Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
M
ême maintenant, alors que ce nom fraîchement gravé sur le marbre de la pierre tombale ne laissait de place à aucune autre interprétation, George Stacy était mort. Son père n'était plus, et plus jamais il ne reviendrait. Bientôt, elle oublierait jusqu'au son de sa voix. C'était injuste, profondément injuste. Il était l'homme le plus juste et intègre qu'elle connaisse, il était la dernière personne à mériter ce qui lui arrivait, mais il était parti, malgré tout. Et elle, elle avait été là, et n'avait rien fait pour l'empêcher. Elle ne l'aurait pas pu, on ne cessait de le lui répéter.. sauf que si. Il y avait eu ce mot griffonné à la va-vite sur un morceau de papier, que lui avait transmis la collègue bizarre de son père... Tout y était. Tout. De la même manière que celles dont tout s'était déroulé, ce jour-là, au lycée... Tout semblait lointain, tout semblait confus... Même maintenant, elle avait la sensation d'évoluer dans un nuage brumeux, avec ce sentiment étrange que toutes les personnes autour d'elle n'existaient pas. Plusieurs personnes étaient venues lui présenter leurs condoléances. C'était à peine si elle distinguait leurs voix, leurs visages, ils étaient là mais elle les reconnaissait à peine, elle se contentait de hocher la tête, complètement désorientée, perdue, comme si tous ses points de repère avaient disparu dans le néant, et qu'elle était à présent comme suspendue au dessus d'un vide infini, se demandant même pourquoi elle faisait encore l'effort de se maintenir comme ça en équilibre alors qu'elle pourrait tout simplement lâcher prise. Puis finalement, un visage se détacha de la masse.
-Harry !
Sans prendre garde aux personnes qui se trouvaient autour, la jeune femme se précipita jusqu'au jeune homme et le serra dans ses bras. Elle ne l'avait pas revu depuis... une éternité. La dernière fois, il semblait à l'article de la mort, alors qu'elle l'emmenait à l'infirmerie, et entretemps, il ne lui avait pas donné la moindre nouvelle, pas le moindre signe de vie. Elle aurait préféré le revoir dans d'autres circonstances, c'est sûr. Mais le revoir lui faisait tout de même du bien, et à l'instant où elle avait besoin de réconfort, sa présence était plus que bienvenue. Pendant plusieurs secondes, elle ne prononça pas le moindre mot, se contentant de recueillir le plus de réconfort possible dans les bras de son meilleur ami.
-Merci...
Elle ne justifiait pas vraiment les raisons pour lesquelles elle le remerciait à cet instant. Ça lui était venu instinctivement. Elle le remerciait d'être là, tout simplement, supporter son absence en plus de la mort de son père aurait été trop lourd à porter pour elle.
-Tu vas bien ?
Elle n'était pas forcément celle qui devait poser cette question en cet instant, mais elle n'avait pas envie de s'attarder sur son propre état, mais se sentait par contre plus que concernée par celui de Harry. En ce qui la concernait, elle préférait penser à toute autre chose qu'à elle... ou à cet enterrement...
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Il y avait une foule incroyable, Harry ne se sentait pas forcément à l’aise. Sauf qu’il ne se voyait pas ailleurs en ce moment précis, il ne pouvait faire autre chose que d’être présent à cet enterrement. Et pas seulement parce qu’il était responsable de la mort de l’homme qu’on venait de mettre en terre, mais aussi parce qu’il s’agissait du père de sa meilleure amie, celle dont il était éperdument amoureux. C’était comme si l’épée de Damoclès s’était écroulé sur lui, depuis ce jour où son géniteur avait décidé de le rendre aussi monstrueux que lui. Est-ce qu’il regrettait sincèrement sa nouvelle vie, ses nouvelles capacités ? En cet instant précis, oui, mais ce n’était pas forcément évident. Parce qu’il suffisait qu’il se laisser aller au chaos pour savourer ce qu’il faisait, ce qu’il savait faire et les ravages qu’il pouvait causer. C’était simplement plus facile d’assumer quand ça ne touchait pas directement la femme qui tenait le plus à ses yeux, celle qu’il ne voulait surtout pas voir pleurer. Et qu’il faisait pleurer, parce qu’il l’avait privé de son père. Gwen ne méritait pas de perdre son père, George Stacy était quelqu’un de bien, un homme bien qui était en plus un père génial. S’il y avait bien un père en ce monde qui méritait plus que n’importe qui de rester en vie, c’était lui. Et bien sûr, Harry avait plusieurs fois pensé depuis ce jour funeste qu’il aurait mieux valu pour tout le monde que ce soit lui qui perde son père, que Norman Osborn prenne la place du capitaine Stacy.
Harry avait donc enfilé son costume noir pour l’occasion et s’était rendu à l’enterrement. Il avait le cœur serré à l’idée qu’il était responsable de la tristesse de toutes ces personnes, mais ce dernier sembla exploser quand il entendit Gwen l’appeler et foncer dans ses bras. Harry enroula ses bras autour de sa meilleure amie, la serrant aussi fortement contre lui qu’il le pouvait. Il ne méritait pas ça, il ne méritait rien de bien en réalité. Mais en même temps, cela lui faisait un bien fou de la prendre dans ses bras, de la sentir contre lui, de la voir tout simplement. Ils ne s’étaient pas vu et ne s’étaient pas parlé depuis ce jour où Harry avait quitté le lycée dans un état horrible. Physiquement, le jeune homme allait bien mieux maintenant, puisque le sérum avait terminé de le transformé. Il aurait simplement aimé que ça ne le change pas du tout. Harry ferma un instant les yeux, alors que Gwen le remerciait. Elle ne le ferait pas, si elle savait. Elle ne devait jamais savoir, il ne supporterait pas de la perdre et même si ça n’allait pas arranger sa conscience. Et puis contre toute attente, elle lui demandant comment il allait. Ce n’était évidemment pas à aller de poser cette question, son état importait peu dans cette situation. Il n’avait aucune envie d’y répondre de toute façon, parce qu’on ne pouvait pas vraiment dire qu’il allait très bien. Certes, son corps se remettait de ces quelques jours de souffrance, mais il n’y avait malheureusement pas que le corps.
« Je suis tellement désolé… »
Fut les seuls mots qu’il parvint à sortir de sa bouche, alors qu’il continuait de la serrer dans ses bras.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
P
endant plusieurs secondes, Gwen ne dit rien, ne prononça pas le moindre mot, se contentant de savourer l'étreinte apaisante de son meilleur ami, laissant sa tête reposer sur son épaule. Certes, il n'avait pas répondu à sa question, et cela ne la rassurait pas forcément, mais il était là, auprès d'elle, et malgré tout, il avait l'air de se sentir mieux, bien mieux que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, alors elle allait se contenter de cela, pour l'instant en tous cas. Il se pouvait bien que ce ne soit ni le lieu, ni le moment, après tout. Devant la tombe de son père, il y avait peut-être d'autres choses à dire... Mais le fait est qu'elle n'avait aucune envie de se concentrer sur ses propres émotions, sur son propre désarroi. C'était trop puissant, c'était trop douloureux. Elle préférait, et de loin, se concentrer sur le positif. Et le positif, pour le moment, c'était la présence de son meilleur ami à ses côtés. Elle ne comprit pas, quand ce dernier lui dit être désolé, elle l'entendit comme les condoléances que bien d'autres lui avaient présentés avant lui, et elle n'imaginait pas le moins du monde que cette phrase impliquait qu'il s'excusait en vérité pour bien plus important, bien plus terrible, tellement plus grave. À ce stade, elle était incapable d'en vouloir à l'homme qui avait tué son père, et qu'elle ne soupçonnait en aucun cas être le garçon qu'elle prenait dans ses bras, elle s'en voulait plus à elle-même, en vérité, parce que sa mort, on la lui avait prédite. Et elle n'avait rien fait, pour l'empêcher. Elle n'y avait pas cru. Elle aurait peut-être pu... Non, elle ne comprenait pas. Et elle se contentait d'apprécier le "désolé" de Harry, qu'elle n'entendait pas de la bonne manière. Et tant mieux.
Il commençait à y avoir du mouvement, dans le cimetière, tous ceux qui étaient venus faire un dernier adieu à George Stacy quittaient à présent les lieux. Sa mère fermait la marche, et lança à sa fille un regard entendu pour l'inviter à la suivre. La demoiselle approuva d'un signe de tête avant de porter de nouveau son attention su Harry.
-On a organisé un pot chez nous, il n'y aura que de la famille et des amis proches des parents... Tu viens aussi ? Je préfèrerais que tu sois là...
Et de loin. Elle n'avait aucune envie de rester toute la soirée en présence de tous ces gens qui, à force d'anecdotes et de propos conciliants, ne la renverraient que davantage à sa douleur. Elle avait besoin d'une présence amie et positive (oui, "positif" et Harry, ça avait l'air plus que contradictoire, mais peu importe, sa présence lui ferait du bien, alors qu'importe). Et s'il ne restait pas, elle ne savait pas quand elle le reverrait. Elle ne pouvait vraiment pas supporter cette idée pour le moment. Il n'y avait pas grand chose qu'elle se sente en mesure de supporter, en fait, à l'heure actuelle. Elle risquait fort de s'effondrer pour un rien si Harry lui disait qu'il ne pouvait pas rester pour lui tenir compagnie.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry se doutait bien que sa meilleure amie ne pouvait saisir la portée de ses mots. Elle ne pouvait pas comprendre dans son désolé, qu’il s’excusait d’avoir causé la mort de son père. Parce qu’elle ne pouvait pas deviner qu’il était responsable. Le jeune homme le savait, il comptait même dessus en réalité. Il était évident qu’il était incapable d’avouer la vérité à Gwen. Même s’il prenait son père comme réel responsable de ce malheur, il était quand même celui qui avait porté le coup de grâce au père de sa meilleure amie. A cause de lui, l’homme était mort et la famille Stacy était en deuil. A cause de lui, une fille merveilleuse avait perdu un père merveilleux. Si un père avait dû mourir dans la bataille, c’était bien plus Norman Osborn qui le méritait. Les choses étaient faites cependant et Harry ne pouvait rien faire pour réparer son erreur. Il se contentait donc de soulager légèrement sa conscience en s’excusant auprès de la fille qu’il aimait en secret, alors qu’elle se tenait dans ses bras. Au fond de lui, Harry sentit cette chose qui lui broyer l’esprit satisfaite du malheur qu’elle avait causé. Son autre lui, celui qui était apparu à cause de son géniteur, était heureux de son travail. Pour l’heure, Harry parvenait à le taire et à se concentrer sur ce qu’il ressentait vraiment, l’immonde tristesse et culpabilité qui broyait son cœur.
Il commença à y avoir du mouvement dans le cimetière. Les personnes commençaient à le quitter, maintenant que la cérémonie était terminée. Harry devait bien avouer qu’il ne savait pas vraiment ce qu’il devait faire, il ne se sentait tellement pas à sa place. Parce qu’il était celui qui avait causé de la peine à toutes ces personnes. La mère de Gwen lui fit un signe, avant que cette dernière ne s’adresse de nouveau à lui. Elle l’invita à venir au pot qu’ils organisaient chez eux. Le jeune homme se sentit blêmir un peu, il n’était clairement pas à sa place. Sauf qu’il ne pouvait évidemment pas laisser la jeune femme comme cela, alors qu’elle lui demandait de venir avec elle. Elle lui précisait même qu’elle préférait qu’il soit présent, il était incapable de dire non.
« D’accord, mais je ne veux pas déranger surtout. »
Si une seule personne savait la vérité, il aurait été renvoyé directement. Sauf que tout le monde ignorait ce qu’il avait fait et Harry avait vraiment l’impression d’être un imposteur. Mais ce n’était pas le cas, parce qu’il avait réellement de la peine. Pour Gwen principalement, s’il n’y avait pas Gwen, les choses auraient été différentes. Sauf qu’il aimait sincèrement la jeune femme et il se sentait tellement triste pour elle. Quoi qu’il était bien incapable d’imaginer la peine que cela pouvait faire de perdre son père, lui qui avait de plus en plus envie de voir le sien disparaitre. Il n’y avait clairement pas de justice dans ce monde. Si seulement le jeune homme était capable de réparer ses erreurs…
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
H
arry pouvait bien faire mine d'hésiter à venir, par simple considération (c'était du moins comme cela que Gwen interprétait les choses - à tort, cela va sans dire), la demoiselle n'avait pas vraiment l'intention de lui laisser le choix. Elle ne s'était pas attendue à le voir ici, d'autant que cela faisait plusieurs semaines qu'elle n'avait plus la moindre nouvelle de son meilleur ami. Mais puisqu'il avait fait l'effort de venir, ce qui la touchait vraiment, elle ne comptait pas le laisser partir maintenant. D'autant que, en effet, ce pot allait être bien morne. Il n'y aurait quasiment que des adultes, ou quelques cousins et cousines tout juste bons à lui rappeler son père et ne lui permettrait pas d'avoir une seule seconde de répit. S'il pouvait venir, elle n'avait pas l'intention de le laisser partir maintenant. Surtout qu'elle ne saurait pas, pour le coup, quand serait la prochaine fois qu'elle le verrait, même si son état lui laissait supposer qu'il pourrait sans doute retourner en cours bientôt... En fait, ce serait peut-être son état à elle qui l'empêcherait d'être très présente, dernièrement. La jeune femme parvint à esquisser un sourire, qu'elle voulait encourageant, du mieux qu'elle put.
-Tu ne dérangeras pas.
Bien au contraire, et elle ne pouvait être plus sincère en prononçant ces mots. Elle ne lui laissa d'ailleurs pas l'occasion de se rétracter. Elle lui attrapa le poignet, et l'entraîna à suivre les autres. Elle ne demanda l'avis de personne pour inviter Harry, ce n'était pas comme si elle était en état de tolérer qu'on lui refuse quoi que ce soit pour le moment. Elle lui trouva une place dans une des voitures qui devait les conduire jusqu'à l'appartement des Stacy. Le trajet se fit dans le plus grand silence. Autant dire que la jeune femme ne se sentait pas franchement d'humeur bavarde. L'appartement avait été réagencé pour l'occasion, les meubles déplacés pour que les invités puissent circuler plus librement. La table de la salle à manger s'était muée en buffet, et sur l'une des commode, une sorte d'autel dont la demoiselle détournait précautionneusement le regard, pas vraiment prête à être scrutée par la photo de son père, absolument pas prête pour cela. Elle se tint à l'écart, dans un coin de la pièce, où elle rencontrerait le moins de risques possible d'être dérangée, entraînant Harry avec elle.
-Alors, qu'est-ce que tu avais, finalement ? Tu sais que les téléphones portables sont une invention géniale, tu aurais au moins pu répondre à mes messages ?
Elle parlait volontairement d'autre chose, bien évidemment. Elle préférait parler de n'importe quoi qui n'ait pas de rapports avec la raison pour laquelle toutes ces personnes étaient là. Et la question demeurait en suspens. Pendant des jours et des jours, la jeune femme avait essayé de joindre Harry sans y parvenir, inquiète à cause de son état de santé, alors elle préférait les explications aux condoléances.
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Harry ne se sentait vraiment pas à l'aise avec l'idée de se rendre au pot organisé par la famille Stacy, mais le jeune homme ne pouvait pas refuser cela à Gwen. Concrètement, il ne pouvait rien lui refuser en réalité. La jeune femme lui demandait de venir avec elle, il se voyait mal lui dire non. Surtout qu'il voyait bien qu'elle y tenait, qu'elle n'allait pas bien. En même temps, c'était normal quand on venait de perdre son père (quoi qu'Harry ne savait vraiment pas comment il réagirait le jour où son père serait mort, peut-être serait-il triste... ou pas). En tout cas, l'héritier Osborn était donc incapable de refuser cela à sa meilleure amie et elle ne manqua pas de l'entraîner avec elle. Il se rendit dans une voiture, avec des personnes qu'il ne connaissait pas (en dehors de Gwen donc) et ils arrivèrent chez les Stacy. Le jeune homme n'avait vraiment pas besoin de se forcer pour suivre le ton morne de l'endroit. Son regard se porta un peu sur le salon, sur le visage des personnes présentes, avant que son amie ne l'entraîne dans un coin. Ils auraient sans doute été mieux à discuter ailleurs, mais Gwen pouvait difficilement s'éclipser. Harry ne savait vraiment pas ce qu'il pouvait dire à son amie, il ne se sentait pas capable de parvenir à la soulager de sa peine. Et ce n'était pas que parce qu'il était responsable de la mort du Capitaine Stacy, mais parce que d'une manière générale, il n'était pas doué pour ces choses là. C'était la belle blonde qui s'occupait de lui remonter le moral d'habitude, comme il avait l'habitude de l'avoir plus bas que terre. Le jeune homme ne savait pas vraiment comment s'y prendre.
Mais par chance, si on pouvait appeler cela une chance, Gwen décida de changer complètement de sujet. Il se doutait bien que la jeune femme n'avait pas forcément envie de se contenter de parler de son père. Elle aurait d'autre occasion pour le faire, beaucoup d'autre. Elle se concentra donc sur son état, avant de lui rappeler que les téléphones portables existaient. Harry afficha un fin sourire à sa remarque. Il avait vu tous les messages de Gwen bien sûr, mais il avait été incapable de lui répondre. Au début parce qu'il n'était pas en état physiquement et qu'il ne se voyait pas quoi lui dire, puis parce qu'il était simplement rongé par la culpabilité.
« Je suis désolé. » C'était une phrase qu'il risquait de prononcer bien souvent au final. « Mon père m'a confisqué mon téléphone et tout ce qui pouvait me permettre d'avoir une vie sociale. » C'était tellement facile de mettre tout cela sur le dos de son géniteur, en même temps il était directement responsable de son état, alors un peu plus ou un peu mois. « J'avais une sorte de grippe, je suis resté cloué au lit avec de la fièvre. Je peux me lever que depuis hier. »
Il n'avait pas spécialement envie d'être plaint, même s'il adorait cela en réalité, mais il fallait bien qu'il trouve une excuse à son état. Finalement, la grippe ce n'était pas si éloigné de la vérité. Même si évidemment, il omettait le fait qu'il était devenu un monstre et qu'il avait attaqué le lycée, entraînant au fond du gouffre le père de sa meilleure amie.
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P
arler de tout, de n'importe quoi, de tout ce qui pouvait lui changer l'esprit, voilà tout ce dont elle avait besoin à l'heure actuelle, elle savait bien qu'elle n'arriverait pas à occulter son père de son esprit, encore moins ici et maintenant, mais à choisir, elle préférait qu'il se contente de hanter son esprit et non de ses conversations. Elle n'avait pas besoin de réfléchir bien longtemps, en ce qui la concernait, puisqu'elle se retrouvait enfin en présence de Harry, et il y avait un bon millier de choses qu'elle voulait lui dire, à commencer pour son état, qui l'avait inquiété ces semaines durant, sans avoir aucun moyen de se rassurer, de savoir s'il allait mieux, ou ce qu'il avait, tout simplement. Harry s'excusa en affirmant que son interlocuteur l'avait empêché d'avoir le moindre moyen de communiquer avec le monde extérieur, donc plus d'ordinateur et plus de portable. Ce semblait vraiment gratuit, comme punition, surtout à l'adresse d'un malade, mais en même temps, on parlait de Norman Osborn, l'homme qui avait catégoriquement refusé que tous les deux se voient, pour des raisons qui demeuraient encore obscures aux yeux de la jeune femme, alors c'était crédible. Tout comme était crédible cette histoire de grippe carabinée. Sa maladie avait semblé extrême à Gwen sur le moment, parce qu'elle l'avait laissé à l'infirmerie dans un état tout à fait épouvantable, et parce que sa convalescence avait été particulièrement longue, mais elle n'avait pour autant pas de raisons de douter de son propos. Après tout, il était effectivement là, sous ses yeux, et surtout, il avait l'air d'aller bien. Au final, c'était vraiment cela qui importait, plus que le reste. Elle voyait au moins un peu de positif dans tout cela, et cela l'invitait à ne pas écraser immédiatement cet espoir qui lui était primordiale pour avancer.
-Tu m'as fichue une peur bleue, en tous cas. décréta-t-elle d'un ton qui tenait plus du constat que du reproche. Elle n'avait pas l'intention de le faire culpabiliser, avec tout cela. Mais le fait est qu'elle s'était bel et bien inquiétée. Ça lui faisait au moins un poids en moins sur la conscience. Elle aurait eu du mal à gérer la perte de son père et l'absence de son meilleur ami. Il revenait au bon moment... si elle pouvait vraiment se permettre de penser ainsi (ce qui lui semblait presque tenir du blasphème). Je suis contente que tu ailles mieux. Mais dommage que, pour sa part, cela arrive quand elle se trouvait au plus bas, vraiment au plus bas. Tu vas pouvoir retourner en cours, alors ?
Au-delà du fait qu'elle ne savait pas comment les choses allaient se dérouler au lycée alors qu'une aile entière de l'établissement avait été complètement détruite et qu'elle ne pensait pas, de toute manière, revenir au lycée avant quelques jours, elle serait soulagée, si elle savait Harry de retour quand elle le serait également. Lui et Peter, elle les considérait désormais comme ses piliers pour s'en sortir, ceux qui l'aideraient à se relever et à se tirer de cette épreuve.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry n’avait pas spécialement envie de parler de lui-même ou de son état, mais il se rendait bien compte que Gwen avait besoin de parler d’autre chose que de son père. Pour elle, il était capable de faire énormément de chose. Il ne voulait pas parler de lui-même, mais il allait le faire afin de la rassurer et de lui permettre de se changer un peu les idées. Même si, la conversation qu’ils avaient avait un rapport avec la mort de son père et cela, heureusement que Gwen n’était pas au courant (et elle ne devait jamais l’être). Le pire dans tout cela, c’était que le jeune homme était obligé de mentir. Enfoncer la réputation de son père n’était pas un souci, mais il était bel et bien obligé de mentir à sa meilleure amie. Il ne l’avait jamais fait avant, du moins pas de cette manière, mais il n’avait pas d’autre choix. Il ne se voyait pas lui dire qu’il était devenu un monstre et que c’était lui qui avait tué son père et qu’en prime, la chose en lui en était plus que satisfaite. Officiellement donc, Harry avait eu une très grosse grippe et son père l’avait empêché d’avoir une vie sociale. Cela ressemblait bien à Norman Osborn, qui lui interdisait de côtoyer la jeune femme déjà en temps normal. D’ailleurs, l’homme n’était évidemment pas au courant que son fils s’était rendu à l’enterrement de Monsieur Stacy. C’était donc crédible, bien trop crédible même.
Harry se doutait bien que Gwen s’était inquiétée, à sa place il se serait inquiété aussi. Il était vraiment désolé de lui avoir causé tant de tort et de lui faire croire qu’il allait mieux. Parce qu’il n’allait jamais pouvoir aller mieux en réalité, il n’y avait aucune chance pour qu’il se remette de tout cela. Le sérum que son père avait injecté dans ses veines n’allait pas partir comme cela. Il n’allait pas pouvoir se remettre non, mais Gwen devait croire le contraire. Il ne se voyait pas briser le peu de soulagement qu’elle avait en cette seconde. Techniquement, il n’allait pas plus mal, il allait quand même mieux, même s’il n’avait aucune idée du temps que ça allait durer.
« Je vais y retourner oui. »
Quand l’école allait ouvrir de nouveau ses portes en fait, mais Harry n’avait pas spécialement envie de mentionner l’attaque qu’il y avait eu. Le jeune homme ne savait pas vraiment comment son retour au lycée allait se passer, il n’y avait pas remis les pieds depuis ce jour funeste. Mais il n’avait pas le choix, il fallait bien qu’il s’y rende. Ne serait-ce que pour être là pour sa meilleure amie, même s’il se doutait qu’elle allait avoir besoin de temps. C’était là-bas que son père était mort après tout, cela allait être difficile d’y remettre les pieds.
« J’ai même récupéré mon téléphone portable. » Dit-il en souriant légèrement avant de prendre sa meilleure amie dans ses bras. « Si tu as besoin… »
Il n’avait pas été là pour elle quand il le fallait, il était la cause de ses tracas à présent, mais il espérait bien se rattraper.
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G
wen parvint à esquisser un sourire quand Harry lui apprit qu'il commençait effectivement à être en état de retourner en cours. Non pas qu'elle soit si impatiente d'y retourner elle-même (de toute façon, ce ne serait pas pour tout de suite, outre le fait qu'elle ne savait pas vraiment quand l'école - ou au moins une aile de l'école - allait rouvrir pour permettre de les accueillir, elle n'était clairement pas en état pour le moment, et serait certainement plus utile auprès de sa mère qu'en cours, à tenter tant bien que mal de se montrer intéressée alors que ses pensées seraient bien plus sinistres) mais, depuis qu'Osborn père avait interdit à son fils de la voir et de lui parler, le lycée était normalement leur seul espace de liberté... Elle aimait que les choses puissent revenir à la normal, même si elle avait conscience que tout serait tout de même désormais différent. Elle aimait pouvoir se dire qu'il y avait toujours un moyen de trouver son équilibre, même quand son esprit rencontrer le chaos le plus total. Pour cela, elle avait besoin de ses valeurs sûres. De sa famille, bien sûr. De Peter, ça va de soi, mais aussi de son meilleur ami, et il tombait à point nommé (elle ne penserait certainement pas cela si elle savait tout...), de retour au moment où elle avait le plus besoin de lui. Cela faisait du bien, après ces semaines de silence, de réaliser qu'elle pouvait toujours compter sur le soutien inconditionnel du jeune homme, qu'il ne l'avait pas oubliée et qu'il comptait être là et bien présent pour l'aider et la soutenir dans les épreuves qu'elle endurait pour l'heure. Elle en profita pleinement quand il la prit dans ses bras, appréciant ce contact rassurant, elle avait le sentiment de se sentir un peu plus légère, à présent. Il était agréable, pour un fardeau aussi lourd, de sentir que d'autres étaient prêts à vous aider à le porter.
-J'ai toutes les chances d'en avoir besoin, oui. affirma-t-elle doucement sans relâcher l'étreinte de son meilleur ami, qui lui faisait un bien fou. Puis, finalement, elle s'écarta un peu. L'esquisse de sourire qu'il avait su faire naître n'avait pas lâché son visage. Elle songeait au temps qu'ils avaient à rattraper, à ces semaines de silence radio... Elle préférait s'y concentrer que de songer à la raison de ce rassemblement. Qu'importe si on devait lui reprocher de nier la réalité. Viens. fit-elle en l'invitant d'un signe de tête à s'éclipser pour se rendre dans sa chambre. On la trouverait peut-être impolie, elle s'en fichait. Complètement, même. On sera mieux là. affirma-t-elle en refermant précautionneusement la porte derrière elle.
Sa chambre était plus désordonnée que d'ordinaire. Généralement, elle classait, triait, ordonnait, c'était proche d'être un problème pathologique, chez elle, mais là, ces derniers jours, elle n'en avait pas eu la force, elle n'avait eu la force de rien, en fait. des vêtement traînaient un peu partout, de même que quelques objets répandus çà et là, des cahiers, des affaires de cours... une photo d'elle et de Peter. Le regard de Gwen tomba dessus, elle réalisa que Harry n'était même pas au courant...
-Il s'est passé pas mal de choses pendant ton absence.
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Harry avait envie de retourner au lycée, oui, afin de retrouver une certaine vie normale. Depuis le début de son absence, on pouvait clairement dire que sa vie était devenue un chaos total. Si le lycée était fermé en ce moment, c’était de sa faute après tout. Tout comme la raison de cette réunion chez les Stacy, tout était de sa faute. Le jeune homme avait envie de croire qu’il avait encore une certaine main sur sa vie, qu’il pouvait la contrôler. Il voulait retourner en cours, il voulait avoir une vie normale d’adolescent normal. Ce qu’il n’était plus du tout, ce qu’il n’avait sans doute jamais été en réalité. Le jeune homme espérait que sa meilleure amie allait pouvoir y retourner aussi, même s’il comprenait parfaitement qu’elle ait besoin de temps (quoi qu’il ne sache vraiment pas comment il allait réagir s’il apprenait que Norman Osborn était décédé). Avec un peu de chance, ils allaient pouvoir vivre comme avant et faire comme si rien ne s’était passé. Parce que Gwen ignorait purement et simplement le rôle de son meilleur ami dans le décès de son père, c’était bien mieux comme cela. Elle ne devait jamais savoir, il ne fallait vraiment pas qu’elle le découvrir un jour. Harry ne put s’empêcher de se tendre un peu à cette pensée, il ne fallait vraiment pas qu’elle le découvre un peu. Il préféra occulter ce détail de son esprit et de profiter de l’étreinte qu’il échangeait avec la jeune femme. Elle lui avait tellement manqué, Harry ne savait vraiment pas comment il ferait sans elle. Il l’aimait tellement…
L’étreinte s’arrêta et Gwen décida de l’entraîner dans sa chambre. Ils allaient forcément être mieux dans une pièce loin de tout le monde. Le jeune homme ne se souciait pas vraiment de ce que les « adultes » pouvaient penser de lui (en dehors de son père…). Cela ne lui posait donc aucun souci de sembler impoli. Au contraire, il se sentait bien mieux de pouvoir s’enfermer avec la jeune femme dans sa chambre. Son regard ne tarda pas à se poser sur les affaires de son amie. Il avait déjà eu l’occasion de venir dans cette chambre, il savait à quel point Gwen pouvait être ordonnée. Ce n’était pas du tout le cas, mais c’était parfaitement compréhensible. Les yeux du jeune homme se posèrent sur Gwen quand elle reprit la parole.
« Il s’est passé quoi ? »
Demanda-t-il tout simplement, se demandant bien ce qui avait pu se passer en son absence. Il s’attendait à des choses assez « normales », il n’imaginait pas une seule seconde ce que Gwen avait l’intention de lui apprendre. Comment pouvait-il l’imaginer après tout ? Non pas qu’il n’avait pas conscience de l’affection que Gwen et Peter se portaient, ce qui avait toujours eu le don d’attiser sa jalousie. Mais il ne pensait pas qu’ils avaient pu passer un cap. En même temps, pendant son absence, c’était un peu comme si le monde s’était arrêté pour lui. Il s’attendait juste à retrouver les personnes comme ils étaient.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
A
llez savoir pourquoi, Gwen se sentait un peu mal à l'aise à l'idée d'apprendre à Harry ce qui s'était passé en son absence, son "rapprochement" avec Peter (et "rapprochement" était un faible mot, en vérité). Elle ne savait pas le moins du monde pourquoi, d'ailleurs... Harry était son meilleur ami, c'était tout à fait normal qu'elle veuille tout lui confier, et surtout ne rien lui cacher, mais quelque chose la dérangeait... Peut-être parce qu'elle s'en voulait un peu d'avoir laissé ainsi parler son coeur alors qu'elle n'aurait peut-être dû se soucier que de l'état dans lequel se trouvait Harry (et pourtant, vraiment, ce n'était pas faute de s'être constamment inquiété pour lui), ou peut-être encore parce qu'il n'était peut-être pas de bon ton d'évoquer ses amour le jour de l'enterrement de son père. Sauf que, justement, tout sujet un peu positif, tout sujet susceptible de lui décocher un sourire plutôt que des larmes, qui lui venait à l'esprit lui semblait bon à aborder... elle espérait seulement que Harry n'allait pas lui tenir rigueur de lui parler de sa relation de la sorte. Ce n'était peut-être pas l'endroit, ce n'était peut-être pas le moment, elle n'en savait rien. Le fait est que Gwen avait toujours mis un point d'honneur à tout partager avec son meilleur ami (sans se rendre compte qu'elle pouvait potentiellement lui briser le coeur au passage), alors elle ne pouvait tout de même le laisser passer à côté de ce qu'il était arrivé de plus positif dans sa vie. Et heureusement, d'ailleurs, qu'elle avait Peter à présent, et que Harry était de retour. Sans eux-deux, elle n'aurait rien à quoi se raccrocher, elle n'aurait pas su quoi faire. Là, elle avait ses deux piliers sur qui se reposer... Du moins, si elle ne participait pas d'elle-même à l'effondrement de l'un d'entre eux.
-Eh bien... Gwen réfléchit à la manière de lui répondre, finalement, il n'y avait sans doute pas de façon de le dire autrement que telles que les choses et toi. Je sors avec Peter.
Tout simplement. Sans pouvoir avoir conscience de la bombe qu'elle avait larguée à l'instant et de l'impact que cette révélation pouvait avoir sur son interlocuteur, elle avait quand même le sentiment que ces mots avaient un impact particulier... peut-être parce qu'elle se rendait compte qu'elle accordait à cette histoire une attention toute singulière, une véritable importance. Avec Peter, elle avait envie que ça dure, et tout faire pour que cela puisse durer (et peu importe que ce soit fleur bleu, qu'elle n'était qu'au lycée, et tout le reste). Alors forcément, quand elle en parlait, elle en parlait comme de quelque chose d'important. Oui, elle était jeune, non, on ne peut pas savoir ce que l'avenir nous réserve (quoique apparemment certaines personnes le pouvaient, et ce constat n'avait pas manqué de la perturber, d'ailleurs), mais peu importe. Justement, si elle devait retenir une leçon de tout ça, c'est que la vie était courte, alors il ne fallait pas passer à côté de ce qui nous semblait être essentiel.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry se doutait bien que certaines choses avaient changé pendant son absence, qu’il s’était passé des choses pendant qu’il était malade. Cela ne l’étonnait donc pas plus que ça que sa meilleure amie lui dise une chose pareille. Même si elle le faisait avec un ton particulier. Le jeune homme comprenait que quelque chose d’important était arrivé, en dehors du décès de son père, et il attendait donc simplement qu’elle lui en parle. Ce qu’elle n’allait pas tarder à faire, sans se rendre compte de la bombe qu’elle allait lancer. Gwen prononça quelques mots, Harry l’observait droit dans les yeux attendant la suite et l’information arrive. Quand il entendit qu’elle sortait avec Peter (Parker sans aucun doute), c’était comme si son cœur se brisait en mille morceau. Il était bien placé pour savoir que la jeune femme avait de l’affection pour leur camarade, ce n’était pas pour rien que de son côté il ressentait une jalousie maladive à son égard. Mais jamais Harry n’avait cru qu’ils puissent se fréquenter, qu’ils puissent sortir ensemble. Harry ne parvint pas à prononcer le moindre mot sur le coup, pris par la surprise mais surtout par la douleur que cette information engendrait en lui. Il s’entendait hurler, même s’il ne le faisait pas en vrai, il sentait la rage monter en lui. Parce que Gwen ne se contentait pas de lui apprendre qu’elle sortait avec Peter, elle le faisait d’un ton si sérieux que cela ne pouvait pas mettre de doute sur l’importance de cette relation.
« Oh. » Parvint-il à prononcer, en tentant de garder le plus de contenance possible. S’il se laissait complètement aller (chose qu’il ne pouvait plus faire à présent, il en avait parfaitement conscience), il était évident qu’il sortirait de cette pièce et qu’il irait peut-être même trouver Peter. Sauf qu’il ne pouvait pas perdre le contrôle de lui-même, il savait parfaitement ce que cela risquait d’engendrer. Il laissa donc planer encore le silence quelques secondes, avant de reprendre la parole en tentant le moins possible de faire trembler sa voix. « Quelle surprise, je ne m’y attendais pas du tout. »
Ça, c’était évident qu’il ne s’y attendait pas. Honnêtement, s’il avait été au courant, c’était fort probable qu’il n’ait même pas pris la peine de venir. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait bien pouvoir faire maintenant, alors que celle qu’il aimait sortait avec un autre, avec Peter Parker en plus. Harry avait plusieurs fois envisagé ce moment, il avait plusieurs fois souffert en l’imaginant avec un autre et se disant ainsi qu’il devait lui avouer la vérité, avant de finalement ne jamais rien faire comme d’habitude. Le jeune homme savait qu’il n’avait pas vraiment le choix, même si ça lui brisait le cœur, il devait accepter. Parce qu’il n’avait pas d’autre choix s’il voulait continuer d’avoir Gwen pour lui, s’il voulait continuer de l’avoir comme meilleure amie. Et cela malgré la jalousie, la rage qui montait en lui. Peter ne la méritait pas, même s’il ne l’a méritait pas plus que lui sans doute.
« C’est sérieux ? »
Demanda-t-il légèrement plus froidement que ce qu’il aurait aimé. Il espérait tellement l’entendre dire non, même s’il savait d’avance que ce n’était pas le cas.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
G
wen ne savait pas trop quelle réaction elle attendait de la part de son meilleur ami... Sans doute une réaction telle que celle qu'il eut en effet. Il est vrai que, même si Peter et Gwen avait toujours été proches, rien ne laissait présager qu'il allait se dérouler quelque chose durant l'absence de Harry qui changerait la donne. D'ailleurs, rien ne s'était vraiment déroulé qui ait changé la donne. Ils avaient seulement décidé de passer une soirée ensemble... et voilà... Qui sait, peut-être que l'absence de Harry y avait contribué, quelque part, parce que le temps qu'elle ne passait pas avec son meilleur ami, elle l'avait passé avec Peter... Quoi qu'il en soit, oui, elle comprenait sans mal que Harry soit surpris. Même si elle l'avait voulu bien avant tout cela, elle ne s'était pas attendue à ce que les choses se déroulent ainsi, mais elle en était heureuse... Pour ce qui était de Harry... Elle n'arrivait vraiment pas à savoir ce qu'il en pensait. Il n'avait aucune raison de sauter de joie, bien sûr, ni de fondre en larmes (enfin selon elle), mais là, sa réaction était si neutre qu'elle ne savait vraiment pas quoi en penser. Déjà que, d'ordinaire, Gwen avait du mal à savoir ce que Harry pensait de Peter. Par moments, ils avaient l'air de véritablement s'entendre, et à d'autres, Harry semblait comme en vouloir à Peter sans l'ombre d'une raison; à n'y rien comprendre. Du coup, elle espérait sans savoir pourquoi ce devrait être le cas, que ça ne le dérangeait pas. En amitié, on a tout droit d'être possessif, Gwen veillerait au grain, le jour où Harry aurait une copine, et oui, peut-être craindrait-elle un peu d'être délaissée.
-C'est un peu tôt pour le dire. répondit-elle dans un léger sourire quand Harry lui demanda si cette histoire était sérieuse. Surprise de cette question, d'ailleurs. Mais j'espère, oui. affirma-t-elle ensuite, son sourire s'élargissant légèrement (la simple pensée de Peter savait la faire sourire, il faut dire).
C'est sûr que parler d'histoire sérieuse à 17 ans, c'était forcément un peu naïf, quelque part. Mais Gwen tenait à Peter, elle avait envie que ça fonctionne... Sans compter que, de manière générale, la jeune femme était quelqu'un de sérieux dans tous les aspects de sa vie. Quand on en venait aux relations humaines autant que pour le reste. Elle était une amie fidèle et entière, et elle ne disait certainement pas "je t'aime" à tout va, sans le penser. Bien au contraire. Peter et elle se ressemblaient sur pas mal d'aspects, et s'ils avaient été un peu maladroits au départ, au final, la façon dont ils s'étaient mis ensemble lui était apparue si naturelle qu'elle ne se voyait pas avoir le moindre doute. En fait, si elle était très sûre d'elle quand il s'agissait de cours ou de sa réussite scolaire, elle ne l'avait jamais complètement été quand on en venait à ce genre d'aspect plus délicat de l'existence, sauf là. Avec Peter, elle avait le sentiment de savoir exactement où elle allait, et elle espérait bien que les choses dureraient ainsi.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry ne s’était vraiment pas attendu à apprendre une telle nouvelle, en ce jour, de la part de sa meilleure amie. Gwen sortait avec Peter et il n’avait aucune idée de comment réagir à cette nouvelle. Est-ce qu’il devait être heureux pour elle ? Normalement oui, il savait parfaitement que c’était le cas. En théorie, le meilleur ami devait clairement être heureux d’apprendre qu’elle sortait avec un garçon, mais ce n’était pas le cas d’Harry. Parce qu’il n’était pas que le meilleur ami, du moins de son côté. Il avait des sentiments pour Gwen et il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une profonde jalousie à l’idée que la fille qu’il aimait, puisse en aimer un autre. Même si honnêtement, il savait parfaitement qu’elle était amoureuse de leur ami commun. Cette information ne l’avait pas tellement échappé avec le temps, il avait bien remarqué que la jeune femme s’intéressait énormément à lui. Ce n’était pas pour rien que l’héritier Osborn n’appréciait pas vraiment Peter, même s’ils étaient quand même amis. C’était compliqué et clairement, les choses allaient être de plus en plus compliquées maintenant qu’il avait connaissance de cette information. Mais il ne pouvait pas montrer à sa meilleure amie qu’il était en train de mourir intérieurement en découvrant qu’elle sortait sérieusement avec Peter, puisqu’en effet c’était sérieux. Du moins, elle espérait que ça l’était ce qui était la même chose. Harry connaissait Gwen parfaitement (et pour cause), elle ne faisait rien à la légère. Elle ne se lancerait pas comme ça dans une relation pour rien, alors forcément c’était sérieux. Mais le jeune homme aurait aimé l’entendre dire que non, qu’elle plaisantait. Comme si cette éventualité pouvait être possible.
« Je suis content pour toi. » Dit-il en forçant son sourire. Il n’avait aucune envie de lui montrer son ressentit, il ne fallait pas qu’elle remarque qu’il était à ce point déstabilisé. Parce qu’il n’avait jamais osé avouer à la jeune femme les sentiments qu’elle avait pour elle, ce n’était pas maintenant qu’il allait se lancer. Il était bien trop lâche, mais surtout c’était trop tard. « Peter est quelqu’un de bien. »
Au fond, Harry devait bien reconnaitre que le jeune homme était en effet quelqu’un de bien, mais cela lui brulait la gorge de devoir prononcer des mots de ce genre. Parce qu’il ne pouvait pas supporter l’idée qu’il ait l’occasion de sortir avec sa meilleure amie, alors qu’il ne faisait que rêver de ça depuis tant d’année. Il n’avait aucune envie de continuer de penser que celui qui lui volait la femme qu’il aimait, puisse être quelqu’un de bien. Et il sentait même cette chose en lui, lui tordre les boyaux et faire remonter la colère qu’il enfouissait en lui. Cette colère qu’il avait laissé exploser en allant s’en prendre au lycée et en tuant le père de Gwen, raison qui provoquait sa présence en ces lieux en cet instant. Le jeune homme continuait de sourire malgré tout, parce qu’il était hors de question pour lui de laisser apparaitre quelque chose au regard de sa meilleure amie. Il ne pouvait malheureusement qu’être heureux pour elle.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
S
i Gwen savait ce que Harry ressentait véritablement pour elle, si elle comprenait qu'il éprouvait, en vérité, plus que ce qu'un meilleur ami devrait éprouver pour sa meilleure amie, il est évident qu'elle n'aurait pas abordé les choses de cette manière, elle n'aurait certainement pas appris sa relation avec Peter de la sorte... Mais Harry ne lui avait jamais donné aucun indice quant à ses véritables sentiments, si bien qu'elle ne se rendait compte de rien, et pensait pouvoir se livrer en toute confiance à un ami qui serait tout simplement heureux pour elle... D'ailleurs, elle y croyait vraiment, à son faux sourire, et il lui donnait envie de sourire aussi, parce que même si elle avait vécu l'un des moments les plus atroces de sa vie, même si la mort de son père lui pesait sur la conscience et sur le coeur, il y avait encore de l'espoir, de belles choses, des raisons de se lever le matin. Et l'une d'entre elles, elle l'avait sous les yeux, sans réaliser un seul instant de tout ce qui lui était dissimulé. Le jeune homme l'aimer, et sans lui, son père serait toujours. Ne sachant ni l'un ni l'autre, elle ne prenait que ce qu'il acceptait de lui donner, et ce don la touchait profondément. Le don de sa présence, de cette oreille attentive qu'il lui accordait toujours, de cette amitié qu'elle ne pouvait croire que profondément sincère. Autant de dons dont elle espérait être digne, et qu'elle voulait lui rendre au centuple.
-C'est quelqu'un de bien, oui.
Ça, Gwen ne pouvait vraiment pas en douter. Il avait su le lui montrer de plus d'une manière. Ce n'était pas pour rien qu'elle s'était si attachée si rapidement à lui, qu'elle l'aimait autant. Pour cela, elle avait envie de croire que leur relation était sérieuse, même s'ils étaient jeunes et qu'il était sans doute naïf de croire aux idylles lycéennes. Il était quelqu'un bien, et il serait pour elle un soutien incomparable, tout comme Harry savait l'être également, ne serait-ce qu'en étant présent, là, maintenant, tout de suite, en étant là pour elle à un moment de son existence où elle avait plus que jamais besoin du soutien plein et entier de ses proches.
-J'ai de la chance de vous avoir, tous les deux.
Cette déclaration venait du coeur. Dans des moments comme celui-ci, on prenait conscience de ce qui était superflu, de ce qui ne l'était pas, des personnes sur lesquelles il était véritablement possible de compter, sans restreinte, sans condition, et de façon complètement désintéressée. Elle avait le sentiment de devoir faire un peu de ménage dans sa vie, les récents événements lui avaient fait remettre bien des choses en perspective. Il y avait du superflu, dans son existence, dont elle voulait se débarrasser, et du solide, du fort, de l'intact, qu'elle ne voulait surtout pas perdre de vue. C'était une leçon qu'elle aurait voulu ne pas apprendre si brutalement, mais il n'y avait sans doute pas de manière douce d'apprendre ce genre de choses.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry savait bien que cette situation était à cause de lui, qu’il était responsable de tout ça. S’il avait eu le courage à un moment donné dans sa vie de dire à sa meilleure amie les sentiments qu’il avait pour elle, il ne se retrouverait pas dans cette situation. Mais il n’avait jamais eu le courage, le jeune homme s’était contenté de jouer l’autruche. Au risque de se retrouver justement dans cette situation, il avait préféré cacher ses sentiments que de les dire et d’éventuellement perdre l’amitié de Gwen. Il n’avait jamais eu le courage donc et maintenant, la jeune femme sortait avec Peter. Harry ne savait vraiment pas comment il allait faire dans les prochains temps pour « accepter » cette situation, mais pour le moment il arrivait quand même à jouer le jeu. Il affichait même un sourire, afin d’appuyer ses propos quand il affirmait que Peter était quelqu’un de bien. Au fond, l’héritier d’Oscorp ne pouvait pas affirmer que son camarade n’était pas quelqu’un de bien, même si clairement le jeune homme était complètement jaloux. Il n’aimait pas l’idée qu’il sorte avec Gwen et il allait clairement avoir du mal à s’y faire (il risquait de se montrer plus virulent encore avec Parker), mais il n’y pouvait rien de toute façon. Il ne pouvait que s’en prendre à lui-même et le pire, c’était qu’il voyait quand même que cela faisait du bien à Gwen.
Quand elle affirmait qu’elle avait de la chance de les avoir, tous les deux, cela fit vraiment plaisir à Harry. Il aimait avoir le sentiment d’être important dans la vie de sa meilleure amie, parce qu’elle l’était complètement dans la sienne. Harry ne se voyait pas capable de continuer de vivre s’il ne pouvait pas avoir sa meilleure amie dans sa vie, quoi que puisse penser Norman Osborn. Gwen considérait donc qu’elle avait de la chance de les avoir tous les deux, elle ne pouvait quand même pas perdre l’un des deux. Si Peter pouvait lui faire du bien donc…
« Et tu nous auras toujours. »
Dit-il en prenant la liberté de parler à la place de Peter. Malheureusement, il y avait quand même une voix au fond de lui qui ne se retenait pas de penser qu’elle méritait tellement mieux, que Peter devait quitter la vie de Gwen. Cette voix, Harry tentait de ne l’écouter parce qu’il savait parfaitement qu’elle n’était pas bonne conseillère. Il ne devait pas se laisser aller à la perte de contrôle de lui-même, il était hors de question qu’il recommence cette erreur (qu’il ne pourra éviter dans le futur cependant…). Il n’allait donc pas se laisser emporter par cette voix qu’il entendait dans le fond de son esprit. Et pour cela, pour la faire terre, Harry s’approcha de sa meilleure amie pour la prendre dans ses bras. Parce qu’elle en avait besoin au vu de ce qu’elle était en train de vivre et que lui en avait besoin au vu de ce qu’il venait d’apprendre. Gwen et Peter se fréquentaient et lui n’avait plus qu’à tenir la chandelle.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
P
ouvoir serrer son meilleur ami dans ses bras faisait un bien fou à Gwen, parce qu’elle n’avait jamais eu à ce point besoin de réconfort, bien sûr, mais également parce que ces semaines de silence au cours desquelles la jeune femme n’avait pu que s’inquiéter pour Harry sans avoir plus de nouvelles ne lui avaient pas laissé espérer qu’ils se retrouveraient ce soir, et sa présence lui était plus que jamais agréable et réconfortante. Gwen serra plus fermement cette étreinte, tout en savourant les mots que prononçait son interlocuteur, auxquels elle croyait dur comme fer, sans besoin de preuves ou de confirmations autres que ces paroles. Gwen savait parfaitement qu’elle pouvait compter sur Harry. Le jeune homme n’avait pas toujours un caractère facile, mais il ne lui avait jamais fait faux bond malgré tout. Certes, il avait été aux abonnés absents ces derniers temps, mais il était là ce soir, n’était-ce pas la preuve qu’il serait toujours là pour la soutenir. Quant à Peter… L’objectivité n’était bien évidemment pas de mise quand il était question de son petit ami, mais sa confiance à l’adresse du jeune homme datait de bien avant qu’ils ne s’avouent leurs sentiments respectifs. Elle savait pertinemment qu’il ne la laisserait jamais. Oui, elle avait de la chance de les avoir tous les deux, ils étaient ses piliers, et cette pensée la rassurait… Même si quelque chose en elle l’empêchait d’être entièrement réconfortée et sereine, outre le fait, bien sûr, que rien ne saurait complètement la guérir du mal qui la rongeait depuis la mort de son père… Parce que le remord et une légère angoisse avaient fait chemin jusqu’à son esprit depuis la sinistre attaque du lycée… Ils seraient toujours là pour elle, oui mais…
-Ça pourrait ne pas être très long, dit-elle alors à voix très basse mais tout de même audible, ne sachant finalement pas garder cette réflexion pour elle. Elle s’était jurée de n’en parler à personne. À personne sauf peut-être à Marcus, et à Liv si leurs chemins devaient se recroiser, d’une manière ou d’une autre (ce qu’elle n’était pas certaine de souhaiter, pour tout dire), mais ce fardeau, très lourd à porter, devenait véritablement insupportable. Harry était son meilleur ami, il la comprendrait, il ne la jugerait pas. Ou du moins, il voulait croire qu’il ne la jugerait pas, ou alors seulement pour la sommer de remettre les pieds sur terre, pour l’obliger à se résonner, ce qui ne serait certainement pas plus mal. Elle ne se voyait pas en parler à Peter. Mais à Harry… Je voudrais t’avouer quelque chose… commença-t-elle doucement, avec une infinie prudence, mais tu dois me promettre de ne le répéter à personne.
Elle déserra légèrement leur étreinte sans pour autant la briser complètement, le tout pour s’écarter de quelques centimètres pour pouvoir confronter son regard à celui de Harry, s’assurer de sa promesse, s’il décidait bel et bien de la faire, ce qui n’était, au fond, en rien une obligation. Bien au contraire. S’il savait, il se raviserait très certainement.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Cela faisait un bien fou à Harry de prendre Gwen dans ses bras, surtout au vu des circonstances actuelles. Le jeune homme s’en voulait tellement de ce qui était arrivé, la mort du père de Gwen était clairement de son fait. Et le pire dans tout cela, c’était qu’il ne pouvait rien faire pour revenir en arrière. Il ne pouvait rien faire pour changer ce qu’il avait fait et ce qu’il allait faire dans le futur. Parce qu’il était devenu un monstre, le produit de son père, et qu’il était tout bonnement incapable de se contrôler. Il n’avait pas voulu tuer le père de Gwen, comme il n’avait pas eu envie d’attaquer le lycée, mais le monstre l’avait désirait et clairement il désirait encore plus de massacre. Harry savait parfaitement qu’il n’allait pas pouvoir s’empêcher de faire le mal et il allait causer encore énormément de souffrance, même si la pire restait ce qu’il avait fait subir à Gwen (quoi qu’il ne réalisait pas qu’il pouvait encore faire pire). Le jeune homme avait donc besoin de ce contact, autant que sa meilleure amie, afin de se calmer et de se sentir mieux. Surtout après ce qu’il venait d’apprendre concernant la relation entre Peter et la jeune femme. Relation qu’il avait clairement du mal à accepter, même s’il pouvait difficilement le montrer à sa meilleure amie. Tout simplement parce qu’il avait été incapable de lui avouer ses sentiments.
Alors qu’Harry profitait clairement de cette nouvelle étreinte, il fut étonné par les paroles de Gwen. Il ne dit rien sur le coup, se demandant vraiment ce qu’elle entendait par « ça pourrait ne pas être long ». Qu’est-ce qui pourrait ne pas être long ? Il commençait donc à s’inquiéter ce que les paroles suivantes ne permirent vraiment pas de calmer, puisque la jeune femme lui affirma avoir besoin de lui avouer quelque chose. Ne manquant pas au passage, de lui demander de ne le répéter à personne. Les yeux d’Harry plongèrent dans ceux de Gwen, cherchant à comprendre dans son regard ce qu’elle entendait par ses mots. Mais évidemment, il était incapable de comprendre.
« Je ne le répèterais à personne. »
Promit-il sans se douter une seule seconde de ce qu’elle allait bien pouvoir lui avouer. S’il l’avait su, il ne l’aurait peut-être pas promis en fait. Quoi qu’en même temps, il n’y avait pas grand monde à qui le jeune homme pourrait bien se confier de toute façon. Les personnes à qui il se confiait se comptaient sur les doigts d’une main, la principale étant bien sûr celle qui se trouvait juste devant lui (quoi qu’il était bien incapable de lui dire certaines choses). En tout cas, Harry commençait sérieusement à s’inquiétait puisqu’il voyait, dans le regard de la jeune femme, que ce n’était pas rien ce qu’elle avait à lui dire. Il se rendait bien compte qu’elle allait lui annoncer quelque chose de grave, même s’il était évidemment bien loin d’imaginer une seconde ce qu’elle avait à lui dire. Qui pouvait bien imaginer ça ?
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
G
wen n'était pas certaine de bien faire en confiant son secret à Harry, c'était là lui faire porter le poids de responsabilités que, certes, elle avait toutes les peines du monde à assumer seule, mais qu'elle ne devrait pas lui faire subir également. Lui apprendre les circonstances de ce que serait présumément sa mort (et elle avait beau ne pas vouloir y accorder de foi, elle se sentirait en même temps stupide de faire comme si de rien n'était), c'était l'inquiéter outre mesure pour une chose dont ils ne pouvaient pas même être certains. Et en même temps, elle n'arrivait plus à garder cela juste pour elle. C'était sûrement égoïste de sa part, mais elle avait envie de se libérer de ce fardeau une bonne foi pour toutes. Ou non, pas s'en libérer, c'était impossible, mais au moins faire en sorte qu'il soit un tant soit plus léger, sans quoi elle avait le sentiment que son cerveau allait imploser. Comment faire convenablement le deuil de son père alors même que ce secret était en train de totalement la ronger de l'intérieur ? Elle ne pouvait pas. Tant pis, oui, elle allait être égoïste, donc. Après tout, au vu des circonstances, elle pouvait bien l'être non, elle avait de bonnes raisons, pour cela... Quand bien même Harry ne méritait vraiment pas d'avoir à subir ses soucis sous le prétextes qu'elle était, pour sa part, complètement incapable de vivre avec ces sombres pensées encore bien longtemps. Elle prit une grande inspiration, regarda son meilleur ami droit dans les yeux, et osa enfin prendre la parole, quand bien même cela n'était pas des plus simples.
-Je te fais confiance. Elle poussa un long soupir. Il y a quelques semaines de ça, des collègues de mon père sont venus ici. L'un d'eux, Liv Jakobsson, m'a laissé un mot étrange. Elle me prédisait la mort de mon père. Exactement comme elle s'est déroulée. J'ai pas voulu la croire sur le moment, mais... Elle marqua une pause, elle avait l'impression d'affabuler complètement, elle se sentait folle, vulnérable, accablée... Elle ne savait pas si ces sentiments mêlés l'aidaient vraiment à conserver son habituel caractère rationnel. Peut-être qu'elle perdait la tête, qu'elle n'avait pas de raisons de s'inquiéter. Dans tous les cas, il fallait qu'elle en parle, c'était plus fort qu'elle. Elle m'a aussi prédit ma mort, aussi. Ça concerne aussi Spider-Man, et le Hobgoblin, et je sais vraiment pas si je suis en train de délirer complètement ou si tout ça est vrai mais... Sa voix était tremblante, elle était de moins en moins sûre de bien faire en prononçant ces mots à l'adresse de son meilleur ami, mais il était trop tard pour faire marche-arrière, dans tous les cas. J'ai peur, et je m'en veux.
Et elle savait que c'était le genre de cas de conscience qu'elle ne devrait pas partager. Si elle voulait faire les choses bien, elle devrait se contenter de garder tout cela pour elle, enfoui dans l'esprit tourmenté qu'était le sien, qui ne connaissait plus ce repos confortable qu'induit le faire de toujours trouver une solution aux problèmes que l'on rencontre.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry appréciait d’entendre que Gwen lui faisait confiance, il en avait vraiment besoin. Le jeune homme ne pouvait qu’appréciait d’avoir un tel estime de la part de sa meilleure amie (qui était bien plus qu’une simple amie à ses yeux). Cependant, il ne devrait sans doute pas se réjouir autant de cette confiance, parce qu’il allait apprendre quelque chose qu’il ne pouvait se douter une seule seconde. Les yeux d’Harry ne quittèrent pas Gwen, alors qu’il attendait donc qu’elle prenne la parole et lui dise ce qu’elle avait à dire. Elle parla de cette collègue de son père qui était venue le voir quelques semaines plus tôt et qui avait prédit la mort de son père. Si ce n’était pas la blonde qui lui parlait de cela, Harry aurait vraiment cru que la personne délirait complètement. Mais c’était Gwen et donc, le jeune homme ne pouvait que lui faire confiance et la croire. Cependant, il ne savait pas vraiment comment prendre la nouvelle. Déjà qu’il n’appréciait pas vraiment reparler de la mort du père de la jeune femme (parce qu’il était quand même responsable), mais en prime il découvrait que la jeune femme avait su qu’il allait mourir. Quoi que non, ce n’était pas pire.
Le jeune homme n’avait rien dit jusqu’à ce que sa meilleure amie reprenne la parole. Cette fois ci, elle annonça que la collègue de son père lui avait également prédit sa mort. Quand Harry entendit cela, il sentit son cœur manquer un battement. Mais ce dernier s’arrêta net quand elle continua en précisant que cela avait un rapport avec Spider-Man et le Hobgoblin. Quoi ? Le Hobgoblin ? Ce n’était pas possible. Harry n’avait pas envie de croire ce qu’il entendait, mais il avait parfaitement confiance en Gwen. Si elle disait que cette femme avait prédit la mort de son père, ses craintes étaient parfaitement justifier. Mais cela voudrait dire que… ? Non…
« Ne t’en fais pas ! » Dit-il rapidement, avant de serrer plus fort l’étreinte qu’il échangeait avec la jeune femme. « Je ne laisserais rien t’arriver ! » Il ne pouvait que la croire, il préférait la croire, mais il était hors de question qu’il laisse les choses se produire. Il était hors de question qu’il soit responsable de la mort de celle qu’il aimait, ça ne pouvait pas arriver. Ce n’était vraiment pas possible, il ne pouvait pas faire ça. Il était incapable de faire du mal à Gwen, ce n’était pas possible. « Je te jure, qu’il ne te fera jamais rien. »
Il pensait pouvoir affirmer cela, parce qu’il était justement bien placé pour le savoir. Il était hors de question en tout cas pour que le Hobgoblin fasse quelque chose à la jeune femme (du moins, il l’espérait). C’était complètement dingue cette histoire, c’était quoi ce truc ? Avant que de se retrouver dans ces histoires étranges à cause du sérum que son père avait mis dans ses veines, il ne réalisait pas à quel point le monde ne tournait pas rond.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
À
aucun moment, Harry ne lui donna l'impression de douter d'elle ou de ne pas croire ce qu'elle disait. Elle ne lui en aurait pas voulu, dans le cas contraire. Elle savait pertinemment que son discours était insensé et complètement fou, et si elle n'avait pas été confrontée à des preuves si irréfutables (et culpabilisantes), elle aurait été bien incapable d'accorder crédit au bout de papier que lui avait adressée Liv Jakobsson, mais il ne mettait pas en doute son propos. Non seulement il la crut, mais par ailleurs, il la réconforta, et cette étreinte lui faisait le plus grand bien au monde. Ça n'ôtait rien à ce qui se déroulerait plus tard, peut-être, ça ne changeait rien au destin funeste qui l'attendait sans doute, mais au moins, elle était à présent soutenue. Si elle avait la moindre question ou la moindre crainte, elle saurait à qui s'adresser, cela lui permettrait de garder la tête froide, et c'était tout ce qu'elle désirait. Vraiment tout. Elle appréciait qu'il lui dise de ne pas s'en faire, elle appréciait qu'il affirme qu'il ne laisserait rien lui arriver. Elle savait bien qu'il faisait ces promesses en toute honnêteté. Elle savait combien leur amitié était importante pour lui, tout comme elle l'était pour elle (même s'ils ne l'envisageaient pas de la même manière, en réalité), et elle savait qu'il ferait tout son possible pour la protéger. Elle doutait, par contre, que cela soit suffisant. Après tout, Harry ne pouvait savoir où se tiendrait le Hobgoblin et quand, à quels moments il chercherait à s'en prendre à elle (bon, d'accord, en fait il était le mieux placé pour le savoir, mais elle était bien incapable de s'en rendre compte, et heureusement). Mais elle voulait bien se laisser convaincre, au moins en cette minute. Un peu d'optimisme, au jour même de l'enterrement de son père, c'était certainement ce dont elle avait le plus besoin pour l'heure.
-Merci, souffla-t-elle, toujours dans ses bras, qu'elle était bien incapable de quitter pour l'instant, source de bien trop de réconfort. Ne t'en fais pas trop pour moi quand même. Tout va bien se passer.
Gwen ne savait pas trop qui elle cherchait à rassurer, si c'était seulement Harry, auquel elle ne voulait pas non plus faire porter le poids de révélations trop lourdes. Ou si c'était aussi elle-même. Elle se disait, en tous cas, qu'elle ne pourrait être mieux entourée pour faire front. Grâce à Harry, évidemment, qui venait de lui prouver son soutien indéfectible, et grâce à Peter, bien sûr. Alors même qu'ils étaient supposés être les deux causes futures de son malheur. Comment l'envisager, à l'heure actuelle. Ses doutes et ses craintes n'avaient pas disparues, mais grâce à Harry, elle se sentait déjà mieux. Le pire, elle voulait le croire en tous cas, était derrière elle. Et même s'il y avait toujours cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête, elle voulait croire que la situation était malgré tout pour le mieux.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
Harry ne savait pas si c’était une bonne cause que Gwen le remercie, parce qu’il n’y avait aucune raison qu’elle le fasse. Ce qu’il venait d’apprendre lui confirmait bien qu’elle n’avait pas de raison de le remercier, puisqu’il allait apparemment la tuer… Non, ça ne pourrait pas arriver, Harry ne le ferait jamais. Et maintenant qu’il était au courant, il était évident qu’il allait tout faire pour que ça n’arrive jamais. Le jeune homme avait envie de croire qu’il était capable d’empêcher cela, parce qu’il avait maintenant connaissance de ce détail et qu’il pourrait avoir le dessus sur cette chose qui se trouvait en lui maintenant. Parce qu’il s’agissait de Gwen et que quand ça la concernait, il était prêt à tout. Quand il jurait à Gwen qu’il ne laisserait rien lui arriver, ce n’était pas seulement pour la rassurer, mais parce qu’il voulait s’en convaincre lui-même. Elle ne pouvait pas se douter une seconde qu’il était l’un des responsables de ce qui était prédit sur le bout de papier qu’elle avait reçu comme prédiction, elle ne pouvait pas croire qu’il était le Hobgoblin. Et c’était bien mieux comme cela, Harry n’avait aucune intention de lui en parler. Il ne voulait pas voir dans les yeux ce qu’il craignait de voir au moment où elle apprendrait la vérité, quand elle saurait qui il était vraiment. Quand elle allait savoir qu’il avait… tué son père.
Harry fut capable d’afficher qu’un léger sourire quand elle affirma qu’il ne devait pas trop s’en faire pour lui, que tout allait bien se passer. Il avait envie d’y croire bien sûr, parce qu’il se pensait capable de s’empêcher de lui faire du mal, mais quand même. Il était incapable de faire autrement que de s’inquiéter pour elle, parce qu’il tenait bien trop à elle. Harry ne savait vraiment pas ce qu’il pourrait faire sans elle. Elle était bien plus que sa meilleure amie au final, il se sentirait complètement perdu sans elle.
« Je m’en ferais toujours pour toi Gwen. »
C’était impossible autrement et en cet instant, il n’avait vraiment aucune envie de la lâcher en cette seconde. Il voulait continuer de la serrer dans ses bras et de la garder avec lui, être certain que jamais quelque chose ne lui arrive. Comme il aimerait vraiment qu’elle ne soit pas avec Peter, comme elle venait de lui apprendre également. Il se passait vraiment beaucoup trop de chose ces derniers temps, tellement de changement que le jeune homme n’appréciait vraiment pas. Cependant, cet instant qu’il aurait aimé ne pas voir s’arrêter, ne fut pas si tranquille que cela puisqu’une personne vint frapper à la porte. Sans doute que quelqu’un se demandait où se trouvait Gwen, ce qu’elle faisait, si elle allait bien. Cette appartement était remplit de personne venu soutenir la famille après la mort de Georges Stacy, ce n’était pas étonnant que sa fille ne puisse pas être à l’écart pendant très longtemps. Même si ce n’était sans doute pas le mieux pour elle, elle n’avait pas besoin qu’on lui rappel constamment la mort de son père.
Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.
G
wen sourit, un sourire un peu triste, quand son meilleur ami lui dit toujours s'inquiéter pour elle. Elle n'avait pas envie qu'il se ronge les sangs pour elle, elle n'avait pas envie de le voir s'angoisser, tout ça à cause d'elle, mais elle ne pouvait pas vraiment le lui reprocher, au fond, car, après tout, elle était pareil, elle était capable de lui dire exactement la même chose, dans la situation inverse, et très sincèrement, car elle aussi était bien incapable de ne pas s'inquiéter pour Harry. Preuve en était de l'état dans lequel elle se trouvait tout le temps où Harry avait été absent, sans qu'elle puisse le contacter et sans qu'elle sache dans quel état il se trouvait. Elle aurait bien pu lui répliquer une fois de plus de ne pas s'en faire mais elle s'en abstint, se contentant de profiter encore de l'étreinte qu'ils partageaient tous les deux et qui, dans tous les cas, lui faisait vraiment le plus grand bien. Elle avait plus que jamais le besoin de se sentir entourée et protégée, même si elle se serait épargnée au passage l'inquiétude de son meilleur ami... Comme si ce dernier n'avait pas déjà suffisamment de sujets de préoccupations comme ça. Elle ne voulait pas en être un de plus (quoique c'était sûrement inévitable, et cela depuis longtemps, elle ne s'en rendait simplement pas compte), mais faute de pouvoir l'empêcher, elle profitait au moins du fait qu'ils soient tous les deux là et présents l'un pour l'autre même dans les pires et les plus difficiles épreuves de la vie (et ils avaient, tous les deux à leur manière, eu leur compte dans ce domaine).
Elle s'évita de penser plusieurs minutes, toute à son étreinte, quand on frappa à la porte. Gwen poussa un léger soupir en entendant la voix de sa mère, de l'autre côté. Sans surprise, elle trouvait longue l'absence de sa fille. Elle ne pouvait se permettre de s'isoler plus longtemps. Dommage, dans l'idéal, la jeune femme aurait vraiment préféré rester là, dans sa chambre, avec Harry, plutôt que d'affronter la nuée de regards compatissants qu'elle allait trouver de l'autre côté. Mais elle n'avait pas le choix. Elle savait bien que sa place était là-bas, et, elle entendait bien, au ton de la voix de sa mère, que cette dernière avait grand besoin de soutien.
-Il faut que j'y retourne... fit alors Gwen à contrecoeur, avant de déposer un baiser sur la joue de son meilleur ami. Merci pour tout.
Et tout, ce n'était pas encore assez, elle lui devait véritablement beaucoup. Son soutien indéfectible lui avait vraiment fait beaucoup de bien. C'était tout ce dont elle avait besoin pour le moment, dans cette situation difficile. Elle n'ajouta rien de plus avant d'ouvrir la porte et de retrouver sa mère.