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lle aurait pu se contenter de passer la soirée la plus normale possible. Et au pire, si elle n'avait pu éviter de se retrouver face au spectacle pour le moins étrange (si l'on veut minimiser la situation) d'un homme ressurgi du sol de sa propre tombe, elle aurait au moins pu occulter cette image déroutante pour se focaliser sur l'idée que tout cela n'était qu'un songe, et qu'elle n'avait qu'à retourner tranquillement à sa voiture pour reprendre sa vie de criminologue psychotique et névrosée... Sauf que dans sa voiture, dorénavant, il y avait ce mort-vivant en question, rencontré plus tôt au cimetière de Brooklyn, et qu'il lui avait fallu ramener jusque dans le Queens... Ça ne lui ressemblait vraiment pas, pourtant, de jouer les âmes charitables, mais ce type et cet enchaînement de situations invraisemblables méritaient manifestement que l'on s'y attarde, ne serait-ce qu'un peu. Et après ce flash... ou plutôt cette infinité de flash, qui avait remplacé sa vision normalement claire et limpide de la mort de quiconque elle touchait, elle se sentait moins à même encore de passer son chemin, et de faire comme si de rien n'était. De fait, quand ils arrivèrent à destination, plutôt que d'abandonner là le type qui avait au moins eu le mérite (pour ne pas dire la décence) de recouvrer la mémoire à temps, elle décida d'arrêter son vieux tacot sur une place vacante au bord du trottoir et de descendre de voiture avec lui.

-Je vous accompagne. affirma-t-elle de son habituel ton froid et taciturne, qui n'invitait pas la concernant à des parties de franche rigolade.

Elle n'était toujours pas certaine de bien faire, et se demandait toujours si elle n'allait pas regretter cet accès de considération, même s'il était parfaitement intéressé et égoïste, fruit de sa seule curiosité. Elle avait besoin de comprendre à qui ou à quoi elle avait affaire, et pourquoi ses pouvoirs avaient ainsi déraillés en sa présence. Autant d'interrogations à ses yeux légitimes qui rendaient le fait de ne pas l'abandonner là nécessaire. Puis bon... techniquement, elle était flic, il y avait une part de logique dans sa manière d'agir, bien qu'on ne pouvait pas franchement dire qu'elle agissait là par conscience professionnelle. Au contraire, elle regrettait même amplement de devoir se présenter à cet individu sous l'apparence de Liv et non celle de Raven... ça pourrait peut-être compliquer les choses à la suite... Enfin, chaque chose en son temps. Elle abandonna donc sa voiture pour se diriger vers l'immeuble sombre à proximité du métro qu'il lui avait indiqué. Elle ne daigna même pas lui demander s'il se rappelait son adresse exacte. Elle avait de sérieux doutes sur la question.

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st-ce qu'elle était sûre de vouloir l'accompagner ? À vrai dire non. Il se pouvait bien que ce soit là une perte de temps totale, sans l'ombre d'un intérêt, et qu'elle le regrette amèrement, car son temps était précieux, et le gaspiller sous des prétextes vains avait toujours eu le don de l'agacer. Seulement voilà, cet homme avait eu le don d'attiser sa curiosité, et elle avait besoin de comprendre. Au quotidien comme dans sa profession, elle n'aimait pas se retrouver face à une énigme qu'elle ne savait résoudre. Cela l'insupportait, même. Et là, entre le côté mort vivant revenu d'outre-tombe, la vision (les visions ? ) étrange qu'elle avait eu en lui touchant l'épaule et l'attitude suspecte de son interlocuteur, elle se trouvait face à une énigme sur pattes. Il allait falloir qu'elle tire les choses au clair, et pour cela, elle ne voyait pour le moment pas d'autre option que de le suivre. Quand l'homme lui demanda confirmation, au lieu de rester au volant de sa vieille voiture (épave), elle acquiesça donc et le suivit jusqu'à l'immeuble où ils se dirigeait à présent. Restait à espérer qu'ils y trouvent quelque chose. Il se pouvait très bien, après tout, que notre cher zombie souffre juste d'une déficience mentale sévère accompagnée de délires que la criminologue encourageait en le suivant dans ses errances. Pas grave, elle devait comprendre. Elle verrait bien sur place.

Alors, il serait toujours temps de prendre la tangente. Elle n'avait rien à perdre, l'homme était peut-être fou, elle ne pensait pas qu'il soit dangereux pour autant, et au pire, elle ne pensait pas qu'il puisse être aussi dangereux qu'elle (oui, elle se tenait en grande estime et oui, dire d'elle qu'elle était dangereuse était lui faire un compliment). Elle le suivit donc jusqu'à l'ascenseur dans lequel ils s'engouffrèrent alors. Liv appuya sur le numéro 9, quand Jared lui affirma que c'était à cet étage qu'il fallait aller... enfin, le croyait-il. Ça promettait, si jamais il s'avérait que l'homme affabulait totalement et disait n'importe quoi. Mais bon, dans le doute. Ça pouvait prendre du temps. Tu m'en diras tant. Liv ne savait pas trop pourquoi son interlocuteur lui avait donné cette indication. Parce qu'il espérait que ça la dissuade. Maintenant qu'elle était là, hein, autant aller jusqu'au bout,  même si cela ne mènerait peut-être nulle part. Et si c'était dans l'espoir qu'elle amorce la conversation, il pouvait toujours courir. Il ne fallait jamais compter sur Liv Jakobsson pour faire un brin de causette histoire de passer le temps, même si le temps dans certaines situations s'en voyait rallongée. Il avait raison. Cet ascenseur était lent, lent, lent... Mais finalement, il arriva à bon port, sans tomber en panne au passage, et les portes s'ouvrirent. Liv pénétra dans couloir, puis posa son regard sur l'homme-mystère. C'était à lui de la guider (même si elle n'aimait pas laisser ses actions, quelles qu'elles soient, de dépendre de quelconque), pour peu qu'il ne soit pas seulement un vieux siphonné parmi tant d'autres, qui l'avait conduit sans raisons jusqu'au neuvième étages d'un immeuble où ils n'avaient absolument rien à foutre.

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iv ne prononça pas le moindre mot, du moment où ils quittèrent sa voiture jusqu'à celui où ils entrèrent dans l'appartement de son présumé mort-vivant qui lui faisait avoir des visions étranges. À la remarque que le concerné lui fit sur l'état dans lequel allait être sa voiture, elle se contenta de hausser les épaules. Liv était maniaque, pourtant, plus que ne le laissait présumer l'extérieur de son tacot délabré, mais elle n'avait pas le matérialisme d'en vouloir un autre tant que celui-ci fonctionnait, ça n'empêchait pas l'intérieur d'être impeccable... Enfin, plutôt, ça ne l'avait pas empêché de l'être jusque-là, mais ça avait bien peu d'importance pour l'heure. Même si elle n'était pas directement concernée par tout cela, Jared n'était pas le seul à vouloir comprendre, elle aussi, et cette curiosité était montée d'un cran encore quand, arrivés devant la porte de l'appartement que son interlocuteur (qui était un peut-être un cinglé lambda qui foutait les pieds là pour la première fois, au demeurant) désignait comme le sien, ils y trouvèrent les scellés de la police. La police, où le travail de la jeune femme, en somme, même si la criminologue qu'elle était passait bien plus de temps derrière son bureau que sur le terrain. Ça signifiait que, en allant fouiller un peu et interroger quelques collègues, elle devrait avoir une vue plus précise de toute cette histoire... Elle aurait peut-être dû se contenter de ça et obliger son interlocuteur à ne pas faire un pas de plus. Elle était supposée représenter l'ordre, et même en admettant que cet appartement était le sien, ce qu'il faisait été illégal. Mais elle ne retint pas son geste, au contraire le laissa faire et entra à sa suite. Elle avait fait tout ce chemin, elle voulait comprendre où cela allait la mener.

Le regard de la jeune femme passait d'un détail à l'autre de la pièce, cherchant à en conserver le plus possible en mémoire, en quête du moindre élément susceptible de l'éclairer sur cette situation pour le moins singulière. Ses pouvoirs, en cela, lui étaient fort utiles, sa vision accrue lui donnait le loisir de constater les plus petits détails et sa mémoire absolue se chargeait de lui permettre de les retenir, quoi qu'elle dû bien faire abstraction des détails quand elle constata dans quel était cette "visite" des lieux mettait l'homme qu'elle avait accompagné. Si Liv ne pouvait rien savoir de l'expérience qu'il venait d'endurer, elle en constatait l'impact, et il était très difficile, de fait, même pour elle, qui avait tendance à être très sceptique, de ne pas croire en la sincérité de cet homme. À moins qu'il soit juste sincèrement arriéré.

-Qui a fait quoi ? ne put-elle s'empêcher de demander. Qu'est-ce qui s'est passé, ici ?

Allait-il à nouveau lui dire qu'il n'en savait rien ? Cette fois, il semblait avoir conscience de sa situation, ou au moins d'une partie de cette situation. Quoi qu'il en soit, qu'il lui monte un baratin ou non, elle était plutôt curieuse de savoir ce qu'il avait à en dire, même si c'était pour découvrir, en allant vérifier par après (ce qu'elle comptait effectivement faire), que ce n'était qu'un tissu de mensonges.

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