Le dimanche est l’un de ces jours où tout devrait être tranquille. C’est un jour spécial pour la majorité de la population, un jour de repos, un jour durant lequel on peut se permettre de se promener en pyjama sans quitter son appartement, un jour durant lequel on peut se permettre de ne pas mettre de réveil et de dormir la moitié de la journée, un jour durant lequel on peut célébrer, ne rien faire de sa journée, ou bien s’occuper de choses dont on n’a pas le temps dans la semaine. Pour beaucoup, c’est le jour où l’on peut pleinement passer du temps avec ses enfants, rendre visite à papi et mami, promener le chien à Central Park, aller au cinéma en famille et faire toutes ces choses que font les gens lambda relativement heureux. Mais quand on a un métier qui exige que l’on travail 90 heures par semaine au lieu de 35, le dimanche n’est jamais un jour de repos. J’ai passé la majorité de mes dimanches à étudier, à être de garde, à sauver des vies. Mais depuis quelques années, depuis que je possède le statut de chef de bloc opératoire et non plus de simple assistante en chirurgie, je peux me permettre de poser mes dimanches matins, même si je serais la première à débarquer si une urgence se présente et qu’on me rappelle. Oui, je suis l’une de ces personnes pour lesquelles son travail c’est sa vie, il n’y a pas de séparation possible.
Et j’ai actuellement rendez-vous pour un brunch avec une autre personne qui fonctionne aussi de cette manière-là. Mes brunchs du dimanche matin avec Pepper sont l’un de mes moments favoris de la semaine, en partie parce que c’est l’une des rares choses constantes de ma vie et que c’est sympa d’avoir un peu de régularité, de certitude, en partie parce que je ressemble beaucoup à la jeune femme et que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous nous entendons si bien. Nous nous comprenons, tout simplement et dans ce monde de brut, deux femmes avec des hauts statuts qui s’entendent aussi bien c’est rare.
Le restaurant slash café dans lequel nous nous retrouvons n’est pas l’un des plus influents de New York, mais c’est tant mieux. J’aime les gens, je suis une personne particulièrement sociale, mais ces moments de brunch, je préfère les passer avec Pepper seulement, un instant entre filles comme dirait mon ex. Et c’est aussi plus pratique pour elle de se retrouver dans un endroit moins connu pour lui éviter les médias, elle a suffisamment à faire avec Stark Industries pour devoir subir des paparazzis un dimanche matin. Une fois sur place, comme je ne vois Pepper nulle part, je passe dire bonjour au patron que je connais bien avant de prendre place à notre table favorite, emplacement qui nous est réservé tous les dimanches matins. C’est l’un des avantages d’avoir sauvé la vie du patron quand il a fait un infarctus quelques années plus tôt. Le café et le thé est déjà servi, le couvert étant immaculé, comme d’habitude. Un panier de croissants beurrés encore chauds est aussi présent au centre de la table et je souris. Rajoute le service impeccable aux raisons pourquoi j’adore cet endroit. Déposant mon manteau sur le dossier de ma chaise, je m’installe en attendant Pepper.
Ça n’arrêtait jamais, ou presque. Pepper n’avait pas le sentiment de pouvoir réellement se reposer à un moment ou à un autre, alors que… eh bien, c’était quand même quelque chose qu’elle avait envie. Ce n’était pas pour rien qu’elle avait engagé une assistante… l’assistante de l’assistante de la direction, afin d’avoir un poids en moins sur ses épaules. Mais en même temps, le poids était tellement conséquent que même avec de l’aide, la jeune femme ne pouvait pas faire autrement que l’éprouver encore. En même temps, Stark ne faisait pas grand-chose de son côté et Pepper ne pouvait pas nier que son augmentation dans sa vie de super-héros (parce qu’elle avait réussi à récupérer l’information qu’il travaillait donc dans un groupe, nommé Avengers, pour le SHIELD) l’aidait à se concentrer sur son entreprise. Mais bon, en un sens, Pepper ne pouvait pas nier qu’elle aimait ça. Sinon elle aurait déjà tout arrêté.
Elle aimait la vie qu’elle avait et elle s’ennuierait bien trop si elle n’avait pas autant de masse de travail. Qu’est-ce qu’elle pourrait bien faire un dimanche si elle n’avait pas de travail ? Elle passerait son temps à « glander » chez elle ? À sortir ? Pas dit… elle se contenterait simplement de s’ennuyer. Alors oui, Pepper décidait de prendre ça d’une manière plus positif. Même si par moment, elle ne pouvait pas nier qu’elle se sentait quand même sacrément fatiguée.
Par chance, le dimanche matin, Pepper prenait le temps de se ressourcer un peu en bonne compagnie. C’était un rituel qu’elle et Christine avaient mis en place il y a quelques temps déjà. Elle ne savait plus exactement comment ça avait commencé. C’était une fois, elles avaient eu envie de se voir et elles s’étaient vu comme ça pour le brunch du dimanche matin et depuis c’était devenue un rituel et elles se voyaient tous les dimanches matin (ou presque, puisque malheureusement parfois leurs travails respectifs les occupaient un peu trop). Ça faisait du bien à Pepper, elle aimait bien cette petite pause qu’elle prenait dans son emploi du temps, ce moment qu’elle s’accordait pour elle et pour son amie. Christine était sa meilleure amie en fait, c’était aussi simple que ça. Mais comme bien souvent, c’était un peu la course et la jeune femme arriva un peu en retard dans leur restaurant habituel, parce qu’elle avait dû gérer quelques coups de fils sur la route. Mais elle était bien arrivée, Christine déjà installée sur leur habituelle.
« Salut ! » Dit-elle en s’approchant d’elle, avant de venir embrasser ses joues pour la saluer. « Désolée, je suis en retard, c’est encore la course ce matin. » S’excusa-t-elle avant d’enlever sa veste et de s’installer sur la chaise, observant avec appétit ce qui se trouvait sur la table. Elles étaient quand même vraiment chouchoutées par le patron du restaurant, c’était l’avantage d’être des habituées et d’être amie avec un chirurgien de renommé. « Tu vas bien ? » Demanda-t-elle alors, pour bien commencer les choses.
Malgré le fait que je suis arrivée la première, Pepper ne met pas beaucoup de temps à arriver à son tour et je souris lorsqu’elle entre dans le restaurant. « Hey ! » je lance joyeusement et retourne ses salutations. « Oh, ce n’est rien, ne t'inquiète pas, je viens à peine de m’installer. » Je prends mon téléphone de la table, fronce momentanément les sourcils en voyant un nouvel message de Stephen. Nous sommes en froid depuis un moment, surtout depuis qu’il m’a sorti le coup de je ne sais quelle force surnaturelle, de pouvoirs hors du commun et de tout son mojo magique qui défit tout ce que je sais sur la science. J’ignore son message, si c’est important il appellera, puis je glisse mon téléphone dans mon sac pour ne pas entendre les vibrations. Si je suis rappelée à l’hôpital, j’entendrais la sonnerie de toute manière, mais à moins qu’une bombe n’explose dans Brooklyn, je devrais être tranquille pour cette matinée, ainsi qu’une partie de l’après-midi.
Je me sers une tasse de café et un croissant avant de répondre à la question de Pepper. « Ça va, oui. » Je souris. « Je suis juste fatiguée en ce moment, mais ça a toujours été comme ça. » J’en ris. « Mais j’y suis habituée, depuis le temps et maintenant que je bascule sur plusieurs hôpitaux, j’ai nettement plus de responsabilités en tant que chef de bloc. Mais tu le sais bien que je ne changerais rien. » Je bois une gorgée de mon café avant d’ajouter un peu de lait. « Et toi alors ? Tu croules toujours sous le boulot à cause de Stark ? » La façon… particulière de Tony Stark de gérer son entreprise, en refilant tout à Pepper, ne m’est pas inconnue après tout. J’imagine aussi que son retard peut être expliqué par une énième réunion ou un énième dossier à finir que son patron a laissé trainer ou quelque chose dans le genre. Mais après tout, je n’ai que le point de vue de Pepper, vu que je n’ai jamais rencontré Stark en personne. Je ne le vois que dans les médias et encore, j’ai une tendance féroce de ne pas forcément croire tout ce qui est dit à la télévision ou dans les journaux, sauf pour tout ce qui touche aux attentats et autres, car en général, j’ai la preuve sur le terrain lorsque toutes ces victimes débarquent soudain dans mon bloc.
En attendant que Pepper réponde, je m’occupe de mon croissant, appréciant la viennoiserie à sa juste valeur. Je n’ai pas souvent l’occasion de profiter de ce genre de petits plaisirs, le brunch du dimanche matin est d’ailleurs le seul moment où je me le permets. Car presque toujours, je n’ai pas le temps de me préparer quelque chose ou même d’aller faire les courses. La cafétéria est devenue ma deuxième cuisine entre guillemets, puisque j’en suis arrivée à appeler les membres du staff par leurs prénoms et ils savent de quelle façon je prends mon café et le préparent à chaque fois en avance lors de mes gardes. C’est particulièrement agréable d’avoir une tasse de café bien chaude qui vous attend à quatre heures du matin au lieu de devoir se battre avec la machine à café et pour quelque chose qui n’a vraiment pas de goût en plus.
Pepper afficha un nouveau sourire quand son amie affirma qu’elle venait à peine de s’installer. Elle n’avait aucune raison de ne pas la croire, évidemment, mais elle se disait quand même que Christine pourrait très bien affirmer ça simplement pour qu’elle ne culpabiliserait pas. Ce qui ne marcherait pas vraiment en fait... la jeune femme n’y pouvait rien, elle détestait le retard. Et pourtant, quand il était question de sa vie personnelle, elle avait quand même beaucoup de mal à être ponctuel. En un sens, c’était une bonne chose qu’elle ne soit pas en couple, sinon elle serait constamment obligée de se justifier, de s’excuser, pour ses retards à répétition (alors qu’elle ne l’était pas quand il était question de sa vie professionnelle, parce qu’elle était justement bien trop professionnelle pour ça). A moins qu’elle partage sa vie avec quelqu’un la comprenant... mais elle ne devait pas penser à ce genre de chose.
La jeune femme s’installa en tout cas, ne manquant pas de se servir une tasse de café également. Elle allait en avoir grandement besoin quand même. A force, Pepper était quand même devenue sacrément droguée au café. Mais bon, il fallait bien ça pour tenir. Christine l’informa qu’»elle allait bien, qu’elle était simplement fatiguée en ce moment. Mais effectivement, c’était un peu toujours le cas. Pepper et elle ne pouvaient pas réellement se permettre d’être si fatiguée que cela dans leurs travailles respectifs, elles devaient être à la hauteur, elles devaient être fortes (et le fait qu’elles évoluent un peu dans un travail d’homme ne devait pas être si innocent que ça). Mais le dimanche matin, elles pouvaient se permettre d’affirmer qu’elles étaient fatiguée.
« Je sais que tu en fais trop, mais qui suis-je pour te le reprocher ? » Affirma-t-elle dans un sourire, avant de boire du café à son tour, tout en se régalant des viennoiseries déjà prêtes sur la table.
Elle ne pouvait pas le lui reprocher en effet. Elle ne voyait pas pourquoi elle dirait à son amie de lever un peu le pied, alors que de son côté, elle était tout bonnement incapable de le faire. D’ailleurs, Christine ne manqua pas de lui en parler.
« Toujours, je ne manque pas de travail. » Ça c’était évident. « En même temps, avec Monsieur Stark qui voue un peu (beaucoup en réalité, mais Pepper avait l’habitude de minimiser les choses) son temps à la bonne cause, à sauver le monde... je ne risque pas de manquer de travail. » Et en un sens elle aimait ça, sinon elle aurait claqué la porte depuis longtemps. Ou pas. Un autre patron ne lui ferait pas faire tout ça sans doute. « Mais j’ai engagé une assistante maintenant. C’est l’assistante de l’assistante. » Ajouta-t-elle dans un petit rire, avant de porter de nouveau sa tasse à ses lèvres.
Je pars d’un petit rire lorsque Pepper m’avoue désapprouver mon obsession avec mon travail. Et elle a raison, je pourrais lui dire la même chose. C’est assez drôle quand on y pense, nous travaillons dans des domaines complètement différents et pourtant, parfois, j’ai l’impression que personne d’autre au monde ne me comprend mieux qu’elle. Certes, nous avons des métiers différents et nos horaires ne sont pas les mêmes, mais nous avons toutes les deux de grandes responsabilités et surtout, des personnalités similaires. Que ce soit l’une ou l’autre, nous n’hésiterions pas à passer la nuit à travailler s’il le faut, à courir derrière des patients ou des dossiers, à effectuer de longues réunions ou opérations des heures durant et à se réfugier le temps de quelques minutes derrière une tasse de café bien chaude. Oui, nous sommes très semblables, Pepper et moi. C’est peut-être pour cela que nous nous entendons si bien, car nous arrivons à nous comprendre. Et aucune ne juge l’autre, car elle fait pareil.
Pendant que mon croissant disparaît morceau par morceau, avalé avec un peu trop de vigueur (mais que voulez-vous, le travail donne faim et après toutes ces années d’expériences en bloc opératoire, je ne suis plus dégoutée par un peu de sang ou des boyaux), j’écoute Pepper avec attention. Et je souris, car malgré la charge de travail toujours plus importante, Pepper aime profondément ce qu’elle fait. Cela se sent dans chacun de ses mots, dans la moindre intonation de voix. « Ah oui ? Et comment cela se passe avec cette assistante d’assistante ? » Je ne peux m’empêcher de laisser échapper un petit rire. « Tu arrives malgré tout à déléguer certaines choses ? » Car je connais bien le côté perfectionniste de Pepper. Après tout, si tu veux que quelque chose soit bien fait, fait-le toi-même. « Est-ce que cela signifie que nous pourrons prendre un brunch plus souvent ? »
Peut-être pas en fait, car même si sa charge de travail diminue, la mienne n’a pas bougée. Donc nous en sommes au point de départ, mais bon, ce n’est pas comme si j’avais à me plaindre. Je suis déjà contente de pouvoir trouver le temps de voir Pepper malgré nos vies respectivement chaotiques, c’est déjà bien. J’entends encore quelques vibrations en provenance de mon téléphone, mais après quelques minutes, cela se calme et je n’entends plus rien. On dirait que Stephen a finalement décidé de me foutre la paix.
Ce n’est pas que je ne veux pas lui parler, j’exige juste des explications. On ne se pointe tout simplement pas dans mon hôpital avec une plaie ouverte sur la poitrine, saignant sur ma table et mourant même, puisque son cœur a bel et bien arrêté de battre pendant un moment, à me parler de voodoo et à faire des choses paranormales que je ne peux commencer à comprendre tellement cela me semble improbable, pour ensuite s’en aller comme si de rien n’était. Aucune explication, rien. Cela aurait été sympa d’avoir ne serait-ce qu’un coup de fil, savoir où il a disparut tous ces mois. Car oui, même si nous ne sommes plus ensemble, je m’inquiète toujours.
Pepper pouvait concevoir que Christine soit étonnée de découvrir qu’elle avait engagé une assistante, pour l’assistante. Parce qu’on ne pouvait pas dire que c’était quelque chose que l’assistante de direction avait eu envie de faire, avant que ça soit indispensable et elle n’en avait pas plus parlé que ça à son amie. En même temps, Pepper s’était résolue à cette solution parce qu’elle n’avait pas réellement d’autres choix. Avec la masse de travail qu’elle avait, on ne pouvait pas dire qu’elle s’en sortait si bien que cela. Bon, elle faisait de son mieux et il lui semblait que Monsieur Stark n’était pas insatisfait de son travail, mais par moment… elle avait juste envie de lever un peu le pied en effet. Elle adorait son travail (comme elle adorait sans doute un peu trop son patron), mais elle avait besoin de respirer par moment. De se rendre à des brunchs comme en cet instant précis sans trop culpabiliser. Pepper afficha un sourire d’ailleurs quand la médecin lui demanda si elles allaient pouvoir en faire plus souvent. Malheureusement, elle ne pensait pas que ça allait être possible. Non pas qu’elle ne le veuille pas, mais Christine était dans tous les cas toujours autant occupé et on ne pouvait pas dire qu’elle l’était réellement moins.
« Ce n’est pas évident de déléguer, mais je n’ai pas vraiment le choix de toute façon. » Ce n’était pas juste qu’elle avait envie d’avoir que du temps pour elle en plus, c’était que même en travaillant avec autant d’acharnement qu’elle le faisait, elle ne parvenait pas à tout gérer toute seule. Ça irait, si Tony prenait la peine de s’occuper un peu plus des affaires de son entreprise, au lieu de penser constamment à son nouveau rôle d’Iron Man (même si Pepper appréciait qu’il se consacre à quelque chose, qu’il ait changé et qu’il voit le monde différemment), mais l’homme n’était pas si disponible que cela malheureusement. « Et ça se passe bien, elle fait du très bon travail. J’espère juste qu’elle ne fait pas un meilleur que moi. » Affirma-t-elle alors en plaisantant bien évidemment. Quand bien même, elle n’avait pas spécialement envie que la jeune femme lui prenne sa place. « On va déjà essayer de maintenir nos brunchs et si on peut en faire plus… pourquoi pas ? »
Sauf que ce n’était donc pas que la concernant cette histoire de brunch, Christine aussi était énormément occupée. La preuve, son téléphone n’arrêtait pas de vibrer depuis le début de leurs petits déjeuners. Pepper ne savait pas si c’était le travail, ou quelque chose d’autre. Elle n’avait pas encore décidé d’emmener le sujet sur la table, mais forcément, elle était quand même un peu curieuse.
« Tu sais… je ne t’en voudrais pas si tu réponds à ton téléphone. »
Pendant que je mélange le sucre à mon café en essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger le discours de Pepper, je l’écoute avec attention. Car Pepper est l’une de mes amies les plus proches, si ce n’est la plus proche. Soyons honnêtes, je n’ai plus aucun contact avec mes anciens potes de médecine, ni ceux de mes stages et même si je n’ai pas beaucoup changés d’hôpitaux durant les années, eux l’ont fait. De plus, je n’ai pas pour habitude de sortir le soir avec mes collègues. Je le pourrais et plus d’une fois on me l’a proposé, mais, si ce n’est pas la différence d’âge qui est trop importante (car je ne me sens carrément pas d’aller en boîte de nuit avec les jeunes psychologues de moins de trente ans), c’est cette espèce de mélancolie. Peut-être que je me fais tout simplement vieille ou peut-être que je n’ai plus l’énergie pour ces choses, que ma définition de fun n’est plus la même que dix ans auparavant.
Je souris lorsque j’en apprends plus sur la nouvelle assistante de Pepper. J’imagine bien à quel point cela a du être difficile rien que d’admettre qu’elle ne peut pas se débrouiller toute seule avec Stark Industries. Mais je connais aussi son patron (bien que ce ne soit que de loin) et du peu que j’ai pu voir de Stark, il doit être très difficile à canaliser. « Faire ton travail mieux que toi ? Tu te fous de moi là ? » Je ne peux m’empêcher de rire et je coupe un croissant en deux pour le beurrer avant de m’expliquer. « Tu es la meilleure dans ce que tu fais, Pepper. Et n’oublie pas, même si elle est douée –et ça m’étonnerait clairement qu’elle soit plus douée que toi- c’est toi qui possède l’expérience. Et même si elle aussi a de l’expérience, tu en as beaucoup plus avec Stark et l’entreprise. Personne, même Stark, ne connaît l’entreprise aussi bien que toi. Tu es irremplaçable et je ne dis pas ça pour te donner la grosse tête, mais c’est la vérité : sans toi, Stark Industries fonce vers la ruine. »
« Ce serait avec plaisir. À voir avec mon propre planning, mais les choses ne devraient pas trop changer, j’ai une position stable à l’hôpital malgré mes consultations dans d’autres hôpitaux du coin. Mais je ne dirais pas non à quelques brunchs de plus » j’ajoute avec un sourire et un clin d’œil avant de proprement dévorer une première moitié de mon croissant beurré.
Je me retiens de justesse de lever les yeux au ciel quand Pepper mentionne mon téléphone, me faisant presque regretter de l’avoir emmené. Un coup d’œil rapide vers l’appareil enfoncé dans mon sac me fait pourtant hésiter un instant. « C’est probablement rien d’important, juste Stephen qui cherche à me faire chier. » Ma phrase est sortie un peu brutalement, mais les derniers évènements et surtout notre dernière rencontre m’est restée en travers de la gorge. Ou plutôt, l’absence d’explications. « Je regarde juste si ce n’est pas l’hôpital… » Rapidement, je m’empare de mon téléphone, regarde qui m’a envoyé les messages et le repose quelques secondes plus tard. « C’est ce que je pensais, rien de l’hôpital, juste Stephen… »
Pepper ne put s’empêcher d’afficher un grand sourire quand Christine répondit qu’elle devait se foutre d’elle en mentionnant le fait que cette assistante puisse faire un meilleur travail qu’elle. Quand elle reprit la parole, ne se retenant pas d’expliquer plus encore ses propos, l’assistante de Stark n’avait vraiment aucune envie de la contredire. Même si sa modestie légendaire ne pouvait que la pousser à le faire quand même un peu. Mais en même temps, elle était aussi réaliste et elle savait bien qu’elle était la personne qui connaissait le mieux le dirigeant de Stark Industrie et son entreprise. Elle connaissait même sans doute mieux Tony que Tony lui même. Il n’y avait pas que l’entreprise qui ne s’en sortirait pas vraiment sans elle, il y avait surtout Tony. Si elle ne passait pas son temps à lui rappeler tout ce dont il devait se rappeler, il y avait de forte chance que sa situation soit bien plus complexe. À moins que Virginia ne cherche seulement à se convaincre qu’elle avait de l’importance dans la vie de l’homme.
Enfin, ce n’était de toute façon pas vraiment le sujet. Pepper se contenta d’adresser un sourire sincère à son amie, légèrement émue par ses propos, et de la remercier. Que pouvait-elle faire d’autre de toute façon ? En tout cas, c’était bien la preuve que Pepper avait besoin de Christine, ce qu’elle ne doutait pas réellement en fait. Cela dit, elle se rendait bien compte que son amie était vraiment importante, qu’elle tenait à elle énormément et qu’elles se soutenaient. C’était rare, leur amitié était vraiment puissante.
« Et je ne dirais pas non, non plus. » Ajouta-t-elle dans un sourire. Elle n’avait évidemment pas l’intention de dire non à des brunchs supplémentaires, bien au contraire. L’important c’était qu’elles arrivent à se voir aussi régulièrement et si elles parvenaient à se voir encore plus, alors c’était tout bénéfique.
Même si Pepper sentait bien que son amie n’était pas entièrement avec elle, ou du moins qu’elle était quand même un peu préoccupée par son téléphone. Ce qu’elle comprenait. Si son téléphone sonnait, Pepper serait bien incapable de s’empêcher de vérifier si ce n’était pas important et/ou si ce n’était pas tout simplement Tony. Pepper observa Christine regarder son téléphone, quand même, au cas où que ça ne soit pas l’hôpital. Ça n’était pas eux, juste Stephen.
« Juste Stephen ? » Répéta Pepper, ne pouvant pas s’empêcher de tiquer légèrement sur les propos de son amie. Elle savait bien que avec Stephen, ce n’était pas toujours évident, mais quand même, Pepper avait le sentiment qu’il y avait plus que ça encore. « Qu’est-ce qu’il se passe ? »
Je savais qu’en mentionnant Stephen, la conversation allait prendre une tournure embarrassante, c’est pourquoi je ne suis pas étonnée quand la question fatidique fini par tomber. Qu’est-ce qui se passe ? Bonne question. « Je me le demande tous les jours » je soupire, prenant une gorgée de café, mon regard s’étant perdu dans un point quelque part devant moi avant que je ne me rende compte que c’est très confus ce que je viens de dire et que je me dois d’élaborer. Puis, c’est Pepper que j’ai en face de moi, pas un simple collègue, je sais que je peux tout lui dire et qu’elle-même a son lot de problèmes avec un certain patron milliardaire, donc niveau complexité dans les relations, elle connaît.
« Tu sais que Stephen et moi c’est toujours du on et off. Un jour j’ai envie de l’embrasser, le lendemain je veux l’étrangler. Il a l’art de pousser tous mes boutons et de me faire sortir de mes gongs avec un simple phrase et son foutu ton condescendant. » Je prends une profonde respiration, il est inutile de laisser ma frustration prendre le dessus. « C’est fini entre nous depuis un moment, mais, je ne sais pas, parfois nous avons des moments de flirt où c’est presque comme avant. Sauf que récemment, il lui est arrivé quelque chose. Tu sais qu’il a eu cet accident et que ça a ruiné sa carrière… J’étais là pour lui et il m’a envoyée balader. » Bon, cette histoire remonte à de nombreux mois, peut-être même un an déjà.
« En tout cas, depuis ce moment-là, il est étrange, il avait quitté les États-Unis pendant des mois et en soit, si c’était juste ça, j’en m’en serais foutue. Il fait bien ce qu’il veut, nous ne sommes plus ensemble. Mais il a débarqué à l’hôpital l’autre jour, il avait besoin de mon aide. Et depuis, je sais qu’il me cache des choses. Il n’a jamais été très ouvert, même quand nous étions ensemble, mais je ne sais pas, je sens qu’il me cache quelque chose d’important. Il a changé. Et il m’écrit tous les quelques jours pour qu’on se voit, soit disant qu’il veut m’expliquer. »
Un temps de silence accompagne ma déclaration et je me surprends à reprendre ma respiration après cette longue tirade. Visiblement, j’avais besoin de dire ce qui me pèse sur le cœur. Je repose alors ma tasse de café, regardant Pepper droit dans les yeux. « Je ne sais pas quoi faire. » Il est rare que j’avoue être aussi perdue, moi qui gère le service opératoire de l’un des plus grands hôpitaux de la région et qui est sûre d’elle en permanence. Mais je sais qu’avec Pepper, je peux me le permettre.
Pepper comprend bien qu’il y avait quelque chose, même si elle ne savait pas quoi. Elle ne connaissait pas tous les détails de la relation de Christine avec Stephen, mais elle savait bien qu’elle n’était pas toujours de tout repos. Ils avaient été ensemble, ils ne l’étaient plus maintenant, mais ça semblait quand même être plus complexe que cela. Comme s’ils se cherchaient encore, comme s’ils flirtaient encore. Pepper écouta attentivement les propos de son amie, tentant de comprendre ce qu’elle ressentait et de se mettre à sa place. Quand bien même, la jeune femme avait bien conscience qu’elle ne pouvait pas se mettre à la place de son amie, mais elle pouvait tenter de comprendre quand même la situation.
En tout cas, Christine continua, revenant sur le fait que Stephen avait eu un accident – ce que Pepper avait appris en effet –, mais que depuis il était étrange. Un voyage à l’étranger et un retour visiblement bizarre, qui donnait le sentiment au docteur qu’il lui cachait quelque chose. Pepper ne pouvait encore une fois pas se mettre à la place de son amie, mais elle comprenait son désarroi et le fait qu’elle se pose des questions, qu’elle ne sache pas réellement ce qu’elle devait faire.
Pepper ne répondit pas tout de suite à son amie, ne sachant pas exactement quoi lui répondre. Du moins, elle prenait le temps de réfléchir à tout ce que Christine venait de lui dire, pour ne pas répondre de travers. La jeune femme était une personne réfléchie après tout, elle prenait quand même bien plus souvent le temps de réfléchir avant d’agir. Contrairement à Tony d’ailleurs, qui fonçait tête baissée à longueur de temps.
« S’il te cache quelque chose, tu ne vas pas arrêter d’y penser, je te connais. » Ça allait la tracasser, elle allait se poser des questions, ruminer même peut-être. Elle savait bien que Christine ne pouvait pas juste se contenter de tourner la page, ce n’était pas son genre. C’était pour cela qu’elle était si fortement impliqué dans son travail et d’ailleurs, les deux amies se retrouvaient dans ce point. « Tu devrais lui parler, écouter ce qu’il a à te dire. On ne sait jamais. »
Peut-être que Stephen aurait une bonne explication. Ça n’allait peut-être pas être le cas, mais au moins Christine n’aurait pas de regret. Enfin, Pepper disait cela en étant extérieur à la situation, elle savait bien que c’était bien plus difficile de prendre des décisions quand on était au cœur de tout ça. Il suffisait de voir à quel point elle était incapable de s’en sortir avec son patron, alors que tout le monde lui disait qu’elle devrait prendre le taureau par les cornes.