Très vite, un professeur devient un vieux professeur.
Charles, comme tous les jours, se retrouvait dans son bureau de l'institut qui portait son nom. Le vieil homme venait de donner un cours à ses élèves, qui venaient de quitter son bureau pour vaquer à leurs diverses occupations. La journée des classes touchait à sa fin, ils avaient donc quartier libre pour le moment. Plus les jours passaient, plus le mutant était fier de ce qu'il avait fait en ouvrant cette école pour mutant. Il voyait bien qu'il venait en aide à beaucoup d'entre eux, qu'il était utile à la jeunesse qui malheureusement été touché par les problèmes de grand. Ces enfants n'avaient pas demandé à être différent, ils ne méritaient donc pas que le monde s'acharne sur eux. Malheureusement, Charles ne manquait pas de craindre pour le futur. Parce qu'il voyait bien que le gouvernement était en train de préparer quelque chose qui ne le rassurait pas du tout. Il espérait simplement pouvoir convaincre le monde que les mutants n'avaient rien de dangereux, que ce n'était pas parce qu'ils avaient des pouvoirs qu'ils étaient si différents. Tout comme ils n'étaient pas forcément une menace, pas plus que des humains normaux. C'était la même chose concernant les êtres venus de l'espace, ces personnes qui n'étaient pas forcément mauvaise (même s'il y en avait des mauvais aussi). En attendant, Charles s'efforcer d'être le plus assidue à sa tâche, celle de permettre aux jeunes mutants de trouver un endroit où vivre sans craindre pour leur futur. Aux jeunes et aux moins jeunes évidemment.
Alors que le vieil homme était plongé dans la lecture de devoir que des élèves lui avait rendu, il sentit la présence de Scott près de son bureau. Quand il leva la tête, il le vit marcher dans le couloir de la porte ouverte de la pièce où il se trouvait. Le jeune homme était l'une des fiertés de Charles, l'un des premiers élèves à être entré dans son école. Et maintenant, il était l'un des professeurs. Le vieil homme en fauteuil roulant était vraiment fier de son ancien élève et fier de pouvoir le compter dans ses amis. Parce que même s'ils avaient eu une relation de professeur élève pendant de nombreuses années, Charles avait le sentiment de pouvoir vraiment considérer Scott comme son élève à présent.
« Scott ? » L'interpella-t-il, alors qu'il passait proche de la porte de son bureau. Il lui fit un signe de la main de le rejoindre. « Aurais-tu un peu de temps à m'accorder ? »
Charles avait envie de passer un peu de temps avec son ancien élève, afin de discuter un peu. C'était important à ses yeux de s'installer de temps en temps pour discuter, afin de simplement prendre le temps envers les autres. Au fond, le vieil homme n'avait pas vraiment besoin de ces conversations, il pouvait sonder les esprits de ses proches pour découvrir ce qu'il voulait savoir. Sauf qu'il n'aimait pas agir de cette manière. C'était sans doute parce qu'il avait cette capacité qu'il appréciait d'autant plus une bonne veille conversation.
L’institut Xavier… Scott en connaissait les moindres détours, les moindres couloirs. Il savait comment traverser le bâtiment sans croiser quiconque s’il le voulait, et ceci, sans même posséder certains pouvoirs bien utile des élèves. Un talent bien utile, acquis à force de longer ces murs. Un talent pratique, aussi, car bien qu’il se qualifia lui-même comme diplomate, le mutant préférait parfois éviter de trop se forcer pour garder son sang-froid avec certains. Logan, pour ne citer que lui. Quoiqu’il en soit, depuis ses jeunes années où le professeur l’avait pris sous son aile, il s’en été déroulé du chemin, mais jamais Scott n’avait songé à quitter ces lieux. L’institut était devenu son refuge, sa maison, le lieu où il prenait plaisir à revenir et dans lequel il se sentait totalement à l’abri, malgré les dangers du dehors et la haine croissante des humains. De certains humains, se remémora-t-il, beaucoup ne pensaient pas comme eux. Et beaucoup d’autres n’avaient aucune opinion, tant est que personne ne les dérangeait. Mais quoi qu’il en soit, le jeune homme n’aurait abandonné son statut de mutant pour rien au monde. Sa vie, telle qu’elle était en ce moment, pour rien au monde. Bon, il n’aurait pas dit non à un peu moins de menaces, ne serait-ce que pour préserver Jean, mais dans l’ensemble, il était ravi de ce qu’il était. Ravi de pouvoir enseigner à ses jeunes élèves ce que le professeur Xavier lui avait enseigné à leur âge, ravi de pouvoir faire la différence, de se battre pour préserver, au maximum, la paix et la tranquillité des générations futures. Une noble cause… qui lui paraissait presque chevaleresque, indiquée comme ça. Le mutant pouffa de rire à cette pensée, accompagné par un regard interloqué de deux jeunes gens. Il les ignora, toujours amusé de ses propres pensées, bifurquant ensuite dans un couloir désert.
C’est en longeant la porte du professeur qu’il entendit ce dernier le héler, l’invitant à entrer dans son bureau d’un signe de la main. Le mutant se remémora le temps, pas si lointain que ça, où l’appréhension le saisissait à l’idée d’entrer dans le bureau de son aîné, passant rapidement en revue toutes les dernières bêtises qu’il avait pu faire. Désormais, ce n’était plus la même chose : il avait grandi, muri, et le sentiment d’être pris en faute avait totalement disparu, laissait la place à l’affection et à l’amitié qu’il ressentait pour son vieux professeur. Il devait tellement à cet homme, que parfois il lui semblait lui devoir tout ce que représentait sa vie maintenant. Son boulot. Son rôle de leader des X-mens. Jean. Y’avait-il seulement un aspect de la vie de Scott que Charles n’avait pas amélioré ? Oui. Son pouvoir. Ce rayon qu’il n’était pas capable de maîtriser sans élément extérieur, malgré son acharnement et les leçons de Charles. Sa plus grande faiblesse. Son plus grand échec. La raison même pour laquelle il vivait constamment sur ses gardes, de peur de blesser quelqu’un. Ce pouvoir qu’il ne pouvait contrôler, lui imposer de vivre dans un monde rougeoyant, qu’il ne voyait qu’à travers le prisme de ses lunettes.
D’un geste de la tête, Scott effaça ces sombres pensées, bien qu’il sache pertinemment que Charles ne les lirait pas dans son esprit. Il en avait le pouvoir, étant un puissant télépathe, si ce n’est le plus puissant. Mais cette méthode était si peu éthique que le professeur ne s’y abaissait jamais, préférant utiliser la même méthode que les humains. La parole. La chaleur d’une conversation, la possibilité de poser des mots sur les troubles intérieurs de chacun. Avec un hochement de tête, Scott pénétra dans le bureau familier. « Bien sûr professeur, avec plaisir. En quoi puis-je vous être utile ? » S’installant face à l’homme, le mutant ne put s’empêcher d’éprouver un élan d’affection envers lui. Charles Xavier était ce qui ressemblait le plus à un point d’ancrage dans sa vie, lui qui n’avait connu dans son enfance que le fait de passer de famille d’accueil en famille d’accueil, atterrissant ensuite dans un endroit encore pire que celui qu’il avait quitté. C’est peut-être pour ça que pour lui, l’institut Xavier constituait le plus proche de ce qu’il pouvait appeler sa maison. Son chez-lui. Il avait passé plus de temps en ces murs qu’à tout autre endroit au cours de sa jeune vie, et il entendait en passer encore bien d’autre.
Très vite, un professeur devient un vieux professeur.
Quand Charles avait demandé à Scott s’il avait un peu de temps à lui accorder, il avait prié intérieurement pour que cela soit le cas. Le vieil homme avait vraiment envie de discuter un peu avec son ancien élève, de prendre le temps de cette conversation. Ils avaient des vies rythmés, au point qu’ils ne pouvaient pas toujours prendre du temps pour discuter. Charles était un homme bien occupé, ainsi que Scott, puisqu’ils devaient enseigner aux jeunes mutants de l’institut, en plus de leurs différentes missions sous le nom des X-Men. Par moment, le Professeur X avait besoin de discuter simplement avec ceux qu’il connaissait depuis tant d’année. Alors que Scott s’installait devant lui, acceptant de passer un peu de temps en sa compagnie, lui demandant ce qu’il voulait, le mutant en fauteuil roulant repensa au passé. Il se souvenait parfaitement du jour où il avait trouvé Scott, où il l’avait accueilli dans son école. Il avait été le premier élève, le premier d’une longue série ensuite. Depuis Scott, de nombreux jeunes mutants avaient fait leurs premiers pas dans son manoir. Certain y était encore, comme lui et Jean par exemple, d’autres avaient quitté les lieux. D’une manière générale, Charles était assez heureux du travail qu’il faisait. Malheureusement, le futur semblait bien plus sombre que le passé.
« Veux-tu une tasse de thé ? » Lui demanda-t-il avant de tendre le bras pour se servir lui-même une tasse, de la théière chaude qui se trouvait sur son bureau. Il prit le temps de réfléchir un petit peu, buvant une gorgée de sa tasse avant de reprendre la parole. « Je me suis dit que cela faisait longtemps que nous avions pas discuté tous les deux. »
Ils se parlaient régulièrement, puisqu’ils se croisaient quand même tous les jours, mais pas aussi profondément que ce qu’ils pouvaient faire. Cela faisait vraiment longtemps que Charles et Scott ne s’étaient pas installés tous les deux de cette manière afin de parler. Le professeur X n’avait pas besoin de ses pouvoirs pour savoir que Scott était préoccupé, tout le monde l’était un peu en fait. Et puis, il connaissait suffisamment son ancien élève pour le deviner rien qu’en le regardant. Par moment, le vieil homme se disait qu’il pouvait considérer Scott comme un fils. Il tenait à lui autant qu’un fils en tout cas, comme la plupart des mutants de cet institut, mais sa relation avec Scott était particulière. Parce qu’il avait été le premier à qui il avait tendu la main et qu’il se trouvait encore à ses côtés maintenant. Charles étaient prêt à tout lui confier, sa vie en premier lieu, mais aussi l’institut en cas de malheur.
« Comment tu vas en ce moment ? »
Lui demanda-t-il finalement. Il n’aimait pas entrer dans la tête des autres impunément, il ne le faisait pas dans ce genre de situation. Le vieil homme préférait largement un dialogue franc entre deux personnes. Il attendait donc simplement la réponse de Scott, comme n’importe qui d’autre.