Fire ! Fire !

Vision & Steve Rogers

Je hantais les rues de ma ville, qui avait tant changé, à la recherche de souvenirs, de choses encore là pour me rappeler l’importance qu’elles ont eu dans le passé, l’impact qu’elles ont eu sur mon existence. D’insignifiances qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. À l’étroit entre passé et présent, sans cesse à me demander où se trouve ma place, et que sera-t-elle dans un futur proche ? A combattre à présent plus que des incohérences. Nick croit en la possible prérogative d’une équipe de super-héros chargée d’assurer la paix sur ce monde. Mais n’est-ce pas ce que le Shield fait déjà ? Il m’avait été impossible de me prononcer sur ses ambitions. Si je croyais à ce projet ? Ce n’est pas un seul homme qu’il faut convaincre. Tout comme on ne peut s’assurer de la pleine collaboration de ses membres. Tant de singularités peuvent causer plus de dégâts qu’en absoudre. Ma confiance en Nick était telle qu’elle saurait m’y faire croire autant qu’il peut y croire, néanmoins, je restais d’avis qu’un tel projet se doit de détenir un cadre sans faille, et nous n’en étions pas encore à cette étape. Si mes objectifs ont toujours été clairs et déterminés, je vaguais aujourd’hui dans le flou le plus total et j’avais beau me convaincre de l’utilité de ma présence ici, l’effet n’en restait que plus limité. Et alors que je marchais sans autre but que d’évacuer ma frustration, une violente explosion de l’autre côté de la rue, réveilla mes sens. Et ma décision fut si vite prise que je courrais déjà en direction des hurlements qui se laissaient entendre et de la fumée qui s’échappait du brasier.

Le temps que j’arrive sur les lieux, le bâtiment brulait à une vitesse phénoménale, et le monde accourait déjà pour venir s’amasser devant cet effroyable spectacle. Des personnes accouraient par les portes du rez-de-chaussée, je commencerais donc par là. Il fallait évacuer le plus de personnes retenues prisonnières des flammes avant que le feu ne cause plus de ravages sur la structure. Allant à la rencontre de la dernière personne qui en sortait, elle m’apprit que des personnes étaient bloquées au deuxième. Je lui demandais alors d’appeler les secours et de veiller à ce que personne d’autre ne rentre dans le bâtiment s’il se sent en état de le faire. Son mouvement de tête me suffit, je plonge entre les flammes, brassant le premier étage, vide. Arrivant dans la cage d’escaliers en flammes, je prends appel entre les barrières et atteins rapidement le deuxième étage ne prenant gare à la fumée noirâtre qui obscurcissait ma vue. Désencombrant le passage, parvenant à éviter les obstacles qui se dressent sur mon passage, les personnes se pressent vers moi, leurs enfants à bout de bras. Je les conduis sans traîner dans l’escalier qui donne directement sur l’extérieur et reviens. L’air se fait de plus en plus irrespirable, mais hors de question que je lâche quoi que ce soit. On a pas fait de moi celui que je suis pour m’en tenir là. Je retourne au deuxième étage, m’assurer qu’il est vide, et dans mon élan, m’arrête à temps avant que le plafond ne s’effondre sur moi, faisant redoubler d’ardeur l’incendie qui fait rage. Je m’élance et saute au troisième étage par la brèche faite dans le plafond. Si une telle action ne m’est difficile et que je repousse sans cesse mes limites, tenir dans cet endroit flirte avec mes résistances. Je ne peux savoir combien de temps je vais encore pouvoir être opérationnel.

Je passe chacune des pièces, manifestant ma présence pour inciter les personnes encore présentes à répondre à ma voix. Mais aucun écho ne me revint. Entrant dans la dernière pièce, je fus stupéfait de voir cette « personne », ou plutôt cette entité dont les pieds ne touchaient plus le sol, graviter à proximité de la fenêtre, une femme enceinte dans ses bras. Il n’était temps de débattre sur la raison du pourquoi ni du comment, et dans la situation présente, alors que le bâtiment menaçait de s’effondrer d’une minute à l’autre, lui seul pouvait la sauver, qu’importe ce qu’il était. Je n’aurais assez de temps pour la sortir d’ici, redescendre sans risquer de la blesser, ou de se retrouver piégés. La sirène des secours retentissant non loin, un craquement sec se fit entendre.

« Sortez vite d’ici ! Il n’est plus temps ! » Lui hurlais-je au-delà des flammes. Je le vis alors disparaitre emmenant la jeune femme avec lui à l’extérieur. Le sol craqua sous mes pieds ne me donnant plus que quelques secondes. Alors, cessant de réfléchir, je me rue à grandes enjambées vers la fenêtre et passe au travers. Mon plongeon me permit de prendre suffisamment appel pour contrôler ma descente. J’atterris en une roulade, terminant ma course un genou à terre, accusant la hauteur d’une chute trop abrupte. Mais la seule pensée qui envahissait mon esprit n’était autre que celle qui saurait me dire que tous les civils sont sains et saufs. Lorsque je finis par me relever, un demi-cercle uniforme envahissait la rue, concentré sur le pourtour du bâtiment, et me faisait face. Mais tous avaient le regard porté vers le ciel, alors que les pompiers inondaient l’immeuble pour étouffer les flammes. Lentement, je me retournais …

Vision & Steve Rogers

Tous avaient le regard porté vers cette silhouette qui se détachait du décor de feu qu’avait été jadis le building. Au milieu de la foule, je n’en étais pas moins subjugué qu’eux, faisant face à la technologie de notre ère que je ne pouvais pas plus expliquer. Néanmoins, ses intentions n’avaient rien d’hostiles, il avait sauvé cette femme des flammes alors qu’il aurait tout aussi pu tracer son chemin sans se retourner, ou profiter d’un tel désastre pour parfaire à un tout autre dessein. J’étais prêt à lui accorder le bénéfice du doute quand bien même une grande partie m’échappait encore. Tout laisse croire que ses actions sont bienveillantes, qu’importe qu’il puisse venir d’une autre galaxie, d’un quelconque laboratoire ou je ne sais quoi d’autre. Son apparence s’apparentait à celle d’un être humain à ce que j’avais pu voir dans cet immeuble, toutefois, il semblait bénéficier de multiples améliorations à son avantage qui invoquait prestige et fascination à son égard. Face à l’attention qu’il avait attiré sur lui, il s’empressa de confier la jeune femme aux ambulanciers présents sur les lieux pour qu’ils puissent la prendre en charge et sans mot dire, s’envola à nouveau loin du brasier.

Je ne savais qu’en penser, néanmoins, il n’évoquait pas chez moi, cette méfiance à l’égard de tout individu dont je fais la connaissance. Peut-être qu’un tel fait découle de cette aura qui l’accompagne quoi qu’il fasse. Ce même sentiment que j’ai ressenti malgré l’urgence de la situation et qui m’a exempt de tout ressentiment à sa déférence. Je ne me pose pas en juge, je ne cherche qu’à défendre ce qui est juste. Qu’avait-il fait de mal pour se voir porter en traître, en ennemi ? Il venait de sauver la vie de cette jeune femme et celle de son enfant.
Je m’écarte peu à peu de la foule, me laissant happer par le flot de cette marée humaine, avant que ne survienne les médias. J’avais bien trop traîné sous le feu des projecteurs pour en apprécier encore leur chaleur à vous en brûler la peau dans l’espoir de vous voir finir en poussière. Je m’éloigne de l’incendie enfin maîtrisé par l’accès secondaire pour m’offrir le plus de discrétion possible. Connaissant chacun des méandres de cette ville, je m’engage dans une petite ruelle à quelques pas du sinistre et ralentis aussitôt dû à la présence d’une autre personne qui bouscule brutalement le cours de votre pensée. Je relève la tête et lui fais face, d’une attitude qui se veut encline à la discussion et l’intime conviction de parvenir à déceler ses intentions aussi clairement qu’il m’est étranger.

« Merci pour ce que vous avez fait dans cet immeuble, sans vous, cette femme serait morte », lui dis-je pour établir le contact entre nous. « Nous n’avons pas été présenté, je suis Steve Rogers, ou plutôt Captain America », repris-je, afin qu’il décline son identité à son tour. De ma « renaissance », je ne parvenais à savoir clairement si je me trouvais être plus l’un que l’autre. Le monde a-t-il plus besoin de l’homme derrière le drapeau ou du drapeau en lui-même ?
S’il semblait agir selon son seul libre arbitre et si toutefois il venait bien d’une autre planète, peut-être était-il là dans un but bien précis qu’il me faudrait certainement découvrir à mes dépens.

Vision & Steve Rogers

Si je pouvais toujours me réjouir après tant d’années, tout en ayant la certitude qui demeurerait en ce monde des choses que l’on ne pourra jamais expliquer, qui nous dépasse complètement et ne sera jamais à portée de la science la plus perfectionnée, dont on ne saura tirer que des théories, je ne peux ignorer que soixante-dix années d’absence ne se rattrapent pas en un jour, tout comme me désavantagera sur une courte distance. Et peut-être, quelque part, dans le plus infime recoin de mon esprit, une partie de moi ne fait rien contre. Une partie de moi se refuse à évoluer plus que de raison au risque de perdre ce qui a toujours été, ce qui a toujours fait son système de penser, sa manière de raisonner, son fonctionnement tout entier. A l’intelligence trop simple, si ce n’est réduite, que celle d’évoluer dans un monde qui va plus vite que lui-même. A ne raisonner qu’en termes de chiffres, de processus, d’instruments formatés. Et peut-être qu’en cela, je suis un potentiel danger. Un être qui se borne à rester tel qu’il est, sans savoir se réjouir d’un quelconque progrès qui ne saurait le satisfaire d’un confort supplémentaire et inutile. Un être dont on ne peut rien tirer, que l’argent ne fait pas briller les yeux et dont les attaches datent de trop loin pour espérer encore pouvoir m’atteindre de cette manière. Néanmoins, je ne demeurais pas sans faiblesses.

A sa manière d’incliner la tête, je compris que mes propos lui apparaissent clairement et qu’il en est même gratifié. Le contact semble établi entre nous, et je n’ai plus à me soucier de lui apparaitre obscur voire complètement incohérent, bien que je ne puisse affirmer avec exactitude le nombre de langues qu’il connait. Mais je ne sus comprendre ce que je vis dans son regard à l’instant même où j’en saisis tout son instrumentalisme. Il se trouvait suffisamment proche de moi pour que je puisse le constater. Il ne tenait pas ses capacités d’une quelconque amélioration chimique ou technologique, qui aurait modifiée son corps et son esprit. Il n’avait rien d’humain et pourtant, il me semblait percevoir un soupçon d’émotion dans ses yeux. A la fois étrange et fascinant. Que le monde puisse encore m’éblouir aujourd’hui, je n’aurais su le garantir quant à la tournure des récents événements. Il déclina son identité sans aucune ombre de méfiance, et ne semblait agir que dans l’intérêt d’un prochain potentiel qui se présenterait à lui. Il se nomme donc « Vision ». Un identifiant qui doit prendre tout son sens et ne lui a certainement pas été attribué par hasard. Il en va toutefois, que sa connaissance surpasse la mienne alors qu’il atteste me connaitre et que je n'ai eu égard d’aucune information le concernant. Mais peut-être n’avait-il besoin de se référer à aucune archive pour savoir qui peuple cette planète, et je devais bien avouer qu’un tel fait m’intriguait au plus haut point.

« Vous saviez ce qui allait se produire dans cet immeuble ou vous avez seulement réagi en conséquence ? », lui demandais-je, simplement, afin de définir la hauteur de sa perception et le motif de sa présence ici. S’il ne pouvait anticiper les événements avec clarté, peut-être en savait-il suffisamment pour influer sur les catastrophes en devenir. A moins qu’il ne souffre de plus de perturbations terrestres que je ne pourrais l’imaginer. Après tout, s'il aurait pu prévoir cet incendie, aurait-il certainement fait en sorte qu’il ne se produise. Mais peut-être que tout ça n’est pas de son ressort et qu’il se trouve en ce lieu pour une toute autre raison, par la volonté d’une tierce personne dont j’ignore tout et qui profite d’un anonymat qui ne nous servirait pas.

Vision & Steve Rogers

Si certaines personnes auraient pu s’effrayer de l’ampleur dont le feu se propageait, lui n’avait pas sourcillé. Certainement ne ressentait-il pas l’instinct de survie aussi vivace que tout être humain qui saurait prendre les jambes à son coup plutôt que de se jeter dans les flammes. En soi, une réaction des plus normales bien que je n’aurais su rester statique quel qu’en soit la situation. Sa différence ne l’enchainait pas à la condition de devoir s’éteindre un jour, et prendre des risques doit être pour lui à la portée d’un simple calcul. Une existence à la fois des plus fascinantes et effrayantes. Mais a-t-il réellement conscience de tout cela ? Est-il lui aussi envahit par une écrasante conscience qui remet toujours tout en question et nous fait agir parfois si follement ? Ou ne raisonne-t-il qu’en termes de variables, de mathématiques ou de statistiques.
Et pouvait-il même lire dans mes pensées en cet instant précis ? Difficile à dire. Quoi qu’il puisse en être, et qu’il puisse en détenir la capacité, il n’en montrait rien. Vision était une énigme pour moi mais possiblement trouverait-il en ce monde des êtres de science et de savoir capables de le comprendre, ou de le déchiffrer.  

Ses propos me paraissent sincères et je n’ai en soi rien pour venir contredire ses paroles. Il avait eu un temps d’avance sur moi, donc je peux en conclure qu’il est doté d’une capacité de réaction et d’action plus que supérieure à la normale. Si je pensais ne plus rien avoir à apprendre de l’espèce humaine, les bouleversements de ce siècle ne me permettent plus, aujourd’hui, d’être en mesure de m’attendre à tout. Il me renvoi la question et je fus surpris de ne parvenir à répondre aussitôt. Les choses étaient simples par le passé. J’évaluais des situations, je prenais des décisions, j’obéissais aux ordres. A présent, je me tenais à l’affût d’une troisième guerre mondiale qui se jouait à un tout autre niveau. Ma guerre est finie. Mon rôle est terminé.

« Je … euh … c’est sur ma route, je rentrais chez moi », lui répondis-je, évasif en faisant un signe de la main vers l’horizon, conscient que Brooklyn se trouve d’ailleurs à l’opposé du Bronx. Un mensonge, même minime, me mettant toujours mal à l’aise, je renchaine afin d’orienter vers tout autre chose, ne souhaitant pour autant pas être impoli ou trop curieux.

« Pardonnez-moi, mais êtes-vous la dernière des créations de Stark ? Voyez-vous Vision, j’ai tendance à apprendre tout après tout le monde ces derniers temps et je n’ai nullement eu vent de votre existence », lui demandais-je, courtois, ne cherchant qu’à comprendre et m’adapter au mieux bien que cela nécessite, parfois, de le faire abruptement sur le tas.

Vision & Steve Rogers

La réponse de Vision m’affubla d’un sourire, saisissant ô combien il avait raison, lorsque l’on connait un tant soit peu Tony Stark qui, bien que le génie dont il fait preuve n’en est que plus remarquable, n’hésiterait pas à se porter auteur de toutes les créations du monde sous peu qu’elles renferment une énigme de savoir incomprise de tous. Néanmoins, je ne fus que plus soulagé lorsqu’il me l’apprit, ne parvenant à me convaincre d’un moindre mal qui serait accompli à l’abri des regards et dans le secret, bien trop grand, pour qu’il paraisse le plus inoffensif. Et bien qu'il s’agisse de notre première rencontre, Vision semblait, en revanche, en savoir long sur beaucoup de choses et beaucoup de monde. Devais-je m’en inquiéter ? Peut-être n’était-il qu’un brillant observateur. Et en ce qui concerne Stark, il n'est pas bien difficile d’en connaitre un minimum sur le personnage. Si son opinion est déjà faite à mon égard, je me réserve à poser un jugement à son encontre trop vite. Il n’a émis que des signaux positifs pour le moment, et rien ne suppose qu’il souhaite en permuter brusquement pour x ou y raisons. Il a répondu à toutes les questions que je lui ai posées jusqu’alors sans chercher à se défiler, et ne semble dissimuler aucune menace latente.

J’ignore le comment il me faut interpréter sa réponse quant à sa venue sur Terre. Mais il va s’en dire qu’il n‘a pas atterri ici par hasard et qu’un but motive ses actes. Reste à présent à savoir lequel. Il pourrait être en ce lieu pour un tas de raisons, pour une fin honorable comme un dessein plus sombre. Et agit-il dans son propre intérêt ou est-il à la solde d’un commanditaire qui ne souhaiterait pas être connu ? Cependant, je ne décelais en lui aucune malveillance qui aurait su immédiatement me mettre sur mes gardes, réaction qui, d’ailleurs, m’emportait bien plus fréquemment depuis mon retour. Certainement, souffre-je de distorsions.  
A la reprise de mes propos, il semblait partager la même impression qui est mienne, et de fait, a le sentiment que le monde continue de tourner sans lui. Qu’il vit instamment comme déconnecté. Cela est-il seulement envisageable ? Qu’il puisse se trouver ici par erreur, par le plus pur des hasards ? Sans véritablement l’avoir décidé ?

« Le Shield a-t-il connaissance de votre existence ? », lui demandais-je, afin de resituer au possible les événements tels qu’ils se présentent à moi. Néanmoins, il est formel pour moi que la décision m’appartient pleinement et qu’il n’est que peu garanti que je fasse de notre entrevue actuelle, une affaire d’Etat. Rien ne m’y contraint, d’autant plus que je suis celui que l’on consulte en dernier et donc, dont l’importance reste moindre. Ainsi, rien ne m’empêche de mener mon enquête de mon côté avant d’avoir à tirer je ne sais quelle sonnette d’alarme.