Il était tard dans la nuit. Trois heures et demi pour être précis. En tant normal, c'était l'heure où les honnêtes gens dormaient et où chacun avait plutôt tendance à vouloir trouver son lit qu'autre chose. Mais pour Zacael, les choses étaient bien différentes. Beaucoup de chemin avait été parcouru depuis sa libération du laboratoire. Il avait grandit, mûrit et continuait son chemin vers le développement. Par phénomène de mimétisme, il avait même commencé à copier certains comportements humains. Le sourire, par exemple. Observant la satisfaction des hommes et la manière dont ils montraient leurs dents et étiraient leurs zygomatiques, Zacael en avait déduit que cela faisait parti des expressions physiques nécessaires pour indiquer sa satisfaction ou bien transmettre un message positif. Les vêtements aussi. Pataugeant dans un large k-way et pantalon cargo troué pour laisser passer sa queue, sa toute dernière découverte était la musique. Notre ami lézard avait mît la main sur un casque audio avec ce qui allait avec comme support musical. Résultat des courses ? Il avait découvert la musique blues et passait son temps à réécouter en boucle le même morceau a quand l'envie lui prenait.

Comme il n'avait pas de logement fixe, Zacael passait ses nuits et ses jours à se renseigner sur la vie humaine. Il assimilait vite les connaissances, très vite. Et avec l'aide de la bien gentille Pepper Potts, il avait acquit la parole, les bases de la communication et les rudiments de la vie urbaine. En cette soirée, il errait sur une plage artificielle, installée le long des côtes de New York. Alors qu'il se déplaçait dans le sable, il repéra au loin une petite lumière et des bruits. Zacael conclut que des hommes traînaient dans les parages. Des jeunes, selon leurs bruits.
Autrefois, il aurait prit la fuite où observé de loin les individus, mais désormais, ayant gagné en assurance et en imprudence, il avait décidé d'approcher directement et de sourire. Selon Pepper, cela fonctionnait...

Cependant, alors qu'il approchait sans vraiment se faire discret, les jeunes humains tournèrent la tête dans sa direction. En le voyant ainsi surgir de la nuit, un grand sourire sur le visage et surtout le faciès écailleux, la réaction fut bien simple. Les individus poussèrent un cri de stupeur et prirent aussitôt la fuite en abandonnant leurs affaires sur place. Zacael resta un instant là à sourire en se demandant ce qu'il avait fait de mal puis supposa qu'il avait encore pas mal de choses à apprendre. En lieu et place de parler, donc, il se concentra sur les affaires abandonnées par les humains. Il y avait des serviettes de plage, des briquets, d'étranges petits paquets d'herbes sèches et du papier. Zacael baissa le museau vers une lueur. Quelqu'un avait fait tombé ce qui ressemblait à un petit stick de papier qu'on avait rempli que quelque chose et auquel on avait mît le feu. Zacael en avait déjà vu avant. Les humains avaient tendance à prendre ces choses et se mettaient à les sucer pour une raison qui lui échappait. Et comme notre lézard était curieux, il ne réfléchit pas plus longtemps.

Zacael se saisit du stick et le porta à sa bouche. A la première bouffe, un torrent de picotis et sensations désagréables se répandirent dans sa gorge, le faisant tousser et cracher aussitôt. Il fallait être malade pour s'amuser a sucer ceci a longueur de journée, pour sur. Qu'est ce que fabriquaient les humains avec un truc pareil ?
« Beurk, beurk beurk et beurk ! » cracha t-il.

Il se tapait la gorge et le torse pour faire évacuer cette mauvaise sensation... Sa tête tournait un peu et ses sens lui échappaient... Qu'est ce qu'ils avaient donc mît dans ce stick...

Woow... En dépit de l'aspect désagréable qu'il avait tiré de la première tentative de reproduire des comportements humains, la sensation assommante qui commençait à tomber sur son crâne lui procurait l'étrange envie de répéter l'expérience. Bizarrement... Il se sentait détendu... Plus que d'habitude. C'était assez étrange comme sensation. Jamais il ne l'avait ressentie auparavant. Une certaine satisfaction lui envahissait l'esprit, si bien que le temps sembla défiler plus vite alors qu'il perdait peu à peu considération de ce qui l'entourait.

Alors qu'il était centré sur son activité sans se rendre compte qu'il allait finir par développer un vice, un bruit sembla attirer son attention et il leva le museau vers le ciel noir. Qu'est ce que c'était que ça ? Un oiseau qui s'était raté dans son vol ? Ou bien encore une énième invention des humains qui ne cessaient de l'impressionner ? Quoiqu'il en soit, cela atterrit non loin de lui. Et après réflexion et stupeur lié à la substance, cela ressemblait finalement rien a ce qu'il avait imaginé. Pour être honnête, cela ressemblait plus à une bonne quantité de peinture qui était tombé de très haut. Aux yeux de Zacael, cela lui faisait penser à des détritus que l'on pouvait trouver dans les égouts, sa seconde maison. Maintenant, il restait à comprendre pourquoi cela se trouvait ici et pourquoi cela tombait du ciel...

La prudence et ses instincts endormis par la consommation précédents, notre lézard approche sans trop hésiter du tout, qui trempe au sol. Dans un premier temps, il y trempe sa queue. En tout cas, ça ne brûle pas, ce n'est pas froid non plus. Apres cette tentative, il met immédiatement les pattes droit dans le tout. Bizarrement, ça ne s'écoule pas comme de l'eau. C'est plus gélatineux. L'hypothèse de détritus quelconques lui semblait alors de plus en plus probable, même si il y a quelque chose de différent avec ça. Comme Zacael ne trouve pas le tout désagréable, il finit par prendre ses aises. S'assied en tailleur sur la matière et finit par être satisfait du confort que cela apporte. L'occasion pour lui de continuer à pomper sur son joint.

« Hé... Hé hé hé.. Rigolo... » gargouille t-il un peu déconnecté de la réalité.

Peu stressé, Zacael finit enfin par s'allonger un peu. Les mains derrière la tête, la jambe droite par dessus la gauche et la clope au bec. Visiblement, il semble prendre du bon temps. Il faut dire qu'il ne connaissait pas très bien le monde de dehors. Comment lui en vouloir de son imprudence ?

Il fallut un temps à Zacael avant de comprendre qu'il se passait quelque chose. Il fallait dire que l'esprit et les instincts embrumés par la consommation de la drogue précédente l'avait rendu quelque peu... abasourdi. Passé la latence de la compréhension de la situation, ses réflexes et ses instincts lui revinrent. Oh bon sang ! Il fallait qu'il descende d'ici tout de suite ! Il était en train de se faire trimballer par un monstre géant. Était-ceux dont le professeur assurait qu'ils n'étaient pas présents sous le lit ? Avec l'âge, on lui avait toujours dit que c'était des idioties, mais maintenant qu'il y était, en réalité, peut-être que les vieilles histoires pour enfant n'étaient pas si abstraites que cela !

« Sssss ! Pas toucher ! Pas toucher ! PAS MANGER ! » fit-il.

Le premier signe d'un Zacael qui revenait à soit et qui commençait à paniquer car il se pensait en danger, c'était d'abord sa posture qui se modifiait. Adieu l'aspect décontracté, bonjour la position de défense. Premier réflexe : se mettre sur le ventre. De là et puisqu'il était droit sur la tête de la créature, il pouvait tenter de descendre. Zacael se contenta de faire un léger bond en arrière et il montra les griffes de toutes pattes pour descendre le long du dos de la bestiole tout en lui labourant le dos... Bizarrement, ce fut plus facile et il ne ressentit strictement aucune opposition. Une fois au niveau du bas du dos, il s’éjecta en arrière et se retrouva ainsi derrière Caron.
Dans l'état actuel, il avait toutes les raisons de fuir, mais son esprit de combativité se développant, il se demandait tout de même si il ne devait pas tester son courage dès à présent.

Ainsi, il prit un peu d'élan et bondit sur la surface du mur de droite. Vu que Caron avait quitté la plage pour rejoindre les ruelles avoisinantes, il avait de la surface pour s'accrocher. Se collant à la paroi de cette manière, Zacael profita de sa stabilité pour effectuer un rebond qui devait l'expédier droit entre les omoplates de la cible. A son grand étonnement, il traverse littéralement de part en part le monstre.
Bigre, était-il devenu aussi fort que ça ? En tout cas, il n'avait certainement pas prévu de passer à travers le corps de la créature ainsi ! Zacael se vautra presque à l'atterrissage et roula sur le sol avant de se reprendre en utilisant sa queue.
Cela tenait encore debout ? Restait une dernière tentative. Si cela ne fonctionnait pas, il avait tout intérêt à fuir. Quand on voulait vaincre une créature, il fallait attaquer la gorge.
Coupez la tête et le reste s'arrêtera.

Zacael se redressa sur deux pattes, comme un bipède lambda et sembla prendre son inspiration. Au bout de quelques secondes, sa puissante et longue langue s'échappa à grande vitesse et alla s'enrouler autour du sommet d'un lampadaire avoisinant. Se servant ensuite de cette dernière comme propulseur pour s'envoler vers Caron, Zacael prit une posture en l'air de telle façon à pouvoir préparer son coup de griffe.
Dans un coup aérien, il balafra salement le cou de Caron et passa au dessus de sa tête. Le cou en aurait été suffisant pour décapiter n'importe qui.

Zacael atterrit une nouvelle fois derrière et pivota sur lui même en se demandant si ses attaques avaient fait mouche.

« Tu veux encore me manger ?! » demanda t-il avant même de vérifier le résultat de ses actions.

Par toutes les cuves de repos du monde. Qu'est ce que c'était que ce machin ? Non seulement ça ignorait complètement les attaques de Zacael, mais en plus, ça ne cherchait même pas à répondre à l’agression. Cela laissa notre lézard plus qu'interloqué, dans un certain état de stupeur, pour ainsi dire. Jamais le professeur ne lui avait parlé de ça ! Quoiqu'il en soit, ce n'était pas humain. Lui qui pensait que ce monde en était rempli avait peut-être fait fausse route. Soudainement, une lueur d'espoir naquit dans le regard de Zacael. Et si c'était aussi un sujet d'expérience ? Comme lui ? Et si ça avait été créé ? Comme lui ? Pourquoi pas !

Il claqua des doigts !
« Je sais ! Tu dois être un projet d'expérience, toi aussi ? Je suis sujet numéro alpha 011. Et toi ?! » demanda t-il avec excitation.

Se pourrait t-il que le professeur Franz est reprit du service ? Si c'était le cas, c'était merveilleux. Zacael se mit à sautiller sur place, l'air ravi, comme si il attendait simplement que l'on vienne confirmer ses dires dont il était persuadé qu'ils étaient vrais.

« Enfin... Alpha 011 mais tout le monde m'appelle Zack ! Je suis né y'a quatre ans grâce au professeur Franz Vatorsky ! Est-ce que tu le connais ? Je suis persuadé qu'il est encore vivant ! » déclara t-il.

Il était outrepassé la réponse pour la considérer directement comme positive. Visiblement, Zacael était passé du statut agressif contraint à celui de compagnon joyeux. Il fallait dire que dans un monde d'humain, voir des gens « différents » lui réchauffait le cœur. Son esprit n'était également plus embrumé par les effets de la drogue. Zacael prit tout de même un temps pour observer les morceaux de métal qui avaient été rejetés par la créature. Il siffla.

« Hé ! Tu avais mangé tout ça ? C'est pas bon le métal. J'ai déjà essayé, c'est dur et ça reste sur l'estomac. Par contre, je connais des tas de trucs qui sont bons. Même dans les égouts, y'a de quoi se trouver de bonnes choses. Même si les poubelles humaines sont pleines de surprises. »

Il sortit de nouveau la cigarette presque consommée et en tira une nouvelle bouffée. Le temps d’accommodation avait été rapide. Cela fonctionnait comme ça avec Zacael. Il s'adaptait toujours très vite. Et outre ce fait, il comprenait aussi très vite. Il inspecta le joint avec intérêt.

« Ca doit être un de ces produits que les humains utilisent pour ressentir de nouvelles sensations. Ce n'est pas mauvais. Fort sans doute, mais bon. Et je dois avouer que dans un premier temps, ça m'a fait cogité le système. Désolé pour l'agression, si j'avais su, j'aurais rien fais. Enfin bon, tu t'en fiche, pas vrai ? On dirait que tu n'as pas souffert. »

Il hocha la tête et cracha de la fumée.

« Zack. Je m'appelle Zack. »

« Oh... » laissa échapper Zacael déçu par la nouvelle.

Zut... Lui qui avait espéré pouvoir se remettre sur les traces du professeur, il fallait croire qu'il s'était trompé et que sa manipulation des informations n'avait pas été aussi utile qu'il ne le pensait. Quel dommage. Enfin, les étranges tours de Caron eurent le mérite de le faire sourire et de lui remonter un peu le moral. Il observa, l'air fasciné.

« Woah.... Cool ! Mais dans tout ça, y'a un tour que je sais faire mieux que toi. » déclara t-il en prenant un sourire et en plissant les yeux.

Avec sa clope au bec, celui lui donnait un air étrangement relaxé. Les effets de la drogue ne lui embrouillaient pas l'esprit, son corps évacuant avec efficacité les toxines, mais il se sentait un peu plus détendu en fumant, peut-être qu'il allait tâcher de s'y mettre, au bout du compte.
Zacael frappa du pied le sol pour se mettre en position, comme si il s'apprêtait à se battre avec quelqu'un, les jambes bien écartée, les bras pliés près du corps. Il pivota sur lui même avec rapidité, s'abaissa et mima de donner un coup de pied retourné au sol avec un angle de frappe élevé. Au moment d'achever le mouvement, Zacael brilla brièvement d'une lueur dorée et, au moment de frapper, la lumière devint aveuglante alors qu'un autre Zacael sortit à grande vitesse du corps du premier, en position de frappe, poursuivant le coup de pied lancé par l'original.
Le second lézard vola dans les airs et atterrit avec habileté sur le sol, se releva doucement et bomba le torse. Un troisième Zacael fraya son chemin hors du corps du second et roula sur le sol, comme si on l'avait éjecté du torse du deuxième à coups de pied. Les trois avaient exactement la même tête mais aussi les même vêtements et la même clope au bec.

« J'le fais façon grandeur nature. » ricana le premier.
« Maintenant, écoute... J'ai un marché à te proposer... » lança le second.
« Je vais t'expliquer. » continua le troisième.

Ils ricanèrent et se mirent comme en triangle autour de Caron. Le premier arriva et bouscula la réplique de Caron dans la première en souriant.

« Un accident de laboratoire, donc ? Eh bien, je ne suis pas un spécialiste là-dedans mais je pense pouvoir avoir une utilité... » dit-il.
Il prit son élan, bondit et effectua un bon coup de pied retourné qui décolla immédiatement la nouvelle tête de Caron droit vers le second qui l'intercepta.
« Désolé, j'ai tendance à être joueur aussi. Enfin bon. Comme je le disais, j'ai grandis en laboratoire. Je pense que je peux apporter quelques connaissances à votre soucis, à toi et ton mari. » dit le second.

Ce dernier rit un coup, lança la tête de Caron en l'air et effectua une reprise de volée du pied droit vers le troisième Zacael qui attrapa à son tour la tête du blob.
« Peut-être que si vous me donnez une partie de vos indices récoltés jusqu'ici, je pourrais vous apporter de nouvelles réponses. Je connais la plupart des produits utilisés en labo, en particulier dans l'organique. Après tout, j'ai été créé de toute pièce à partir d'un embryon de lézard. En consultant les logs du professeur Franz, j'ai appris comment j'ai été créé et avec quoi. » expliqua le troisième.

Le troisième fit la passe au premier qui rattrapa sans soucis.
« Du coup, qu'est ce que tu dirais si je mettais mes connaissances à ton profit ? J'apprends vite et bien. Je n'ai que quatre ans, tu sais ! Mais je sais que mon organisme est conçu pour se développer vite et donc, apprendre au moins à une telle vitesse. Je pense que d'ici quelques mois, j'en saurais autant que le professeur Franz si j'arrive à trouver des ouvrages sur son travail ou dans sa discipline... » dit-il.

Une nouvelle passe vers le second.
« Mais j'ai un seul soucis. J'ai été accueilli par une humaine, une fois. Mais je sais que je ne pourrais pas l'importuner longtemps. Tout ce qu'il me faudrait, c'est un abri. Est-ce que tu vois où je veux en venir ? »

Passe au troisième.
« Je te donne mon aide, mes connaissances et mon savoir en échange d'un abri. C'est aussi simple que ça. Je ne demande pas quelque chose de grand. Juste une pièce pourrait même suffire. Mais un lieu où me poser voilà tout. Un garage ou un truc du genre fera l'affaire. »

Le dernier des Zacael sourit et fit la passe au corps du blob.
« Marché conclu ? » demanda t-il.