Une esquisse de sourire légèrement amer se dépose sur les lèvres de Liv quand Pietro lui fait remarquer - à plus que juste titre, que si elle avait vraiment tout son contrôle, il ne serait pas là, dans sa vie, avec elle. Et c'est tout à fait vrai, et c'est bien la preuve que ne pas tout contrôler n'est pas forcément chose si terrible que cela.

Une part d'elle songe à qui elle était autrefois et se dit que tout était alors plus simple, elle n'avait pas besoin de gérer ses émotions car elle n'en avait pas - ou du moins avait très bien su se convaincre du fait qu'elle n'en possédait pas. Ici, maintenant, c'est définitivement beaucoup plus compliqué. Elle ne voudrait pas revivre une vie de laquelle Pietro ne ferait pas partie, elle tient beaucoup trop à lui mais... il y a un mais... leur relation a tout chamboulé dans sa vie, et c'est parfaitement désoeuvrant. Elle ne pourra pas retrouver le plein contrôle de qui elle était. Elle ne peut pas présumer à l'avance de ce qui sera. Même ses visions se révèlent ne pas être aussi fiables qu'elle l'aurait voulu... Ce n'est pas grave en soi, non, mais c'est en revanche quelque chose de plutôt désarmant, elle doit bien le dire.

Oui, elle veut que tout soit parfait. Et en effet, c'est impossible. Pas uniquement parce que Pietro n'est pas parfait (chose qu'elle pourrait tout de même difficilement nier, pour le coup), mais parce qu'elle-même ne l'est pas, parfaite, loin de là, qu'aucune situation ne l'est, et que la perfection, au demeurant, n'existe pas. Elle court après un impossible, et elle doit apprendre à lâcher prise, tout simplement.

-Bien sûr que si, tu es parfait, dit-elle avec un léger sourire. Tu es parfait pour moi, ajouta-t-elle avant de déposer doucement ses lèvres sur les siennes. Et je suis parfaite pour toi.

C'était bateau, comme discours, pourtant, elle le pensait vraiment... Enfin, pour ce qui était du fait que Pietro serait parfait pour lui. L'inverse est faux. Liv sait qu'elle n'est pas parfaite, et elle ne croit certainement pas l'être pour Pietro non plus. Il y aurait définitivement gagné à se trouver une petite amie plus... facile, moins compliquée. Mais en même temps, et si personne ne le comprenait peut-être de l'extérieur, leur histoire faisait sens, vraiment... D'une certaine manière... Manière hyper-tordue s'il en est, mais vous avez compris, pas vrai ?

-Je n'ai jamais vraiment associé la perfection au bonheur, remarqua-t-elle doucement. En fait, je n'ai jamais vraiment associé quoi que ce soit au bonheur, ajouta-t-elle avec la plus grande des honnêtetés. Enfin... jusqu'à maintenant.

Et ça aussi, c'était étrange. Le bonheur dépendrait-il de l'imperfection, tout compte fait ?

Un large sourire s’afficha sur le visage de Pietro en réponse à celui de Liv quand cette dernière affirma qu’il était parfait, parfait pour elle. Vu comme cela il voulait bien reconnaître qu’on pouvait affirmer qu’il était parfait pour elle, comme elle était parfaite pour lui, une manière d’exprimer qu’ils s’étaient parfaitement bien trouvés tous les deux. Quand bien même individuellement, ils étaient loin d’être parfait mais au fond il n’y avait rien de parfait en ce bas monde. À quoi bon être parfait ? C’était dans l’imperfection qu’on pouvait parfois trouver les plus belles choses. Leur histoire n’était pas parfaite, s’ils avaient dû chercher la perfection ils ne seraient pas ensemble. Pietro ne serait quand même pas avec la femme qui l’avait littéralement tué, et Liv ne serait pas avec un électron instable comme lui qui avait le don de tout chambouler dans sa vie.

Ils étaient donc parfaits l’un pour l’autre, ça pouvait sembler clairement bateau, mais c’était pourtant le cas. Il n’y avait pas plus simple (et plus complexe en même temps) que ça, ils se correspondaient à merveille et leur imperfection rendait leur histoire parfaite. Même si rien ne pouvait réellement être parfait dans la vie. Une vie parfaite était tentante, Pietro ne pouvait pas nier que par moment il aimerait que certaine chose se passent d’une façon plus parfaite, mais… il fallait accepter que rien ne pouvait l’être et savoir rebondir en cas d’imperfection justement. Même si c’était difficile, même si les épreuves n’étaient pas faciles. Mais avec tout ce que le mutant avait déjà traversé dans la vie – il était quand même mort une fois, pour de vrai –, il ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’il s’en sortirait d’une manière ou d’une autre.

« Tu peux le dire tu sais ? Que le bonheur, c’est juste moi. » Plaisanta-t-il, malgré l’honnêteté dont faisait preuve Liv.

Mais c’était dans son habitude et elle devait sans doute être habitué aussi de son côté, c’était l’une de ces nombreuses imperfections, il avait tendance à être très souvent nonchalant. Cela dit, même s’il disait ça sur le ton de la plaisanterie, il le pensait quand même. C’était clairement présomptueux de sa part, mais il avait envie de croire qu’il était la source du bonheur de Liv, comme elle était la sienne aussi. Même si tout n’était pas rose tout le temps, ils étaient heureux ensemble.

« La perfection c’est beaucoup trop ennuyeux de toute façon. » Même si parfois, l’imperfection n’était pas forcément mieux, surtout quand les choses ne se passaient pas du tout comme on le voudrait. Comme maintenant, où ils se retrouvaient quand même dans une situation angoissante, ne sachant pas réellement comment les choses allaient se passer dans un futur très proches. « Je mets du piment dans ta vie, c’est ça qui correspond au bonheur. » Pietro afficha un large sourire mutin. « Du piment et du bordel aussi. »

Même s’il faisait attention par moment, il état clair qu’il détonnait quand même beaucoup de la « perfection » qu’était la vie rangée de Liv d’avant.

Liv se livrait petit à petit à celui qui partageait à présent sa vie. Il lui fallait du temps pour complètement se révéler à lui, pour se confier sur le fond de sa pensée, mais l'un dans l'autre, elle n'en était pas moins... Heureuse d'être à ses côtés... Elle était heureuse avec lui, parce que c'était lui, et même si les mots "Je t'aime" n'étaient pas simples à confesser pour elle, elle faisait cet effort, et petit à petit, elle voulait croire qu'elle y parviendrait, petit à petit, elle serait capable d'être complètement en phase avec ce qu'elle ressentait, elle qui s'était persuadée du fait qu'elle ne ressentirait jamais rien.

Cela demanderait du temps, bien sûr, un temps qui pourrait bien lui manquer cruellement, mais elle en était bel et bien capable, elle le savait, parce qu'elle n'était définitivement plus la même depuis qu'elle l'avait rencontré. De nombreuses choses avaient changé chez elle et en elle, lui prouvant chaque jour qui passait que sa place était à ses côtés, quoi qu'il puisse advenir et quoi qu'elle puisse en penser. Oui, le bonheur c'était juste lui... Mais inutile de le dire, il le savait déjà. Il retranscrivait toujours sa pensée avec exactitude... Ce qui au final l'arrangeait, car cela le retenait d'avoir à tout dire par elle-même.

-C'est rassurant, surtout.

La perfection. Le besoin de tout contrôler. Cela lui permettait vraiment de rester en pleine possession de ses moyens... Sachant que les perdre serait, à ses yeux, la pire chose qui pourrait bien lui arriver en ce bas monde. Bien sûr, c'était oublier toutes ces variables qu'elle n'avait jamais contrôlées, mais ça.

-Tu devrais envisager de la rechercher, parfois, ajouta-t-elle dans le seul but de le taquiner.

Non, elle ne voulait pas qu'il soit parfait, elle aimait le fait qu'il soit à ce point chaotique, au point même de ne pas savoir exactement où se situer la concernant, elle aimait l'idée qu'il soit dépassé par ses émotions, et qu'il l'oblige à épouser les siennes. L'ordre et le chaos, le désordre et la rigueur... Ils étaient le Yin et le Yang. Ensemble, ils parvenaient à atteindre une certaine forme d'équilibre, tout naturellement rassurant.

-Je n'ai rien contrer le piment, commenta-t-elle avec un léger sourire en coin. Le désordre, en revanche, pourrait être accessoire. Et je ne parle pas par métaphore, je parle des vêtements que tu laisses traîner absolument partout, commenta-t-elle d'un ton taquin.

Elle aimait l'idée qu'il se montre à ce point... exigeant vis-à-vis d'elle. Elle savait pertinemment qu'elle en avait le plus grand besoin, et à bien des égards... Mais en retour, elle affichait ses exigences propres.