Des gouttes de sueur perlaient sur mon front. Le bruit sourd de la climatisation était la seule chose qui perturbait le silence de mon taxi. Un taxi un peu vieux, mais bien entretenu. Ma main passa machinalement sur ma fausse moustache. Je repositionnai ma casquette de chauffeur. Aujourd’hui, j’étais Jake Lockley.
Aujourd’hui, je devais servir de conducteur pour Gwen, une étudiante qui me paraissait brillante. Cela faisait un certain temps qu’il ne l’avait plus conduit. Certes, elle était une cliente, mais j’avais tout de même développé de la sympathie pour la jeune femme. Elle me faisait confiance. Enfin, je supposai qu’elle me faisait un minimum de confiance.
Alors que je roulais, je les entendais parler. Enfin, pas tous. Steven était assez taiseux quant à la relation avec Gwen, mais Marc et Moon Knight encourageaient ce lien. Cela pouvait sembler une bonne chose, mais ce n’étaient pas dans une optique de gentillesse. Non, et Marc allait me le rappeler.
Du coin de l’œil, je vis que Marc était installé à la place du passager. « Qu’est-ce que tu veux ? »
Marc, ou plutôt, cette hallucination qui représentait Marc, me regarda d’un air entendu. « Tu sais très bien ce que je veux ? Essaye de récupérer des informations. » « Je sais ! Mais je n’aime pas me servir d’elle ainsi. »
Ma voix s’élevait, empreinte de colère. « Tu es les oreilles de Moon Knight. C’est à toi de récupérer toutes les informations de la ville. Elle nous est utile si… » « … On veut savoir ce qu’il se passe dans l’école. Je sais. »
Je l’avais interrompu. « Je sais mon rôle. » « J’espère bien… »
Et Marc s’envola. Je respirai un coup. Il avait raison. Je devais profiter de cette occasion pour obtenir des informations. Je soupirai. Quelle vie.
Tournant dans une rue, j’arrivai au point de rendez-vous. Une jeune femme attendait. M’arrêtant à son niveau, je l’appelai. « Bonjour Gwen. Vas-y rendre. »
Mon visage était joyeux, comme si ma conversation interne n’avait jamais eu lieu. Ma main l’invita à entrer. Une fois qu’elle fut installée, je démarrai
Jetant un regard dans mon rétroviseur, j’engageais la conversation. « Alors quoi de neuf ? »
wen avait déjà envisagé de passer son permis de conduire, mais s'était ravisée pour un nombre incalculable de raisons. Le temps, déjà, elle avait tendance à en manquer terriblement, et son petit doigt lui disait que ça n'allait pas s'arranger dans les temps à venir. L'argent, ensuite. Les finances de la famille Stacy n'étaient pas au plus haut depuis la mort de son père, et Gwen préférait largement mettre tout l'argent qu'elle réussissait à gagner grâce à ses quelques contrats de mannequinat dans l'université où elle espérait être admise (enfin, ses perspectives à ce sujet avaient un peu changé depuis qu'elle avait été approchée par le SHIELD). Enfin, le trafic dans les rues new-yorkaises achevait de la démotiver. Elle reconsidérerait la question plus tard, bien sûr, mais pour le moment, elle n'en faisait pas une priorité.
A la place, elle privilégiait les transports en commun, et de temps à autre, quand le trajet devait être un peu long, elle s'accordait de faire la route en taxi. Surtout, en fait, depuis qu'elle avait fait la connaissance de Jake Lockley. Gwen était quelqu'un de sociable, elle parlait facilement avec les autres, faire la conversation avec les chauffeurs de taxi qui acceptaient de bavarder ou bien engageaient d'eux-mêmes la discussion était donc chose naturelle pour elle. Et elle devait bien le reconnaître, avec ce chauffeur-là, plus précisément, le courant était très bien passé, au point qu'elle se soit surprise à se confier auprès de lui sans même réaliser qu'elle s'épanchait sans doute trop : comme après la mort de son père, sa rupture avec Peter, son "accident"... Elle n'avait pas donné tous les détails, bien sûr, mais... Il en savait tout de même beaucoup.
Et c'était devenu une habitude pour elle de s'adresser à lui quand elle décidait de faire un trajet à taxi, du moins quand Jake était disponible. Ce qui était le cas aujourd'hui. Tant mieux, Gwen avait un peu de route à faire pour se rendre à un shooting à l'autre bout de la ville, et elle n'avait pas eu le courage de prendre les deux bus et trois lignes de métro qui lui auraient permis d'arriver à bon port. Gwen s'installa dans le taxi après avoir salué Jake, et ce dernier ne tarda pas à entamer la discussion.
-Oh, les examens de fin d'années, là, surtout... J'ai hâte d'en avoir fini, répondit-elle dans un sourire, en guise d'entrée en matière.
En même temps, il est vrai que c'était sa préoccupation principale pour le moment, comme celle de la plupart des étudiants soucieux d'obtenir leurs diplômes, supposait-elle. Même s'il y avait bien d'autres choses, de nombreuses choses à ajouter. Mais chaque chose en son temps.
Gwen semblait aller bien. Elle était soucieuse pour ses examens. Certes, c’était compréhensible. Elle était brillante et, souvent, les étudiants brillants stressent. Un peu en vain, mais ils le font quand même.
Souriant de même, je lui répondis
« Ha, les examens. Faut bien les réussir si tu veux finir par conduire un taxi. »
Lui adressant un clin d’œil, je continuai sur ce même ton de plaisanterie.
« Mais, bon, ça ira. Après tout, tu trouves encore le temps d’aller à l’autre bout de la ville. »
Je me doutai qu’elle allait faire un shooting photo. Que ferait-elle là-bas ? Elle était mannequin et ça, elle n’avait jamais eu besoin de me le dire. Les magazines, et les ragots, parlaient bien assez. Elle avait ce travail uniquement pour pouvoir se payer l’université.
« Si tu v… » « Tu es censé être pauvre. »
Personne d’autre n’était présent, juste une autre de mes personnalités : Steven. Steven qui avait eu la merveilleuse idée d’apparaître à côté de ma passagère. Mon regard dévia pour le regarder depuis le rétroviseur.
« Un chauffeur de taxi n’a pas les moyens de se payer l’inscription à l’université. Désolé. »
Je savais qu’il était sincère. Il voulait vraiment aider. Il avait l’argent nécessaire pour. Mais il avait raison, moi, je ne pouvais pas avoir autant d’argent.
Après ce court échange avec moi-même, je repris le fil de mes paroles.
« Si tu veux, je pourrais t’apprendre à conduire. Après tout, le permis te sera surement utile pour ton travail. Je te dis pas le nombre de patrons qui te demandent le permis, même si t’as pas besoin de conduire. »
J’avais tenté une pirouette pour essayer de me rattraper. J’espérai avoir été assez convainquant. Regardant à travers les fenêtres, je vis l’océan de voiture nous encerclant.
« Ouais, je me demande pourquoi les patrons pensent encore qu’on est plus rapide avec une voiture. »
wen sourit à la première remarque de Jake, c'était une des choses qu'elle appréciait chez lui, il avait toujours le mot pour mettre ses interlocuteurs à l'aise, ou pour la mettre à l'aise en tout cas, il savait la faire souffrir même quand elle se sentait sous tension, et ça, c'était un talent qui n'était pas donné à tout le monde. Enfin, il avait raison, si elle était si angoissée à l'idée de ne pas réussir ses examens, si vraiment elle craignait de ne pas du tout réussir, elle s'épargnerait sans doute de se rendre à l'autre bout de la ville pour un shooting qui rongeait sur un temps de révision (qu'elle rattraperait plus tard). En vérité, elle avait un peu hésité à accepter le contrat en question, mais à cette période de son existence, elle ne pouvait certainement pas cracher sur l'argent qu'elle pouvait réussir à mettre de côté, qu'elle finisse boursière (ce qu'elle espérait) ou non. Surtout si elle voulait gagner son indépendance et prendre son propre appartement (puisque ça aussi, c'était en projet). Son sourire fut sa seule réponse alors que son interlocuteur poursuivait... ou presque. Il s'interrompit quelques secondes sans qu'elle comprenne vraiment pourquoi. Elle voyait, dans le rétroviseur, le regard du chauffeur de taxi s'attarder sur ce qui semblait être la place voisine de la sienne, parfaitement vide. Elle choisit de faire abstraction. Ca lui arrivait, parfois, d'avoir des moments d'absence... et Gwen se disait seulement que ça arrivait à tout le monde... certains étaient juste... plus discrets.
-Vous feriez ça, vraiment ? s'étonna Gwen. Elle devinait que tout ça n'avait rien de franchement professionnel de sa part, mais sa proposition méritait d'être prise en considération.
Jake n'avait pas tort, quand on cherchait du travail, avoir cette corde de plus à son arc n'était pas un moindre luxe, même si dans une ville telle que New York, que Gwen n'avait pas spécialement envie de quitter, ce luxe paraissait inutile, il y avait tant de façon d'aller d'un point A à un point B sans prendre le volant... En tout cas, faire ses armes en conduite sous la supervision bienveillante de Jake serait dans un premier temps moins stressante qu'en présence d'un moniteur d'auto-école, même si on n'y couperait pas.
-Pourquoi pas... Mais je dois avouer, le trafic m'angoisse un peu.
Et ce n'est pas l'étendue de voitures qui les cerclait qui devait vraiment apaiser cette angoisse.
J’avais certes réussi à me ressaisir, mais je venais de me mettre dans une situation un peu délicate. A quoi avais-je bien pu penser pour lui proposer cela ? Cette improvisation allait surcharger un emploi du temps déjà bien rempli. Je devais cependant assumer et continuer sur ma lancée.
« Ca ne me dérange absolument pas d’aider. Et pour la circulation, c’est pas aussi terrible que ça en a l’air. En fait, c’est même plus simple. Tout le monde est à l’arrêt, du coup, peu de risque qu’un malade te fonce dessus. »
Lui adressant un regard compatissant, je poursuivais.
« Mais c’est vrai que c’est pas l’idéal pour apprendre. Les gens sont trop stressés. Faudra juste commencer dans des quartiers plus calmes. »
Comme pour confirmer mes dires, je me fis klaxonner. Reportant mon attention sur la route, je constatai que la circulation avait un peu repris.
« Comme je le disais, aucune patience. »
Après un clin d’œil de complicité, je me remis en marche dans la circulation devenue légèrement plus fluide. Certes, je pensais avoir rattrapé correctement la situation, mais je devais encore faire le plus dur : glaner des informations. Je devais tenir un interrogatoire déguisé. Ce n’était pas mon travail. Je fermai les yeux un instant pour me donner de la concentration et, surtout, du courage.
« Sinon, ça va dans l’école ? Ca fait un an depuis l’attaque… Vous avez eu des nouvelles ou on vous laisse dans l’ombre ? »
En principe, ça devrait passer. Ma voix était empreinte d’un peu d’émotion, mais cela pouvait juste passer pour de l’inquiétude pour elle. Je sentais que mes autres personnalités espéraient une information. Moi ? Non. Elle avait toute la vie devant elle. Elle n’avait pas à rejoindre un réseau d’informations déjà très vaste. Elle n’avait pas à aussi mettre sa vie en danger, mais entre envie et devoir, il fallait faire un choix.
wen afficha un sourire amusé quand le chauffeur de taxi lui affirma que puisque la circulation était au ralenti les trois-quarts du temps à New York, elle s'éviterait au moins le risque de se faire foncer dessus par un fou furieux.. Peut-être, mais Gwen craindrait plutôt d'être celle qui foncerait sur les autres, incapable de contrôler son véhicule. Bref, va savoir si cette proposition tiendrait bel et bien. Ce ne serait pas un mal qu'elle acquière quelques bases, et dans tous les cas, passer son permis était une étape inévitable... Mais rien ne garantissait que Jake ait vraiment le temps nécessaire pour lui apprendre les rudiments comme il lui affirmait vouloir. Si ça devait être le cas, elle votait quand même pour les quartiers plus calmes... Parce que si le stress des autres était à appréhender, celui d'une Gwen Stacy au volant, n'en parlons pas. La jeune femme avait confiance en elle au quotidien et n'était pas du genre à s'énerver facilement, mais dans une situation inédite comme celle-ci, elle ne présumerait franchement de rien. Elle aimait apprendre dans tous les cas, mais elle estimait quand même plus fastidieux d'accélérer sans caler que de bachoter ses cours encore et encore. Et au moins son progrès dans ces cas-là ne dépendait pas vraiment des autres, comme ce type qui n'oublia pas de les klaxonner, rappelant Jake à l'ordre (si peu utilement), le faisant se concentrer un peu plus sur la route. Aucune patience, en effet.
Le silence s'installa quelques instants, puis le chauffeur de taxi reprit la parole, et pour la peine changea totalement de sujet. Et quel sujet... L'école... L'attaque... C'est vrai que ça faisait presque un an, déjà. Un an qu'elle avait vécu ce cauchemar. Un an bientôt que son père était mort... Autant dire que ressasser ce moment n'était pas vraiment une expérience agréable pour elle... Est-ce qu'ils avaient eu des nouvelles ? De la part de l'école, certainement pas. Ils n'avaient pas eu leur pareil pour déposer un voile sur la situation sitôt les bâtiments rénovés et la reprise des cours. Alors, ils avaient fait comme si de rien n'était... Ca n'avait pas été simple pour Gwen de le constater, d'ailleurs. Combien la vie sait suivre son cours sans se soucier de vos états d'âme. Même si c'était sans doute une bonne chose quelque part. Elle haussa les épaules.
-Ils ont renforcé la sécurité et on nous fait des speech réguliers pour nous rappeler que "tout a bien". Rien de nouveau, non..., répondit-elle avec un cynisme qui ne lui ressemblait pas vraiment.
Mais cette situation faisait qu'il était difficile de se montrer... positif. D'autant que, maintenant, Gwen connaissait l'identité de celui qui avait causé tous ces ravages. De celui qui avait tué à son père. Elle aimerait pouvoir s'en confier à son interlocuteur, à qui elle avait tendance à toujours trop parler, mais évidemment, ce sujet-là était... inabordable.
Celle réponse allait me poser problème. Certes, elle avait dit ce que je voulais moi, pas les autres. Elle n’avait aucune information d’après ses dires. On aurait pu croire que cela permettrait de clore cette conversation, mais non. Il n’y a pas que les mots qui expriment nos pensées. Le ton, la position, les mouvements, tous indiquent des pensées.
Et là, ce cynisme, cette moue, cela me semblait étrange. Je l’avais côtoyée assez souvent pour savoir si quelque chose clochait. Oui, j’aurais pu croire que c’était juste un souvenir douloureux, mais ce n’était pas ça. Finalement, ce n’était pas moi qui sus quoi en penser. Non, ce fut le justicier qui était logé dans mon crâne. Il me souffla la réponse : elle sait.
Bien sûr, cette phrase ne voulait pas dire qu’elle savait tout. Non, en réalité, cette phrase voulait dire qu’elle avait des informations non connues ou, du moins, des pistes non officielles. Cela piqua ma curiosité. Je savais qu’elle ne me disait jamais tout, mais là, je sentais, en tant que confident, que c’était un peu différent.
Pendant un bref instant, le détective masqué prit le relais. Cela se traduisit par un regard bref et perçant, cherchant la vérité. Ma voix s’éleva, étrangement plat et calme, presque froide avec un visage inexpressif.
« Et officieusement ? »
Cette phase ne dura pas longtemps. Mon visage redevint rapidement le mien. Oui, le visage du sympathique chauffeur de taxi. Un visage au sourire chaleureux. J’avais parfois des sauts de personnalité, mais j’avouais qu’elles devenaient de plus en plus présentes depuis le départ de « mon épouse ». Je n’avais jamais compris ce que lui trouvaient Marc et Steven. Je sentais qu’on allait devoir en parler à un moment donné. Mais pas maintenant. Là, je devais savoir ce qui mijotait dans cette petite tête blonde.
wen adressa un regard surpris au rétroviseur quand le chauffeur de taxi, en deux mots, lui laissa comprendre qu'il n'était pas dupe de sa réponse, et se doutait que, si elle ne connaissait pas le fin mot de l'affaire (mais c'était le cas), elle avait au moins son opinion sur la question. Au fond, elle ne devrait pas être si étonnée. Elle savait que Jake était un homme perspicace. Et surtout, il finissait par bien la connaître, ce qui était normal. Combien de fois s'était-elle confié à lui dans ce même taxi ? A force, il avait dû apprendre à la cerner un minimum... Alors forcément, il devait comprendre qu'il y avait anguille sous roche. Constat qui la mettait un peu mal à l'aise, pour tout dire. Oh, elle ne lui reprochait pas sa curiosité. Elle serait très mal placée pour reprocher à qui que ce soit sa curiosité, d'ailleurs, puisqu'elle-même possédait ce vilain défaut à outrance. Au fond, elle aimerait pouvoir se confier au sujet de Harry, de tout ce qu'elle avait appris à son sujet, à celui qui avait déjà recueilli tant de ses confidences, mais comme elle avait évité ne serait-ce que d'évoquer Spider-Man avec lui, elle se voyait mal lui expliquer la situation. Cela compromettrait la promesse qu'elle avait faite à Peter, qui justifiait qu'elle n'ai pas fait appel à la justice, qu'elle ait menti à Marcus Williams quand elle aurait eu l'occasion de tout lui balancer. Pour le coup, c'était juste... trop...
-Officieusement..., répéta-t-elle, songeuse, se demandant ce qu'elle pourrait bien lui répondre exactement, qui se rapproche au plus près de la vérité sans pour autant trop en dire. Eh bien, le Hobgoblin est toujours en liberté..., finit-elle par ajouter, volontairement lacunaire.
Au fond, c'était vrai, et c'était bien sa préoccupation. On pouvait bien faire comme si la vie avait repris son cours, en attendant, l'homme qui avait assassiné son père, l'homme qui avait bien failli la tuer, elle... ce même homme à qui elle avait eu la faiblesse d'accorder sa confiance se laissait dévorer par une folie sourde et courait les rues de New York en toute impunité. Et si Peter ne devait pas parvenir à l'arrêter à temps, alors... Gwen avait tourné son regard vers la fenêtre, rivé à la circulation qu'elle avait en horreur, comme une échappatoire au regard pourtant bienveillant du chauffeur de taxi.
Elle me mentait ou plutôt, elle me cachait la vérité. Ce n’était pas réellement la même chose. De mon rétroviseur, je la vis détourner le regard et observer la circulation. Elle essayait sûrement d’échapper à ces souvenirs. Compréhensible. Cependant, elle ne voulait pas parler de son hypothèse. Trop absurde ? Non, si Gwen était venue à une telle conclusion, cela ne devait pas relever d’une simple théorie du complot. Quoique… A l’heure d’aujourd’hui, il y a tellement de choses invraisemblables qui se produisent que la vérité pouvait sembler improbable.
En vérité, cette discussion me permettait d’entrevoir un vrai début de piste. Car toute cette affaire avait un point obscur : pourquoi l’école ? Aucun intérêt économique. Peut-être la peur chez les parents et les ados ? Non, j’avais, ou plutôt un autre je, soupçonné un membre de l’établissement : un prof ou un élève qui aurait pété un câble. C’était une théorie intéressante, mais que je n’avais pas pu partager avec Gwen. Elle avait eu suffisamment de préoccupations que pour subir encore d’autres tourments.
Cependant, si Gwen disait que rien n’avançait officiellement, si elle refusait de m’en parler, c’était, peut-être, parce qu’on l’en empêchait. Peut-être même connaissait-elle l’attaquant. Beaucoup d’hypothèses, mais peu de preuves comme à chaque fois. Je voulais en rester là, mais je savais que je devais connaitre sa théorie pour le bien de la ville.
D’un ton doux, je lui dis : « Gwen, je sais que tu sais que je sais que tu sais quelque chose. »
Je m’arrêtais quelques instants grimaçant face à cette phrase.
« Je sais aussi que tu ne veux pas m’en parler et j’ignore pourquoi. »
Bon, c’est vrai, j’avais des pistes de raisons, mais je n’étais sûr de rien. Ce n’était pas un vrai mensonge du coup…
« Je connais quelqu’un. Un justicier détective. Ces méthodes sont assez brutales. Je suis pas spécialement pour, mais il sait y faire. Je sais que ça fait depuis un moment qu’il est sur différentes pistes pour l’Hobglobin et je crois que ce que tu as à dire peut l’intéresser. »
Je jetai un coup d’œil rapide vers la jeune femme. J’espérai qu’elle décline, mais j’espérai aussi qu’elle accepte. Situation frustrante dans tous les cas.
on, c'était définitif, Gwen était tout sauf une bonne menteuse... ou du moins, elle ne savait pas l'être avec son interlocuteur, qui avait sans doute recueilli beaucoup trop de ses confidences pour être dupe quand elle cherchait - maladroitement il est vrai - de se dérober à ses questions. Mentir par omission, elle ne pensait pas non plus être détestablement nulle dans l'exercice, sans quoi, sa mère et ses proches, tout ceux à qui elle ne disait pas tout, l'auraient percé à jour. Mais Jake, lui, avait l'objectivité de comprendre, et au fond, peut-être que, même inconsciemment, Gwen avait voulu qu'il comprenne. Quand elle se retrouvait à l'arrière de ce taxi, elle n'avait pas envie de se montrer malhonnête. Seulement, puisqu'il ne s'agissait pas que d'elle-même, elle ne pouvait pas agir à l'accoutumée. Ce qui n'empêchait pas le chauffeur de taxi, lui, par contre, de tirer ses propres conclusions de sa réponse.
Elle ne chercha pas à le contredire quand il observa qu'elle lui dissimulait quelque chose, une chose qu'elle savait et ne voulait dévoiler. Il avait vu juste. Serait-ce pour autant qu'elle lui apprendrait de quoi il retournait ? Rien n'était moins sûr, à vrai dire. Elle était... perdue, pas parce qu'elle n'avait pas confiance en son interlocuteur, mais parce qu'elle était perdue entre ce qu'il convenait de dire et ce qu'elle devrait s'abstenir de lui apprendre. Et encore plus quand Jake enchaîna, parlant du justicier détective qui traquait le hobgoblin. Au fond, elle se disait que plus ils seraient nombreux contre Harry, mieux ce serait, et c'étaient peut-être le genre d'informations qui profiteraient à Peter... mais justement, elle n'avait pas envie de saborder le travail de Peter à cause de ce détective dont elle ne savait rien.
-Je ne sais pas trop, répondit-elle en daignant lever les yeux vers le chauffeur de taxi, l'observant par rétroviseur interposé. C'est qui, ce justicier ?
Si il agissait à New York, il était possible qu'elle en ait déjà entendu parler, non ? Dans tous les cas, elle voulait se faire une idée du personnage. Tout en sachant très bien qu'elle ne devait pas fournir de réponse définitive à ce sujet sans consulter Peter auparavant. Il ne faudrait pas qu'elle compromette leurs plans dans la précipitation.