Ce n’est pas tous les jours que je décide de rester plus longtemps au boulot une fois que le travail est fait. Je suis quelqu’un qui tient relativement beaucoup à sa vie privée, aussi maigre soit-elle et je suis pleine de secrets. Secrets que je cache à mes camarades, à mes collègues, même à Fury et à ma propre mémoire. Je ne saurais jamais tout ce qu’il y a à savoir sur ma personne, j’ai subit beaucoup trop de lavages de cerveau pour pouvoir un jour être entière. Mais cela ne veut pas dire que ça doit m’empêcher de contrôler ma vie et ce qu’il m’en reste aujourd’hui. Pourtant, si j’ai l’occasion d’en apprendre plus sur moi-même, je le ferrai, ne serait-ce que pour reprendre un peu de contrôle. Et il y a une personne au SHIELD qui semble en connaître un peu plus sur moi que ce que je sais actuellement. C’est donc à cette personne que j’ai donné rendez-vous à la sortie du SHIELD. Adossée contre ma Corvette Chevrolet Stingray Black, j’attends Vision. Je ne l’ai rencontré qu’il y a peu et pourtant, je sais qu’il sait des choses que je ne sais pas. Dire que cela me perturbe serait une bien mince vérité. Cela me frustre et cela m’intrigue en même temps se rapproche déjà un peu plus de ce que je ressens. Surtout que maintenant que nous sommes tous les deux membres des Avengers, nous nous voyons plus souvent. Et j’ai des questions à lui poser depuis la fois où il a laissé échapper quelque chose. Un petit détail subtil qui laissait sous-entendre qu’il me connaissait alors que moi-même je ne me souvenais pas. Les conséquences d’un autre lavage de cerveau peut-être, pourtant Fury m’a assuré que jamais pendant aucune mission je n’avais rencontré le synthézoïde.
Je l’ai donc invité à boire un verre avec moi. Et j’accepterai parfaitement s’il ne veut pas boire, du moins, moi je compte le faire. Car si mes soupçons s’avèrent exactes, je risque d’avoir besoin d’une solide dose d’alcool pour absorber ce qu’il va me dire. Si tant est qu’il veuille bien me parler aussi, ce n’est pas sûr et je sais que je peux me montrer imposante voir effrayante. Même si Vision semble n’avoir que des sentiments neutres voir positifs envers moi. Comme si nous étions amis alors que nous nous connaissons à peine. Alors j’attends donc, adossée contre la portière fermée de ma Corvette, lunettes de soleil sur le nez, ma veste de cuir masquant mes vêtements salis par mes blessures récentes. Je suis rentrée d’une mission ce matin même avec trois côtes cassées et une épaisse coupure au niveau des hanches, non pas que ce soit la première. Et autant que je change les bandages dès qu’il le faut, autant le sang fini toujours par tacher. D’où l’état malheureusement non impeccable de ma tenue, mais en soit, aussi irrespectueux que ça puisse être de penser ça, ce n’est pas le Président que je rencontre ce soir. Et même pour le Président je ne sais pas si je ferai énormément d’efforts vu comment je me fous royalement de la politique… Replaçant mes lunettes sur mon nez en grimaçant légèrement quand mes doigts effleurent le bleu sur ma tempe, caché sous une épaisse couche de fond de teint, j’observe l’horizon en plissant les yeux, m’attendant à voir Vision débarquer d’un instant à l’autre. Sauf s’il a décidé de me poser un lapin…
Ses débuts dans les nouveaux Avengers n’étaient pas forcément des plus évident. Entre ceux qu’il avait connu mais qui ne le connaissaient plus et ceux qu’il ne connaissait pas, Vision avait un peu de mal à trouver ses marques. Il avait un peu la nostalgie de son ancienne équipe, il devait bien se l’avouer mais ce n’était pas pour autant qu’il n’était pas déterminé à s’intégrer dans ce nouveau groupe.
La complication principale venait en vérité de ceux qu’il avait connu par le passé. Tony était au courant de sa situation mais Vision ignorait ce que les autres en savait exactement et il n’avait pas encore eu l’occasion d’en parler avec eux. Il fallait dire que débuter une conversation par « on a combattu ensemble durant deux bonnes décennies mais tu ne t’en souviens pas parce que cela ne s’est pas encore produit » n’était pas vraiment une approche des plus efficace. A plus forte raison que le futur qu’il avait connu n’existait plus. Les Avengers actuels en était la plus flagrante des preuves. C’était une bonne chose vue que c’était justement la raison même de son retour dans le passé mais même pour lui, qui avait pourtant un esprit analogique bien plus développé, la situation était déstabilisante.
Il avait donc tenté de se rapprocher en douceur de ses anciens acolytes, dont de Natalia qu’il avait toujours beaucoup appréciée. Il était réellement heureux de retrouver la jeune femme mais être traité en inconnu par des personnes qui avait été ses amis était difficile à gérer. Ainsi, il avait été à la fois ravi et étonné quand l’espionne lui avait proposer d’aller boire un verre. Dans le sens figuré dans son cas étant donné qu’il n’était pas en mesure d’ingurgiter quoi que ce soit mais il avait tout de même accepté son offre.
Ainsi, après son entrainement, il avait enfilé des vêtements civils avant de quitter le bâtiment. Il s’était habitué au fait de porter des vêtements et cela l’avait aidé par le passé à se normaliser aux yeux des autres même si son apparence le trahissait toujours. Lui-même se sentait plus « normal » ainsi. Du coup, il avait repris immédiatement cette habitude.
En approchant de la corvette, sa vision artificielle décela très vite les blessures de sa coéquipière, même si cette dernière s’était appliqué à les cacher. Cela ne le choquait pas, il avait toujours connu Natalia ainsi. Alors, il se contentait de lui adresser un petit sourire amical en arrivant à sa hauteur.
Mission difficile ?, lui demanda-t-il tout simplement. Elle était une dure à cuir, pas du genre à se plaindre et encore moins à aimer se faire plaindre, du moins selon ses souvenirs d’elle.
Vision finit par apparaître et je souris lorsqu’il arrive. Ses vêtements de civils lui vont bien, même s’il est toujours reconnaissable à cause de son apparence physique. Ce qui en soi, n’est pas du tout sa faute. Qu’il ait la peau bleu, verte ou rose, je m’en contrefiche puisqu’il a un bon caractère et qu’il fait bien son boulot. C’est tout ce que j’ai besoin de savoir. Ce qui est primordial dans une équipe comme la notre, il faut bien connaître ses camarades. Je n’arrive d’ailleurs toujours pas à croire quelle magnifique bande de bras cassés nous formons. La première réunion durant laquelle tout avait été révélé ne s’est pas exactement bien terminée, du moins d’après mes standards et j’anticipe un peu tout de même nos futures collaborations. Mais Vision a du rester professionnel durant les dernières semaines, donc je n’ai pas de soucis à me faire de ce côté-là.
Sa question me fait d’ailleurs sourire et hausser les épaules en même temps. « J’ai déjà vu bien pire, mais j’ai aussi vu mieux. Les choses se sont un peu compliquées, mais ce ne sont pas trois côtes cassées qui vont me tuer. » Si seulement il savait le nombre d’os que j’ai déjà cassés dans ma vie… « Et sinon toi ça va ? Les missions ne sont pas trop ennuyantes ? » Car de ce que j’ai compris, il en a déjà vu de l’action, dans cette réalité ou dans une autre. C’est assez… ambiguë et c’est pourquoi je voudrais lui en parler ce soir, c’est l’une des raisons pour lesquelles je l’ai invité à aller boire un verre. Ça et j’aime bien sa compagnie aussi, puisqu’on se ressemble quand même pas mal, mine de rien. Enfin, en matière de caractère. « Si tu es prêt, on peut y aller. Les voitures ne te dérangent pas ? » Il pourrait ne pas vouloir monter, lui qui peut traverser les murs. Je comprends tout à fait si un voyage en voiture ne l’enchante pas plus que ça et s’il préfère qu’on utilise un autre moyen de transport. On devrait bien trouver autre chose, c’est pas la mort non plus, sinon on marchera.
Et pendant qu’il réfléchit, je grimace, la douleur de mes blessures se faisant de nouveau sentir. J’aurai pu annuler en voyant l’état misérable dans lequel je me trouve, mais j’ai déjà fait des choses plus délicates qu’une simple soirée entre potes avec des blessures plus graves que ça. J’ouvre donc ma veste pour en sortir une flasque gravée de l’aigle bucéphale de l’URSS, compliments du SHIELD après ma première mission. Coulson me connaît si bien, même si j’ai failli lui jeter la flasque au visage en la découvrant toutes ces années auparavant. Mon débardeur brun est ainsi révélé et une tache de sang s’est déjà formée au niveau de ma hanche. Je suis le regard de Vision descendre vers la blessure. « Coupure profonde. J’ai recousu, mais ça mettra du temps à se refermer. » Surtout que je ne compte pas arrêter de vivre et surtout de bouger durant ce temps, donc avec des possibilités que la blessure se rouvre. « Désolée que tu ai à voir ça. J’en pour pas longtemps. » Sur ces mots, je prends une gorgée d’eau et non pas de vodka comme Clint pense toujours. Puis je replace la flasque à l’intérieur de ma veste avant de la refermer. « Allons-y. » Je ne compte pas non plus me bourrer la gueule. Sauf si la douleur devient insupportable, dans ce cas la brûlure de l’alcool ne sera que bienvenue.
En écoutant Natalia, Vision ne put que hocher la tête. Il fallait dire que de part sa conception, il ne s’était jamais quoi que ce soit, hormis la pierre qui ornait son front. De plus, bien qu’il soit doté d’un système nerveux très complexe qui lui permettait de tout ressentir, il ignorait totalement ce qu’était la douleur physique. C’était une notion totalement abstraite pour lui et probablement l’un des points où l’on se rappelait automatiquement sa véritable nature. Incapable de ressentir la nature, il ne pouvait que compatir mais sans compatir à la fois. Il savait que la douleur était une chose désagréable et savait comment réagir en conséquence mais tout cela restait superficiel. Alors il ne prenait pas la peine d’en rajouter hypocritement des tonnes dans la comédie.
Je n’ai pas encore vraiment de missions, admit-il naturellement. Je crois qu’ils se méfient encore un peu de moi. Et je pense qu’ils veulent éviter une embrasée médiatique à cause de mon apparence. Ils ne peuvent pas vraiment lâcher un être comme moi dans la nature sans préparer un minimum la population. Ce que je comprends parfaitement. Il est préférable de ne pas se précipiter sinon c’est là que l’on commet le plus d’erreur. La preuve, je suis revenu plus de 20 ans dans le passé au lieu des 3 prévus initialement, ajouta-t-il dans une tentative de cet humour qui lui était assez propre.
Mais il le pensait réellement. Il fallait savoir se poser, avancer les pièces sans se précipiter. Une valeur que peu de ses nouveaux coéquipiers semblaient juger importante. Mais Vision n’avait jamais été un adepte du « on saute dans le tas et on avise ensuite ». Heureusement pour lui que sa capacité de raisonnement était bien plus rapide que celle des humains.
La question que lui posa ensuite Natalia le surprit un peu. Mais après tout, elle ignorait tout de lui. Il avait vite découvert qu’il pouvait être difficile de s’imaginer qu’un être comme lui puisse majoritairement raisonner comme n’importe quel humain.
J’aime bien les voitures, répondit-il avec un sourire. Surtout ce genre de modèle, ajouta-t-il en désignant la corvette qu’il commençait déjà à contourner pour s’installer à la place passager en prenant même soin d’ouvrir la portière. Il ne fit aucun commentaire sur la flasque ou les tâches de sang. Contrairement à elle, il la connaissait très bien et il savait que ce n’était pas le genre de chose sur lesquels elle aimait s’attarder. Enfin du moins la Natalia qu’il avait connue.
Ne t’en fais pas pour cela, lui assura-t-il alors tout simplement. Mais je peux prendre le volant si tu le souhaite.
Et oui, il avait apprit à conduire aussi étrange que cela pouvait paraitre. Certes, il n’avait jamais passé son permis mais il savait conduire.
Quoi qu’il en soit, cela lui faisait du bien de sortir un peu. Il fallait dire que depuis quelques mois sa vie s’était limité à Tony, les Avengers depuis peu et Wanda. Sauf que bien évidemment, Wanda était un secret qu’il gardait précieusement. Techniquement, elle était dans un des camps ennemi – d’autant plus maintenant qu’il avait rejoint les Avengers – et donc cela risquerait d’être mal reçu s’il annonçait avoir une relation avec elle il ne comptait pas le taire éternellement mais pour le moment, c’était trop risqué.
Je souris en entendant les paroles de Vision et son explication sur le manque de missions lui étant confiées. Tout le monde se méfiait de moi quand Clint m'a ramenée des bras de l'ennemi. « Je sais ce que c’est. Je suis aussi passée par là à mon arrivée dans le SHIELD. » Mais ça, il le sait sans doute déjà, car, comme il l’a si bien fait remarquer lui-même, il vient du futur. C’était d’ailleurs un concept assez difficile à comprendre et je ne l’ai pas cru quand j’en ai entendu parler pour la première fois. Mais vu tout le bordel qui se déroule depuis quelques années, toutes ces choses que l’on ne pensait pas possibles qui finissent par se produire, ce n’est pas si étrange que ça. Et le plus terrifiant ce n’est même pas que ça puisse être possible, mais plutôt que nous l’ignorions depuis tout ce temps et qu’il reste sans doute des dizaines de choses que nous ignorons encore, même si c’est certainement pour notre propre bien, vu notre tendance à l’autodestruction. « D’ailleurs, je suis curieuse de savoir ce qui s’est passé durant ces vingt années. Juste un peu, car je ne veux pas savoir trop de choses. Tu sais, pour ne pas être influencée dans le futur, ce genre de choses. » Mais je finis par me taire assez rapidement, car Vision s’y connaît certainement mieux que moi, vu que c’est lui le voyageur du temps.
Puis je souris en apprenant qu’il approuve ma voiture. C’est l’une des rares choses matérielles auxquelles je tiens, car je n’ai pas pour habitude de posséder des choses qui ont une valeur sentimentale pour moi. Ancienne éducation communiste ou bien mode de vie draconien, je ne sais pas. En général, toutes mes propriétés privées ne servent qu’à un seul but : la survie. C’est le rôle de toutes mes planques réparties aux quatre coins du monde, de tous mes comptes bancaires, de tous mes passeports, de toutes mes armes. Les choses qui comptent vraiment tiennent dans un sac à dos, malgré toutes mes années d’existence. Mais cette voiture est une exception, car j’apprécie vraiment de la conduire. « Cadeau de Fury après Budapest. Contente que tu apprécies le modèle. » Après tout, qui n’aime pas une voiture de sport comme ma Corvette Chevrolet Stingray ? C’est une pure merveille. J’entre ensuite dans la voiture, côté conducteur, me préparant en attendant que Vision rejoigne le côté passager, rassurée de savoir que les voitures ne le dérangent pas. « Pour l’instant, je préfère conduire, mais je te promets que si je bois trop, je te laisserai le volant. » Car je suis trop familière avec le danger pour mourir aussi stupidement que dans un accident de voiture. « Tu as de la chance, je ne laisse presque personne conduire mon bijou. » Je lance avec un sourire et un clin d’œil. Les seules personnes à avoir eut ce privilège jusqu’à maintenant étant Clint et Coulson, le dernier, car on avait fait un échange avec sa Lola pour une heure, juste histoire de comparer. L’instant d’après, je fais ronfler le moteur et nous sommes partis en direction d’un bar que je connais bien pour y avoir été avec Clint tellement de fois que j’ai arrêté de compter. Je suis en soit une habituée des lieux, même si je venais à chaque fois sous un autre déguisement. C’était une sorte de jeu avec Clint. Je gare la voiture dans la rue d’en face, veillant à ce qu’elle ne soit pas immédiatement visible depuis la rue principale, il ne manquerait plus qu’on me l’abîme, mais qu’elle soit facilement atteignable depuis le bar, juste au cas où. Les vieilles habitudes meurent difficilement. Une fois à l’intérieur, je choisis une table près d’une fenêtre, dans un coin assez isolé, mais qui nous donne quand même une bonne vue de l’ensemble du bar. De nouveau, déformation professionnelle. Je commande une vodka pure lorsqu’une serveuse vient nous demander ce qu’on a choisi et je lui lance un regard méchant quand son regard s’attarde un peu trop sur Vision. Personne n’a intérêt à faire de commentaire sur lui ou de gestes déplacés, sinon je mords.
Vision préférait ne pas faire de commentaires quant au souhait de Natalia. Pas tout de suite plutôt. Il préférait garder cette discussion pour quand ils seront tranquillement installés quelque part. il savait que le futur intriguait les autres tout en les inquiétants, il avait bien vu les réactions de Wanda. Ce n’était donc pas le genre de discussion à prendre à la légère. Mais pour l’instant, il se concentrait plutôt sur la voiture.
Fury ne m’a jamais fait de tels cadeaux…
Bon en même temps il n’avait jamais vraiment eu besoin de voitures pour se déplacer, certes. Mais un bolide dans ce genre, même s’il n’était pas autrement attaché aux choses matérielles, il n’y aurait pas dit non. Il se mit à rire en prenant place tout en écoutant la jeune femme. Il réalisait qu’elle lui avait vraiment manqué mine de rien. Pourtant, à ses yeux, ils ne s’étaient écoulés que quelques mois. Mais dans ce présent qui lui était inconnu, cela lui faisait du bien de retrouver quelques repaires familiers. Et l’espionne faisait partie des repaires en question.
Dans le bar, une fois n’est pas coutume, Vision sentit des regards se poser sur lui. Il avait beau ne plus y réagir depuis longtemps, ce n’était pas pour autant que cela en était devenu moins désagréable. A l’arrivée de la serveuse, il feignit de ne pas remarquer son air choqué et lui fit juste signe qu’il ne prendrait rien.
Je n’ai jamais compris pourquoi est-ce que mes créateurs n’avaient pas choisi des couleurs un peu plus discrètes, avoua-t-il à Natalia quand la serveuse partie chercher sa commande. Sa propre création restait un parfait mystère pour lui car, malheureusement, les données à ce sujet faisaient parties de celles détruites lors de son voyage désastreux dans le passé. Il s’estimait toutefois heureux, la majorité de ses souvenirs étaient toujours intactes. Mais il était quand même difficile pour lui de se retrouver avec aucuns souvenirs de sa création, ni de ses créateurs.
Suite à quoi, il reporta toute son attention sur sa voisine.
Je sais que tu as des questions sur l’avenir, reprit-il tranquillement, sur ce ton doux et professoral qui lui était propre. Mais avant de les poser tu dois bien avoir conscience que l’avenir que j’ai connu n’existe plus. C’est juste comme une réalité alternative à présent. Donc, ce n’est pas parce que quelque chose s’est produit la première fois que cela doit forcément être à nouveau le cas.
Et il le valait mieux parce que sinon, c’était que sa mission était un échec. La serveuse revînt au même moment avec la vodka et s’appliqua à ne pas lui adresser un seul regard, comme s’il était un insecte qu’elle préférait ignorer. Quand elle fût repartie, Vision croisa ses mains sur la table.
Une fois que la serveuse est partie, je reporte de nouveau mon attention sur Vision, réfléchissant à ses paroles et à ma propre question. « Même si ce concept d’univers alternatif et de multiples chronologies est tout nouveau, je pense que je comprends dans les grandes lignes. Franchement, je n’aurai jamais cru que cela pouvait exister ! Mais depuis quelque temps des choses étranges se produisent et il serait futile de penser que des choses non explicables scientifiquement ne peuvent pas exister. » Je soupire. « Je comprends ce que tu veux dire et j’imagine que c’est une bonne chose si le futur que tu connais risque de ne pas se reproduire. Cela signifie que tu n’as pas remonté le temps pour rien. Et oui, j’ai de nombreuses questions, mais pour la plupart d’entre elles, je ne veux pas connaître ce qui aurait pu être. Car ça reste des choses qui pourraient être et je n’ai pas pour habitude de me demander ‘et si’. Mais il y a en a bien une que je voudrais te poser. » Je me tais un instant, rassemblant mes mots dans ma tête pour ne pas foirer ma question et essayant en même temps de rassembler un peu de courage. « Est-ce dans ce futur alternatif duquel tu viens j’ai fait de bonnes choses comme je me suis promis de faire ? Je suppose que tu es familier avec mon passé, notamment mes années avant le SHIELD dont je ne suis pas fière… Est-ce que dans ton futur je suis quelqu’un de bien ? » C’est peut-être tout bête comme question, mais si la possibilité que je réussisse à me rattraper existe, alors je saurai que je peux l’atteindre et que je ne suis pas encore perdue. Qu’au final, Clint a raison de s’accrocher et d’essayer de faire de moi plus que ce qu’ils m’ont entraînée à être, à faire de moi plus que l’arme que j’ai été créée pour être.
La serveuse revient à ce moment-là avec ma boisson et j’y trempotte mes lèvres avant de sourire à Vision, essayant de détendre l’atmosphère. « Quant à tes créateurs, peut-être qu’ils avaient un sens particulier de la mode ou de la perfection… Et si je peux t’aider d’une quelconque manière à ce sujet, n’hésite pas. Bien que je ne risque pas de pouvoir faire grand-chose de plus que hacker certains serveurs de laboratoires… » Et puis vu toutes les découvertes des récentes années et l’existence d’autres entités vivantes que les humains, il se pourrait fortement que ses créateurs ne soient pas humains. « Et puis on ne choisit pas ses créateurs… faut faire avec ce qu’on a… » je dis ces mots en faisant légèrement tourner la vodka dans le verre, le liquide transparent glissant sur les parois. Je ne me souviens même plus de mes parents, de mon passé avant la Chambre Rouge, juste des bribes par-ci par-là et encore, je ne suis même pas sûre de pouvoir faire confiance à ces souvenirs après tous les lavages de cerveau que j’ai subi dans le temps…
Assit face à Natalia, Vision l’écoutait patiemment. Il pouvait aisément comprendre que toute cette histoire puisse être déstabilisante pour tout le monde, lui-même avait mis quelques temps à vraiment pouvoir encaisser tout cela. Et c’était d’autant plus difficile pour lui en sachant que sa propre vie serait irrémédiablement changée avec ce retour dans le passé. Les autres ne gardaient aucun souvenir de ce futur alternatif contrairement à lui. Alors, il gardait la majorité des faits pour lui. Ainsi, même s’il avait révélé la nature de leur relation à Wanda, il ne lui avait pas parlé de leurs fils. A quoi bon après tout ? Mais il était difficile pour lui de se dire que dans cette nouvelle version de l’histoire, ses enfants n’existeraient peut-être jamais. Il avait beau ne pas être fait de chair et de sang, il était autant capable de sentiments qu’un humain et il avait réellement aimé ses jumeaux, plus que tout.
A présent, il préférait éviter d’y penser et fixa toute son attention sur Natalia qui semblait hésitante. Il n’avait nullement l’intention de la brusquer et attendit simplement qu’elle reprenne la parole pour poser cette question qui semblait tant la travailler.
Il eut un petit sourire en écoutant ce qu’elle demandait. La vie de la jeune femme n’avait pas été facile et parsemée d’embuche, il le savait. Sans vraiment réfléchir, il tendit la main pardessus la table et la posa dans un geste purement amical sur celle de Natalia.
Tu étais l’une des meilleures personnes qu’il m’a été donné de côtoyé, lui répondit-il avec franchise. Et tu l’es toujours.
Il serra doucement sa main un instant puis la relâcha quand la serveuse réapparue avec la commande.
Au changement de sujet, Vision secoua légèrement la tête.
Il n’y a pas grand-chose que l’on puisse faire et puis… Je me suis habitué à cette apparence. J’ai réussi à me faire accepter ainsi une première fois, je devrais pouvoir y arriver à nouveau. Quant à hacker les laboratoires… Si mes calculs sont exacts, au jour d’aujourd’hui je n’ai pas encore été créé.
Ce qui voulait dire que techniquement, il y avait une probabilité qu’un second lui apparaisse un jour. Une idée assez déroutante, même pour le synthésoïde.
Natalia avait raison, on ne choisissait pas ses créateurs, on ne pouvait qu’apprendre à faire avec. Ils étaient tous deux assez bien placé pour le savoir. Cette idée semblait toutefois travailler Natalia.
S’il y a bien une chose que j’ai appris de ma mésaventure temporelle, c’est que le passé est le passé. Parfois, il vaut mieux le laisser derrière et simplement aller de l’avant pour se forger une nouvelle existence. Je ne revivrais jamais ma vie d’avant. C’est une idée difficile mais vouloir m’y raccrocher ne me servirais à rien. Tout ce que je peux faire c’est en garder les enseignements que cela m’a apporté, et commencer une nouvelle vie même si cela signifie faire un bon dans l’inconnu une fois de plus et de perdre ce que j'avais de plus précieux. Ce n’est pas évident, cela peut-être effrayant, mais n’oublie pas que tu n’es pas seule Natalia… Et s’il y a bien quelqu’un qui soit capable de faire table rase de son passé pour se forger une nouvelle vie, c’est toi.
Je rougis légèrement lorsque les mots de Vision me parviennent, alors que sa main vient se poser sur la mienne dans un geste réconfortant. N’importe qui d’autre pourrait croire que nous formons un couple, mais il n’en est rien, seulement de l’amitié nous lie et c’est très bien ainsi. Et même si je ne le verbalise pas, sa réponse à ma question est exactement ce que j’avais besoin d’entendre. C’est comme une confirmation, même si ça ne se réalise jamais, que dans au moins un futur alternatif, j’ai fait de bonnes choses, je me suis rattrapée par rapport à mon passé. Et cela me suffit pour me donner le courage de croire que si c’est possible dans un futur alternatif, alors ce sera aussi possible dans celui que nous aurons, celui qui se passera vraiment. Du moins pour moi, puisque Vision semble avoir la possibilité de se déplacer dans l’espace-temps. À moins que ce ne soit une occasion qui est arrivée une seule et unique fois ?
Son commentaire sur sa création me tire ensuite de mes pensées et je souris. « Ce sera le bordel si un autre Vision décide soudain de débarquer… Je ne m’y connais pas en voyage spatio-temporels, mais est-ce au moins possible que deux… toi soient présents au même endroit au même moment ? En revenant dans le passé, et plus tôt que prévu visiblement de ce que tu me racontes là, n’as-tu pas changé ce qui se produira ? Tu l’as dis toi-même : le futur que tu connais risque de ne pas se reproduire. Alors peut-être que dans ce futur, le Vision qui devait naître dans quelques temps ne naîtra pas. Peut-être que rien qu’en te déplaçant dans le temps, tu as déjà modifié le futur sans t’en rendre compte. » C’est un peu confus toutes ces idées, mais je ne pense pas que l’on se retrouvera avec deux Visions en même temps. Ce qui serait comique, mais aussi une source profonde de maux de crâne, autant pour Vision que tous ceux qui l’entourent. « Et puis, entre nous, deux Visions ce ne serait pas si mal… c’est déjà préférable à deux Stark. » Je frissonne à cette pensée. Non pas que je hais Stark de tout mon âme, mais son caractère m’horripile, même si je suis persuadée que si je creuse un peu, je découvrirai une personne tout à fait décente. Rien que je le fais que Miss Potts arrive à le supporter au quotidien prouve qu’il n’est pas aussi insupportable qu’il en donne l’air.
« Bon, assez parlé de nous. Nous ne sommes pas là en business, ni en mission, mais pour sortir un peu, passer du temps entre amis. » Je prends une gorgée de nouveau, souriant de toutes mes dents. « Puisque tu ne bois pas, ce qui est tout à fait honorable, ne le prend pas mal, qu’est-ce que tu aimes faire de ton temps libre ? Certes, parfois nous n’en avons pas beaucoup et je sais que tu n’es pas exactement humain, mais même toi tu dois avoir des passions, des hobbies, des trucs que tu aimes faire quand tu ne bosses pas… » Il n’est peut-être pas constitué de chair et de sang, mais il est conscient, il ressent des émotions, possède des pensées. Et même s’il ne se base que sur la logique, il vit et il pense, donc il devrait avoir des passe-temps. Ce serait bien triste sinon.
Natalia venait de mettre le doigt pile sur la question qui hantait Vision depuis son arrivée. Si la notion du « bordel » que cela pourrait engendrer lui passer un peu pardessus, il reconnaissait lui aussi que la situation pourrait être quelque peu compliquée. Cela pourrait être intéressant d’avoir une conversation avec son double mais il n’était pas vraiment sûr d’avoir envie d’être confronté au souvenir de celui qu’il était dans ses premiers mois. Un peu à l’image de l’adulte préférant ne plus repenser à lui adolescent. Mais depuis peu, après avoir retourné la situation dans tous les sens, il y avait une autre raison qui le poussait peu à peu à éviter la création d’un second Vision et cela n’avait rien à voir avec le trouble de se retrouver avec un jumeau.
La dernière réflexion de Natalia, concernant Stark, fit naître un sourire amusé sur les lèvres de Vision.
Et encore, tu ne l’as pas encore connu aux débuts de sa calvitie, toi, lui dit-il sur le ton amusé de la confidence. Tu crois que c’est par jalousie que je garde discrètement un œil sur sa chevelure tous les matins ?
En vérité, les cheveux de Tony Stark avaient encore plusieurs années devant eux et, qui sait, peut-être même survivraient-ils au temps cette fois-ci ?
Je n’en sais malheureusement pas beaucoup plus que toi sur les voyages temporels. Il y a quelques mois, je ne pensais même pas cela possible. Mais cette histoire de double me mène un à dilemme, je te l’avoue…
Vision resta alors silencieux quelques secondes avant de se décider. Avec le temps il avait découvert que parler à une personne de confiance aidait souvent à y voir plus clair. Il porta alors les doigts à la pierre brisée et éteinte qui ornait son front.
C’est.. C’était une pierre d’infinité, la pierre l'esprit plus précisément. C’est grâce à elle que j’ai pu voir le jour. Elle me permettait aussi de recharger ma force par le simple rayonnement solaire. Stark a pu remédier à ce problème pour moi en m’équipant d’autres capteurs qui ont la même utilité d’ailleurs. Mais surtout, c’était mon arme la plus puissante. Je pouvais concentrer sa force en un rayon particulièrement efficace. Elle s’est brisée durant mon voyage dans l’espace-temps. Peut-être un accident, j’étais dans un sale état à mon arrivée. Mais peut-être est-ce justement parce que la pierre se trouve ici et que deux pierre jumelles ne peuvent coexister ? Quoi qu’il en soit, pour qu’un second moi voit le jour, il doit bénéficier de cette pierre. Cette même pierre dont j’ai moi-même besoin pour retrouver la totale étendue de mes pouvoirs.
Natalia était, il en était convaincu, assez intelligente pour comprendre l’enjeu de son dilemme sans qu’il aille besoin d’en dire plus.
Mais Natalia avait raison, ils étaient surtout là pour apprendre à refaire connaissance et passer un agréable moment. Sa question n’avait rien d’indiscrète mais il s’imaginait mal lui expliquer qu’il tentait de voir Wanda le plus possible, ce qui signifiait hélas que trop rarement. Après tout, dans ce présent-ci, elle était avec l’ennemi, la situation était donc un petit peu compliquée, bien trop pour qu’il en parle pour le moment à qui que ce soit.
Et bien, j’aime lire. En fait, j’aime apprendre plus exactement. J’ai tendance à étudier un peu tout et n’importe quoi, tout m’intéresse. Et le fait que je ne sois pas exactement humain comme tu le dis m’aide beaucoup, je l’avoue. Après cela ne me rend pas forcément doué en tout. J’ai voulu apprendre la cuisine mais mon organisme ne tolère pas que j’ingère quoi que ce soit alors autant dire que ce ne fut pas une grande réussite. Et toi ? Tu aimes faire quoi de ton peu de temps libre ?
Il est vrai que la situation de Vision est particulièrement… épineuse. Et comme il l’a dit lui-même, à l’heure actuelle, ce n’est pas comme si nous pouvions faire quelque chose. Alors au lieu de réfléchir à des ‘et si’ je préfère me concentrer sur le présent et par exemple répondre à la question de Vision avant de reprendre un deuxième verre de vodka, l’alcool fort anesthésiant agréablement la douleur physique de mes blessures remontant à ma dernière mission. « Toi en train de cuisiner, j’aurai bien voulu voir ça ! » Je dis cela sur le ton de la plaisanterie, car il m’est légèrement difficile de m’imaginer Vision dans un contexte aussi banale et casanier que celui derrière les fourneaux. « Comme toi, j’ai toujours apprécié la lecture et c’est l’un des rares passe-temps ‘tranquilles’ que j’ai. Avec, bien entendu, les classiques russes dans mes favoris. Je dois avouer qu’une grande partie de mon temps libre est consacrée au maintien de ma forme physique et de ma toile, mais cela s’entrecoupe donc avec le boulot. » Je réfléchis un instant ensuite. Il est vrai que c’est une question des plus simples, mais pour quelqu’un comme moi qui ne possède pas une vie normale, simple n’est pas un mot que j’utilise souvent pour parler de ma vie ou de mes activités. Pourtant, une activité parmi les autres ressort et c’est donc avec un sourire honnête que je reprends ma réponse.
« J’aime danser. Quand j’étais gamine, avant même la Chambre Rouge et que je ne sois endoctrinée par le KGB, je rêvais d’être danseuse. Ballerine au Bolchoï plus exactement. Par la suite, la danse classique fut ma plus longue couverture sous le KGB et elle me permettait de cacher mes missions. Bien évidemment, ce n’était qu’une couverture, mais j’ai appris à danser ainsi et c’était un moyen de m’échapper de mon cauchemar de vie. » Je soupire avant d’indiquer à la serveuse que je veux la même chose. « Bien entendu, même quand je danse aujourd’hui, ce n’est plus pareil. Certes, les souvenirs sont là et je ne pense pas qu’ils disparaitront un jour, malgré toutes les merdes que j’ai eues après les lavages de cerveau… mais je fais avec. C’est redevenu un plaisir. Et je ne m’arrête pas uniquement à la danse classique maintenant. » Je finis sur un sourire, parce que, malgré les implications de mes paroles, je vois toujours la danse comme une libération positive, comme quelque chose d’agréable. Même s’il est vrai que ce n’est pas un art facile et que tout n’était que mensonge à l’époque. Que même la façon dont j’ai été tué pour la première fois était en rapport avec la danse. Et pour un agent de terrain du SHIELD, la danse est un atout à ne pas négliger. Je sais par exemple que la formation comprend des leçons de danse, puisque j’ai pu en délivrer certaines il y a quelques années. Et puisque de nombreuses missions se déroulent à des galas, bals et autres, autant être préparés.
« Sinon après on a le classique aussi. Les stands de tir sont de vieux amis et c’est particulièrement jouissif de toucher la cible en pleine tête à chaque fois, même si Clint arrive à me battre. » De nouveau, le sarcasme. Parce que je ne peux pas dire que mes autres passe-temps comprennent l’apprentissage de nouvelles langues, le mannequinat, la création de vêtements ou encore le self-défense. Car ce sont toutes des activités et professions liées avec la Chambre Rouge et le KGB et qu’elles ne sont absolument pas issues d’un rêve ou d’une envie. Pas comme la danse qu’oncle Ivan m’encourageait à pratiquer.
Le souvenir des réactions de Wanda face à ses tentatives culinaires le fit sourire. Il avait beau y mettre vraiment du sien et Wanda de mettre les formes pour ne pas le blesser, il avait finalement vite comprit que c’était une véritable catastrophe et avait fini par prendre l’habitude de commander des plats pour sa femme lorsque celle-ci rentrait tard et n’avait pas le temps de cuisiner. Ou pas l’envie.
Je pourrais t’en faire une démonstration si tu veux. J’espère juste que tu as l’estomac bien accroché.
Bien qu’il soit un admirateur de la littérature, contrairement à Natalia, Vision n’avait pas une préférence marquée pour les grands auteurs Russe et il soupçonnait son amie d’être légèrement de parti prit à ce sujet. Mais après tout, il avait tout de même apprécié certains romans de Soljenitsyne. Pour sa part, il avait une petite préférence pour les auteurs anglais.
Je ne t’ai jamais vu danser, avoua-t-il tranquillement après que la serveuse soit repartie. J’ignorai que c’était l’une de tes passions. Mais j’imagine que cela explique la manière gracile dont tu te bats. C’est vrai que l’on pourrait croire que tu danse.
Comme quoi, même en arrivant du futur on pouvait encore découvrir des choses sur ses amis. Et c’était une bonne chose au final, cela permettait de rééquilibrer la balance d’une certaine manière.
Natalia embraya avec son passé douloureux et les lavages de cerveaux dont elle avait été victime. Elle n’avait jamais abordé le sujet depuis leur « nouvelle rencontre » et le fait qu’elle en parle comme d’un fait logiquement connu de Vision tenait à prouver qu’elle avait finalement plutôt bien intégré cette complexe histoire de voyage dans le temps et de futur alternatif. Car oui, par le « passé » ils avaient déjà évoqué le sujet plusieurs fois et ainsi, Vision était parfaitement au courant du passé de la jeune femme. Il imagina que cet état de fait était peut-être aussi plus facile pour elle, elle pouvait évoquer sans avoir à passer par la phase douloureuse des souvenirs pour lui expliquer toute son histoire.
Je n’ai jamais vraiment compris le concept de trouver apaisant les stands de tirs. J’y suis allé quelque fois mais je crois que je n’ai pas d’attirance particulière pour les armes à feu. Je ne m’en sers jamais d’ailleurs, comme tu as peut-être pu t’en rendre compte.
Et pourtant, maintenant que sa pierre était hors service, se mettre aux armes à feu pourrait peut-être être une alternative à son rayon. Il faudrait qu’il y réfléchisse après tout.
Je souris à sa proposition de me préparer un petit plat. « Bien que j’ai l’estomac relativement solide et que l'invitation est tentante, je vais devoir décliner, je pense. Ce n’est pas contre toi, mais je tiens à ma vie. » J’ajoute un clin d’œil à cette petite plaisanterie avant de reprendre une gorgée de mon verre, approchement lentement, mais sûrement la fin de mon deuxième verre de vodka. « Je ne pensais pas que mon style de combat en soit modifié par ma passion, même s’il est vrai que je mise beaucoup de choses sur la souplesse en combat. C’est ce qui me permet d’ailleurs de faire tous mes mouvements d’étranglement notamment. Comme mon mouvement signature. » La fameuse clé de jambes. « Mais merci pour le compliment. Viens un jour, en général les mercredis soirs, dans la salle 2 d’entraînement à la base après vingt-deux heures et tu me verras peut-être danser. Durant ces moments, je reste sur du ballet classique. » Les danses plus modernes, relâchées et exotiques, je les réserve pour quand j’ai vraiment envie de changer de paysage ou bien pour les soirées. Parce que pour me défouler, c’est l’action qu’il me faut, sous forme de combat singulier ou bien de stand de tir.
Et c’est d’ailleurs sur ce sujet que rembraille Vision. « C’est apaisant pour moi, car cela me permet de me défouler, d’évacuer le stress et surtout la frustration du moment. Comme après une prise de tête avec Stark… » Et tout le monde sait qu’il peut être particulièrement chiant quand il le souhaite, même si depuis que je le connais, j’ai appris à voir au-delà des apparences et à prendre le temps de le connaître. En soit, s’il y mettait du sien, il pourrait vraiment être quelqu’un de bien. C’est quelqu’un de bien, mais il a cette tendance à montrer beaucoup son côté prétentieux qui gâche la première impression. « Les armes à feu n’étaient pas mon choix d’arme de prédilection au début non plus. Comme tu le sais, je préfère le combat à mains nues, même si la raison pour laquelle j’ai été particulièrement entraînée dans cette branche-là du combat fut pour être une femme fatale, une arme dans tous les domaines, pour pouvoir tuer de toutes les façons et réussir toutes sortes de missions. Mais de part mon passé de gymnaste, puis danseuse, j’ai mes préférences. Et puis le combat à mains nues permet vraiment de connaître la valeur d'un adversaire. Quand il ne porte pas d'armure super cheatée cela dit. » Je finis ensuite mon verre et fait signe à la serveuse de loin de m’en apporter un troisième sans qu’elle n’ait besoin de s’approcher de notre table. Économie de son temps et du notre. « Et j’ai aussi essayé les armes blanches. Mais je fais dans la subtilité, j’ai commencé par l’assassinat et l’espionnage. Il me fallait des armes légères, souples, discrètes. Et à distance. Mais je ne suis pas aussi douée au lancer que je le suis au tir et c’est plus simple de transporter une quinzaine de balles dans un chargeur plutôt qu’une quinzaine de couteaux. » Mes morsures de veuves parviennent d’ailleurs à bien lier ces deux besoins avec des tirs d’électricité. « Mais si tu as besoin un jour, je pourrais te montrer comment bien tirer. Et comment se battre à main nues, si tu as envie d’élargir un peu tes horizons. »
Vision eut un petit rire à la réponse de Natalia et il ne pouvait pas l’en blâmer dans le fond. Il n’avait jamais su ce qui clochait avec ses plats étant donné qu’il n’avait jamais été à même de les goûter et cela avait un petit côté frustrant car du coup, il n’avait jamais pu savoir comment s’améliorer. Il n’y avait que les pancakes qu’il était parvenu à faire correctement. Et c’était donc devenu la seule chose qu’il se soit contenté de cuisiner régulièrement. En même temps, ce n’était pas la plus difficile des recettes.
Il nota dans un recoin de sa mémoire l’heure et le lieu, curieux de voir cela un jour.
Si cela ne te dérange pas d’avoir un spectateur, ce sera volontiers oui. Et c’est bon à savoir si c’est un bon défouloir. J’en tiendrais compte lorsque Tony aura eu raison de ma propre patience.
Ce qui, heureusement, n’était encore jamais arrivé aussi incroyable que cela puisse paraitre mais on ne savait jamais. Parfois, il suffisait de pas grand-chose.
Quant aux armes à feu, Vision n’en n’avait jamais eu l’utilité jusque-là, préférant lui aussi le combat à main nues ou en se servant de son rayon qui, hélas, était actuellement hors service d’ailleurs. Ce qui était une source de frustration pour lui car cela avait sa meilleure arme.
Une armure super cheatée ? Tu ne passerais pas trop de temps avec une certaine analyste informaticienne du SHIELD toi dernièrement ?
La dernière personne qu’il avait entendu parler de la sorte était une espèce de furie noiraude qui l’avait harcelé de questions durant plus d’une heure avant qu’il ne trouve enfin un moyen de fuir. Mais le reste des propos de Natalia l’intéressait bien plus. Maintenant qu’il n’avait plus son rayon, effectivement il fallait qu’il trouve d’autres moyens le plus efficaces possibles.
Les armes blanches lui plaisaient bien mais elle marquait un point quant au problème lié à leur transport. Le tir, il connaissait déjà même s’il n’éprouvait pas le plaisir qu’avait certain à leur maniement. Restait le corps à corps qui, par contre, l’intéressait déjà bien plus. Avec ses capacités naturelles à pouvoir changer la densité de son corps combiné au fait qu’il ne ressentait pas la douleur, cela pourrait lui être d’une aide précieuse effectivement.
Je ne suis jamais contre le fait d’élargir mes horizons comme tu dis. Et si tu es prête à prendre un élève, c’est volontiers que je profiterai de tes conseils en corps à corps.
Propos à ne surtout pas sortir de leur contexte comme semblait le faire la serveuse arrivant pile à ce moment-là et qui les observaient avec des yeux écarquillés en déposant le verre.
C’est à partir de la combientième vodka que j’aurai le privilège de conduire ta voiture pour rentrer ?
Ce qui est sympa avec Vision, c’est que je peux avoir une conversation tout à fait normale sans que rien n’explose, que personne ne nous interrompe ou que des jugements soient faits pour aucune raison particulière. Avec Tony, j’ai envie de l’étriper en général au bout de trois phrases. Avec Clint, quelque chose finit toujours par sauter (ou bien il lui faut trois verres dans le nez pour avoir une conversation décente et sérieuse) ou bien les blagues de merde s’enchaînent. Avec Bruce, le temps maximal de conversation c’est deux minutes, après le gentil doc’ se referme sur lui-même. Deadpool, rien que sa présence est horripilante. Mindy, il n’y a pas vraiment de conversation en faite, nous nous entendons parfaitement sans avoir besoin de communiquer. Amy, c’est elle qui fait toute la conversation. J’oublie des gens, mais en général, les autres, j’évite de leur parler. Je ne suis pas du genre social d’habitude. Ce qui ne signifie pas que j’ai un cœur de glace.
« Je t’assure, cela ne me dérange pas. Cela fait d’ailleurs très longtemps que je n’ai pas eu de spectateur… ça me fera du bien aussi. » Mes jours de ballerine remontent à tellement longtemps que parfois je me demande si je n’ai pas rêvé ou bien si la Chambre Rouge ne m’a pas implanté ces souvenirs. Ils l’ont bien fait pour d’autres aspects de ma vie, pourquoi pas pour ma plus grande passion ? À la mention d’Amy, je cache mon visage dans mes bras, m’étalant un peu sur la table, révélant mon état pompette. Même si je suis loin d’avoir atteint mon seuil pour pouvoir être considérée comme bourrée, je commence à ressentir les effets de l’alcool après ces quelques verres purs. « Ne m’en parles pas, c’est un vrai moulin à paroles ! Et le pire, c’est qu’elle utilise des références que je ne connais pas la plupart du temps. Pas que je me sente vieille, mais nous sommes tellement différentes ! Nous vivons dans des univers complètement différents, avons des modes de vie complètement différents et pourtant nous travaillons ensemble. » Je n’ai même plus d’alcool derrière lequel me réfugier. « C’est sa faute si je reprends certaines de ses expressions, elle a l’art de déteindre sur les gens. Et en d’autres circonstances, je ne passerais pas autant de temps avec elle, mais elle a des infos en or sur l’une de mes missions récentes et sur un fantôme de mon passé que j’espère réussir à capturer pour de bon la prochaine fois, si Hill ne me devance pas de nouveau. Ne te méprends pas sur mes paroles, Maria fait très bien son boulot, mais son incapacité à dévier des protocoles m’exaspère parfois. Ça et le fait qu’elle refuse que je poursuive Barnes. » Il a du entendre parler du Soldat d’Hiver et comme il vient du futur, il le connait sans doute aussi si James était encore en vie dans le futur alternatif duquel Vision vient. Et je serais prête à lui en parler, ce n’est pas comme si c’était un secret dans le SHIELD que je me suis prise une raclée par le Soldat d’Hiver, mais avec un peu plus d’alcool dans le sang. Ma fierté m’en voudrait trop sinon.
« Nickel. On s’arrangera quand tu veux pour l’entraînement entre deux missions. » Parce qu’il ne faut pas oublier, synthétizoïde ou pas, espionne ou pas, nous avons des emplois du temps chargés qui varient tout le temps en fonction des besoins de l’agence. Mais mon nouveau verre arrive très vite et je suis un peu plus pressée qu’avant pour le boire. « À partir de la première. Si j’ai la possibilité que quelqu’un de confiance conduise à ma place, dès le premier verre. On ne sait jamais. J’ai déjà dû trop de fois conduire dans des situations désastreuses en mission pour vouloir me mettre en danger en conduisant après avoir bu. » J’ai déjà conduit bourrée. Ou en train de me vider de mon sang. Ou droguée aussi. Dans de nombreuses situations que je préfèrerais ne pas refaire. Ce serait con que je meurs d’une façon aussi banale qu’un accident de voiture alors que je mets ma vie en danger tous les jours sur le terrain. D’ailleurs je lance les clés de ma voiture à Vision pour lui confirmer que c’est bien lui qui conduira au retour. « Tant qu’elle revient dans le même état qu’au départ… »
Cela avait un côté particulièrement reposant de discuter ainsi avec Natalia dans un bar en soirée. En fait, cela avait surtout un côté simple et banal rassurant et c’était bien la première fois depuis son arrivée que Vision se sentait reposé, banal et rassuré. Il fallait dire que rien n’avait été simple ces derniers mois entre son arrivée fracassante, dans tous les sens du terme pour son intégrité physique, son retour chez les Avengers et, bien évidemment, Wanda. Pourtant, en se faisant cette réflexion pour une fois ce ne fut pas à la jolie brune qu’il songea mais à la pétillante blondinette qui avait volé à son secours alors qu’il avait atterrit presque en pièces détachées. Il lui avait promis de venir la revoir mais avec tout ce qu’il s’était passé, il n’avait pas eu le temps. Mais il n’avait pas oublié pour autant et comptait bien remédier à cela rapidement maintenant qu’il était à peu près installé dans cette réalité, ne serait-ce que pour la remercier une nouvelle fois en bonne et due forme car sans Gwen Stacy, il ne voulait même pas imaginer ce qu’il serait advenu de lui.
La réaction de Natalia coupa le cours de ses pensées et il ne put s’empêcher d’avoir un sourire amusé. Il voyait rarement la jeune femme réagir de la sorte et ce n’était donc pas anodin… Et assez drôle à la fois.
Que veux-tu ? Il faut de tout pour faire un monde. C’est toute la magie du SHIELD. Je te rappel que physiquement je suis entièrement de synthèse, que Banner se change en monstre et que certains ne viennent même pas de ce monde.
Ils ne pouvaient pas dire que leur équipe n’était pas variée, c’était un fait. La coexistence n’était pas toujours facile mais au final, ils formaient tout de même une véritable équipe. Enfin du moins, Vision espérait qu’ils finiraient par en former une un jour mais ces nouveaux Avengers étaient tellement différents de ceux qu’il avait connu.
Pour le reste des propos de Natalia, Vision l’écoutait en acquiesçant doucement de la tête, comprenant où elle voulait en venir concernant Hill. Mais Maria se retrouvait à tenter de gérer tout un groupe d’individus tous très différents, cela ne devait pas être évident pour elle non plus.
Tu es à la poursuite de Barnes ?, répétait-il tranquillement en inclinant légèrement la tête sur le côté, sourcils froncés. Voilà qui était nouveau ça aussi et qui déviait de ce qu’il avait déjà vécu la première fois. il espérait juste une chose, c’était que les événement se déroulent autrement pour cette fois.
Quant à l’entrainement, Vision haussa les épaules avec un sourire.
Ce n’est pas comme si j’avais une vie privée très prenante donc on pourrait surtout arranger cela selon ton emploi du temps.
Seigneur, même lui trouvait sa triste tout à coup mais pourtant, c’était la vérité. Wanda était encore à la Confrérie, il avait gardé le secret de leur relation et leurs enfants… Vision préférait ne pas trop y penser en fait. Il avait beau être de synthèse, son esprit était bien humain lui et ce genre de souvenir lui faisait autant de mal qu’à n’importe qui. Par conséquent, c’était là aussi un détail qu’il n’avait mentionné à personne. A quoi bon de toutes manières ?
Vision attrapa les clés de voiture au vol et y jeta un coup d’œil avec le même petit sourire qu’aurait l’ado la première fois que ses parents lui auraient filer les clés de la voiture familiale.
Je conduis très rarement mais à chaque fois que je le fais, je me demande pourquoi est-ce que je ne le fais pas plus souvent, c’est idiot non ? En fait j’aime la sensation de la conduite mais je n’ai jamais compris la passion des gens pour leur voiture. Il y en a des très bien, je ne dis pas mais… ça reste des objets. 4 roues, un moteur, un volant…
Je suis contente d’avoir proposé à Vision cette petite sortie, juste entre collègues, amis peut-être. Malheureusement, du à ses divers voyages spacio-temporels, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde concernant notre relation platonique, jusqu’où elle va, nos expériences… car comme Vision l’a si bien dit lui-même, son retour dans le passé signifie que son futur risque de ne pas se reproduire, c’est même pour cela qu’il était revenu. Pour changer les choses. Et je ne suis pas le genre de personne à croire que peu importe l’univers alternatif dans lequel on se trouve, nous restons la même personne, que nous parvenons à retrouver les nôtres et vivre toutes ces fabuleuses aventures tous ensemble de nouveau, peu importe l’époque ou le monde. Non, je ne crois pas à ces contes auxquels croit dur comme fer la fille de Clint. Je reste persuadée que ce sont nos expériences et nos actions qui nous définissent, qui nous forgent, qui font de nous ce que nous sommes. Une partie de cela échappe à notre contrôle, l’autre partie, on en fait ce qu’on veut. Et j’aime croire, peut-être de manière trop naïve, qu’avec suffisamment de volonté, la partie qu’on contrôle peut prendre le dessus sur l’autre. Être maître de son destin. « Et n’oublie pas la triple espionne assassin ex-soviétique qui adore étrangler les gens avec ses cuisses. » Je dis cela sur le ton de la plaisanterie, et clairement, je sais très bien tous les crimes que j’ai commis et ce que je suis, au fond. Je ne suis pas cruelle envers moi-même, simplement réaliste.
Mais très vite, plus ma vodka se vide et plus la conversation retourne au travail. C’est comme ça, avec nos métiers, nous sommes constamment confrontés au boulot, même quand nous ne travaillons pas, c’est ainsi. Je recule légèrement dans ma chaise, croisant les bras sur ma poitrine et délaissant mon verre le temps de répondre de la manière la plus sérieuse possible. « Oui. Et Amy est la seule autre personne au courant. Bon, toi aussi du coup. » Ça ne me dérange pas d’avouer ça à Vision, car je sais qu’il ne va pas me cafter. « J’ai des comptes à lui rendre et ce depuis longtemps. » Bien entendu, ma motivation n’est pas seulement la vengeance, tous les enjeux du SHIELD, je ne les oublie pas. Mais Odessa n’est pas la seule affaire qu’il me tarde de régler avec Barnes. Lui et moi, on remonte à bien plus longtemps que ça.
Je ne souris de nouveau que lorsque la conversation devient plus légère, s’orientant vers le meilleur ami à quatre roues de l’homme. « Il y a une différence. Aucune voiture n’est pareille et je t’accorde que certaines personnes ont une obsession dangereuse pour leurs caisses. Mais il y a quand même une sacrée différence entre une Audi et ma Corvette. Ça vient avec le temps et l'expérience. » Et une différence que j’aime entendre dans le ronflement du moteur, dans l’adhérence des roues à l’asphalte, dans l’exaltation presque jubilatoire de la vitesse aveuglante.
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Dernière édition par Natalia A. Romanova le Ven 9 Mar - 13:36, édité 1 fois
J’ai cru comprendre que cela pouvait être une pratique très appréciée par certain, répondit Vision en décidant de prendre l parti de la dérision face aux propos plutôt sombre de Natalia.
Ils n’avaient jamais clairement abordé le sujet ensemble mais à certains de ses propos, certaines de ses réactions, il semblait que son passé lui peser parfois. Et son présent également. Peut-être rêvait-elle parfois secrètement de ne pas être Back Widow mais juste une femme ordinaire, avec une vie simple et ordinaire. Il ne pouvait clairement pas lui en vouloir et, bien au contraire, il pouvait parfaitement le comprendre. Combien de fois n’avait-il pas lui aussi caressé ce rêve ? Être juste un humain. Oui, il avait eu la chance d’avoir une vie, une vraie vie. Une épouse qu’il avait aimé passionnément toute sa vie, des enfants merveilleux mais tout cela n’avait finalement été qu’un rêve également. Un rêve qui s’était brisé avec la mort de Wanda et, de facto, la disparition des jumeaux. À la mort de sa femme, Vision avait tout perdu, littéralement. Détail de son histoire qu’il n’avait pas jugé important de raconter aux autres jusqu’à présent.
Et… Comment comptes-tu régler tes comptes avec Barnes exactement ?, demanda-t-il tranquillement. D’après ce que j’en vois, votre dernière… Entrevue c’est plutôt mal déroulé. C’est une machine de guerre, programmé pour tuer. N’espère pas réussir à avoir une conversation à cœur ouvert avec lui. James Barnes a cessé d’exister le jour où HYDRA a mit la main sur lui.
Il commençait à comprendre maintenant pourquoi Natalia passait du temps avec la gothique du service informatique. Amy était tout aussi bizarre que lors de sa première « existence » mais il fallait avouer que dans son domaine d’expertise, il n’y avait pas meilleur qu’elle. S’il y avait bien une personne capable de localiser le Soldat de l’Hiver, c’était elle. Et pour ce qu’il en savait, Burton avait toujours été d’une grande loyauté envers les Avengers, bien plus qu’envers le SHIELD. Il n’y avait pas de raison que cela aille changé.
Les propos de Natalia sur les voitures le fit rire. Black Widow et sa corvette. Non décidemment, il y avait des choses qui ne changeraient jamais.
Si un jour je me décide à acheter une voiture, rappel-moi de te prendre avec moi. En fait, cela pourrait peut-être même être une bonne idée. Il faudrait juste que je passe légalement mon permis de conduire. Et que pour cela j’aille enfin une existence légale dans cette réalité-ci aussi. Le SHIELD est bien moins rapide cette fois-ci sur ce plan là que la dernière fois d’ailleurs.
C’est comme j’ai dit à Coulson une fois : je suis la seule personne au monde capable de faire ce que je peux faire. J’avais le choix, en quittant le KGB j’aurai très bien pu soit me laisser tuer par Clint, prendre ma propre vie ou bien m’enfuir et me cacher au fin fond de l’Afrique ou je ne sais où. Le Wakanda aurait été une bonne option tiens. J’aurai pu refuser l’offre de Fury et n’être qu’un agent du SHIELD comme un autre, ou bien passer du côté administratif comme l’a fait May après Bahrein. J’aurai pu. Mais je n’ai pas voulu. J’ai décidé d’être cette personne qui peut faire des choses que les autres ne peuvent pas. Une sorte de sacrifice en sommes, certains diraient. Et plus d’une fois j’ai rêvé que je changeai d’avis. Mais je ne retournerai jamais sur ma décision, car aujourd’hui comme il y a huit ans, mes convictions restent les mêmes. Si je peux faire une différence, nettoyer ce rouge sur mes mains, alors je le ferai, encore et toujours, choisissant ce sacrifice à chaque fois. Mais pour moi, ce n’est pas un sacrifice, c’est un choix.
Je ris à la phrase de Vision, mes pensées plus claires et mon sourire plus spontané maintenant que l’ombre du tableau est chassée au loin. « Je sais. » Voilà, comme ça, j’en ai trop dit et pas assez en même temps. Mais ce n’est pas quelqu’un comme Vision qui me demandera des détails croustillants, ce n’est pas son genre, il me respecte suffisamment pour cela. Et c’est aussi parce que je le respecte en retour que je ne fais pas de commentaire lorsqu’il me fait un joli récapitulatif de la situation avec Barnes. Des informations dont je suis tout à fait au courant, puisque j’étais sur place, aux premières loges même, mais c’est intéressant d’avoir un point de vue extérieur, surtout de quelqu’un d’aussi logique que Vision. Et durant un infime instant, j’hésite à partager mon plan. Mais même avec Amy, qui est bien plus profondément embarquée dans ce plan que Vision, je n’ai pas partagé tous les détails, c’est pourquoi, je ne compte pas le faire avec Vision. Pas parce que Vision pourrait cracher le morceau à quelqu’un d’autre, il peut être aussi muet qu’une tombe s’il le souhaite. Pas parce qu’il pourrait me juger s’il apprenait que Barnes et moi sommes aussi liés sur le plan émotionnel. Uniquement parce qu’il est une personne, une personne en plus qui serait au courant de mes secrets, de mon plan et donc un risque que ce plan foire. Notamment si Hill l’apprend. Vision ne parlerait pas, mais cela ne change rien au fait que, moins de personne sont au courant, mieux c’est. « J’étais là, je m’en souviens. » Ma voix est calme, détachée, froide même, le masque de glace de retour sur mon visage. Je ne suis pas fâchée contre Vision, je n’ai juste pas envie de parler de Barnes. Le souvenir de notre combat est encore beaucoup trop frais dans mon esprit et sur mon corps pour que je puisse en parler avec légèreté. Si c’est possible un jour… « J’ai réussi à le rendre confus la dernière fois. C’est un bon point de départ. Et combattre le feu par le feu est aussi une bonne stratégie. » Bien entendu, mon plan est beaucoup plus complexe que ça, mais je ne suis pas prête à le révéler.
C’est comme si quelqu’un venait de claquer des doigts, car l’instant où la conversation revient sur les voitures, mon sourire refait surface, bien que plus timide cette fois-ci, les souvenirs de notre conversation sur Barnes comme des fantômes dansants derrière mes paupières. « Avec plaisir. » Je reprends une gorgée de ma vodka, un peu trop goulument peut-être, mais appréciant désespérément la brûlure que l’alcool laisse dans ma gorge. « Si tu veux, je peux tirer deux trois ficelles au niveau de l’administration histoire qu’ils se bougent les fesses. Ça fera peut-être avancer le processus plus vite. » Ou sinon j’en menacerais certains, ça, ça les fera se bouger.
Vision eu un sourire à la description que Natalia venait de faire d’elle-même. En même temps, elle ne faisait que dire la vérité. Une vérité dure, c’était un fait. Vision avait parfaitement conscience du fait qu’elle avait toujours eu une vie difficile et que, d’une certaine manière, c’était toujours le cas. Mais cela avait forgé l’une des femmes les plus fortes et courageuses qu’il avait eu l’occasion de rencontrer. Il était sincèrement en admiration face à elle, elle ne se laissait pas abattre et ce, même si elle avait toutes les raisons de le faire. Par conséquent, Vision était réellement très attaché à elle, bien plus qu’à d’autres membres de leur équipe.
C’est pourquoi il était un peu inquiet de la savoir à la poursuite de Barnes. Il craignait que cela n’éveille chez elle d’anciennes blessures mais en même temps, le meilleur moyen de guérir ce genre de chose était d’y faire face.
Je n’ai jamais connu personnellement Barnes et j’ignore ce qu’il en est de cette réalité-ci mais ne prend pas de risque inutile d’accord ? Sa réputation ne doit rien aux rumeurs. C’est un tueur, rien d’autre.
Et sa seule confrontation avec le Soldat de l’Hiver dans son passé alternatif avait confirmé cette réputation. Il se souvenait encore de ce regard froid et vide. C’était cela, il lui avait fait l’impression d’une coquille vidée de toute son humanité pour être remplacée par un tueur sans état d’âme.
Pour ce qui était des voitures, hormis le logo, Vision ne faisait pas vraiment de différence entre les Audi et les Corvettes. A l’époque, il avait même mit des semaines à se rappeler que la voiture qu’ils avaient acheté avec Wanda était une BMW. Un gros modèle capable d’accueillir toute leur petite famille.
Je peux te poser une question indiscrète ?
Mais sa question en l’occurrence n’était que rhétorique car il n’attendit pas pour la poser.
Tu n’as jamais eu envie d’avoir une vie normale ? De tout plaquer, de te marier et de t’installer dans un pavillon de banlieue avec un labrador et tes enfants adoptifs, à faire des gâteaux pour la kermesse de l’école ?
Vision avait bien précisé adoptifs non pas pour rappeler une cruelle vérité à Natalia mais simplement pour lui rappeler qu’il s’en rappelait et ne comptait pas commettre un impair en lui parlant grossesse.
L’idée d’imaginer Natalia en parfaite ménagère des années 50 lui donnait envie de sourire mais qui sait ? Cette vie d’espionne/super héroïne pouvait être épuisante physiquement comme mentalement. C’était ce que Wanda avait ressenti, ce besoin de mener une vie normale tout en restant parmi les Avengers à côté. Et c’était également ce que faisait Hawkeye.
« Je ne peux rien te promettre, mais je ferais attention. » Barnes est un tueur, Vision a raison là-dessus. « Mais tu oublies que ce tueur m’a formée. Je ne sais pas si tu le sais, mais Barnes était l’un de mes instructeurs dans la Chambre Rouge. La moitié de ce que je sais, de ce que je suis capable de faire, c’est grâce à lui. » Ou à cause de lui, tout dépend du point de vue. « Je ne suis pas moins une tueuse que lui. » Qui se ressemble s’assemble comme on dit après tout. Je reprends une gorgée de vodka avant de poursuivre. « Et je suis la seule pour l’arrêter, parce qu’il n’arrêtera pas tout seul, il n’arrêtera pas tant qu’il respirera. Et je sais qu’il n’est pas ma responsabilité, que je ne suis en rien responsable de ce qu’il est devenu, de ce qu’HYDRA lui a fait, mais s’il y a la moindre chance, même infime, que je l’arrête, alors je ferais tout en mon pouvoir pour le faire. Et comme je te l’ai déjà dit, j’ai plus que ça dans mon jeu. » Je préfère être honnête avec Vision, parce qu’il compte, je ne veux pas faire semblant avec lui comme je le fais avec la majorité des gens avec qui je travaille, pour qui je travaille. « Et personne ne connaît Barnes, à part Rogers peut-être, mieux que moi. »
Le sujet rebascule de nouveau et sur une chose tout aussi amère que celle que nous venons de discuter. La vie normale. Et j’en suis reconnaissante à Vision d’avoir pris en compte mon impossibilité de conception dans l’énumération de sa question, c’est pourquoi je souris doucement pour le geste. « Je ne peux pas dire que je n’y ai pas pensé. » Je me mords les lèvres un instant, avant de reculer légèrement dans mon siège, le dos appuyé contre le tissu usé du dossier. « Et je ne peux pas dire non plus que ça ne fait pas mal d’y songer, que je n’ai pas hésité, que je n’ai pas regretté. » On dirait bien que l’alcool a délié ma langue ou du moins, qu’il rend mes paroles plus développées, moi qui me limite en général au strict minimum quand il s’agit d’interactions. Je soupire.
« Avant que je n’ai plus le choix… non, il n’y avait même pas de période comme ça puisque j’avais trois ans quand Ivan m’a plus ou moins vendue à la Chambre Rouge. Ce n’est que récemment, que lorsque je me suis rendue compte que peut-être que j’aurais la possibilité d’une vie normale, que j’ai commencé à hésiter. Apprendre que je ne pourrais pas avoir d’enfants fut un coup dur, j’étais trop jeune pour comprendre vraiment ce que je venais de perdre et trop âgée déjà pour accepter que tous mes rêves étaient ruinés. » Je souris tristement. Si seulement Vision savait tout ce que j’ai subi dans la Chambre Rouge et plus tard au KGB. « Tu n’es pas la première personne à me poser cette question d’ailleurs, Clint et Phil t’on devancés. Je n’ai pas vraiment la tête de l’emploi, on va dire, je ne pense pas faire une bonne mère. Beaucoup trop de choses m’ont brisée dans ce domaine. J’ai beaucoup trop d’ennemis et ne me sort pas l’excuse que le SHIELD protègerait mes gamins, nous savons très bien tous les deux que le genre d’ennemis que j’ai réussirait quand même. Et puis la vie tranquille, ce n’est pas pour moi. Je m’ennuierais trop vite, de plus, je suis la seule à pouvoir faire ce que je fais. Vu la gravité de ce que nous faisons, je ne veux pas être égoïste, ni me voiler la face en me disant que je pourrais avoir ce dont j’ai rêvé un jour. » Et j’hésite à dire que, peut-être, un jour, lorsque tout sera fini, vraiment fini, j’y resongerais, mais soyons honnête, ce ne sera jamais fini, il y aura toujours quelque chose à faire. « De plus, je préfèrerais les éduquer avec quelqu’un ces gamins, seule je me ferais trop chier. »
Je me tais ensuite un instant, le temps de finir ma vodka et d’en commander une autre, ne comptant plus les verres. « Ce que je vais te dire là, personne d’autre à part Clint et une autre personne extérieure ne le sait. Ce n’est même pas dans mon dossier au SHIELD ou ailleurs. La seule fois où cela fut répertorié au KGB, les documents furent brûlés, je le sais puisque c’est moi qui l’ai fait. » Une fois mon nouveau verre arrivé, je reprends une gorgée pour me donner du courage, baissant le ton de ma voix afin que Vision soit vraiment le seul à pouvoir m’entendre. « Quand j’avais dix-sept ans, j’ai été envoyé à l’extérieur de la Russie lors de ma mission finale au sein du programme Black Widow. Ce que personne n’avait prévu, c’est que j’allais tomber amoureuse d’un soldat ukrainien et que nous allions nous marier en secret. Il est mort quelques mois plus tard sous mes yeux. Et enceinte jusqu’au cou comme j’étais, je ne suis pas allée loin toute seule. Je ne rigole pas quand je dis que les hivers en Europe de l’Est sont mortels. J’ai reçu de l’aide d’une famille habitant au plus profond des bois, loin de tout. » J’avale difficilement ma salive, cela fait tellement d’années que je n’ai pas raconté cette histoire. « J’ai tenu ma fille dans mes bras durant quelques secondes avant qu’elle ne rejoigne son père dans l’au-delà. Et quand ma mission fut terminée et que je suis revenu en Russie, la possibilité de vivre cette expérience de nouveau m’a été définitivement retirée. » Littéralement.
Vision écoutait Natalia avec attention. Il avait toujours aimé discuter avec elle. C’était une personne sincère et honnête. Enfin, quand elle n’était pas en mission et que l’on était parvenu à gagner sa confiance. Et surtout, elle avait été l’une des premières à voir au-delà de son apparence de robot sophistiqué.
Barnes était un sujet clairement épineux. Et pour cause, son passé commun avec Rogers et avec Natalia ne facilitait vraiment pas les choses. Pour Rogers c’était son ami d’enfance, son frère d’arme. Pour Natalia, son mentor, son instructeur et, peut-être, plus que cela. Vision n’avait jamais jugé important de lui poser la question. Amie ou pas, Natalia avait le droit de garder une partie de sa vie privée.
Tu sera capable de le tuer le moment venu ?, lui demanda-t-il tranquillement. Ce n’était pas un jugement, pas une directive détournée. C’était juste une question d’un ami à une autre. Vision s’inquiétait sincèrement pour Natalia qui semblait plus attaché à ce Soldat de l’Hiver qu’elle ne voulait le prétendre. Je doute qu’il puisse redevenir un jour le Sergent Barnes. J’ignore ce qu’HYDRA lui ont fait mais je crois sincèrement qu’il ne reste plus rien de ce pauvre type. Je ne sais même pas s’il reste encore quelque chose de l’instructeur que toi-même tu as connu. En fait je crois… Qu’il n’y a plus personne. Qu’il est juste une arme, une coquille vie.
Ce qui était absolument terrible mais finalement, ce n’était peut-être pas plus mal que cela pour James Buchanan Barnes. Il valait peut-être mieux que son esprit soit à jamais éteint plutôt qu’il ne soit conscient d’une manière ou d’une autre de ce qu’il se passait. Car pour le peu qu’il en savait sur lui, Vision était certain que « Bucky » n’avait rien d’une machine à tuer.
L’autre sujet abordé était tout aussi lourd et intime. Voir même encore plus. Le genre de conversation que l’on ne pouvait qu’avoir autour d’une bouteille d’alcool. Enfin, pour Natalia vu que Vision n’était pas conçu pour ingérer quoi que ce soit, et encore moins de la vodka pure.
Je l’ignorai pour ta fille, lui avoua-t-il. Il n’ajouta pas de condoléances, cela ne lui semblait pas nécessaire. Natalia devait bien savoir qu’il était désolé pour elle et de simples condoléances ne suffisaient pas pour traduire la peine qu’elle avait dû ressentir.
Je sais ce que tu as ressentis, j’ai perdu mes deux enfants, ajouta-t-il tout à coup, les yeux rivés sur la table.
C’était la toute première fois qu’il évoquait le sujet. Personne, absolument personne, n’était au courant de cette partie de son « passé », pas même la principale intéressée. A quoi bon en parler à Wanda ? Elle avait déjà bien assez d’informations à gérer pour l’instant.
Ce n’étaient pas mes jumeaux biologiquement parlant, on est bien d’accord, précisa-t-il après un instant. Mais c’était mes enfants. Mes fils. Et leur mort… A été le pire moment de mon existence.
Techniquement, ils n’étaient pas exactement morts mais avaient simplement cessé d’exister à la mort de Wanda, qui les avaient créés à partir de son pouvoir. Mais au final, cela revenait au même, Vision en avait tout autant souffert.
Mais pourtant, je ne regrette pas de les avoir eus. Ma famille a été la chose la plus magnifique que j’ai eu dans toute ma vie, dit-il avec un petit sourire en relevant les yeux sur Natalia.
C’est une véritable question piège que Vision vient de me poser et l’espace de quelques secondes, je ne réponds rien, gardant le silence alors que mon regard dérive vers le fond de mon verre, se perdant dans le miroitement du liquide translucide. Ce n’est pas la première fois que je m’émerveille devant cette comparaison, à quel point la vodka ressemble à l’eau. De l’extérieur, il est très difficile de faire la différence, tout le monde pourrait se tromper et pourtant une fois que l’on y a goûté, ces deux liquides sont très différents : l’un est nécessaire à la vie, l’autre est bien trop souvent la cause de sa perte.
Choisissant mes mots avec attention, je relève les yeux. « Il m’est impossible de prévoir ce qui arrivera le moment venu. Car s’il y a bien une chose que l’expérience m’a apprise, c’est que rien ne se déroule comme prévu. Et malgré ce que nous avons vécu – voir même à cause de ce que nous avons vécu, vraiment – je me pense être capable d’y mettre un terme. Car c’est la juste chose à faire. Barnes est un danger. Il pourrait tuer beaucoup de monde, non, il va tuer beaucoup de monde. » Je ne dis pas à Vision que je possède aussi une raison ultérieure à vouloir sa mort. Il sait des choses sur moi, des choses durant la Chambre Rouge, que personne d’autre ne sait. Tout ce que j’ai fait ne se trouve pas dans les fichiers du SHIELD. Et le mettre au silence définitivement serait tout aussi bénéfique pour mon honneur et ma carrière que pour la société.
« Mais ce ne sera pas facile et je ne sais pas si j’y parviendrais. Je sais que je n’ai pas été capable de le tuer avant, lors de notre rencontre récente. Et c’est pour cela que je ne sais pas si je suis prête. J’espère qu’avec le temps, je me serais suffisamment faite à l’idée de le tuer et que lorsque le moment venu, je réussirai à le faire. Nous verrons bien. Mais si je peux choisir la façon dont il mourra, je préfère lui mettre une balle dans la tête pour en finir le plus rapidement possible. » Mais la tête ne réussira peut-être pas à prendre le dessus sur le cœur, même si cela fait très longtemps que mon cœur ne bat plus pour cet homme.
À la mention de ses deux enfants, je fronce les sourcils et ouvre légèrement la bouche avant de la fermer tout aussi vite. Au lieu des condoléances se trouvant sur le bout de ma mangue, je prends sa main à l’autre bout de la table, serrant une fois pour lui indiquer que je suis là, que je le soutiens et que je sais ce qu’il ressent. Vu ce qu’il m’a déjà raconté, j’en déduis que ce n’est pas vraiment hier qu’il les a perdu, que cela fait un certain temps et il en va de même pour moi. Ce qui ne change absolument rient à la douleur de perdre son propre enfant.
Et je souris lorsqu’il termine sur une note positive, retirant ma main pour boire de nouveau. « Mon mariage, certes bref, et tenir Rose dans mes bras fut aussi une chose inoubliable. Et tous les ans, je les célèbre en achetant une rose pour ma fille et mon mari. » Je reprends une gorgée pour empêcher les larmes de remonter, j’ai déjà suffisamment pleuré leur perte. « Ce ne sera pas la même famille, mais peut-être que tu pourrais en avoir une nouvelle ? Dans cette temporalité-là ? Ils resteront toujours dans ta mémoire et je sais que tu chériras leur souvenir, mais tu ressentiras peut-être ce bonheur de parent de nouveau. Tant que tu vivras, rien n’est perdu. » J’en rirais presque à mes paroles, tellement elles me semblent hypocrites parfois.
Ils n’avaient jamais abordé le sujet Barnes aussi profondément mais si Vision avait depuis longtemps comprit que Natalia avait un certain ressentiment à son égard, il en réalisait l’étendue seulement aujourd’hui. Et pourtant, le sens de ses paroles semblait vouloir raconter également une autre histoire. Quelque chose de bien plus profond que simplement le Maître et l’élève devenus ennemis par la force des choses.
Tu as le droit de ne pas t’en sentir capable, tu le sais ?, lui demanda-t-il avec gentillesse. Personne ne demande à ce que ce soit forcément toi qui le fasse.
Il ne parlait pas là de capacités physiques. Certes, Barnes était fort mais Natalia était également pleine de ressources.
Nous ne sommes pas dans Star Wars, personne ne viendra te dire que tu dois laisser le passer mourir et le tuer s’il le faut. Pas si tu dois y laisser une partie de toi-même. Ce ne serait pas un signe de faiblesse de ta part. Et euh oui, j’aime bien Star Wars. Ça doit être les droïdes, ajouta-t-il après une courte seconde.
Bizarrement, pas mal de monde avait l’air étonné quand ils découvraient que Vision s’intéressait à certaines choses issues de la pop culture. Il n’avait jamais trop comprit pourquoi aux yeux de tous, ces uniques passe-temps auraient d’être les échecs et William Shakespeare. Peut-être l’accent ?
Quoi qu’il en soit, j’ignore ce qu’il y a réellement eu entre lui et toi mais il est clair que son comportement à Odessa et depuis t’as fait du mal. Ne te perds simplement pas en voulant te venger, d’accord ?
En évoluant au sein des amours conflictuels des Avengers durant des décennies, Vision avait comprit assez rapidement que l’amour et la haine étaient deux sentiments finalement très proches et non pas aux opposés. Lui-même n’avait heureusement pas eu a expérimenter cette dualité mais il en avait largement vu les ravages.
Et si le sujet Barnes n’était pas un sujet facile pour Natalia, le sujet suivant ne l’était pour aucun des deux. Et pourtant, Vision se sentait soulagé de pouvoir enfin parler de cette partie de son passé qu’il avait caché à absolument tout le monde.
Il répondit au geste amical de Natalia quand elle lui serra gentiment la main. Après tout, cela leur faisait une douleur en commun.
Mon mariage a duré près d’une vingtaine d’année et mes enfants avaient 18 ans à leurs décès. Je ne sais pas dans le fond ce qui est le pire entre avoir toute une vie de souvenirs et n’avoir pu vivre qu’une fraction de secondes auprès d’eux.
Cela serait sans doute un choix très difficile. L’un n’était clairement pas enviable à l’autre.
A la suite des propos de Natalia, Vision eut un petit sourire.
Je l’ai retrouvée… Celle qui a été ma femme, admit-il sur le ton de la confidence. Mais… Les choses sont différentes. Dans l’autre réalité, elle était l’une des nôtres, une Avengers. Nous nous étions connus ainsi mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas et je ne sais pas si elle nous rejoindra un jour. Tout est tellement différent ici. Même elle, elle est différente. Je veux dire, elle est plus jeune que lorsque je l’avais rencontré certes mais les changements de temporalités ont changé le cours de sa vie… de VOS vies à tous d’ailleurs. Et cela la change légèrement…
Vision marqua un arrêt pour réfléchir à ce qu’il voulait dire. C’était vrais, tout était de plus en plus différent. Le fameux effet papillon dans toute sa splendeur !
Mais tu sais quoi ? De toi à moi… Je crois que je préfère celle qu’elle est aujourd’hui, avoua-t-il avec un sourire amusé.
Lorsque Vision mentionne que je ne suis pas obligée d’être celle qui va mettre Barnes hors d’état de nuire, j’ai presque envie de rire. Et si je n’avais pas ingéré autant d’alcool, c’est ce que j’aurai probablement fait. Mais là, nous avons abordé des sujets beaucoup trop sérieux et j’en suis arrivée au niveau débat philosophique dans ma consommation de vodka. Peu de choses pourraient me faire rire actuellement. Alors je ne dis rien, car même si sur le papier, il est vrai que n’importe qui pourrait appuyer sur la détente, mais en vérité, j’en éprouve une certaine légitimité. Comme si c’était presque mon devoir, ma mission, ma tâche et surtout, que j’étais la seule à avoir vraiment le droit de le faire. Que je suis la seule à pouvoir réparer mes propres erreurs, même si je n’ai eu aucun lien dans la création du Soldat d’Hiver à proprement parler.
En parlant de choses qui peuvent me faire rire… le fait que Vision avoue aimer Star Wars… c’est la goutte de trop et j’explose de rire, ma réaction largement exagérée à cause de mon taux d’alcoolémie. Jusqu’à ce que je me souvienne que j’ai trois côtes cassées et que mon rire se transforme en grimace. « Il faut que tu parles avec Steve alors, depuis le temps que j’essaie de lui faire regarder des classiques… » Je ne mentionne pas le fait que Steve et moi avons déjà passé plusieurs soirées à simplement regarder des films ou toutes sortes de choses qu’il a raté ces soixante-dix dernières années, car dans mon état, je serais capable d’avouer quelques secrets que je risque de regretter le lendemain. Oh, rien d’important tel des secrets d’État, mais des choses banales, le premier degré de secret, si.
Je ne réponds de nouveau rien concernant Barnes, ne voulant pas en dévoiler plus pour le moment. Comment expliquer à Vision qu’il m’a entraînée, qu’il est en partie responsable pour ce que je suis devenue et l’inverse est vrai de mon côté. Que cette relation de maître et élève a donné lieu à quelque chose de plus, quelque chose de passionnel qui est aujourd’hui enterré sous des kilomètres de neige et des années d’absence et d’aller de l’avant. Que c’est beaucoup plus compliqué que ça en a l’air et que même-moi je ne réussirai pas à vraiment l’expliquer convenablement. Alors je hoche simplement la tête et commande une dernière vodka, ayant décidé de m’arrêter là pour ce soir niveau boisson. Je me suis de toute manière dangereusement rapprochée de mes limites. J’ai bu quoi ? Une, deux bouteilles à tout casser ?
Le sujet des enfants est presque tout aussi épineux que Barnes, mais la question de Vision est légitime. Car d’un côté, ne pas connaître son enfant comme dans mon cas présente le bénéfice de ne pas avoir de souvenirs douloureux toutes ces années après, mais le désavantage est que je suis hantée par la question de savoir comment aurait été mon enfant ? Toutes ces choses que je ne peux que m’imaginer. Mais d’un autre côté, les avoir connus durant presque deux décennies, cela doit être difficile de vivre avec autant de souvenirs aussi vivides. « Parfois, il m’arrive de me demander ce qu’elle serait devenue, si elle était encore en vie. Ce que ma vie aurait été avec elle. C’est pourquoi je n’ose imaginer ce que tu dois éprouver pour les avoir connus durant autant de temps. » C’est un débat philosophique pour une autre fois.
La façon dont il parle de son ancienne femme qu’il a revue – comment la qualifier dans ce cas ? Future-potentielle-mais pas-sûr-femme ? – me fait sourire. Peu importe qu’elle ne soit pas la même que celle qu’il a connue, la passion brille néanmoins dans ses yeux. Lorsque mon dernier verre arrive, j’en bois la moitié cul sec, laissant le reste pour nos dernières bribes de conversation, la brûlure de l’alcool ne me faisant plus aucun effet depuis longtemps. J’essaie de deviner qui elle pourrait être de par les informations que Vision vient de me fournir, mais rien à faire, mon cerveau est trop embrumé pour parvenir à un résultat quelconque. À moins que je ne la connaisse tout simplement pas. « Et bien alors, qu’est-ce que tu attends ? On s’en fout de savoir si tu étais avec elle dans une autre réalité. Si elle te plaît et que tu vois que tu lui plais aussi, fonce ! Et s’il te faut des conseils, tu peux toujours me demander, même si niveau rancards, je suis loin d’être la mieux placée pour t’aider… »
Avalant le reste de ma vodka, je repose le verre un peu trop brutalement, afin de marquer la fin de ma nuit de débauche dans un geste exagérément théâtral. « Je te laisse conduire » je dis simplement avant de me lever. Heureusement, je ne titube pas, même si ma vision commence à nager.