« Dis papa ! Quand on rentrera à la maison, on pourra manger des glaces ? »
« Bien sûr ma chérie. »
Le temps que mon père finisse sa phrase, un cri déchirant provenait de l'allée annexe à la notre. Je me promenais en ville avec mes parents, sur ma planète natale, Zen-Whoberi. Des dizaines de personnes se sont ensuite mises à crier, courant partout, poursuivies par les membres d'une race que je ne connaissais pas. Accrochée aux jupes de ma mère, je regardais ce spectacle macabre sans comprendre, mes mains tremblantes, mes joues humides.

Mes parents sont tombés pour ne jamais se relever, leurs peaux d'un vert si pâle dorénavant tachées de carmin, leurs yeux vitreux me regardant alors qu'ils ne bougeaient pas quand je les secouais. Je ne pouvais pas crier, j'étais tétanisée devant tant de violence et de mort. Je ne comprenais pas. C'est là qu'il est apparu. Grand, immense et violet. Son armure était encore plus impressionnante que sa taille et son épée maculée de sang a hanté mes cauchemars pour les années à venir. Ce n’était pourtant pas lui qui avait tué mes parents, ce n’était pas lui qui était venu semer le chaos sur ma planète, ce n’était pas lui qui avait détruit mon monde et tous mes rêves. Le géant violet a lâché son épée, s'est accroupi devant moi. Il était encore plus impressionnant de près.
« Je vais m'occuper de toi, petite. »


Je me réveille en sursaut, la fine couverture collant à ma peau, ma tête heurtant presque le plafond de la petite pièce qui nous serre de chambre. La main bleue de Nebula vient se faufiler dans la mienne et je sens sa respiration sur ma nuque.
« Ça va aller frangine, tout va bien, ce n'était qu'un cauchemar. »
Je tremble.
« Ils étaient là, Nebula. Ils tuaient mes parents. Encore une fois. »
« Chut, c'est dans le passé. »
Voyant que mes tremblements ne diminuaient pas et que des sanglots s'y ajoutaient, elle a glissé sa main sur ma bouche pour me faire taire.
« Tu sais qu'il nous punira si on fait trop de bruit... »
Je hoche la tête et après quelques minutes, je parviens enfin à me calmer. Korath dort dans un coin, aussi profondément qu'un ours. Rien ne semble jamais le réveiller celui-là. Nebula finit par se recoucher et je fais de même, me glissant tant bien que mal dans l'espace qu'on s'est partagé dans la pièce aussi grande qu'un placard à balai. Il faut que je me repose et que je reprenne des forces, demain une nouvelle journée d'entraînement nous attend. Et un jour, je me vengerai des Badoons,  de ceux qui ont assassinés les miens.


J’observe le paysage à travers le hublot de notre vaisseau alors que nous atterrissons sur Tartoonla 7. Je me tiens droite, fière et pourtant en essayant de prendre le moins de place possible, pour ne pas attirer l’attention ni la colère de mon père. Non, la colère de Thanos. Il n’est pas mon père. Je viens à peine d’entrer dans l’adolescence et certains ordres de Thanos commencent à me sembler mauvais, injustes, cruels. Il n’est pas aussi bienveillant que je le pensais. Je savais qu’il n’était pas un ange, mais j’étais tout de même loin de me douter de ce dont il est capable.
Il m’a donné un ordre. J’ai refusé d’obéir.
En conséquence, j’ai fuis, pour la première fois de ma vie, j’ai ouvertement refusé de lui obéir, tous mes cauchemars à cause de lui me revenant en tête, toutes ces séances violentes d’entraînement, mes pleurs, le regard glacial de Nébula face au favoritisme, la jalousie de Korath, tout. Mais alors que j’étais perdue dans mes pensées, m’éloignant du vaisseau sur cette planète marchande qu’est Tartoonla 7, je ne me suis rendue compte que trop tard que j’étais suivi.
Et maintenant, ils sont autour de moi, m’encerclant, m’emprisonnant, m’empêchant de fuir. Je suis piégée, de nouveau. Comme je l’ai été toute ma vie.
Je ne me souviens que vaguement du combat beaucoup trop rapide et déséquilibré. J’étais trop sûre de moi, je pensais qu’après tous ces entraînements j’étais invincible, que personne n’allait oser toucher la fille de Thanos.
Les coups que j’ai reçus ont été rapides et précis, suffisamment violents pour me rapprocher de plus en plus des bras de la mort à chaque seconde, mais pas assez pour me faire tomber dans l’inconscience. Chaque nouveau coup fut une vague de douleur, j’avais beau crier, me plaindre, supplier même, personne n’est venu à mon secours. Ils avaient brisé mon corps, sous toutes les manières possibles et ont commis l’irréversible. Ils m’ont souillée d’une façon qui m’a hantée durant des années et qui m’empêche encore aujourd’hui d’envisager sereinement toute relation avec un individu du sexe opposé. Ils se sont amusés avec moi et ont aussi brisé mon esprit. Je n’étais qu’une poupée de chiffon entre leurs griffes implacables. Je ne sais pas combien de coups j’ai reçus, combien de fois ils ont profité de moi. Tout ce dont je me souviens c’est de la douleur et de l’inconscience qui refusait de me prendre comme si le destin cherchait déjà à me punir à cette époque.
Lorsque Thanos m’a trouvée à moitié morte, brisée, détruite, il m’a dit que c’était ma faute après s'être lui-même débarrassé des fautifs. Il m'a dit que j’étais la seule personne à blâmer pour le crime qui venait d’être commis. Et malheureusement, je l’ai cru pendant très longtemps.


Je me redresse sur la table d'osculation, fermant et ouvrant les yeux afin de m'habituer aux nouvelles sensations pour l'instant étranges. Thanos entre dans la pièce, aussi impressionnant et imposant que d'habitude.
« Alors ? »
L'un des Titans regarde sur un moniteur.
« Tout semble être en ordre. Les implants cybernétiques se sont parfaitement adaptés à l'organisme, il n'y pas de rejet. Ils sont parfaitement opérationnels. »
Thanos me sourit.
« Nous allons voir tout de suite s'ils le sont. »
Son immense bras vient me frapper, mais je suis déjà sur mes pieds et je quitte la table avant même que le poing ne soit à ma portée. Je recule rapidement, en position de défense. Je n'ai pas passé dix ans à m'entraîner pour me faire écraser stupidement de la sorte. Le visage froid et les poings fermés, j'observe les deux Titans.
« Tout semble aller pour le moment. Voyons avec tes frères et sœurs. Ronan ! »
Ronan apparaît la seconde d'après comme s'il ne vivait que pour servir Thanos. Nebula et Korath sont appelés dans la salle d'entraînement, avec leurs armes. On me rend les miennes. Le poids de mon épée est toujours le même dans mes bras et aujourd'hui, je suis capable de la manier sans problème, la preuve que l'entraînement draconien de Thanos a payé ses fruits. Nebula me lance un regard de jalousie, elle qui n'a pas encore eut ses implants tandis que Korath a ce sourire qui signifie qu'il est fier de moi, mais qu'il compte aussi me botter les fesses pour prouver qu'il reste le plus fort et le meilleur des enfants de Thanos.
Après quelques minutes d'un combat intensif, quand mes implants ont démontrés leur fonctionnement et que je parviens même à coincer Korath dans un coin de la salle, mon épée se posant sur son cou, aucune once de pitié dans mon regard. Si Thanos m'ordonnait de le tuer là tout de suite, je l'aurais fait. Nebula se trouve dans mon dos, à une trentaine de mètres, se relevant après le coup violent que je lui ai administré à la tête. Elle avance doucement dans ma direction, prenant son temps et pensant que je ne la vois pas. Dégainant une dague accrochée à ma cuisse, je me tourne à moitié et la lance, transperçant le genou de Nebula, la faisant de nouveau tomber en hurlant de douleur cette fois-ci. De nous trois, elle fut toujours celle à supporter le moins la douleur. Étonnée par ma vision améliorée, je relâche la pression sur le cou de Korath et celui-ci me désarme. Je ne suis fais pourtant pas le plaisir de lui laisser me faire une clé de bras et recule, dague en avant.
« Il suffit » lance pourtant Ronan et l'entraînement s'arrête là.


« Fait attention. »
Nebula me lance un regard moqueur.
« Comme si j'avais besoin de ça. Nous sommes adultes maintenant. Et je serais celle qui ramènera l'Orbe à Thanos. »
Je ne dis rien, la suivant à travers le terrain accidenté. Nous finissons par entrer dans un vieux bâtiment abandonné et j'observe immédiatement notre environnement, essayant de déceler les pièges potentiels tandis que Nebula avance, insouciante. Sauf que l'instant d'après, elle est prise dans un filet à énergie laser, incapable de s'en sortir sans les couper d'une quelconque manière. Je fouille l'endroit pendant qu'elle s'énerve, mais l'Orbe ne se trouve nulle part. Je fais part de ces mauvaises nouvelles à Thanos grâce à mon communicateur au poignet. Je sais qu'il est en colère, mais il s'attendait un peu à une fausse piste. Il m'ordonne ensuite de rentrer et d'abandonner Nebula. J'hésite une bonne quinzaine de secondes avant de glisser l'une de mes dagues entre les mailles trop nombreuses du filet.
« Débrouille-toi, frangine. Je t'avais dit de faire attention. »
Puis après un soupir.
« Je te retrouve au QG. »
Je me dirige vers la sortie alors qu'elle hurle qu'elle me déteste. Je ne me retourne pas. Ce jour-là, je me suis mise à détester Thanos un peu plus.


Bien entendu, le gouffre entre Nebula et moi n'a fait que se creuser à partir de là. Je n'étais pas vraiment proche de Korath, mais je considérais Nebula comme ma sœur. Et puis Thanos a commencé à m'appeler sa favorite, à me donner les meilleures récompenses, à me donner les missions les plus importantes et les plus délicates. Je faisais son sale boulot sans broncher, étant devenue la machine sans sentiments qu'il voulait que je sois. Mais je n'ai pas oublié et avec chaque assassinat, chaque tâche ingrate, je le détestais encore plus. Je savais pourtant qu'il fallait que je fasse preuve de finesse, que je garde patience...

Le jour de ma vengeance est enfin venu et j’ai massacré des centaines de Badoons, autant innocents que coupables, faisant exactement la même chose qu’ils avaient fait des années auparavant à mon peuple. J’étais la dernière des Zen-Whoberi et depuis le jour de ma vengeance, les Badoons connaissent ma puissance. Ils savent à quel point je peux être une menace. Et contrairement à eux, je n’ai pas exterminé leur peuple.

Puis Thanos m'a "prêtée" à Ronan pour retrouver l'Orbe. En échange, le Kree allait pouvoir avoir sa revanche sur Xandar. Ce fut la goutte de trop. J'ai fait mine que tout allait bien, j'ai gardé mon sang-froid et je suis allée à Xandar après la piste qu'était Peter Quill.

Par où commencer avec cet abruti terrien avec des penchants suicidaires ? Il n'avait aucune idée de la gravité de la situation dans laquelle il s'était engagé. Un petit mercenaire de pacotille, voilà ce qu'il était à mes yeux. Enfin bon, il n'a pas que des défauts, mais là n'est pas le sujet.

Nous nous sommes battus pour l'Orbe, car je savais exactement ce qu'elle valait et malgré les ordres de Thanos et Ronan, j'avais décidé que c'en était fini. Je ne voulais plus être sous leurs ordres, je ne voulais pas provoquer une catastrophe et sacrifier des milliers d'innocents pour la lubie d'un maniaque. Alors je me suis rebellée, mais c'était sans compter sur un certain raton-laveur et un arbre débile. De nouveau, Groot et Rocket possèdent leurs qualités, mais lors de notre rencontre, c'est peu dire que j'avais une très mauvaise impression de ces deux chasseurs de prime.

Il a fallut que nous nous fassions capturer et jeter en prison. Bien entendu, beaucoup des personnes se trouvant derrières les barreaux m'en voulaient puisque je leur avais causé du tort d'une manière ou d'une autre. Drax en particulier voulait ma peau. Il n'était pas le premier et sûrement pas le dernier. Et je pouvais l'aider à trouver Ronan que j'étais loin de porter dans mon cœur.

S'en est suivie une série de fuites maladroites et totalement improvisées et je ne sais absolument pas comment j'ai fais pour survivre avec cette bande de bras cassés. Mais nous étions au centre d'un conflit beaucoup plus grand que ce que je pensais...Pourtant, Ronan fut vaincu et Xandar sauvée. J'avais atteint mon objectif et j'avais commencé à réparer les erreurs que j'avais commises au nom de Thanos durant toutes ces années. Il ne nous restait plus qu'à affronter ce dernier... De plus, je m'étais attachée à mes compagnons, c'était la première fois que je me sentais appartenir à un groupe, à une famille. Et puis j'en dois une à Quill pour le coup du sauvetage dans l'espace avec Yondu...

Donc oui, je suis restée à bord du Milano et non, je ne suis absolument pas la maman poule de la bande. Rocket s'est pris une dague entre les oreilles pour m'avoir affublé de ce surnom la semaine dernière. Être la seule femme à bord d'un vaisseau n'est pas évident tous les jours, entre les créneaux pour la douche, l'état souvent déplorablement sale du vaisseau, le manque de vie privée et le fait que Rocket réutilise tout ce qu'il trouve pour fabriquer je ne sais quoi (pourquoi il avait besoin de mon string me dépasse complètement), ce n'est pas évident tous les jours. Mais il faut bien quelqu'un de censé pour veiller sur ces abrutis.

Habituellement, je suis quelqu'un de stoïque, de distant, d'éloigné. Je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas, j'essaie d'ignorer ceux qui m'insupportent et je me fiche du regard des autres. Je suis pourtant réfléchie et je possède une grande capacité d'adaptation. J'ai toujours un plan en tête et plusieurs plans de secours, même s'il m'arrive malheureusement de commettre des erreurs et de foncer parfois dans le tas (surtout lorsque je me trouve avec les autres Gardiens et qu'ils m'exaspèrent). Je sais faire preuve de finesse afin d'atteindre mes objectifs et si avant mes objectifs étaient ceux de Thanos, maintenant je n'obéis qu'à moi-même. Bien entendu, faisant partie des Gardiens de la Galaxie, j'essaie de mettre mes préjugés de côté pour travailler en équipe, mais c'est très difficile avec cette bande de bras cassés. Surtout que j'ai l'habitude de me débrouiller seule, de ne pas compter sur les autres, notamment lorsque ça ne va pas. Je ne suis pas le genre bavarde et je reste presque toujours sérieuse. Seul Quill arrive parfois à me faire sourire. Je peux me montrer colérique par moment, mais c'est surtout par exaspération qu'autre chose. Je n'aime pas montrer mes faiblesses et que l'on fasse preuve de pitié à mon égard et je n'hésiterai pas à rappeler que je suis tout à fait capable de me débrouiller seule. Même si les autres Gardiens parviennent progressivement à me rendre plus sociale. Je n'ai peur que de peu de choses et je suis une femme d'action, distribuant les coups comme les insultes. Étant habituée à survivre dans des conditions difficiles, je n'aime pas qu'on traîne et que l'on me ralentisse. Le travail doit être fait et, même si je ne travaille plus pour Thanos, j'ai gardé l'habitude de toujours être prête à tout afin de ne jamais me laisser surprendre. Je sais pourtant venir en aide à mes amis, car malgré tout, je suis loyale envers les miens et vengeresse envers ceux qui m'ont trahie (Nebula restant l'unique exception). Enfin, même si les Gardiens m'insupportent souvent, je sais que c'est dans leur nature et qu'ils ne sont pas vraiment méchants. Nous formons une famille de bras cassés et d'idiots, mais c'est ma famille de bras cassés et d'idiots et je la défendrai jusqu'à mon dernier souffle.