Dès sa naissance, par un hiver glacé comme on en fait souvent, à Stockholm, les parents de la petite Liv Jakobsson se doutèrent qu'ils avaient mis au monde une enfant loin d'être comme les autres. À peine sortie du ventre de sa mère, elle ne poussa pas le moindre cri, ne versa pas la moindre mal. Selon, du moins, le souvenir de M. et Mrs Jakobsson, peut-être biaisé par le fait que par la suite, leur fille ne devait effectivement pas manifester la moindre de ces émotions humaines supposées être l'apanage des gosses de son âge. Ils voulurent croire tout d'abord que ce n'était pas grand chose, que cela lui passerait, mais il n'en fut rien, bien au contraire. À l'heure de se rendre à l'école maternelle, elle ne se lia à aucun de ses camarades de classe, et quand elle leur adressait la parole, ce n'était, aux dires de son institutrice de l'époque, que pour tenir des propos terrifiants sur la mort soi-disant prochaine de ses petits camarades, qui s'avérèrent d'ailleurs justifiés... Très vite, ils prirent donc la décision d'aller lui faire voir un psychologue, le docteur Nedger.

Elle le voyait une fois dans la semaine, et elle se prêta au jeu... Pour tout dire, elle n'aurait pas été mécontente de guérir, ou de pouvoir être comme tous ses camarades... Elle lui confiait tout, son incapacité à éprouver des émotions, sa fascination pour la mort et pour ceux qui l'administraient. Finalement, le diagnostic était tombé : sociopathe, ce nom griffonné sur ce carnet où le psychologue prenait des notes, qu'il laissait lire à Liv, à sa demande. Pas beaucoup de voie de guérison... Juste une méthode, une méthode simple et structurée comme Liv aimait, afin d'éviter que ses pulsions meurtrières ne prennent le dessus. Des règles de base pour museler ce qu'elle nomme "le monstre" qui sommeille en elle. Par exemple, ne pas s'intéresser trop longtemps à qui pourrait devenir une cible potentielle... Ça ne devait pas suffire.

Elle avait quatorze ans, était toujours aussi asociale, avait pris le parti de garder ses pouvoirs pour elle et de ne jamais en parler à personne. Alors, elle fit la rencontre de Jessica, une demoiselle commune, au fond, mais qui prétendait ne pas être comme les autres, elle s'habillait en noir, des bijoux cloutés, du maquillage sombre-charbon. Une gothique, quoi, qui tenait à se faire appeler Raven, ne supportant pas son prénom "conformiste" selon elle. Liv ne savait même pas pourquoi elle traînait avec elle... Pour l'apparence, sans doute, pour que ses parents cessent de l'exhorter d'avoir une vie sociale... Pour s'exercer à la comédie, puisque dès lors, elle apprit à feindre des sentiments qu'elle n'éprouvait jamais. Elle passa tout son temps avec Raven, allant jusqu'à adopter son style vestimentaire... L'ennui, c'est qu'elle avait de plus en plus de mal à contenir ses pulsions meurtrières avec son "amie", plus elle la fréquentait, plus son envie de lui nuire était forte, et avoir eu la vision très claire de la mort de Jessica, mourant de sa main, n'aidait en rien. Pour contrôler le monstre, elle avait trouvé une alternative, la domination du corps d'une autre manière. À l'âge de 17 ans, elle eut sa première fois... avec Jessica. Elle ne la tua pas... encore. Liv quitta le lycée, et elle pensait ne jamais la revoir.

Elle suivit des études pour devenir criminologue. La psychologie, à force de temps passé auprès du docteur Nedger, elle connaissait, et ce dernier considérait lui-même que cette voie lui convenait parfaitement. Elle parvenait d'orienter la fascination de Liv de façon constructive... À l'âge de 24 ans, elle déménagea à New-York, où elle trouva en effet un poste à la hauteur de ses attentes en tant que criminologue... Elle s'y établit, et même si collègues lui trouvaient des airs peu engageants, du fait de sa tenue hors-normes, et la trouvaient difficilement accessible, elle faisait du bon boulot, et était parvenue à atteindre une illusion de normalité. Jusqu'à ce qu'elle retrouve Jessica... C'était un pur hasard qui les réunit, mais cette fois, la tentation fut trop forte. Liv libéra le monstre pour de bon. Elle tua Jessica. Dès lors, sa soif de sang devint de plus en plus difficile à gérer. Pour Liv, il ne restait qu'une seule option, la mettre au service d'une cause qui lui permettrait de structurer ses instincts, de dompter le monstre au mieux. La confrérie des mauvais mutants arriva à point nommé. Et désormais, Liv ne compte plus museler ni le monstre, ni ses pouvoirs. La criminologue, Liv, au look gothique, au "mauvais genre", mais travailleuse consciencieuse, laisse désormais de temps à autres place à Raven, la mutante criminelle.

La froideur, c'était là le terme qui pouvait le mieux qualifier Liv Jakobsson. Ceux qui la côtoient au quotidien vous le confirmeront, c'est un vrai bloc de glace, elle se montre bien peu démonstrative... ll peut bien sûr lui arriver de sourire ou de sembler triste, mais elle ne se montre jamais expansive. Beaucoup prennent cela pour une réserve naturelle, une force de caractère... Le fait est que, lorsqu'elle pleure ou sourit, lorsqu'elle semble joyeuse ou triste, tout cela n'est jamais que pure comédie. Très jeune, Liv a été identifiée par son psychologue de l'époque comme sociopathe, il lui semble être totalement incapable de sentiments. À force d'observer les gens autour d'elle, elle sait de quelle façon elle est supposée agir en telle ou telle circonstance, elle sait ce qu'elle est supposée éprouver quand elle est confrontée à tel ou tel événement, mais à la vérité, elle ne ressent tout bonnement rien. Elle se considère comme un objet non fini, que l'on aurait cessé de construire avant d'y apporter la touche finale. Tant pis, elle a appris à faire avec..

...Ce qui ne l'empêche pas de se chercher la moindre occasion de se sentir un tant soit peu vivante. Son équilibre, elle le trouve dans la structure. Pour Liv, tout doit être scrupuleusement calculé et millimétré, elle ne laisse jamais rien au hasard et appréciait encore moins de se laisser surprendre par ce hasard en question. Elle planifie tout, ne laisse jamais de place à la moindre surprise quel qu'elle soit. Cela se voit rapidement si l'on se contente de faire un tour chez elle. Tout est scrupuleusement rangé et ordonné, complètement asseptisé. Eh oui, la jeune femme est terriblement maniaque.

N'existe-t-il donc rien qu'elle soit susceptible d'aimer ? Pas vraiment, non, mais il est tout de même une chose par laquelle elle est fondamentalement fascinée et attirée, ce depuis toujours, peut-être à cause de son pouvoir... peut-être pas : la mort. Donner la mort, plus précisément. Et après avoir contenu ses pulsions criminelles bien longtemps, elle laisse libre cours à ses pulsions les plus morbides sans l'ombre d'un scrupule. Pour cause, le scrupule est un sentiment qu'elle ne connaissait pas plus qu'un autre. Pas plus que la peur de se faire prendre. Pas plus que la crainte pour sa propre vie.