« -Ils vont m'oublier un jour, j'entends que mon prénom depuis ce matin... Non mais vraiment... »
Grogna-t-elle dans son coin en faisant la vaisselle...
« -Casey... Oh, tu réponds plus maintenant ? »
« -Non j'ai décidé de faire grève et faites moi plaisir y a d'autres personnes dans ce restaurant, que moi non ? Appelle Nancy où encore Samuel, mais oublie moi... »
« -Pardon ? Je te rappelle que nous sommes en sous-effectif...et que tu as décider d'abandonner tes études alors fait moi plaisir jeune fille et bosse... »
Elle posa l'assiette qu'elle avait en main avant de lui gueuler dessus :
« -Non mais ça va oui... Je n'ai pas dit que j' arrêter, j'ai dit que la filiale que tu veux que je fasse ne m' intéresser pas. Du coup pardon de te le dire, mais en septembre, je reprendrais autre chose, pour l'instant oui, je t'aide, mais je continue les matières principales pour ne pas être à la bourre... Et si tes pas content, tu vas le tenir tout seul ton restaurant. »
Énervée ? Si peu voyons... Le fait de ne pas dormir n'aide en rien, Casey alternée journée à la fac, journée au resto et le reste avec sa meilleure amie pour son travail non-officiel. C'était épuisant et pas qu'un peu, son oncle manqua de redire un truc, mais ce fut sa tante qui arriva et lui dit :
« -Va faire une pause Casey... On te met beaucoup de pression, je l'avoue. On va appeler Linda pour te remplacer... »
Casey s'essuya les mains avant de lui dire :
« -Merci tata, c'est gentil de ta part. Je vais me mettre en salle et si je m'endors envoyer moi Nancy pour me réveiller... »
Son oncle n'osa pas le moindre du monde dire un truc en plus... Et reprit sa place, en lavant la vaisselle... Pendant que Casey chopa son sac pour prendre son bouquin et se mettre dans son coin. Tout en saluant par moment les clients... Elle remarqua la présence d'un jeune homme qu'elle voyait depuis un moment, aussi elle fila vers lui avant que Samuel ne le voie et Casey sourit :
« -Bonjour à vous... Steve. Si j'ai bonne mémoire, comment allez-vous ? »
Elle sourit de nouveau en prenant son stylo avec son carnet avant d'attendre de prendre sa commande.
Réapprendre à vivre. C’était ce qu’il me fallait faire au quotidien. Comme l’on sort d’un coma après des décennies, ou que l’on surgit enfin d’une amnésie. Les souvenirs deviennent essentiels. Tout demeure étrangement important alors que cela nous paraissait insignifiant par le passé. Des conversations que nous avons eues, aux questions que nous nous sommes posées. Des personnes qui ont croisé notre route, aux choses que nous avons faites de bien et de moins bien. Pour se retrouver enfin et parvenir à reprendre le cours de notre vie. Mais le pas est difficile à prendre lorsque nous nous heurtons à tous les obstacles, qui mettent en doute la raison que l’on s’efforce de faire tenir debout. Et si mes convictions et valeurs sont restées les mêmes, et que mon instinct semble être mon seul allié en cette période brumeuse, je ne parviens plus à savoir si mes choix sont encore bons et s’ils demeurent être en adéquation avec le monde tel qu’il est aujourd’hui.
Me raccrochant à des habitudes, je faisais au mieux pour retrouver un comportement normal et retrouver le calme dans la sérénité afin de ne plus m’angoisser à l’idée que tout me paraisse trop inanimé, trop figé et régulier. Lutter et se battre pour que règne une paix durable mais être incapable de s’accommoder à son mode de vie … Néanmoins, je n’arriverai à rien sans un minimum de vie sociale. Rencontrer des gens et s’ébattre en discussions agréables devraient me faire du bien. C’est naturellement que je cède à cette même habitude qui me fait déjeuner dans un restaurant de Manhattan régulièrement. L’ambiance y est conviviale, on y mange bien, et la serveuse qui s’y trouve est des plus sympathiques. Retrouver un semblant de normalité me fera le plus grand bien. Je pénètre alors dans le restaurant, qui, à cette heure, est toujours très fréquenté, et me ravi de trouver ma table habituelle inoccupée. Je m’y installe et m’y mets à mon aise lorsque Casey apparaît, tout sourire, et se porte à ma hauteur.
« Bonjour Casey ! Je suis ravi de vous revoir. Je vais très bien, la journée est idéale », lui dis-je dans un sourire.
« Et vous, comment allez-vous ? Je n’étais pas certain de vous voir aujourd’hui », lui demandais-je, poliment. Ma récente rencontre avec la jeune femme à la bibliothèque m’avait appris qu’elle jongle entre ses études et ses horaires au restaurant. Un train de vie que j’avais connu autrefois et qui me semble être, à présent, une éternité, voire totalement une autre personne que moi. Néanmoins, parler avec la jeune femme est toujours très agréable, et laisse sur moi la caresse d’une douce réalité que je n'ai pas ressentie depuis longtemps.
La demoiselle en avait vraiment marre, ce restaurant allé la rendre folle d'autant que ses frères et sœurs n'était pas là bien entendu, ils faisaient tout pour éviter de venir y bosser. Lâcheur qu'ils étaient... Casey allé vraiment finir par aller bosser qu'avec sa meilleure amie au moins ça serait mieux qu'ici, et puis au moins elle était payée bien mieux, mais surtout s' amuser deux fois plus. Bon bien sûr, elle n'avait pas vraiment le plaisir de voir des garçons de son âge qui était mignon bien au contraire... C'était souvent des vieux. Enfin des hommes pouvant être facilement son père, Casey soupira en regardant les gens, c'était blasant en plus la demoiselle n'avait pas eu de vacance depuis un bon moment. Elle resta un instant assis avant de se lever en voyant Steve et filer à sa table, tout en souriant... Casey le salua et il en fit de même, restant souriante la demoiselle répondit :
« -Oh ravie de l'entendre Steve. C'est vrai la journée et idéale, ça change de la pluie de ses derniers temps. »
Continua-t-elle tout en souriant, Casey reprit :
« -Je vais bien enfin autant que possible, quand on as pas de vacance et qu'on bosse avec sa famille... Enfin soit. »
Faisant une pause la jolie brunette lui sourit avant de lui demander :
« -Disons qu'avant que vous n'arriviez j'étais à deux doigts de partir, du restaurant. Mais vous êtes celui qui m'a fait rester... »
Oups boulette du jour, la demoiselle était douer pour s' auto embarrasser, même si la compagnie de Steve était bien plus intéressante que celle de sa famille actuellement. Elle fit une petite moue avant de sourire et reprendre :
«- Bon je suis pas officiellement en service mais je vais vous servir... Le même plat que vous prenez ou vous désirez changer un peu ? Et pour le dessert, je vous propose de ma tarte, je l'ai faite maison... Enfin si ça vous intéressent bien entendu. »
Et voilà la demoiselle était repartie en mode bavarde, mon dieu, il aller falloir qu'un jour, elle arrête et vite...
N’est-ce pas cela vivre un peu ? Au gré de rencontres improbables, face à une imprévisibilité de tous les instants, pour des actions insignifiantes qui portent pourtant toute l’importance du monde. Apprécier les hauts sans banaliser les bas, ainsi est faite la vie. L’un va difficilement sans l’autre. Et si je m’efforce chaque jour de comprendre ce qu’il m’arrive, de donner du sens à ma présence en ce siècle tourmenté, il reste toutes ces petites choses qui font que la vie continue de me porter en son sein sans incohérence aucune que celle dont je m’accable. Est-ce le monde assez grand pour en contenir tant ? Le doit-il seulement ? Sachant qu’aucune réponse ne viendra à moi, certainement me dois-je de vivre pleinement chaque instant en mémoire de tous ceux qui ne sont plus parmi nous aujourd’hui. De tous ceux qui ont marché à mes côtés, en devoir à mes frères d’armes, pour gagner et mériter le repos qui est leur à présent. Une dernière chose à accomplir ?
La compagnie de Casey me rendait toute mon humanité et réveillait mes sens trop longtemps endormis, finissant de me convaincre de la bienveillance des choses qui surviennent sans contrôle aucun. Sa fraîcheur et son panache me firent sourire à sa réponse des plus spontanées comme l’on s’exprime à un ami de toujours. La pauvre jeune femme avait vraiment l’air d’être à bout, ne sachant que faire pour se sortir d’une situation qui se referme sur elle-même. Je lui adresse un sourire compatissant, face à son quotidien qui lui semblait bien éprouvant. Lorsqu’elle reprit la parole, je ne sus comment prendre ses propos, me raclant la gorge, cessant de la regarder. La jeune femme, comprenant qu’elle venait de se mettre dans l’embarras, s’empressa aussitôt d’enchaîner pour dissiper le trouble qui s’était immiscé entre nous. Sa spontanéité devait lui jouer bien des tours, à n’en pas douter, mais elle semblait vivre avec cela très bien et, de cette façon, parvenait toujours à rebondir.
« Et bien oui, je prendrais la même chose. Et pourquoi pas une part de tarte puisque c’est vous qui l’avait faite », lui répondis-je, en lui souriant. « Merci beaucoup Casey », ajoutais-je, comprenant sans mal que la jeune demoiselle sacrifiait sa pause pour que je puisse être servi avec rapidité et efficacité. Définitivement, elle n’en finirait plus de me convaincre de la bonté des hommes, ou plutôt des femmes ...