Défendre la nation se fait aussi à petite échelle

Dave Lizewski & Steve Rogers

Le retour à la vie était rude ... Je passais de nombreuses nuits sans dormir à essayer de recoller les morceaux, à chercher un sens à tout ça, à me convaincre d’avoir fait le bon choix. Je m’étais résigné à la mort. J’avais accepté mon destin et ma fin. Et je me trouvais là. A contempler NY de la fenêtre de mon appartement ... A regarder cette vie au dehors et encaisser le changement. Avais-je trompé mon monde ? Avais-je été la hauteur des hommes qui avaient combattu à mes côtés ? Que penseraient-ils aujourd’hui s’ils se tenaient à ma place ? La voudraient-ils ? Que penserait Bucky ?
Il n’y avait rien de naturel derrière tout ça. Rien d’explicable. Mais je ne pouvais demeurer ainsi à chercher des réponses où il ne peut y en avoir. Il me fallait continuer à faire ce que j’ai toujours fait, mais à une toute autre vitesse. Intégrer quantité d’informations et tâcher d’en retenir l’essentiel, l’informatique attendra ... Grâce aux dossiers du SHIELD, j’avais pu monter des rapports, bien que succincts, de chaque personnalité montante dont il est bon de connaitre l’identité. Qu’ils agissent dans l’ombre ou dans la lumière. Qu’ils préfèrent l’anonymat ou la reconnaissance, qu’ils choisissent le bien ou le mal. Il me fallait avoir tout ça, toutes ses précieuses informations, connaître le mental de chacun d’eux afin de prendre les meilleures décisions et d’agir en conséquence. Si j’avais fait mes preuves par le passé, il me fallait, aujourd’hui, prouver que je peux encore être dans le circuit et me maintenir à la hauteur de tous les autres. Mettre de côté mes réflexions et agir quand il le faut. Et le faire bien. On ne vit pas tous en accord avec son temps. Et je suis en mesure de savoir que les plus hauts placés n’ont pas aussi bien conscience de la hauteur de l’échelle que ceux qui la gravissent. Il ne s’agissait peut-être que d’un recommencement. Et ma persévérance saurait me prouver l’intérêt d’un tel dessein. Je n’étais pas ici pour rien ...

Néanmoins, mes grandes philosophies n’avaient sur moi, ce soir, aucun effet. J’éteignis la chaîne qui me berçait de la trompette d’Harry James et inondait mes pensées lointaines pour sortir voir ce qu’il se passait au dehors. Cette ville avait été la mienne, mais plus rien ne m’était familier à présent. Je connaissais les habitants du voisinage, tout autant que les commerçants qui jonchaient les rues voisines. Tous savent qui je suis, et certains doivent même s’étonner de ne pas me voir habiter un immense building comme Stark, mais j'ai toujours vécu simplement et n'ai pas envie de changer ça. J'aime me mêler à la foule environnante, ressembler à tout un chacun, sans retenir l’attention de personne, habillé comme tout le monde, ou du moins, selon mes goûts adaptés. La mode aussi avait changé. Les femmes exprimaient clairement leur féminité et exposaient fièrement leurs atouts. Les genres se mélangeaient, les mentalités avaient évolué.
Et ce n’était plus les hommes qui offraient des verres, ou alors de moins en moins fréquemment. Les femmes devenaient plus entreprenantes et buvaient autant qu’eux. Je souriais à les regarder tous vivre, assis dans mon coin. Je finis par quitter le bar avant que mon manque d’ébriété devienne soupçonneux face au nombre de bières que j’avais bu. De retour dans la rue, j’arpentais les avenues, à la recherche d’un but. Et il ne mit pas longtemps à venir à moi ...

Des bruits et des cris étouffés me parvinrent à proximité de ma position. Bien que n’étant pas armé, je n’aurais certainement pas affaire à des Hulk. Je m’engage à la hâte dans la rue adjacente et me rapproche du bruit. M’engouffrant dans une ruelle étroite et sombre, le bruit ne cesse de se faire plus audible. J’aperçois à l’embrasure d’un cul de sac deux silhouettes, surement là pour faire le guet, armées d’armes blanches. Je déboule dans la rue sans me soucier qu’ils soient plus nombreux.

« Hé ! », clamais-je à leur encontre, avant qu’ils ne se ruent sur moi, arme au poing. Ils distribuaient leurs coups avec rapidité mais mes esquives fatiguaient leurs mouvements. A peine les avais-je mis hors état de nuire que six autres fondaient sur moi, prêt à en découdre. Suffirait d’en garder un conscient pour saisir le fin mot de l’histoire, et comprendre de quoi il en retournait, enfin s’il était d’humeur à parler. La criminalité à New York ne cessait d’être en hausse quand bien même la ville regorgeait de super-héros et de justiciers pour la défendre. Encore une incohérence du système ...  

       

Dave Lizewski & Steve Rogers

Cette soirée me le prouvait une nouvelle fois. Il demeurerait toujours des causes à défendre, des personnes à protéger, des guerres à mener. S’il m’est impossible de connaitre la raison des litiges engendrant de tels actes, je préfère parler d’abord avant de cogner. Hormis avec ceux qui engagent les hostilités en premier. Dans ces cas-là, il faut rétablir la situation avant de seulement installer le dialogue. Mais il existe aussi des personnes sur qui les mots n’ont pas le moindre effet et où toute discussion est impossible. Qui n’œuvreront que dans le seul but de défaire ce que vous avez mis tant de temps à construire. Des personnes qui ne pensent qu’à faire le mal, n’agissant que pour leur propre profit. Je sais pertinemment que je ne changerais pas le monde, pas plus que ne ferais avancer les mentalités. Mais j'espérais faire écho en quelques-uns.
Enfin pour l’instant, qu’importe ce que je veux et ce qu’ils veulent. Il était plus qu’évident qu’ils n’obtiendraient rien en cette soirée et que je ne mettrais pas le doigt sur la raison de leurs motivations. Il ne restait donc qu’une seule chose à faire qui n’était autre que les mettre hors d'état de nuire.
Les coups s’ensuivant, j'esquive au mieux les attaques offensives de ces excités, lorsqu’une voix vient me crier de prendre garde à celui qui m’arrive par derrière, armé d’un couteau. Je réussis à éviter son attaque, m’épargnant d’être blessé, lorsque je compris qu’il s’était joint à moi pour en finir avec ces gars.

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, on avait maîtrisé la situation. Mais un coup d’œil dans la rue m’informa que la raison de leur présence ici avait fiché le camp sans demander son reste. Je me retourne vers l’inconnu au costume vert et jaune de ninja et lui adresse un large sourire satisfait.

« Merci pour le coup de main ... Kick-ass c’est ça ? », lui dis-je avec sympathie. Il allait s’en dire qu’il portait très bien son nom. Un nom qu’on oublie difficilement si on s’intéresse un peu. J’ignorais pourquoi on ne pouvait s’empêcher de maintenir sous surveillance des personnes comme lui qui font le bien à leurs dépens. Ils sont certainement autant des héros que tous les autres. Peut-être est-ce par peur qu’ils ne basculent au-delà de la frontière que permet la justice. Et que l’on ne peut laisser errer indéfiniment un justicier qui se fait vengeance lui-même en semant des cadavres sur son passage. Néanmoins, au vu du passé qu’il traîne derrière lui, je trouve qu’il s’en sort plutôt bien. Apprendre de ses erreurs n’est jamais chose simple, et encore plus quand ses erreurs engagent la vie de personnes qui nous sont chères. J’avais potassé sur la vie de David Lizewski. Et trouver une vidéo portant son nom n’était pas chose complexe même pour moi. La vie l’avait mis sur ma route, ce n’était certainement pas un hasard. La prudence ne devait cesser d’être de rigueur, mais il m’avait quand même évité de me faire poignarder dans le dos. Ce n’était pas rien. N’importe qui d’autre aurait certainement taillé la route. J’en serais venu à bout mais il m’avait toutefois évité quelques dommages. Non négligeable.

Dave Lizewski & Steve Rogers

J’appréciais le panache et l’enthousiasme du jeune homme. On pouvait arriver tellement loin en coopérant les uns avec les autres. En unissant nos forces, on pouvait être en mesure de renverser l’ordre établi. La vie me l’avait maintes fois prouvé alors que nous n’étions que des hommes se battant pour nos valeurs et nos principes. Ne craignant pas de prendre les armes et de partir au front pour défendre notre pays. Des valeurs qui rassemblent. Des valeurs qui unissent. En cette soirée, il n’y avait juste eu que lui et moi et cette bande organisée croyant encore insuffler la peur. Les mettant en échec, certains même ayant pris la fuite, nous avions ramené les choses à la normale. Néanmoins, je ne pouvais m’empêcher de m’interroger sur la destinée de ces jeunes, qui parfois la trouve du mauvais côté. Pour ce qui était de Kick-Ass, il semblait avoir trouvé la voie qui était sienne et pour laquelle il se battrait corps et âme. Certains le verraient comme un jeune en rébellion qui n’aurait su trouver sa place. Qui en serait encore à jouer au super-héros sans chercher plus loin que les convictions que revendiquent ses actes. Sans s’attarder sur ce qui les détermine et fait de lui celui qu’il est. Je ne le voyais pas comme un jeune, accro aux sensations fortes, légèrement suicidaire sur les bords qui penserait son monde comme irréel, prêt à tout tenter comme il le ferait sur ses jeux-vidéo, ne craignant plus le «game over». Mais un jeune qui a su tirer parti de ses erreurs et sait pourquoi il fait ce qu’il fait. Loin d’être ignorant et immature. On se cherche tous un modèle à suivre. Un exemple, Un symbole, une référence qui jamais ne cédera jusqu’à ce que nous fassions nos propres choix et empruntions notre propre voie.

Je souris à la fierté qu’il affiche et la reconnaissance qui l’inspire de savoir qu’il ne demeure pas parmi les insignifiances de ce monde. Savoir que ses actes ont un but honorable et sont reconnus à cette fin. J’appréciais notre échange autant qu’il ne semblait pas m’avoir reconnu. Il n’en était que plus agréable d’être seulement Steve Rogers. Etre le porte-bannière étoilé a quelque chose de glorifiant, mais il ne s'agit que d’un costume. Il en va pour moi, bien au-delà. Et je n’oublierai jamais les dernières paroles que m’a confié le Dr Erskine qui me guide encore aujourd’hui « Promettez-moi une chose, surtout restez ce que vous êtes, pas un soldat exemplaire mais un type bien ». Je ne pouvais empêcher les gens de nous considérer, tous aussi atypiques nous sommes, comme des pantins du Shield. Mais j’agissais en mon âme et conscience avant toute chose. Je ne progressais pas à l’aveugle, les yeux fermés.

Un petit rire m’emporta lorsqu’il reprit la parole. Mais il y avait du vrai dans ses mots. Je n’avais jamais eu peur de m’opposer à plus fort et plus grand que moi quand beaucoup trouvaient ça fou et complètement stupide. Bien que dans notre situation actuelle, je n’aurais su faire le poids auparavant. Aujourd’hui, il en devient plus difficile d’en calculer la portée. Mais je n’en suis pas invincible pour autant. Mes limites sauront s’imposer à moi en temps voulu.

« On finit par rechercher et apprécier la difficulté », lui confie-je, n’ayant de cesse de tester mes limites. Lui souriant sincèrement, je lui tends la main.

« Steve, enchanté », lui dis-je, avec fraternité. Ce n’était pas parce qu’on se met à la mode, que l’on change de coupe de cheveux ou que l’on adopte un style différent que l’on évolue. Ce sont les rencontres que nous faisons et les situations que l’on traverse, ce qu’elles nous apportent et nous enlèvent, à l’arrivée, ce que l’on en tire, qui provoque notre évolution.  

Dave Lizewski & Steve Rogers

J’en appréciais notre échange, et certainement d’autant plus que l’on se parlait d’homme à homme. Si je connaissais son identité et en sache certainement plus sur lui qu’il ne pourrait en savoir de moi, on levait le voile qu’une identité authentifiée et reconnue peut poser. Les choses auraient certainement été différentes si en cette nuit, je m’étais présenté bouclier à la main. Il y aurait eu peut-être plus de réserve de sa part, peut-être même plus de distance, qui auraient parasité notre échange actuel. En cet instant, nous étions sur le même pied d’égalité. Il se battait pour défendre la juste cause et je revendiquais le même état d’esprit. Toujours prêt à protéger le plus faible, à prendre les armes pour ceux qui ne le peuvent et combattre à nos risques et périls. Si l’encourager dans une telle voie n’est certainement pas de mon ressort, j’en admirais son courage et sa détermination. Il s’exposait à tous les risques, bravant sa condition humaine pour sauver la vie d’une autre personne. Il n’y avait rien de plus honorable. Je ne devais ma condition supérieure qu’à la formule de Dr Erskine, sans elle, certainement ne me trouverais-je pas ici et n’aurais-je fait le poids.

A sa question je marque un temps d’arrêt, bien conscient qu’il me faudrait creuser l’affaire pour prévenir un comportement analogue dans le futur qui risquerait certainement de se reproduire étant donné que l’on avait saboté leur plan de ce soir. Mais les forces de police sont bien là pour ça et je ne suis pas sans savoir que s’il n’y avait pas de faille dans le système, il n’y aurait pas de super-héros ou de justiciers se faisant justice eux-mêmes.

« Ça m’a tout l’air d’un règlement de comptes, mais aucun n’a souhaité s’exprimer avant de frapper et la victime n’a pas traîné, toutefois, on devrait bientôt le savoir ... », lui répondis-je d’un mouvement de tête entendu. Le premier qui sortirait de l’inconscience aurait droit à un interrogatoire musclé. Il sévit tellement d’actes délictueux et criminels en cette ville qu’on ne peut les ignorer. Et impossible pour moi de passer mon chemin sans réagir. Agir en collaboration avec les forces de l’ordre ne me posait pas de problème du moment que tout le monde avance dans le même sens. Il n’était pas question de me substituer à un statut mais plutôt d’agir pour le bien commun quand la situation l’exige.

« Alors, petit, ça fait combien de temps que tu fais ça ? », le questionnais-je, intéressé par le personnage qu’il représente autant que le jeune homme qu’il est, ne pouvant ni l’encourager ni le blâmer de faire ce qu’il fait. Si son attitude est hautement respectable, les risques qu’il encourt sont considérables et pourraient bien le conduire à une fin tragique. Et quand l’éthique s’en mêle ... Le mieux resterait qu’il parvienne à mettre à profit ses talents différemment et envisager sa vie sur la longueur plutôt que sur l’instant.

Dave Lizewski & Steve Rogers

Je pus sentir une note de perplexité dans son regard lorsque je lui posai cette question. Certainement qu’on ne lui demandait pas ça tous les jours et encore moins lorsqu’il enfilait son costume pour défendre la juste cause. De la part d’un parfait inconnu, il y avait de quoi étonner quand bien même il pourrait se satisfaire d’avoir été reconnu pour ses talents de justicier. Mais sa réponse fut limpide, comme si ce n’était pas la première fois qu’il se la posait. Comme un besoin de retourner aux sources, on veut avoir à se rappeler par quoi et comment tout à commencer et cela même si les souvenirs que cela ravive sont douloureux. Ce besoin de mémoire, il nous porte quoi que l’on fasse. Parce que nous savons que c’est à partir de ce même instant que notre vie a brutalement changé. Et dans un besoin de conserver le contrôle, on ne veut oublier le moindre détail, ils sont tous importants. Je n’avais rien oublié de ma première vie, bien que je ne la considère comme tel. Je me souvenais exactement de l’état dans lequel je me trouvais à chacune de mes tentatives au bureau de recrutement. Cet infime espoir qui m’envahissait à chaque fois alors que je cumulais les échecs. Rien ne me l’aurait fait perdre espoir. Pour certains, cela s’apparente à de la folie et certainement que pour de mauvaises raisons cela en est aussi. Une détermination telle qu’on ne puisse savoir où elle nous conduira avant d’y faire face. Bon ou mauvais choix ...

Lorsque Dave reprit la parole, je constatai sa modestie au travers de son souci de justesse et esquisse un sourire. Même si je ne connaissais son existence que depuis peu et qu’il en sait surement plus que moi sur la façon dont tourne ce monde, je sais reconnaître quelqu’un de bien quand j’en vois un. Et Dave est de ceux-là. A se soucier des autres avant de penser à lui-même. À faire de son existence une quête altruiste, bien que je ne puisse acquitter tous ses actes, ou approuver toutes ses méthodes. Je crois sincèrement en sa bonté d’âme. Néanmoins, nous ne sommes pas tous alimentés par les mêmes moteurs tout comme ils ne fonctionnent pas tous de la même façon sur chacun d’entre nous. Nous restons le seul capitaine de notre vie, le seul à tenir le gouvernail.  

« Ne sois pas trop modeste, je trouve que tu t’en sors bien », lui dis-je approuvant ses propos. Bien qu’il soit important de se méfier des bonnes actions pour les mauvaises raisons, Dave semblait avoir appris cette leçon à ses dépens, la vie ne lui ayant pas fait de cadeaux. Alors j’espérais qu’il garderait à l’esprit de ne pas se laisser emporter pour son sens pour la justice qui peut nous conduire à agir à l’exact opposé.

« S’il y a bien une chose que j’ai appris ces deux derniers mois c’est qu’il faut toujours être convaincu que nos raisons sont les bonnes, et qu’elles continueront de nous porter, auquel cas, la seule chose à faire est de rendre les armes », lui dis-je, en pleine réflexion, sur ce que nos actions peuvent faire et causer en retour.  

« Tu as du mérite à agir dans l’ombre tel que tu le fais, sans dévoiler ton identité », repris-je enthousiasmé par le jeune homme, qui tournait le dos à la reconnaissance dans le seul but de protéger les siens et de continuer à être efficace. Il s’agissait d’une réflexion qu’il avait pris en toute conscience, la jugeant nécessaire sans pour autant qu’elle l’empêche de vivre aussi normalement que possible. Il ne s’agissait nullement de fuir ses responsabilités ou de refuser d’assumer ses actes, seulement un moyen de garantir l’équilibre tout en modérant la panique.

Dave Lizewski & Steve Rogers

Certainement si nos rôles étaient inversés et si je me retrouvais à mener son existence, peut-être aurais-je agit de la même façon que lui. Mon refus de ne fuir aucune bagarre et de m’accrocher ferme à mes convictions étaient peut-être aussi une manière de briller dans l’ombre. Trop peu extraverti pour me porter en avant, ou même signaler ma présence, me préférant le plus discret possible, c'est aujourd’hui les responsabilités qui me sont dues qui me portent aussi haut et m’amenent à devoir m’affirmer. Pour accomplir celui qui a toujours sommeillé en moi, qui a su me révéler. A l’image de ma personnalité. Mais je n’ai jamais raffolé des ovations ni des grandes cérémonies. Certes, s’il me faut le faire, je saurais m’y soumettre parce qu’il en va d’un devoir pour moi, à l’égal de cette présentation publique à laquelle je me dois d’assister sous peu au cimetière d’Arlington. Mais ces officialités ne me représentent pas. Il n’est nullement question d’en mettre plein la vue ou de me montrer comme sait si bien le faire Monsieur Stark. Je me sentirais toujours comme à la cérémonie des diplômes où l’on se voit adulé d’avoir seulement fait ce pour quoi l’on est fait. Je ne m’attarde pas sur l’attention voire l’adoration que l’on me porte, quand bien même elle a su m’impressionner autrefois. Je ne souhaite qu’agir pour le bien commun, et si les réactions sont positives alors, c’est que je continue de faire ce qui est bien pour chacun d’entre eux.

Sa réponse, que je reçois d’un sourire, me plut et me confirme toute la maturité que j’espérais de ce jeune homme à qui l’on saurait jeter la première pierre bien trop facilement par refus de compréhension ou d’entorses aux principes établis. Notre capacité à remettre les choses en cause ou à s’interroger sur le bien-fondé de toute chose demeure notre salut. Devions-nous blâmer ce jeune qui ne fait que chercher sa place ? Il avait gagné en réflexion sur ses actes et en avait retenu le plus important, le pourquoi il le fait et ce que cela représente pour lui. Se laissant entraîner sur la penche que je venais d’amorcer, il me fit part de son besoin de garder son identité secrète, dans l’unique but de s’éviter des représailles qui pourraient mettre en danger la vie de ses proches. Et lorsque l’on connait son passé, il n’était pas difficile d’en comprendre son besoin de ne voir l’histoire se répéter. Une telle épreuve l’a certainement fait grandir.

« C’est courageux de faire passer les intérêts des autres avant les tiens », lui dis-je, ne pouvais en dire plus que des grommellements de douleur nous ramenèrent à la situation qui était la nôtre. Le travail n’était pas encore terminé et je comptais bien savoir de quoi il en retourne avant qu’ils ne soient pris en charge par la Police. Il reprit vite pieds avec la réalité, nous sommant de ne plus l’approcher. Je le saisis fermement par le col et le fis décoller de terre sans le moindre effort, de façon à faire monter la pression de quelques crans avant de le reposer au sol sans lâcher prise, cependant.

« Pour qui est-ce que tu travailles, et quelle est la raison de ta présence ici et de celles de tes hommes », lui dis-je sur un ton des plus inquisiteurs. Il se contenta de ricaner au départ avant que je n’en vienne à le secouer un peu fermement et qu’il se mette enfin à parler.

« J’l’ai jamais vu, et j’connais pas son nom non plus, on reçoit seulement l’endroit et l’heure et c’qu’il faut qu’on fasse sur un bout d’papier, ouais», finit-il par dire, d’un regard dédaigneux, comme si le cul-de-sac n’engageait aucune sortie. Je tourne le regard vers Dave, espérant que cette manière de procéder lui parle et nous mette sur une piste tangible. Néanmoins, je n’aimais que peu ces services rendus à l’aveugle qui pouvaient être motivés par bien des moyens.

Dave Lizewski & Steve Rogers

Le retour à la réalité se fut quelque peu décevant lorsque l’interrogé se mit enfin à table. Néanmoins, il ne nous fallait pas déconsidérer ses propos trop vite. A la manière dont je pensais ne plus être en capacité de m’étonner, il m’avait fallu intégrer que maintenant les voitures roulent toute seule, que certains héliporteurs peuvent rester éternellement en vol, et que ce ne sont plus les hommes qui font la cour aux femmes mais l’inverse ! A présent, il m’est impossible de juger du vrai et du faux sans en avoir de preuve formelle. Aussi lorsqu’il nous fit savoir qu’il recevait ses ordres d’un bout de papier et que Dave s’exprima vivement face à la stupidité de ce mode de fonctionnement, je fus ravi de constater que je n’étais pas le seul à trouver que le monde a cessé de tourner rond depuis longtemps. Néanmoins, rectitude oblige, je ne montrai rien, ne contentant de dévisager l’homme qui me faisait face et que j’étreignais fermement.
Toutefois ce dernier ne lâchait pas Dave des yeux, n’ayant certainement que peu apprécié sa remarque. Mais comme il est souvent convenu, les cerveaux ne recherchent pas d’autres cerveaux, seulement des exécutants aussi peu qualifiées qu’intelligentes pour faire circuler leur marchandise. Tout est question de logistique et de timing.

« Hé ça paye, c’est tout ce qui compte ! », brailla-t-il pour se défendre alors qu’on ne l’écoutait déjà plus. Dave me fit savoir que ce mode opératoire lui rappelait vaguement quelque chose et que cette information semblait lier à un trafic de drogue influent. Peut-être avaient-ils eu pour ordre de retrouver un revendeur qui n’aurait su honorer sa part du marché. Mais comment ce dit cerveau peut-il avoir un coup d’avance de la sorte sans jamais avoir à prendre le moindre risque et ne laisser le moindre nom sur sa carte de visite ? Tel était ce qu’il nous restait à élucider.
Il se prit ensuite à jurer de la plus grossière des manières à notre égard pour qu’on le relâche, mais je ne fus que peu disposer à accorder ses volontés.

« Nous saurons vous trouver lorsque nous aurons à nouveau besoin de vous, et croyez-moi sur paroles, nous nous reverrons », lui répondis-je alors que la haine montait dans son regard. Ne lui laissant le temps d’ajouter mots, je l’assomme d’un coup de tête et le repose au sol. Me tournant vers Dave, je ne cachais pas l’inquiétude qui me gagnait espérant toutefois que l’on tienne quelque chose de tangible.

« On devrait partir de ça, c’est le seul point de départ que nous ayons, nous verrons bien où ça nous mène », lui fis-je savoir, conscient que l’information restait maigre. Mais peut-être aurait-il plus de chance que moi de parvenir à quelque chose.
Je jette un coup d’œil dans la rue avant de le reposer sur lui et de lui adresser un sourire amical.

« Je vais attendre les autorités pour leur expliquer ce qui vient de se produire et les mettre sur la piste, mais rien ne t’oblige à rester. Je ne veux pas t’attirer d’ennuis, ton aide m’a été précieuse ce soir », lui dis-je, avec sympathie, convenant que les forces de police ne puissent porter Dave dans leur cœur, quand bien même il puisse leur rendre service. Au même titre que les autres, il portait l’étiquette du hors-la-loi. Et certainement que c’était ce qui saurait m’attendre si le gouvernement vient à décider qu’il n’a plus avoir besoin de moi, à raison d’un représentatif qui ne se justifie plus, qui serait passé de mode.