». Mais l’avocat ne l’écoutait plus. Il savait que le chauffeur alcoolique ne tenterait rien de plus, encore moins après avoir essayé de l'arnaquer aussi ouvertement.
L'homme continua son petit numéro encore quelques secondes, mais Murdock était déjà loin, se dirigeant d'un pas assuré vers le Dewie's et son entrevue, guidé par l’odeur de café et le délicat parfum propre à l’établissement, qui constituait pour lui une grande partie du charme auditif de l’endroit. Comme toujours, des passants l’observaient discrètement dans la rue. Avec le temps, il avait fini par s'habituer à cette impression de regards à la fois curieux et fuyants qui se posaient sur lui, au point de complètement les oublier.
Il portait toujours son invariable costume gris, et n’avait pris aucun manteau pour profiter pleinement de la chaleur du soleil de cette matinée resplendissante pour un endroit comme New-York. Ses lunettes aux reflets rouges finirent par se poser enfin sur la porte du Dewie’s, qu’il poussa en fermant les yeux, anticipant le plaisir des sens.
Murmure d'une ambiance calme et feutrée. Bruit de vaisselle discrète en fond. Odeurs agréables : cafés, petits déjeuners, et...Thé ? Il entendit le murmure du petit garçon qui le fixait, mais ne dit rien et se contenta d'un sourire tout en finissant de pénétrer dans l’établissement. A peine arrivé, un vieil homme à la moustache avenante et aux lunettes fumées releva la tête de ses machines et lui demanda depuis sa caisse : « Noir et fort sans sucre, comme d’habitude Monsieur Murdock ? ». Son sourire toujours accroché aux lèvres tout en cherchant Félicia, Matthew eut un mouvement de main discret signifiant à la fois « bonjour » et « oui », finissant par lui répondre par un discret : « Merci, Stan. Je vais aller m'assoir ». Il s'était avec l'âge habitué aussi aux comportements trop gentils des gens à son égard, mais loin de le vexer, cela l'amusait toujours intérieurement.
Il tapota sa canne sur le sol, mais ses sens en éveil étaient déjà en action depuis son arrivée, et il avait senti ce parfum léger, subtil mais enivrant vers le tabouret du fond, et l'autre odeur, celle du Thé qui l'avait étonné à son entrée. Pas que le Thé soit interdit, et il trouvait l'odeur du thé vert très agréable. Mais ça ne faisait que rarement partie des goûts de la clientèle New-yorkaise locale, qui lui préférait largement le café. Il s’approcha alors sans hésitation, et tenta tout en décochant un sourire énigmatique : « Mademoiselle Hardy ? ».
Dernière édition par Matt Murdock le Mar 9 Sep - 14:29, édité 3 fois
Alors que j’étais installée confortablement sur mon tabouret en cuire rouge du fond, un homme aveugle entra dans le café. De là où j’étais, je pouvais parfaitement l’observer et je n’eu aucun mal à reconnaître mon rendez-vous. Vu le comportement du serveur à son égard, je n’eu également pas de mal à deviner que Maître Murdock était un habitué du lieu. Je l’observai attentivement de là où je me trouvai. Il était normal que je sache un peu à quoi m’attendre avec ce genre de personnage. Et puis, il fallait que je reste parfaitement naturelle. Je bu une gorgée de mon thé et ne le quittai pas des yeux en attendant qu’il trouve une place à une table pour que je vienne l’y rejoindre. Je n’avais nullement l’intention de le bousculer en me présentant à lui dans la seconde !
Sans le quitter du regard, je vis qu’il se rapprocha de plus en plus et à mon plus grand étonnement, il s’arrêta à ma hauteur et me demanda si j’étais bien mademoiselle Hardy ! J’écarquillai les yeux pendant une seconde en haussant les sourcils. Spontanément je bégayai :
« Co… Comment vous… ? »
Hum… Je dois dire que j’étais sur le coup de l’émotion… Je ne m’attendais pas du tout à ça ! Je sais que parfois, quand les gens perdent un de leur cinq sens, un autre se développe. Ici, j’optai pour l’odorat. Je me laissai penser qu’il était tellement habitué à ce lieu et aux clients, qu’il en avait détecté mon parfum, différent des autres habitués. En tout cas, c’était la théorie que j’avais en tête et l’explication la plus logique pour l’heure.
Poliment je me levai de mon tabouret pour lui faire face et je tendis la main pour venir prendre la sienne et la lui serrer en toute pudeur et politesse en disant :
« Désolée excusez-moi maître. Je suis ravie de faire votre connaissance ! »
Je ne m’attendais pas tellement à ce genre de rencontre mais soit. Il m’étonna dès son entrée et cela était plutôt prometteur ! Et toujours dans un très grand respect et dans la reconnaissance du fait qu’il se soit déplacer jusqu’ici malgré son handicape, je lui proposai tout de suite :
« Je peux vous offrir quelque chose ? »
Pour moi, c’était la moindre des choses de proposer une consommation à son rendez-vous, surtout quand vous savez qu’il éprouve du mal à se déplacer. Enfin, en tout cas c’est ce que je croyais !
Elle n’était pas telle que je me l’étais imaginée, mais sa réaction spontanée m’arracha un demi-sourire franc. C’était loin d’être la première fois que je faisais ce genre de "plaisanteries" concernant ma cécité, mais cette candeur et son bégaiement étaient une irrésistible récompense à mon petit jeu de dupes.
En se levant pour me saluer, elle dégagea des effluves plus précis de son parfum. Définitivement, il s’agissait d’une femme d’un goût certain. Je regardais sa silhouette svelte et parfaite se lever grâce à mon écho location, et vit la fine main se tendre vers moi. Mais, force d’une habitude bien rôdée, je décidais de faire semblant de ne pas la voir, jusqu’au moment où celle-ci me la prit quasiment. Poigne délicate, politesse, tout se passait comme si elle avait peur de me casser quelque chose. Je lui rendis sa poignée de main d'une d’une poigne délicate et chaude, mais plus ferme que ce à quoi on pourrait s'attendre de la part d'un avocat, aveugle de surcroît : « Enchanté, Mademoiselle. Désolé de vous avoir surpris, j'ai bien peur que votre thé vert et votre parfum ne soient les coupables de ce petit numéro...», répondis-je avec un demi-sourire, comme pour mettre fin à cet intenable suspense et donner un élément d'explication au fait que j'ai deviné juste.
Elle enchaîna ensuite en me proposant de me payer quelque chose. J’étais hésitant. Cherchait-elle à compenser sa surprise, avait-elle envie de se faire bien voir d’un employeur potentiel, ou était-elle juste en train de prendre en pitié le pauvre jeune aveugle qui gagnait durement sa vie dans un petit cabinet d’Hell’s Kitchen ?
Laissant là mes spéculations, je lui fis mon sourire le plus aimable, et regardais au travers de mes lunettes dans sa direction : « c’est vraiment gentil à vous...Mais j’ai bien peur que mon associé ne soit vert de rage s’il apprend que je me suis fais offrir un verre par une jeune femme aussi charmante…». Un petit sourire à mi-chemin entre l’amusement narquois et la séduction d’un subtil gentleman flotta l’espace d’une seconde sur mon visage, avant que je ne me retourne vers le serveur : « Les consommations de cette Demoiselle seront sur ma note, Stan », dis-je sur un ton qui ne laissait pas vraiment le choix à Félicia. Le vieil homme pencha juste la tête affirmativement, comme si il savait que je pouvais le voir. Ce qui n’était pas le cas, mais je décidais de simuler un oui, expliqué par son absence de réponse. Mentir sur un handicap est un art qui demande des années de pratique pour le maîtriser à la perfection. La moindre erreur et la personne risque de se douter de quelque chose.
Je me retournais ensuite vers mon agréable rendez-vous, qui le devenait décidément de plus en plus de minute en minute. D’un geste de la main, je lui proposais de réintégrer sa place. Je tapotais d'abord la canne sur le décor environnant pour donner le change, puis une fois qu’elle fut assise je m’asseyais sur le tabouret en cuir à côté d'elle, au même moment même où Stan me servait le café. Je pris délicatement la tasse après avoir fais semblant de la chercher, et je la posais sur mes lèvres avec un sourire franc tout en buvant une gorgée de ce nectar : « Alors, Miss Hardy…Parlez-moi un peu de vous. À part vos références impeccables, vos manières parfaites et votre voix charmante, vos goûts sûrs en matière de thé et de parfum...Et votre manque évident de pratique avec les personnes aveugles, je ne connais finalement pas grand chose de vous, pour ne pas dire rien...», dis-je en reposant ma tasse avec une expression narquoise mais compréhensive sur ma tirade sur les aveugles : « Rassurez-moi, vous avez bien quelques défauts pour compenser cette image de femme détective parfaite ?», finis-je sur le ton de la plaisanterie décoré de l'ombre d'un sourire en coin. Toutefois, malgré ma politesse et mes plaisanteries, l'entretien avait commencé, et mes sens étaient dorénavant à l’œuvre, la scrutant d’une manière qu’elle n’envisageait sûrement pas.
Dernière édition par Matt Murdock le Mar 9 Sep - 14:30, édité 2 fois
A cette poignée un peu forcée je l’avoue, il m’avoua que c’était mon parfum et l’odeur du thé vert qui était inhabituel dans ce lieu. Quoi ?! Les gens de Manhattan ne boivent-ils pas de thé ? C’était vrai. Quand il dit cette phrase, j’avais remarqué que tous les clients – pour ceux qui buvaient – avaient leur tasse de café. En général, c’est le genre de détail qui m’aurait sauté aux yeux, mais je dois dire que je n’y avais pas prêté attention, pour me faire plaisir et m’offrir une consommation que j’apprécie pour me préparer à ce rendez-vous que rechercher à me fondre dans la masse. De toute façon, vu le regard du serveur à mon égare quand je lui avais commandé ma boisson, me fondre dans ce café était déjà raté d’avance ! De toute façon, ce n’était pas le but aujourd’hui…
Nous nous installions sur les tabourets, plutôt que sur une banquette avec une table. Pourtant, il lui serait plus facile de s’installer là, mais enfin soit. Il répondit négativement à mon offre avec une touche d’humour concernant son associé. Je fronçai une demi-seconde les sourcils. Visiblement, dans le Queens, la mentalité des gens est bien différente ! Il fallait que je cesse d’être aussi familière avec les personnes professionnelles de mon entourage… Dans la partie de la ville où je vivais, mon rendez-vous aurait accepté bien volontiers et me l’aurait rendu à la prochaine entrevue. Félicia concentre-toi un peu… Il demanda au serveur de mettre toutes mes consommations sur sa note. Poliment je voulu le remercier mais il entra dans le vif du sujet assez rapidement. C’est vrai, autant ne pas perdre de temps !
Il me demanda de parler de moi car à vrai dire, il ne connaissait rien. Mis à part mes références qu’il qualifia d’impeccables, mes bonnes manières, ma jolie voix, mon goût sur pour le parfum et le thé et surtout, mon manque de pratique avec les personnes aveugles. Sur la dernière ‘qualité’, j’eus un sourire un peu pincé, un peu honteux et je regardai ma tasse de thé pour en boire une gorgée… D’accord, je l’avoue ! Je n’ai jamais eus à traiter avec des personnes handicapées, du coup, ce n’est pas encore très évident pour moi de garder un comportement normale. Mais si c’est ce qu’il souhaite alors, je me comporterai avec lui, comme s’il pouvait voir. Je reposai ma tasse délicatement sur le comptoir et je réfléchis donc à mes défauts. Je regardai en l’air pendant une seconde ou deux, puis je lui répondis :
« Hmmm… Je n’ai aucun défaut ! »
Puis je tournai mon visage vers le sien pour observer ses lunettes rougeâtres et continuai :
« Je suis une des meilleures de ma profession ! C’est pourquoi il m’est interdit d’avoir des imperfections. »
Puis, sur un ton un peu moins arrogant, affichant un petit sourire en coin j’ajoutai :
« … en revanche dans le privé, je suis invivable ! Je suis du genre maniaque, je bouge tout le temps, je n’ai aucun ami car je préfère me noyer dans le sport seule, je n’ai plus de parents et pas de famille, je vis donc seule dans l’ombre de New York, j’aime l’argent, déteste les écologistes et j’ai déjà volé plusieurs fois dans les magasins de Manhattan. »
J’avais lâché cette phrase d’une traite pour illustrer une partie de ma personnalité quand on me connait un peu plus que professionnellement. Ainsi, il pourra constater par lui-même qu’il ne valait mieux pas qu’il me connaisse au-delà de ma profession. Je suis une détective irréprochable, mais derrière ce job, se cache une cambrioleuse au plan machiavélique et aux moyens plus qu’inacceptables pour arriver à mes fins. J’omis exprès de lui parler du fait que mon père est en prison et que j’ai coupé les points avec ma mère. J’ai assassiné un homme une fois et j’en ai envoyé un à l’hosto pour le reste de sa vie, plongé dans un coma dont il à peu de chance d’en sortir. Ce genre de détail sur ma vie reste de l’ordre du secret et personne n’est au courant de ca. J’avais parlé franchement et sincèrement et je préférai ajouter avec une touche d’humour à mon tour :
« … et je n’ai jamais rencontré une personne aveugle. »
Bah, au moins c’était clair ! Qu’il sache au moins pourquoi je ne me suis pas comportée naturellement avec lui dès la première seconde. Mais qu’il ne s’inquiète pas… Vu le CV que je venais de lâcher, il était en droit de se douter que je n’étais pas du genre à épargner qui que ce soit à cause d’une quelconque raison. Même si je pensais que les handicapés étaient plus fragiles que les autres, je ne suis pas toujours en mesure de me douter que ces personnes compensent avec autre chose. Visiblement, lui, compensait avec son odorat ultra développé et que donc, je me comporterais avec lui, comme avec n’importe qui, dès à présent.
J’écoutais attentivement la réponse de la jeune femme. Mais plus que la réponse, c’était la façon de la formuler et ses réactions que mes sens avaient en ligne de mire. Son cœur n’avait pas manqué un seul de ses battements calmes. Sa voix indiquait une certaine gêne, que j’analysais vite à force d’habitude. La majorité des gens qui me rencontraient pour la première fois avaient souvent ce genre de réaction. Sa chaleur corporelle n’avait pas bougé outre mesure, et son odeur corporelle était on ne peut plus agréable, sans aucune note de sueur qui aurait pu m’indiquer qu’elle avait quelque chose à cacher. Sa réponse était franche, directe, et ne s’embarrassait pas des conventions habituelles de ce genre d’entretiens. Fixant volontairement mes lunettes dans une direction juste un peu plus haute que ses yeux, comme les aveugles normaux le font, je finis par dire au bout de quelques secondes de silence avec un petit rire : « Voilà ce que j’appelle une réponse originale. Faites-moi penser à ne jamais faire du shopping avec vous...».
Je finis mon café avec un petit sourire, et renchérit pour ne pas laisser un trop grand suspense : « Vous êtes une personne très intéressante, Mlle Hardy. Charmante, maline, directe, et vous avez visiblement toutes les qualités requises pour le travail que nous pourrions vous proposer… ».
Je regarde un peu en l’air, avant de revenir sur elle : « Pour vous dire la vérité, mon associé n’était pas très emballé par cet entretien. Il ne comprend pas tout l’intérêt pour notre cabinet de s’offrir les services d’un « privé »… »
Je savais très bien, moi, pourquoi je tenais à ce rendez-vous et à cette collaboration. Ma double vie ne me permettait pas toujours d’enquêter sur toutes nos affaires comme je le devrais. Le cabinet prenait de plus en plus de demandes, et Daredevil ne pouvait pas être partout. Certains cas devraient être pris par un investigateur plus « classique », mais il fallait qu’il soit aussi efficace et de confiance. Les questions qui restaient étaient donc de savoir si je pouvais avoir confiance en cette jeune femme visiblement exceptionnelle, et si elle était aussi efficace que ses références semblaient l’annoncer.
Je pris un des cookies sur le comptoir, puis la regardais « droit dans les yeux » avec un petit sourire : « Il changera d’avis dès qu’il vous rencontrera, j’en suis certain. Nous avons besoin d’une femme telle que vous, ça n’fait aucun doute… ». Une petite pause, avant de me lancer : « Notre modeste cabinet est en train de prendre de l’essor dans Manhattan. Les affaires se multiplient, et nous ne sommes pas toujours capable de faire face à certains des clients adverses, qui ont assez de pouvoir et d’argent pour faire tomber des innocents quand ça les arrange… ». Je croquais dans le cookies, puis repris : « Je suppose que vous avez fait vos recherches, et que vous savez que nous sommes un cabinet… Engagé. Nous ne défendons les droits que des gens et des affaires dans lesquelles nous croyons réellement, et nous ne défendons jamais des criminels...», mentis-je à moitié en pensant à tout ce que Froggy aurait à redire à cette tirade idéaliste « Nous nous battons jusqu’au bout pour prouver leur innocence. Et sans nous vanter, notre tableau de chasse commence à être assez impressionnant.».
Repensant à tous les succès qui avaient amené à la situation actuelle, je réfléchissais à la meilleure façon d’engager le sujet. Je me décidais finalement pour la même approche qu’elle, la plus directe : « Nous essayons de combattre le crime et l’injustice et d’avoir une déontologie stricte, Miss Hardy. Comme vous vous en doutez sûrement, ce n’est pas très courant comme démarche dans notre métier, et nous ne nous faisons pas que des amis… ».
Après avoir sondé ses réactions, je rajoutais avec une expression plus sérieuse que jusqu'ici : « J’ai donc besoin de savoir, Félicia, si vous aimez l’argent au point de changer la donne selon votre intérêt personnel, ou si vous respecterez votre engagement envers notre cabinet, quelle que soit la somme que d’éventuels criminels auraient à vous proposer pour faire plutôt accuser nos clients que de les acquitter… ». Je n’ajoutais rien de plus, mon entrée en matière déjà plus qu’osée se suffisant à elle-même.
Dernière édition par Matt Murdock le Mar 9 Sep - 14:30, édité 1 fois
Quand j’eus terminé ma tirade, il me regarda – comme le font les aveugles – et me répliqua que ma réponse était original et qu’il fallait que je lui fasse penser de ne jamais faire du shopping avec moi. Sur ces derniers mots, je laisser échapper un petit rire logique au comique de cette situation. Il ne laissa pas passer trop de temps entre la fin de son café et l’avis qu’il avait de moi. Il ne tarit par d’éloge à mon égard en me disant que j’étais intéressante, charmante, maline directe ainsi que toutes les qualités qu’il fallait pour le genre de job qu’il me proposait. J’affichai un petit sourire de satisfaction. Je sais que je suis la meilleure détective privée de la ville. Cette réponse sur ma personnalité était sans doute pour pouvoir mesurer mon efficacité professionnelle ! Car qui dit vie personnelle chargée dit vie professionnelle bâclée. En tout cas, c’est ce que je pensais… Si seulement il savait à quel point ma profession me tient à cœur ! Ou devrais-je dire, mes professions … !
Il m’avoua que maître Nelson n’était pas très ‘pour’ l’idée de fond de cet entretient. Lui non plus visiblement ne sait réellement pas à qui il aurait affaire ! Si seulement il savait de qui il peut s’offrir les services, je pense que maître Nelson signerait immédiatement mais… On ne peut jamais exactement TOUT connaître de tout le monde. Mais encore une fois, mon interlocuteur eut une réaction saisissante en me regardant à hauteur de mes yeux cette fois-ci, comme pour souligner le fait que son cabinet avec réellement besoin de quelqu’un comme moi. Je sourirais toujours et je bu une gorgée de mon thé qui commençait doucement à tiédir. Il m’expliqua que son cabinet commençait à prendre de l’importance dans Manhattan et je suis la mieux placée pour en connaître chaque client, chaque affaire un peu houleuse et j’avais même poussé le vice jusqu’à enquêter sur les partis opposés lors des différents cas qui s’étaient présentés au tribunal. Quant à son argument sur la défense des innocents, je fronçai les sourcils en reposant ma tasse et en redirigeant mon regard vers lui. Il prit un ton sérieux, plus que le début de cette rencontre et ceci mit de l’importance à ses prochains mots. Il avait réellement besoin de savoir si j’aimais l’argent plus que l’engagement de leur cabinet. Ha ! Enfin. Là, les choses commençaient à devenir sérieuses. Oui, j’aimais l’argent plus que le fait de défendre des innocents ! Même si je suis du côté de la justice, en ce moment c’est contre elle que je dois me battre pour faire sortir mon père de prison, mais ce plan est de l’ordre du top secret. C’est un projet de longue haleine donc, il fallait que je reste patiente et méthodique quant à la réalisation du plan d’évasion et des plans de vengeances quant aux différents responsables.
Je me redressai et affichai enfin un sourire sournois et assez secret. Toujours en direction de mon interlocuteur, je répondis toujours aussi sur de moi :
« Comme je vous l’ai dis maître, j’aime l’argent et il est claire que mon client le plus offrant changera toujours la donne ! Ceci dit, mon engagement envers votre cabinet est tout autre que le bénéfice lucratif. Je ne vous demande aucune rémunération pour les prestations que vous allez me commander. En revanche, mon intérêt personnel y a sa place si vous pouvez m’offrir en échange, à votre tour, votre savoir faire en matière de justice et de défense. J’ai moi-même un innocent à défendre. C’est pourquoi je vous ai choisi, vous. Je connais l’histoire de votre cabinet, j’en connais ses moindres cas et leur parti opposé. Les noms des avocats, des clients, des juges, des jurés, des personnes présentes de chacun de vos procès. Votre influence sur Manhattan, votre passé et celui de maître Nelson. Vous avez le meilleur profil qui correspond à ma recherche et je sais que mon travail peut vous aider à grimper. Ce que je vous propose, c’est simplement un échange de bon procédés et dans la plus grande discrétion bien entendu ! »
Ça y est, tout était dit. J’avais lâché sans prévenir la réelle cause de ma présence. Je voulais travailler avec lui et je savais que mon travaille pouvait lui servir. Je ne lui demanderai jamais de s’occuper du cas de mon père car alors, ce serait lui révéler mon passé et je voulais encore le garder secret pour le moment. Tout ce que je voulais, c’était avoir un avocat réputé pour défendre des innocents, le jour où, je me ferai prendre. Même si je ferai tout pour que ce ne soit pas le cas, je sais que si je m’attire ses sympathies et lui, les miennes, il serait prêt à me défendre coût que coût. En tout cas, c’est ce que j’espérais…
Quelques minutes plus tôt, derrière le taxi de Matt Murdock
Sharky regardait le taxi s’arrêter. L’avocat aveugle en sortit, et commença à traverser la rue. Le jeune Billy dit alors avec une moue en crachant son cure dent : « On s’le fait ? ». Son accent irlandais à couper au couteau énervait Sharky. Mais il se contenta d’arrêter d’un geste de sa main épaisse l’ombre de la brute qui commençait à vouloir sortir par la portière arrière : « On reste tranquille. On va d’abord voir où il va. ENSUITE, on s’le fait. ». Sharky était tueur à gages. Son premier meurtre était bien loin derrière lui, et il ne comptait pas se laisser emmerder par deux abrutis sans cervelles. La brute à l’arrière grogna, et le jeune Billy eut encore une moue contrariée au travers des tâches de rousseurs qui constellaient son visage. Mais il se contenta de répondre presque poliment : « Ok, c’est toi l’chef, Sharky…».
Et effectivement, c’était lui le cerveau de cette opération. Le tueur regarda les deux bons à rien qu’on lui avait collés, engoncés dans leurs costumes de mauvaise coupe trop voyants. Pour Sharky, autant se mettre une étiquette sur le front avec marqué « petites frappes ». Lui aimait le style classique et discret, malgré sa carrure imposante. C’était sa marque de fabrique, d’être discret.
Il ouvrit sa portière et finit par dire : « Ok. On y va. Et pas d’vagues, compris ? »
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Quelques instants plus tard, devant le Dewie’s
Billy pesta : « Il est là, putain ! On attend quoi, exactement ?! Moi j’dis, on rentre, on lui dessoude sa tronche de bigleux, et on r’part, simple !.. L’Boss il a bien dit qu’y fallait faire un exemple en plein jour, non ?! », finit-il en serrant son flingue comme si c’était un cadeau de noël, tout en essayant de capter le regard décérébré de son copain et colosse Titus pour trouver un peu de soutien face au tueur à gages qui les faisait attendre depuis « déjà » deux minutes.
L’imposante silhouette de Sharky n’avait elle pas bougée. Ses lunettes de vues reflétaient les silhouettes de Matt Murdock et de cette femme à côté de lui au travers de la vitrine du Dewie’s. Il finit par se retourner, une expression dangereuse sur son visage buriné : « Si tu la fermes pas une bonne fois, gamin, c’est moi qui te la ferme, compris ? ». Billy trembla. Titus grogna. Le regard du tueur se posa sur la masse de muscle : « Quelque chose à dire, le gros dur ? ». La montagne en costume bon marché ne répondit rien de plus, visiblement intimidé par le tueur. Il se contenta d’acquiescer de sa tête rasée. Un sourire léger et carnassier passa sur la face de Sharky : « C’est bien. ».
Puis son visage retrouva la concentration, et il aboya ses ordres rapidement : « La baraque, tu viens avec moi. Et toi, la plaie, tu restes devant la porte et tu fais l’guet. Si quelqu’un s’en mêle, tu sais quoi faire… ». Sharky et Titus commencèrent donc à traverser la rue en regardant des deux côtés, suivis de Billy à la traîne qui gémissait presque d’un ton incrédule : « Oh, pourquoi c’est moi qui… ». Mais le son de sa voix se perdit dans la tête de Sharky, qui évaluait déjà la cible. Un aveugle. C’était presque indigne de lui. Mais Mc Clumsy payait bien. Rentrer. Faire passer le message. Le tuer. Sortir. Il mis la main dans la poche de son manteau pour défaire le cran de sûreté de son 9mm dans son holster, et enlever le clip du holster rapide. Puis, enfonçant son feutre noir sur ses cheveux bruns il réajusta ses lunettes de vue avec son gros index et commença à pousser la porte, suivi de Titus. Heureusement, il avait pour spécialité le déguisement, ce qui venait de lui servir à se grimer. Il n’aimait pas ce qu’on lui demandait de faire là, mais quelquefois ça faisait partie du boulot de savoir s’exposer.
Et c’était vraiment un contrat très bien payé pour simplement descendre un avocat aveugle.
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Pendant ce temps-là, au comptoir du Dewie’s
J’évaluais la réponse de ma super détective. On pouvait dire qu’elle était franche, même si elle ne faisait qu’annoncer franchement qu’elle comptait se servir de nous, sans préciser réellement pour qui ou pour quoi. Tout ça ne me rassurait que moyennement. Mais je savais aussi d’expérience que tous les secrets que l’on cache ne son pas nécessairement mauvais. Je devais cependant en savoir plus, et ce mystérieux brin de femme avait décidé de ne pas me rendre la tâche facile. Je sentais bien qu’elle ne me disait pas tout, mais il m’était impossible pour l’instant de dire si ces cachoteries allaient un jour m’exploser à la figure, ou si elle comptait réellement se servir du cabinet pour protéger des innocents.
Malgré tout, elle avait passé le test du comptoir – destiné à la mettre en pleine « lumière » juste à côté d’oreilles indiscrètes. Et elle n’avait pas hésité une seconde. Il valait donc mieux discuter du reste à une table plus isolée. Avec un sourire courtois je répondis à la fin de sa tirade : « Très bien, Miss Hardy. Je pense qu’on devrait peut-être prendre une table pour discuter de tout ça… ». Phrase rhétorique puisque je commençais déjà à me lever, lui indiquant de ma canne une des tables vide au fond de la salle.
Tout en dirigeant mes pas lentement vers notre futur lieu de conversation, je perçu alors l’ouverture de la porte. D’autres clients. Je fronçais les sourcils. L’odeur caractéristique de la poudre à canon. Et l’after shave et la démarche du deuxième type. Je le connaissais, c’était certain.
Quelques secondes supplémentaires me furent nécessaires pour remettre un nom sur ce gros lard suant : Titus Waldo. Une petite frappe que j’avais faite incarcérée pour avoir failli tuer une serveuse. Il était massif, mais c’était un abruti notoire. Je ne reconnaissais pas l’odeur plus discrète du deuxième homme, mais lui aussi transportait une arme, et il avait une odeur étrange...Des cosmétiques ?
Une décharge électrique traversa soudain toute ma colonne vertébrale, tandis que je réalisais deux choses. Primo, Titus bossait pour Mc Clumsy, un des gangster de Hell’s Kitchen que le cabinet avait dans sa ligne de mire en ce moment. Il était donc bien possible que ces gars soient là pour faire la peau au maillon faible du cabinet. Deuxio, j’avais mon costume sous mes vêtements, mais il m’était impossible vu la situation de faire quoi que ce sans dévoiler mon identité.
Je jurais intérieurement. Je ne pouvais pas laisser des innocents payer pour des affaires qui ne concernaient que moi. Mais je ne pouvais pas non plus dévoiler les talents cachés de Matt Murdock. J’étais coincé, assis sur une chaise avec cette femme, et ils se dirigeaient maintenant clairement vers nous. La bonne nouvelle, c’est que Mc Clumsy était de la vieille école, celle où un contrat s’exécutait à bout portant avec un pistolet, et pas depuis une voiture anonyme avec une arme automatique. Il voulait sûrement que tout le monde sache que leur « syndicat » avait commandité ce meurtre.
L’idée de tester les capacités de combat de Miss Hardy fut la seule pensée cohérente qui me traversa l’esprit pendant ce court laps de réflexion. Ce n’était pas vraiment une idée de génie. Après tout, est-ce que je pouvais réellement laisser une pauvre détective faire les frais des affaires du cabinet et de Daredevil ? Peut-être pas. Mais il me fallait trouver une solution. Et mon instinct me disait que malgré les apparences, c’était une fille capable. Pas autant qu’Elektra, mais en tout cas assez pour me prouver qu’elle ferait un bon enquêteur de substitution.
Il n’y avait plus qu’a prier pour qu’elle n’ait pas falsifiée son CV. Au pire, je pensais être assez rapide pour donner un coup de main (ou de canne) si je constatais qu’elle ne s’en sortait pas avec ces deux brutes armées.
Le premier type arriva devant nous. Je n’le connaissais pas, mais il se dégageait de lui comme une aura de danger. Probablement le vrai tueur engagé par Mc Clumsy. Il s’exprima lentement, d’une voix de professeur : « Matt Murdock ?...Vous avez le bonjour du Syndicat. ».
Tout en disant ça, les deux gorilles avaient commencé à dégainer leurs pistolets de sous leurs aisselles, tandis que les clients commencèrent à crier. Heureusement, j’avais choisi une table isolée. Le premier type était rapide, un vrai pro. Mais je l’étais plus. Je décidais malgré tout d’attendre de voir comment allait réagir notre miss détective avant de tenter quoi que ce soit. Restant là immobile, je donnais sûrement l'impression d'un aveugle démuni.
Dernière édition par Matt Murdock le Mar 9 Sep - 14:31, édité 1 fois
J’avoue que ma réponse avait été plutôt cash. Mais il fallait dire les choses telles qu’elles étaient, j’avais le projet d’avoir derrière-moi un avocat plus que compétent et en qui je pouvais avoir une certaine confiance en lui faisant profiter de mon savoir faire qui n’était de loin, pas négligeable.
Vu sa réaction et sa réponse par rapport à ma réplique, il avait l’air plutôt d’accord de faire affaire avec moi. Je savais que tôt ou tard, je devrais lui avouer de quoi il s’agit réellement. Mais j’étais presque en train de m’imaginer que lui aussi, avait dû faire des recherches à mon propos, histoire de ne pas se trouver totalement démuni d’informations me concernant, face à moi. Ou alors, je le surestimais. Mais il fallait bien l’avouer, tout le monde ne fait pas mon métier qui est devenu une évidence pour moi donc, lorsque je rencontre quelqu’un c’est machinalement et naturellement que je fais mes recherches sur l’individu en question. Défaut professionnel ! Savoir que mon père était en prison, n’était pas un secret bien gardé. N’importe qui pouvait le savoir. C’était une information à la portée de tous, surtout quand le nom « Hardy » a résonné dans la presse à cause de ses faits et gestes. Donc, être victime de la réputation de son père à cause de son passé, c’est un peu handicapant quelque part. On vous à l’œil constamment, surtout en sachant le chemin que vous avez emprunté.
Il me proposa donc de passer à une table un peu plus isolée. Au moins, il avait comprit qu’il s’agissait de quelque chose d’important et d’assez grave pour que je réponde de la sorte. Il avait désigné une table du fond avec sa canne, et affichant un sourire en coin, je descendis à mon tour du tabouret pour le suivre, laissant mon fond de thé dans sa tasse sur le comptoir.
Deux personnes rentrèrent dans le café. Observatrice hors repaire, je n’eus aucune difficulté à remarqué qu’ils étaient armés, mais je fis mine de ne pas m’en apercevoir. Du moins pas tout de suite ! Mais c’est plutôt flagrant quand on est habillé de la sorte et qu’on à sa main dans le haut de sa veste…
Nous étions à peine assis qu’ils vinrent tous les deux face à nous. Un type basé avec un chapeau noir, des lunettes, maquillé et une longue veste se trouvait du côté de maître Murdock, tandis que moi j’avais droit à un colosse au crâne rasé qui devait bien faire deux mètres en costume bon marché – je suis une femme, j’ai l’œil pour la qualité des fringues ! – Et grâce à ma mémoire, sa tête m’était étrangement familière ! Je n’eus pas trop de difficulté à le reconnaitre. C’était un des cas du cabinet. Toutes les informations se trouvant sur sa fiche dans le dossier que je m’étais constitué sur le cabinet me revinrent en tête dès qu’il se positionna en face de moi. Waldo Titus : Incarcéré pendant 5 ans en manquant d’assassiner une serveuse. Au moins, je me doutais parfaitement du pourquoi ils étaient là !
Ils dégainèrent pendant que l’homme au chapeau lâcha que monsieur Murdock avec le bonjour du syndicat. Mais à peine eut-il terminé sa phrase qu’il pointait son révolver sur lui et Titus vers moi. Mais il n’eut pas le temps de me viser correctement étant plus lent que je lui attrapai le poignet vivement de mes deux mains – bah vu la taille par rapport à la mienne, je sais que j’ai de la force, mais tout de même ! à une main ça aurait été plus difficile – poussant son bras vers le haut pour éviter qu’il tire n’importe où (même si je me doutais que c’était juste pour que je reste tranquille le temps que l’autre homme face ce qu’il avait à faire) et en même temps, je lançai ma jambe gauche tendue pour chotter vers la main armée du gars, déclenchant un coup de feu mais le faisant automatiquement lâcher l’arme. Il ne me fallut qu’une seconde pour faire une prise de karaté (art dont je suis ceinture noire) pour tordre le bras de Titus pour qu’il tourne sur lui-même comme une toupie, le bras armé dans le dos et complètement tordu. Ainsi maintenu, je lui arrachai l’arme de la main pour menacer l’autre qui n’avait pas eut le temps de ramasser la sienne. Tout les autres clients avaient criés et s’étaient baissés. Je me doutais bien que l’un d’entre eux n’allait pas tarder à appeler les flics surement… - Quant au coup de feu, la balla était allée se plantée dans le mur derrière maître Murdock, à environs un mètre au dessus de sa tête -
Je me redressai lentement, le canon vers l’homme maquillé à lunettes qui se redressa alors lentement les mains en l’air :
« … en voilà des manières ! »
Dis-je avec un sourire en coin. C’est vrai ! On ne dit pas bonjour de cette façon. J’étais presque heureuse d’avoir eut le gros imbécile à neutraliser physiquement. Qu’il est facile de se battre au corps avec un homme qui pense être protégé quand il est armé. Mais c’est le genre d’esprit simple qui ne sait pas se battre et qui a besoin d’une arme pour se sentir invulnérable. Ho ! Quand on a un contrat a exécuté, autant que ce soit rapide et efficace. Mais vu le moment qu’ils avaient choisis pour apparaître dans le café, je me doutais bien que c’était le genre d’action qui avait été programmée à l’avance. Pas de bol pour eux, tomber sur une détective privée qui suit des entraînements intensifs d’art-martiaux qui est en train de faire affaire avec un avocat – et qui est plutôt vive vu son emplois la nuit – n’est certainement pas la meilleure chose qui leur soit arrivée aujourd’hui.
Ne clignant pas une seule fois des yeux et ne perdant pas une seule seconde l’homme maquillé face à moi, je demandai alors à Matt :
« Alors maître ?... Que fait-on de vos fameux amis du syndicat ? »
En posant cette question, j’attendais surement une explication. Mais comme il me l’avait dit plus tôt, vu la popularité et la moral de son cabinet, il ne s’était pas fait que des amis, logique. Je me doutais bien que ces deux là en faisaient partie. Mais comme c’était ses connaissances à lui, il était normal que j’attends son choix, quant à la vie du gars que j’étais en train de menacer. Même si je ne tue pas, j’étais persuadé qu’il n’allait pas me demander de descendre quelqu’un ici. Ce n’est pas un monstre !
J’avoue que ce n’était pas tellement le genre de chose qu’on attend d’une détective. Savoir maîtriser des hommes armés et qui plus est, un tueur à gages dans le lot. Je ne savais pas qui il était, il ne faisait pas partie de mes fiches concernant le cabinet.
Les vagues d’échos me montraient l’action que je saisissais au ralenti.
Felicia démontra d’entrée de jeu l’extrême confiance qu’elle avait en ses capacités en décidant de s’occuper en premier lieu de la menace secondaire, et ce malgré la rapidité du premier tueur. Le petit mouvement circulaire qu’elle effectua pour se déplacer aurait pu paraître banal à un novice, mais je reconnu tout de suite cet art martial à la posture caractéristique qu’elle faisait habilement passer pour de l’auto-défense.
Cette fille n’était pas seulement entraînée, elle était visiblement experte du style Gōjū-ryū, le style de Karaté du « souple et du dur » originaire d’Okinawa. En une fraction de seconde, sûrement trop rapide pour les yeux des clients, elle effectua avec une grâce féline un enchaînement parfaitement exécuté et qui s’adaptait parfaitement à la situation. Elle commença par dévier l’arme de Titus de ses deux mains, pour accroître sa force brute face à l’imposante petite frappe. Celui-ci eut un mouvement de recul, et se trouva momentanément déséquilibré.
L’experte martiale profita de ce moment de flottement pour décocher un coup de pied diaboliquement rapide de la pointe du pied directement dans un point bien précis du poignet du tueur. Celui-ci, sous le coup du choc électrique dans tout son bras, n’eut d’autre choix que lâcher son arme malgré sa musculature épaisse, au moment même où le coup de feu partait…Et atterrissait un mètre au-dessus de ma tête. Je m’étais déjà affaissé sous la table, pour mieux apprécier la fin de ce ballet mortel.
Ma candidate du jour finit son kata improvisé en beauté par une prise de poignet qui n’était pas non plus du simple self-defense, mais une prise de luxation de poignet extrêmement douloureuse pouvant s’effectuer à une seule main quelle que soit la taille de l’adversaire. Son autre main débarrassa Titus de son encombrant 9mm, et le braqua dans le même mouvement sur le tueur, se permettant même un petit commentaire acerbe.
Elle maintenait en parallèle sa prise sur le poignet de Titus, s’offrant ainsi le luxe d’un couvert de plus de deux mètres, dans le cas où le Tueur aurait la mauvaise idée de vouloir récupérer son arme.
Félicia 1, tueurs professionnels 0.
La conclusion qui s’imposait était que Miss Hardy aurait aisément pu être plus violente, et sûrement tuer ces deux brutes pendant les six secondes qui venaient de s’écouler. Mais elle avait décidé de ne pas le faire, sage décision vu le passé déjà trouble que je lui avais trouvé.
Sa question m’arracha un sourire mental, que je ne répercutais pas sur le masque affolé que j’avais décidé d’afficher, mes lunettes tombées sur le nez. Je pris le temps de ce faux affolement pour évaluer nos options. Les clients étaient en train de fuir le café presque discrètement. La voix de Stan s’éleva alors de derrière le comptoir: « M…Monsieur Murdock, qu…Vous allez bien ? Bon sang, mais que se passe-t-il ici ?! ».
Je me relevais, toujours l’air un peu choqué, puis réajustais mes lunettes : « Oui, Stan, tout va bien…Enfin…Je crois… », dis-je en me touchant la poitrine comme pour vérifier que je n’étais pas blessé : « Ne vous inquiétez pas, rien de grave, ma…Garde du corps gère la situation. Appelez la police. ». « Je suis en train, Monsieur, ils sont en route ! », répliqua le serveur d'une voix chevrotante en raccrochant le téléphone.
Le tueur ne bougeait plus, les mains en l’air. Titus lui grognait de douleur, à la limite de la rupture de poignet qui pouvait se transformer en cassage d’épaule au gré de l’envie de la carnassière Félicia.
Semblant alors me reprendre, je me relevais difficilement, m’approchais de l'arme du tueur en tâtant le sol avec ma canne et la fis glisser loin de lui. J’ajoutais alors d’un air déterminé tout en tournant mes lunettes aux teintes rouges sang vers l'assassin : « Mets tes mains sur la tête. Et à genoux sagement, si tu ne veux pas que je dise à ma collaboratrice de finir ce qu’elle a commencé… ». Mon ton était étrangement sûr de lui pour un aveugle qu’on venait d’essayer de tuer. L’homme me regarda, puis regarda Félicia. Visiblement il venait d’apprendre à en avoir peur, et se ravisa en se mettant lentement à genoux, les mains sur la tête.
Je regardais au dessus de lui, et dis d'un ton presque nonchalant : « Merci pour le message, l’ami. Mais tu pourras dire à ton syndicat que je n’aime effectivement pas leurs manières…Enfin, quand tu sortiras de prison, c’est-à-dire pas de si tôt, crois-moi…». Je finis par baisser le regard vers lui, un air plus grave s'installant sur mes traits : « Qui vous envoie ? Mc Clumsy ? ». Le tueur ne répondit rien. Il afficha un sourire narquois que je ne vis pas. Il finit par annoncer : « Tu perds ton temps, Murdock. Tu sais comment ça marche. T’auras rien de moi, et je serais bientôt dehors. » .
Je pris le temps d’évaluer ma réaction. Je ne pouvais pas me permettre de les interroger à ma manière ici. Ça devrait attendre. Je décidais donc de rebondir pour donner le change. Je reniflais au-dessus de sa tête, comme si je sentais quelque chose : « A ta place je n’y compterais pas trop. …J’ai peur que ton numéro de travesti ne sois pas plus du goût de la police que ton sens de la politesse…», dis-je en tirant sur le feutre mou, arrachant aussi une perruque collée à un crâne aussi rasé que celui de Titus.
M’approchant de ma garde du corps et sauveuse, je lui fis un sourire reconnaissant : «Vous venez de me sauver la vie, Miss. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans votre thé, mais c'est sacrément efficace ! », Dis-je avec un léger sourire en coin, avant de rajouter plus sérieusement : « Laissons la police faire son travail. Une simple déposition fera l’affaire. Je ne voudrais pas qu’un meurtre entache votre CV presque impeccable, Miss Hardy…», finis-je en appuyant le nom de famille d’un air qui se voudrait mystérieux, si le sous-entendu n’était pas aussi clair.
Au loin, on pouvait entendre le son rassurant (ou pas) des sirènes de polices.
Tenant le cerveau de l’opération au bout de mon arme, sans le quitter une seule seconde des yeux, le serveur s’empressa d’appeler la police. Pour tout dire, il ne restait presque personne dans le café à part le serveur, les deux imbéciles, maître Murdock ainsi que deux ou trois autres personnes trop peureuses que pour s’être enfuies en courant et moi. J’étais en train de m’imaginer déjà les soucis que j’allais avoir en expliquant cette scène à la police et surtout, avec ce passé. Même si mon casier judiciaire reste vierge, j’ai un nom que les autorités ont à l’œil… Au moindre seul faux pas, je tomberais et ça ne doit pas arriver.
Maître Murdock s’était redressé et demanda au tueur d’un ton trop ferme pour quelqu’un qui venait de frôler la mort, de se mettre à genoux avec ses mains sur la tête s’il ne voulait pas que je ne finisse ce que j’avais commencé. Il s’exécuta d’un regard assez soupçonneux et affirma qu’il ne dirait jamais le nom de son employeur et qu’il n’exécutera jamais l’entièreté de sa peine en prison. Ils avaient l’air de bien se connaître tous les deux… Mais mon sentiment était que j’étais pas mal dans la merde en ce qui le concernait. Si jamais ce gars venait à sortir de prison, il viendrait me descendre sans problème avant de pouvoir faire ce qu’il a à faire avec monsieur Murdock. J’étais passée dans le groupe des obstacles à franchir pour qu’il puisse avoir sa cible… Tout ce que j’espérais c’est qu’il ne sache pas qui je suis pour le freiner dans ses recherches.
Murdock lui enleva son chapeau en prenant par la même occasion sa perruque. D’accord. J’avais parfaitement enregistré la tête du type. A partir du moment où il se ferait arrêter, j’aurai non seulement son nom mais aussi sa tête. Ce sera juste assez pour faire des recherches et prendre mes précautions vis-à-vis de ses activités qui me semblent plus que douteuses...
Matt’ s’approcha de moi avec un sourire reconnaissant en affirmant que je venais de lui sauver la vie en feignant que mon thé était une recette presque miracle et sacrément revigorante. Je lui souris qu’à moitié en ne perdant pas de vue le tueur. Il me conseilla de laisser faire la police à présent avant qu’un meurtre entache mon CV presque impeccable et il insista sur mon nom. Cela me fit tiquer. Et merde… Aurait-il deviné la véritable raison qui m’avait motivée à prendre contacte avec lui ? En tout cas, il avait bien l’air sur de lui… Malheureusement les flics n’étaient pas encore là et partir maintenant, reviendrait à leur donner une chance de fuir. Seulement le problème étant que s’ils me trouvent avec une arme en main, j’allais être d’office mal vue. De toute façon c’était trop tard, mes empruntes étaient dessus… Mais je comptais réellement sur l’appui des témoins pour m’innocenter et pour affirmer que mes faits et gestes étaient purement de la défense. Comme l’a dit le maître, il fallait faire une déposition au commissariat…
Un flic entra en trombe dans le café et automatiquement je levai les mains en l’air lâchant l’arme sur la table et lâchant enfin mon pauvre otage. Je reculai prudemment et j’accompagnai maître Murdock jusqu’à la sortie en expliquant à l’un des commissaires que j’accompagnai monsieur Murdock au commissariat pour que nous puissions remplir notre déposition loin de cet endroit. Nous eûmes droit tout de même à un remerciement pour les avoir intercepté et les neutralisé. Les policiers ne s’inquiétèrent pas trop de notre sort, voyant que nous n’étions pas aussi choqués que d’autres clients dans le café. Et puis surtout, le commissariat se trouvait à une cinquantaine de mètres de là.
« Je n’ai jamais été si heureuse d’avoir suivis des cours de self-défense ! »
Dis-je en regardant l’avocat à mes côtés, enfin en dehors du café, faignant un large sourire et de la fausse modestie même si je savais parfaitement que les gestes que je venais d’effectuer étaient parfaitement calculés et parfaitement maîtrisés. Il fallait également un certain self-control pour ne pas paniquer et se lancer dans une telle situation et peu de monde en était capable, surtout quand on voit la réaction qu’ont eu les autres clients. Donc, je savais que cette phrase n'était qu'à moitié crédible… Mais je ne savais pas qui j’avais devant moi donc, j’espérais plus que tout qu’il n’ait pas remarqué ce genre de détail et surtout qu’il m’en tiendrait pas rigueur… Erreur capitale puisque ce fut un test de sa part mais ça, je ne le saurais jamais !
Ensuite, je m’inquiétai enfin de l’état de mon interlocuteur, espérant ainsi faire diversion sur cette insistance qu’il avait eut sur mon nom. Je savais qu’il avait une information en sa possession, autrement il n’aurait pas parlé de cette façon ;
« Vous n’avez pas de mal maître ? Pas trop secoué ? ... Vous connaissiez ce type ?! »
Le commissariat de la 9ème circonscription, dans le sud de Manhattan, était loin de m’être inconnu. En fait, sa proximité rassurante était aussi une des raisons pour lesquelles j’aimais le Dewie’s. Et aujourd’hui, cette proximité était encore plus bienvenue.
Tout en me faisant interroger par le Commissaire Nolan -quasiment un ami depuis le temps que nous fréquentions les mêmes affaires- je pensais à toute cette histoire. Le tueur avait-il choisi intentionnellement de tenter de me descendre dans un café à trois blocs à peine d’un commissariat ? Connaissant Mc Clumsy, ça ne paraissait pas improbable. Faire un exemple n’excluait pas de faire un pied de nez aux flics de Manhattan dans la foulée.
La voix du Commissaire Nolan, Nick, me sortit de mes réflexions : « Vous écoutez ce que j’vous dis au moins, Maître ? ». A cause de mon état et de mes lunettes, beaucoup de gens me posaient constamment cette question. Je répondis en me grattant le front : « Oui, bien sûr, Commissaire…Faire attention, et arrêter de prendre pour cible la mafia. Je le note sur mon agenda. Vraiment.», dis-je avec un ton qui ne se voulait pas convainquant. Nick se leva, et grogna un peu : « Mouais, tu parles…Vous n’arrêterez jamais pas vrai ? », demanda-t-il tandis que je me levais. Je souris à ce flic, un des rares qui n’était pas corrompu dans ce quartier et qui avait les mêmes penchant que moi pour la chasse aux puissants : « Probablement pas, Commissaire…Je suis un peu lent, à ce que l’on m’a dit… ». Le rire sec de Nolan emplit la pièce tandis qu’il ouvrait la porte sur le brouhaha du commissariat : « Allez, débarrassez moi le plancher, Matthew. Votre amie n’a pas encore fini sa déposition par contre. D’ailleurs, si vous pouvez engager cette fille comme garde du corps, faites le…Croyez-moi, même moi j’aimerais bien qu’elle garde mon corps…», me dit-il sur le ton de la confidence. J’eu un sourire de connivence à sa plaisanterie, qui confirmait par ailleurs ce que je pensais de la plastique parfaite de ma candidate.
Enfin…De mon ancienne candidate, qui était maintenant devenue un cas pour Daredevil, vu que mes pires soupçons sur cette jeune femme commençaient à se réveiller dans mes entrailles.
Son rappel constant de l’image d’Elektra ne me semblait plus du tout être une coïncidence, mais un appel de l’instinct de détective de Daredevil. Je commeçait franchement à douter qu'elle ait pu emprunter une voie opposée ou même différente du sillon criminel tracé par son père. Ce qui voulait dire, si mon intuition était bonne, qu’elle essaierait de libérer son père, ou que des gens allaient mourir. Ou peut-être les deux.
Pensif, je trouvais mon chemin jusqu'à une des chaises du hall en attendant qu’elle vienne me chercher...
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Elle me trouva donc assis, ma canne négligemment posée sur l’épaule, en train de me masser les cervicales. Sa première phrase sur ses cours de Self-defense sonnait faux. Mais je sentais aussi qu’elle en était consciente. Comme moi lorsque j’étais à court d’explication sur mes « dons », elle était coincée, et en rajoutais pour espérer enterrer ça sous le tapis. Je lui offris ce qu’elle voulait : « Ça a l’air efficace en tout cas…Il faudrait peut-être que je m'y mette...Il font des cours en braille ?», dis-je avec un petit sourire pince sans rire.
Puis elle enchaîna directement avec une série de question. La première était un mélange de politesse et de rhétorique à laquelle je ne répondis pas. La deuxième me permettait d’amener sur le tapis le sujet principal. J’affectais encore un léger sourire : « Eh bien, comme je le disais au commissaire…Je dois dire qu'il faisait sombre, je ne les ai pas bien vus… ». Je laissais là cette énième blague douteuse sur mon état d’aveugle, et répondis ensuite un peu plus sérieusement : « Celui qui grognait de douleur, il m’a semblé reconnaître ce mauvais after shave. Titus Waldo, un des hommes d’un type de la pègre que le cabinet a dans le colimateur en ce moment. Un certain Mc Clumsy. »
Puis, faisant comme si je ne soupçonnais pas qu’elle avait bien fait ses devoirs de recherche sur nous, je repris : « L’autre par contre je ne le connais pas. Mais quelqu’un qui est là pour me tuer et porte un postiche et du maquillage ne peut pas vraiment être autre chose qu’un assassin à la solde de Mc Clumsy… ».
Je laissais une seconde de silence, puis poursuivis en levant les yeux vers elle : « Je suis sincèrement désolé de vous avoir embarquée là-dedans…Maintenant il n’y a plus qu’une chose à faire pour votre sécurité : trouver des preuves et coincer ces types pour de bon, avant qu’ils ne décident d’envoyer d’autres tueurs, ou que celui-ci ne s’évade ou soit acquitté… Et...J’aurais sûrement besoin de votre aide pour ça…».
Évidemment, c’était en partie vrai. Je détestais mettre des gens innocents en danger à cause de moi. Mais ce n’était pas la seule raison. Cela me permettrait aussi d’en découvrir plus sur elle et son petit manège, parce que plus j’y réfléchissais et moins les mots innocents et Félicia Hardy collaient ensemble. Ceci étant, elle avait semble-t-il un bon fond, et n’avait pas hésité à faire le bon choix tout à l’heure (à savoir, me sauver les miches). Je lui laissais donc le bénéfice du doute, tout en me disant que de toute façon les Mafieux avaient plus à craindre d’elle que l’inverse.
Je regardais dans la direction approximative dans la jeune fille, et après lui avoir laissé un temps de réflexion, finis par demander : « Qu’en pensez-vous, Miss ? Si ce job vous tente toujours, le poste est à vous. Intéressée ?»
Naturellement, ma déposition fut longue et pas sans embrouilles. Visiblement le gars passait une mauvaise matinée, c’est pourquoi il avait décidé d’être assez lourd et de me le faire payer en me faisant croire qu’il faisait son job. J’étais persuadée qu’il me posait des questions qui n’avaient rien avoir avec la déposition ! Mon nom lui était familier… malheureusement. Il vérifia la virginité de mon casier judiciaire et me regarda en diagonale tout le temps que je répondais à ses questions. Mais une fois que je finis de remplir le papier administratif et de le signer, je sortis de son cagibi qui lui servait de bureau en soupirant et à vive allure. Pas rapidement, mais on voyait bien qu’il ne fallait pas croiser ma route. Je ne le saluai même pas et claquai la porte derrière moi. Il savait pour mon père et il pensait que j’avais très certainement suivi son chemin. « Vous êtes-vous déjà servi d’une arme ? » Mais qu’est-ce que ça à avoir avec mon intervention ?! « Possédez-vous des armes ? » « Avez-vous déjà commis des fautes graves et/ou punissable par la justice ? » « Connaissez-vous les antécédents de votre père ? » … Mais quel imbécile ! Tout ça, il pouvait le voir en voyant l’inexistence de mon casier. Enfin bref…
Dans le couloir, je retrouvai Murdock qui m’attendais, assis et c’est là que je lui fis ma remarque brouillonne et si peu crédible. D’ailleurs, il me dit qu’il devrait s’y mettre pour peu qu’ils aient des cours en braille. Je ne souris qu’à moitié sur ce genre de blague… Je suis du genre humour noir c’est vrai, mais quelqu’un dont l'autodérision surpasse ce genre d’humour, là, ça en devient presque gênant.
Puis il me lâcha encore une autre vanne à propos de ma dernière question, en disant qu’il y faisait trop sombre pour voir… à nouveau, un malaise s’installa en moi. Si j’avais été à sa place, je ne plaisanterais pas autant sur ça. Mais s’il jouait avec ça pour l’accepter, quelque part c’était normal. Mais plus sérieusement, il me dit ensuite qu’il lui avait semblé reconnaître Titus, un des gars de Mc Clumsy et en effet, c’était bien lui. Je croisai les bras, illustrant ainsi toute mon attention envers ses paroles – même s’il ne pouvait pas me voir, ainsi que l'affirmation de sa soit-disant hypothèse. Il s’excusa alors de m’avoir embarqué là dedans mais que maintenant que j’y étais, il fallait que je fasse tout pour ma sécurité en faisant mon job convenablement. Ha ben c'est sur ! Maintenant qu'il sait que je m'appel Hardy, j'étais dans son collimateur. Quoi qu'il en soit, c’était une façon de me dire qu’il avait besoin de moi pour ce genre d’affaire et c’est là que j’affichai enfin un sourire satisfait. Il avait besoin de moi, il le savait et c’était tout ce qui comptait. Maintenant que j’allais bosser pour lui, il ne me restait plus qu’à bûcher sur le dossier Mc Clumsy pour l’aider à le coincer et là, j’aurai peut-être droit à une défense pour les actes que je vais commettre ultérieurement.
Il me laissa un temps de réflexion et j’en profitai pour envisager toutes les possibilités. Soit je lui dis maintenant qu’il s’agit de mes plans pour faire évader mon père, puisque son cas est indéfendable et en échange je m’occupe du cas Mc Clumsy, soit, je lui offre mon aide concernant ce mafieux et je m’attire sa sympathie pour qu’il puisse me défendre plus tard, une fois que tous mes plans seront en place… Je réfléchis assez rapidement mais assez intensément pour que ma tension se mit un peu à augmenter.
Après ce temps de réflexion, je répondis en souriant sincèrement – enfin – :
« Donnez-moi une semaine et je vous rapporte un dossier un béton sur ce Mc Clumsy. »
Et je décroisai les bras, satisfaite de mon choix en ajoutant tout de suite et confiante, toujours le regard dans sa direction :
L’enthousiasme et la confiance en elle de cette jeune femme était tout simplement bluffant. Et comme je doutais qu’elle soit ignorante au point de ne pas connaître Mc Clumsy et le Syndicat - surtout vu son pedigree familial et son « métier » actuel- cela voulait dire que soit elle connaissait déjà Mc Clumsy parce qu’elle travaillait ou avait travaillé avec lui, soit il était sur une liste de vendetta personnelle qu’elle préparait, soit je venais tout simplement de rencontrer une fille qui n’avait vraiment pas froid aux yeux. Sa démonstration de tout à l’heure me fit pencher pour cette dernière réponse.
Un large sourire amusé joua un instant sur mes traits avant de me mettre à rire brièvement en répliquant : «Vous êtes vraiment une fille peu commune, Miss Hardy, j’espère que vous le savez ! », dis-je en me levant. Reprenant un peu de mon sérieux au milieu du commissariat, je m’accrochais doucement à son bras : « J’ai une confiance aveugle en vos capacités, Félicia. Je ne pense pas que vous puissiez me décevoir … ». Je laissais un léger silence de réflexion passer, puis rajoutais : « Cela vous dérangerez de m’accompagner jusqu’en bas pour que je puisse prendre un taxi ?... ». Je semblais hésiter, mais me ravisais en déclarant finalement : « …Et je dois vous confesser que ça me permettra de profiter de votre compagnie et de votre parfum encore quelques minutes », avouais-je un peu penaud ce qui n’était qu’à moitié faux. Malgré ce que je venais de dire sur le fait que Daredevil allait surveiller les activités plus ou moins louches de Miss Hardy, une autre raison, plus inavouable celle-là, me poussait à vouloir suivre cette hypothétique criminelle. Elle semblait passionnante. Afin de ne pas me demander si je faisais un transfert d’Elektra sur elle, je décidais de changer plus ou moins de sujet, tout en entrant dans l’ascenceur bras dessus, bras dessous (si elle ne se rétracte pas, bien sûr).
Tandis que les portes se refermaient devant nous, j’ajoutais sur un ton qui se voulait innocent : « En parlant de charmante compagnie…Je peux vous présenter Maître Nelson si vous voulez. Je suis sûr qu’il sera…Enchanté de vous rencontrer… ». Un petit sourire en coin étire légèrement mes lèvres, tandis que mes lunettes aux teintes rouges -rappelant les teintes de mon alter ego- reflètent les portes d'un ascenseur qui se refermait. Où cet ascenseur les mènerait-il tous les deux ? C'était une autre histoire...Une de celles qui restaient à écrire.