Pain & Anger

Tornade travaillait d’arrache pieds, presque ensevelie sous la pile de papiers qui envahissait son bureau du sol au plafond. Cela faisait plusieurs semaines, mois, que Charles était partit, laissant derrière lui une traînée de chagrin et d’âmes esseulées. Elle était loin d’être la seule dans la douleur, et c’était l’une des raisons pour laquelle la mutante ne s’était pas laissée allée depuis la tempête cataclysmique de New-York. Elle avait enfilé la veste de directrice rapidement, ils ne pouvaient pas laisser l’école sans chef, les élèves sans repères. Elle s’était imposée sans vraiment laisser de choix, ni à Scott, ni même à Logan, assez naturellement en vérité. Malgré l’ignoble culpabilité qui lui faisait douter de sa place, puisque, après tout, elle avait échoué à protéger Charles. Peut-être que si elle était arrivée à temps, le professeur aurait survécu. Et s’il eut fallu qu’elle meurt, plutôt que lui, cela aurait été préférable. Elle n’aurait pas hésité une seconde à lui donner sa vie.
Si seulement un échange était si simple.

Mais non. Charles n’était plus, son si bel esprit avait rejoint la nature. Ils étaient seuls, et pour tous les pensionnaires de l'Institut il s'agissait du noël le plus difficile.

La femme soupire et s’étire lentement sur son fauteuil, faisant craquer ses os endoloris par la position pliée d’étude qu’elle avait eu. En plus de gérer les affaires de l’école, l’équipe des X-Men, ils étaient encore dans les papiers de la succession. Les obsèques avaient été réglées, l’enterrement fait dans l’intimité de l’institut ou Charles reposait, selon ses souhaits. Dans cette école qui portait toujours son nom et, aussi longtemps qu’elle respire, qui continuerait de le porter.

La nuit était tombée depuis un long moment déjà, et pourtant de la musique se faisait encore entendre d'une certaine aile de l'Institut ou les élèves et professeurs fêtaient la bientôt nouvelle-année. La fenêtre entre-ouverte laissant rentrer en plus du son un vent d'hiver qui aurait fait frissonner n’importe qui, mais pas Tornade qui ne ressentait jamais le froid. Il était temps d’arrêter, même en continuant son régime café-boulot elle ne ferait plus rien de correct enfermée ici. Elle se lève pour ranger proprement son bureau et organiser ses notes. Elle referme enfin la fenêtre puis s’engage dans les couloirs, seulement éclairée par la lumière de son téléphone sur lequel elle programme son réveil. Lendemain du réveillon ou pas, et même s'il n'y avait pas cours, elle avait du travail.

Ses pas l’emmènent instinctivement hors des murs de l’école, dans les splendides jardins même à cette période de l’année, vers la tombe de Charles, un peu éloignée dans un coin tranquille de la large propriété. Elle veillait à s’y recueillir tous les jours, moment de calme dans la tempête, ou elle pouvait confier à mi-voix ses états d’âme, converser avec un vieil ami comme s’il était encore là…

… Mais elle n’était pas la seule à avoir eu cette idée là, ce soir. Pas un soir comme les autres, puisque dans quelques minutes, ils allaient commencer une nouvelle année, une nouvelle année sans Charles, sans père.
Elle s’approche en silence, sans vouloir déranger le pensionnaire qui s’était déplacé jusque-là, sans méfiance. L’Institut était bien sécurisé, ils avaient même augmenté les mesures dernièrement, vu la situation instable. Pourtant, plus elle se rapprochait, plus elle plissait les yeux. Non, impossible… Cette longue cape, battant dans le vent. Cette stature, grande, et raide. Même de dos… Le cœur de Tornade se glace, de fureur battante, ses yeux virent au blanc. Lui !

« Comment oses-tu… !! » Sa voix claque, murmure sec et glacial qui mimique le temps. Car aussitôt qu’elle reconnaît le meurtrier de Charles, le vent devient mistral tempétueux, les nuages grossissent et un éclair tombe non loin, menaçant. Tornade avait dompté ses instincts vengeurs, par respect pour Charles, pour la vie, pour le bien de tous. Cela ne voulait pas dire qu’elle n’était pas en colère. Furieuse, même. Il ne s'agissait pas d'une simple rancune, comme elle pouvait souvent en porter. Non, le sentiment était bien plus profond, bien plus viscéral. « Qu’est-ce que tu fais là, Magneto ? Tu n’as aucun respect. N’en as-tu pas déjà assez fait ? » Elle maudit sa voix qui se brise presque sur les derniers mots.

Car entre la stèle en mémoire de leur cher Professeur X et Tornade aux cheveux blancs battants dans le vent violent, se tenait son assassin, son ami, sa Némésis, Magnéto lui-même.

Pain & Anger

Elle ne s’était absolument pas attendue à ça. A retrouver le meurtrier du Professeur sur sa tombe, le soir de noël, au sein même de l’Institut. Cela suffit à réveiller des émotions qu’elle préférait laisser dans un coin, celles qu’elle avait étouffé pour ne pas que leur but se transforme en une vendetta sanglante. Elle ne croyait pas en la vengeance, cela n’apportait que plus de douleur et un cycle sans fin de souffrance. Charles n’aurait pas voulu cela.

L’assassin se retourne, et elle plonge ses yeux blancs dans ceux perçants du mutant, vieil homme qui portait sur ses épaules bien plus de poids que Tornade ne pouvait l’imaginer, mais qui pourtant, le portait avec la tête haute et une volonté de faire. Elle aurait admirer cet homme, s’il n’avait pas été extrémiste et aveuglé par a vengeance envers les humains. Et s’il n’avait pas tué Charles.
A croire que c’était Magneto, le télépathe. Ses mots touchent juste, là où ça fait mal, en plein cœur de sa faiblesse ; le vent se renforce un peu. Mais Tornade ne se démonte pas et continue d’avancer vers lui pour s’arrêter à une distance de sécurité respectable. Même s’ils étaient tous les deux des combattants longue distance, et que même dans sa colère elle voulait éviter le plus possible un combat. Ils étaient en plein dans l’école, tous les enfants s’amusaient non loin, c’était beaucoup trop dangereux. De plus, contrairement à Logan qui s’entêtait encore et encore, elle avait conscience qu’elle pouvait très difficilement tenir tête au mutant. Grâce à ses pouvoirs, il était quasiment invulnérable face à ses éclairs, puisqu’il pouvait créer une véritable cage de faraday autour de lui. Elle en avait totalement conscience, alors l’éclair qui était tombé non loin de Magneto était surtout une menace, et une réaction instinctive du au temps s’adaptant à l’humeur de Tornade, plutôt qu’une attaque. Il serait vain de s’attaquer toute seule à Magneto. C’était uniquement tous ensembles qu’ils pourraient avoir une chance de lui tenir tête, ce qui ne signifiait pas qu’ils gagneraient pour autant. C’était le problème… Magneto s’était débarrassé de la plus grande menace en la personne du Professeur.  

« Sans vouloir te vexer, que m’importe ce que tu penses, Magneto. Tu n’as pas à nous juger. Pas après ce que tu as fait. Si j’ai eu reprendre le manteau de directeur c’est uniquement parce que tu l’as tué. Et tu devrais me remercier, je suis la seule raison pour laquelle tu n’as pas tous les X-Men aux trousses. » Parce que Charles n’aurait pas dû mourir. Pas comme ça. D’une certaine manière Tornade le voyait comme, presque, immortel. Ce vieil homme sage, puissant, patient, qui avait toujours été là et le serait toujours. Charles semblait invincible. Le retour à la réalité était brutal, assassin. Et si en effet l’opinion de Magneto à son égard lui importait peu, et qu’elle assumait toutes ses décisions, Tornade n’en était pas moins un peu troublée… Ce doute qui perdurait, sur celui qui aurait hérité de ses responsabilités, si Charles avait pu choisir. Scott, Jean, elle, même Logan… « A ton vieil ami que tu as exécuté. » elle rétorque avec un ton froid et claquant comme un éclair. « J’ai du mal à y croire. Tu crois que venir payer tes respects va t’apporter le pardon ? Ou tu penses réellement que tu n'a pas fait grand chose ? » Elle le regarde et elle ne voit qu’un assassin, qu’un tueur d’ami. Charles parlait avec tant d’estime de Magneto, malgré tous ses horribles crimes, malgré tous ses meurtres et les bâtons qu’il mettait dans les roues des X-Men et de leur vision de paix... Il osait dire qu'il n'avait pas fait grand chose. Comme si perdre Charles n'était pas une tragédie, qui a plongé d'innombrables mutants dans une grande détresse. Pas seulement de ceux qui le connaissaient déjà, mais pour ceux qui auraient pu le connaître, pour ceux qui auraient pu être sauvés par lui. Il s'agissait d'une perte à bien plus d'une échelle.

Pain & Anger

Tornade était une personne plutôt mesurée, normalement. Elle gardait le plus possible la tête froide, le temps de penser à des stratégies. Ne pas se jeter la tête la première dans l’action, tant que c’était possible, cela ne mènerait qu’à leur perte. Tous n’étaient pas doués des mêmes capacités de génération que Wolverine, et elle était une fervente partisane de la planification avant l’action.

C’était ce qui lui avait permis de garder ses distances, de ne pas attaquer bêtement Magneto. Même si elle était en colère, car comment ne pas l’être ? Accepter la mort des Charles ne prendrait pas des mois, ni même des années. Elle jugeait Magneto, oui, pas parce qu’elle se pensait supérieure à lui, pas parce qu’elle se pensait meilleure –même si, clairement, ses valeurs morales étaient bien plus honorables que celles de l’extrémiste- mais parce que les faits étaient contre lui. Tous les actes de Magneto et de sa confrérie, ces dernières années, trahissaient ses méthodes destructrices, mauvaises. Toutes les altercations, entre les deux groupuscules de mutant, s’étaient mal déroulés. Charles et Magneto étaient ennemis, même s’ils ne s’étaient, à sa connaissance, jamais blessés.
Magneto avait de nombreux motifs pour avoir commis ce crime. Charles était l’un des mutants les plus puissants existant. Il lui mettait des bâtons dans les roues depuis des années, et ne se serait jamais arrêté. Jamais.
Sauf en étant rayé de l’équation de la manière la plus définitive qui soit.

Malheureusement pour la Confrérie, les X-Men continueraient, même sans leur Professeur X.
Ils transmettraient son enseignement, jusqu’au bout.

Tornade écoute Magneto, bouillonnant de colère contenue, mais aussi de confusion. Car Magneto n’avait, à sa connaissance, aucune raison de nier les faits, surtout après avoir été vu par de multiples témoins ayant survécus à l’acte terroriste.
Cela ne collait pas, avec ce qu’ils connaissaient du leader des mauvais mutants. Cela ne collait pas su tout aux schémas, et c’est la raison pour laquelle Ororo à une minute d’hésitation avant de répondre. Ou elle le fixe, comme si elle le jaugeait. Malheureusement sa mutation ne lui permettait pas de déceler les mensonges.
Il y avait anguille sous roche.

Si jusque-là Tornade n’avait pas eu de raison de douter, si le meurtrier était clair, dans son esprit, elle prend le temps de réfléchir. Magneto n’avait vraiment aucune raison de lui mentir. A moins que ce soit un petit jeu tordu et sadique pour la faire douter encore plus. Il semblait, après tout, avoir une étrange obsession pour le nouveau poste de directrice qui lui incombait.

« Je ne vais pas te laisser. Je suis venue me recueillir sur sa tombe, et c’est ce que je vais faire. Après avoir obtenu des explications. Je ne repartirai pas avant ça, et certainement pas en te laissant sans surveillance. » Implacable, Tornade reste en position défensive, à distance, mais ses yeux reprennent leur couleur naturelle et la tempête se calme. Elle ne voulait pas se battre, pas avec les élèves non loin, et surtout pas devant la tombe de son ami. Respectueuse de la vie, de la mort, des croyances d’autrui, Ororo ne se le permettrait jamais sauf si c’était une question de vie ou de mort… Et elle voulait des réponses, autant profiter de cette occasion unique… Qui ruinait tout espoir de se recueillir sereinement.

« Si ce n’est pas toi, qui est-ce ? Mystique ? » S’il croyait qu’elle allait laisser tomber la question si rapidement, il se trompait. Tornade n’avait aucune confiance en Magneto, mais elle accordait le bénéfice du doute, pour la simple et bonne raison qu’elle suivait son instinct et sa logique… Qui lui soufflaient depuis l’attaque que quelque chose n’était pas à sa place.

Pain & Anger

Tornade était pacifique, malgré son travail chez les X-Men. Elle était contre la peine de mort, contre les morts inutiles. Toutes les vies étaient précieuses, des plantes, des animaux, des humains et des mutants, toutes. Même celles de leurs ennemis, même celles des individus de la pire espèce... Elle avait tué, une fois, et ne recommencerait plus jamais si elle ne pouvait. Même Magneto... Elle ne voulait pas le tuer. Du tout. Elle voulait qu'il paie pour ses crimes, devant la justice.

Parce que s'ils abaissaient aux même méthodes que ce qu'ils affrontaient, qu'est-ce que cela ferait d'eux ?

Ororo n'utilise plus ses pouvoirs, le choc passé, mais elle est très méfiante. Son rôle avait toujours été de protéger l'Institut et les jeunes mutants, et Magnéto était un risque. Elle n'allait pas le laisser seul, même pour se recueillir. C'était trop dangereux.

« Mystique est la seule mutante connue capable de changer son apparence, il est tout à fait logique que je pose la question. » Même si elle était le bras droit de Magneto, la puissante mutante était suspecte. Qui avait ce qui se passait dans leurs esprits ? Tornade n'était pas empathe, du moins pas avec les  humains et mutants... L'homme qui clamait son innocence quand des dizaines de témoins et survivants l'avaient vu ne pouvait pas penser qu'elle le croirait sans réfléchir. Elle n'était ni naïve, ni stupide.. Même si certainement pas aussi brillante et cultivée que certains de ses collègues. Après tout, elle avait passé les premières années de sa vie dans la rue, sans école, sans éducation. Tout ce qu'elle avait appris, c'était avec Charles, l'Institut... Rien ne lui était venu simplement, elle avait du travailler plus fort, plus dur pour rattraper son retard et pouvoir enseigner... Penser à Charles et tout ce qu'il avait fait pour elle était terriblement douloureux, encore.

Les bras croisés sous sa poitrine, le visage sérieux... La mutante aux cheveux blancs soupire. « Je ne vais pas te laisser seul sans surveillance sur le campus alors que les étudiants sont présents. » Tornade le regard attentivement.

« Mais je ne vais te mentir. J'ai toujours eu des doutes quant à ta culpabilité. Sur tes raisons et puis... la méthode. Utiliser un explosif ne te ressemble pas. » Magnéto était fier d'être un mutant. Il n'allait pas utiliser des technologies humaines pour tuer un autre mutant, pas quand il avait le contrôle du métal pour ce faire. « J'étais là. Le jour ou il est mort. J'ai tout ressentit... » Et le dire à haute voix était toujours aussi difficile. Aussi douloureux. Le traumatisme difficile à dépasser, étant donné que l'assassinat avait révélé qu'une sorte de lien psychique existait entre Charles et Ororo depuis la fois ou elle avait tenté de voler qui elle pensait être un simple touriste.