Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
Un traitement spécial ? La dernière a en avoir reçu un lui en avait voulu durant plusieurs siècles. Alors certes, Darcy ne vivrait pas aussi longtemps mais tout de même.
Vous avez eu un traitement spécial. Vous êtes la seule que j'aie invité au restaurant par la suite !
Bon, en même temps, à l'époque de sa première incursion sur terre, les restaurants n'existaient pas, certes. Et encore moins dans les villages vikings. Mais l'idée générale restait la même, il n'avait jamais prit la peine d'inviter galamment une autre de celle qu'il aurait ligoté pour une raison ou pour une autre.
Mais Loki s'efforçait de ne pas repenser à cette époque. A son passé tout court en réalité. A se rappeler les souvenirs de lorsqu'il ignorait encore tout de sa véritable identité, de la trahison de celui qu'il appelait Père, de lorsque Thor était encore un véritable frère pour lui et un ami. Un vieux proverbe scandinave disait « L'amour est aveugle, la colère l'est encore plus » et c'était exactement ce qu'il ressentait. Il était bien plus facile pour lui de les haïr désormais plutôt que de continuer à les aimer et si pour cela il devait devenir un monstre alors soit, un monstre il serait.
Et c'était exactement pour cette raison qu'il tentait de mettre en garde Darcy. Contre toutes attentes, il appréciait réellement la jeune femme et son tempérament volcanique et il n'avait pas envie d'en arriver à devoir la trahir et la faire souffrir elle aussi. Mais elle ne semblait pas vouloir le prendre au sérieux. Et pourtant, elle le devrait, vraiment. Loki savait de quoi il était capable, lui. Il n'avait plus aucune limite désormais, plus rien pour le retenir.
A la réponse de Darcy, il soupira en levant vaguement les mains en signe d'impuissance. Il avait détruit une ville entière à peine quelques mois plus tôt, faisant un nombre considérable de victimes, il lui fallait quoi de plus ? Qu'il réduise New York en cendres ?
Je n'arrive pas à savoir si vous êtes courageuse ou juste totalement inconsciente, dit-il avec une vraie sincérité tout en venant se placer à ses côtés.
Ma foi, il devait avouer qu'effectivement, la vue était magnifique. La lune se reflétait sur l'eau calme du lac et l'endroit était si silencieux que Loki peinait à imaginer qu'ils se trouvaient pourtant toujours en plein centre de cette ville si animée.
Pourquoi m'avoir emmené ici ?, lui demanda-t-il en se tournant vers elle. Je veux dire, vous savez qui je suis, ce que j'ai fais et vous m'emmener dans un lieu désert tout en vous amusant à me provoquer en sachant pertinemment que je pourrais vous tuer et faire disparaître votre cadavre d'un simple claquement de doigts. Tout comme il me serait tout aussi facile de prendre ensuite votre apparence pour voler votre identité auprès de tous et ainsi me rapprocher par moi-même de ceux que j'estime pouvoir m'être utile.
S’il y avait d’autres ombres, d’autres êtres, d’autres parcelles de vie autour d’eux, Darcy ne les percevait pas. Comme si Central Park leur appartenait, et leur solitude les enveloppait comme une bulle. Aucun cri, sinon les branches des arbres sous la brise du vent d’automne ; aucun mouvement sinon la surface ondulante du lac. Seule, jamais elle n’aurait eu la témérité nécessaire de venir jusqu’ici. Même accompagnée, tout compte fait. Les New-Yorkais savent qu’il ne fait pas bon de flâner dans le parc la nuit, malgré sa féérie et malgré son apparence bienveillante le jour. Mais son compagnon nocturne possédait deux trois particularités qui la faisaient se sentir en sécurité… alors, autant en profiter. Oh, bien sûr, malgré sa naïveté Darcy n’était pas inconsciente : si Loki pouvait être une garantie de sécurité pour elle contre d’éventuels agresseurs, il pouvait tout à fait être une égale menace à son encontre…
« Je n'arrive pas à savoir si vous êtes courageuse ou juste totalement inconsciente. » Ah bah tiens, puisqu’on en parle… Elle le sentit approcher, s’arrêter juste à côté d’elle. Maintenant, elle était habituée, si bien que sa respiration ne se modifia même pas. Pourtant, Darcy ne lui fit pas face lorsqu’il reprit la parole : elle ne pressentait que trop bien ce qu’il allait dire, et elle n’avait pas envie de croiser son regard – d’autant plus qu’elle sentait une sincérité assez troublante émanant de lui.
« Pourquoi m'avoir emmené ici ? » Elle ferma les yeux en écoutant ses mots. Lorsqu’il eut terminé, elle eut l’impression que la quiétude féérique d’avant s’était transformé en un inquiétant silence… qu’elle ne rompit pas tout de suite.
Que pouvait-elle répondre ? Qu’avait-elle à répondre ? « Je ne vous ai pas forcé à venir », furent ses premières paroles. Enfin, plutôt un murmure. Une pensée pour elle-même formulée à voix un peu trop haute. Elle aurait pu expédier la question en criant cette dernière phrase et en tournant les talons, en lui disant que s’il n’était pas content il n’avait qu’à se barrer et puis voilà, elle ne lui demandait rien après tout. Mais la question était loin d’être anodine et Darcy elle-même savait qu’elle devait y répondre. Après tout, elle se la posait aussi.
On ne se balade pas dans Central Park la nuit avec un maniaque aux tendances marquées pour l’homicide.
Alors, oui, elle savait qui il était, ce qu’il avait fait. Devait-elle lui rappeler pour la quinzième fois qu’il avait bien failli la tuer, elle aussi ? Que ça n’avait tenu qu’à des circonstances favorables et à une grosse dose de chance ? Le reste ne lui donnait plus du tout envie de rire, ni même de plaisanter. De le provoquer, comme il disait si bien. Quoique… l’envie de lui cracher « bah allez-y alors » lui brûlait la langue. Hein ? Qu’est-ce qui vous retient, vous ? Allez-y, arrêtez de me faire peur et de crier au loup, empalez-moi contre cet arbre ou noyez-moi dans le lac, et continuez votre trajectoire mégalomaniaque en envahissant ma planète. Faut pas vous gêner pour moi.
Darcy resta silencieuse encore un instant, resserrant contre elle les pans de son manteau, prenant conscience du froid qui s’était abattu sur eux, à force de rester immobile. Ou sur elle uniquement ? Les dieux nordiques ne ressentaient probablement pas le froid.
« Parce-que… réponse douloureuse. j’avais envie. » Ce fut laborieux... et lamentable. C’est difficile de mettre en mots tout ce qui se bouscule dans sa tête maintenant. Parce-qu’elle se sent seule ? Parce-qu’elle aurait voulu fuir dès l’instant où elle l’a vu mais que compte tenu de l’attitude dont il a fait preuve au cours de cette soirée, elle a décidé de lui donner une chance ? Parce-que c’était mieux de continuer à parler avec un être magique au bord d’un lac illuminé que de rentrer dans son petit appartement pour reprendre le cours de sa vie terne et monotone ? Parce-que pour une fois que quelqu’un s’intéressait à elle – même si c’était purement égoïste et si ça comprenait une bonne part de manipulation – elle pouvait espérer être actrice et non plus spectatrice ?
Ou parce-que comme une simple petite mortelle elle a baissé sa garde face au charisme magnétique de Loki, et que bêtement elle a cru pouvoir lui montrer une autre facette du monde qu’il s’apprêtait à détruire, comme si ça pouvait changer le cours des choses ? Parce-que sans qu’elle puisse se l’expliquer il avait quelque peu gommé la méfiance et le dégoût initial qu’elle éprouvait pour lui, parce-qu’elle faisait en ce moment même l’erreur de penser qu’il ne lui ferait pas de mal. Parce-qu’elle avait regardé trop de films et qu’elle s’imaginait être l’héroïne qui peut agir en raison d’un lien particulier avec le méchant de l’histoire ? Parce-qu’il ne lui est jamais rien arrivé de grave et que même si elle n’a pas confiance en lui, elle est trop sûre pour imaginer qu’il la tue ?
Parce-qu’enfin elle a l’occasion de faire quelque chose de spécial – peut-être d’être un peu spéciale ?
Un peu de tout ça, mais elle ne le formule pas.
Enfin, elle daigne le regarder, et soutenir ces yeux qui brillent d’une lueur particulière. « Je ne sais pas, d’accord ? répondit-elle finalement, franchement. Elle croisa ses bras sur sa poitrine, désireuse de mettre entre eux une barrière physique symbolique. Je ne sais pas. Elle haussa les épaules. Qu’est-ce que vous voulez entendre ? Que j’ai pas autant peur de vous que je devrais, même si vous avez failli me buter, moi, mes amis, votre frère, de parfaits innocents et inconnus ? Que je ne l’ai pas oublié mais que… que… Sa gorge se serra. Elle détourna les yeux, et fixa son regard quelque part au milieu du lac. J'ai pas de justification. Pause. Elle ne le regarde toujours pas, mais lève un peu ses yeux bleu ciel, regarde maintenant une forme noire de l'autre côté du lac. J’ai peut-être juste envie de croire que vous n’êtes pas le taré pour lequel tout le monde vous prend. Ni le monstre que vous êtes convaincu d’être. Voilà. Ça fait une bonne justification, non ? Il y avait une impuissance dans sa voix qu'elle ne savait contenir. Un mélange de frustration, de larmes et de colère. Elle allait dépasser les limites, et elle le savait. Darcy devrait se taire, et en temps normal, jamais elle ne serait si imprudente. Mais un goût de défi la poussait à aller jusqu’au bout. Ouais, j’ai envie de croire que vous n’êtes pas un malade, un psychopathe, un dieu mégalomane, obsédé par le pouvoir et par le contrôle. J’ai envie de croire que vous êtes aussi quelqu’un de bien parce-que c’est ce que je suis. C’est ce que je fais. Je vous connais peut-être pas aussi bien que les autres, je sais pas. Mais voilà, c'est moi, Darcy Lewis, et je crois en la bonté et en la bienveillance. »
Seulement à cet instant elle se retourna vers lui, rassemblant tout le courage qu'elle n'avait jamais eu pour se jeter dans la gueule du loup. Elle ignorait ce qu'il verrait dans ses yeux, un obscur instinct de mort ou une lueur d'optimisme fou à lier, mais elle espérait que ce serait assez puissant pour le faire renoncer, même si elle s'attendait à une sanction à la hauteur de son insolence. Elle savait qu'elle avait dépassé les bornes, franchi la ligne rouge, qu'elle lui avait craché en pleine face.
En tous cas, Darcy imagine assez bien qu'on n'offense pas Loki si facilement.
« Allez-y, Loki, libérez vos pulsions, tuez-moi. » Darcy fit bien attention à le regarder droit dans les yeux. « Montez-moi que j’ai tort. »
Elle avait toujours été le genre de fille à persévérer, et à aller au bout de ses idées. Seulement, cette fois-ci serait peut-être la dernière.
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
La question de Loki était sincère. Il avait vraiment envie de savoir pourquoi Darcy l'avait emmené ici, en prenant autant de risques et surtout en ayant conscience des risques qu'elle prenait. C'était vrai, elle ne l'avait pas forcé à venir mais Loki n'était pas celui d'eux deux qui devait se méfier de l'autre. Il n'avait aucune raison de craindre Darcy lui. Enfin, le pensait-il ignorant tout des aptitudes de la jeune femme avec un taser.
Et le début de sa réponse étonna encore d'avantage Loki. Parce qu'elle en avait envie ?
D'accord, ce n'était pas une première pour lui quand même. Lors de son premier passage sur terre, il y avait un bon millénaire, son frère, leurs amis et lui avaient mit un point d'honneur à... découvrir la version féminine de l'espèce humaine. Mais à l'époque, elles étaient bien moins méfiantes, n'avaient pas les journaux internationaux et surtout, Loki n'avait pas quasiment détruit toute une petite ville avec le jouet préféré de son père.
Le reste des propos de Darcy le surprirent encore plus et, malgré lui, touchèrent une corde sensible en lui. Cette même corde qu'il s'efforçait d'ignorer à défaut de pouvoir complètement s'en défaire. Darcy Lewis, ce petit bout de femme buté qu'il avait plutôt maltraité à leur rencontre, semblait vouloir lui donner une chance de lui prouver qu'il n'était pas celui que lui-même voulait pourtant être. Il s'était forgé cette carapace et ne voulait pas s'en défaire. C'est pourquoi, il resta impassible en l'écoutant même s'il ne perdait pas un seul mot de ce qu'elle lui disait.
Quand elle le mit au défi de la tuer, Loki ne bougea pas un muscle. Il aurait dû le faire en cet instant même, sans hésiter. Mais une autre image bien plus forte s'imposa dans son esprit. Il se voyait attraper Darcy, plaquer ses lèvres sur les siennes, la déshabiller sans la moindre pudeur, la soulever pour la coller contre l'un des arbres et lui faire passionnément l'amour ici même, dans ce parc loin de tout.
Mais il n'en fit rien. Peut-être que n'importe qu'elle autre femme... Mais Darcy était dangereuse pour lui. Elle semblait être en mesure de fissurer cette carapace dont il s'entourait et il ne voulait pas la laisser faire. Tout ceux en qui il était attaché, en qui il avait eu pleinement confiance, l'avaient trahit. Pourquoi serait-elle différente de sa propre famille ? Et il était ici avec un but, pour des raisons précises et il lui était hors de question de s'en laisser détourner, encore moins pour une jeune femme, aussi tentatrice soit-elle.
Je n'ai aucune raison de vous tuer tant que vous pouvez m'être utile, finit-il par répondre sur ce ton caressant qu'il employait si souvent. Après tout, vous avez dit être prête à m'aider dans ma quête n'est-ce pas ?
Mais s'il n'en laissait rien paraître, Loki commençait à se demander si c'était réellement une bonne idée de garder la jeune femme auprès de lui. Darcy était séduisante et avait ce tempérament volcanique qu'il avait toujours aimé chez les femmes. La garder à ses côtés c'était comme de jouer stupidement et dangereusement avec le feu. Mais il n'avait que peu d'alliés pour l'instant et Darcy était bien placée pour le mettre en contact avec des scientifiques qui pourraient être capable de recréer un moyen de voyager entre les mondes. Elle lui était donc malheureusement d'une grande utilité.
D'ailleurs, il serait temps de se mettre au travail Miss Lewis, annonça-t-il tout en se redressant tranquillement avant de tirer machinalement sur sa veste de costume pour la remettre correctement en place et de lisser sa cravate dans des gestes qui pourraient trahir l'habitude de porter ce genre de vêtements bien qu'ils soient inexistant sur Asgard. Votre première mission consistera à me faire une liste de ceux susceptible d'avoir les moyens de créer une sorte de nouveau bifrost et surtout, susceptibles d'être prêt à m'aider.
Autrement dit, autant rayer tout de suite Tony Stark de la liste.
Darcy avait beau chercher, il lui semblait bien que c’était la première fois qu’elle s’exposait autant au danger – volontairement et directement. Elle avait bravé les interdictions et les barrières pour retourner dans sa ville détruite après l’Ouragan, elle était rentrée parfois tard, seule et ivre le soir, elle s’était battue parfois, mais jamais elle n’avait provoqué un meurtrier. Il fallait bien une première fois à tout, non ?
Vu de l’extérieur, elle ne semblait pas particulièrement apeurée. Le défi brûlait dans ses yeux et sa posture indiquait plutôt une certaine confiance. À l’intérieur, elle se sentait terrifiée, maintenant. Le regard vert, irréel de Loki lui donnait l’impression d’être scannée, et elle appréhendait le moment où elle y verrait une étincelle de folie. Pouvait-il la tuer ? Sans hésitation. Peut-être même en claquant des doigts, et elle s’effondrerait sur le sol comme une poupée de chiffon… dans le meilleur des cas. Darcy réalisa soudainement que personne ne savait où elle était. Jane était à des milliers de kilomètres et elle ne l’avait pas prévenue de sa… rencontre. Et il n’y avait aucun témoin potentiel.
La seule fois où elle avait eu un aperçu de Loki, au Nouveau-Mexique, il pilotait un robot-chalumeau qui cramait tout et n’importe quoi. Darcy restait ignorante quant au réel potentiel meurtrier du dieu, mais maintenant qu’elle jouait avec le feu (sans jeu de mots), elle réalisait que ce genre de comportement ne l’amènerait nulle part. La chance était avec elle : jusqu’à présent Loki avait semblé être dans de bonnes dispositions, relativement affable, et plutôt calme. Si pour une raison ou une autre il reprenait cet état d’esprit qui avait failli détruire toute une ville, elle serait en première ligne et son sarcasme légendaire ne la sauverait pas.
Une petite voix lui soufflait qu’il ne la tuerait pas. Mais une autre lui soufflait qu’il en était bien capable et qu’elle ferait mieux de faire attention. Darcy n’avait aucune envie de terminer ses jours ici, maintenant. Bon, certes, elle était coiffée et maquillée et portait une jolie robe donc c’était déjà ça de pris – elle ferait un joli cadavre – mais sa mission sur cette Terre n’était pas terminée. Il restait encore plein de travail à faire au labo et surtout elle n’avait pas encore son diplôme. Jane serait incapable de se débrouiller sans elle et elle s’enfoncerait dans la dépression, oublierait de manger et arrêterait de se laver et de sortir et son cerveau imploserait sous les trop grandes quantités de trucs scientifiques qu’elle faisait. En fait, elle manquerait surtout à Jane – notamment parce-qu’elle était indispensable à sa survie. Elle manquerait à quelques amis aussi, mais personne n’irait se lamenter en hurlant au Ciel que leur vie n’avait plus de sens depuis qu’elle était partie. Ses parents apprendraient probablement la nouvelle des mois après et honnêtement elle n’était même pas en mesure d’imaginer une réaction tragique de leur part. Néanmoins, vingt-quatre ans ça faisait jeune pour mourir – mais mourir de la main d’un dieu (surtout le dieu la Ruse et du Mensonge en personne...) c’était plutôt cool.
Okay, elle divaguait. Mais il ne répondait pas tout de suite et ça la laissait dans une attente assez inconfortable. Elle fut bien trop soulagée lorsqu’il prit enfin la parole, faillit même soupirer d’aise – mais se retint. Elle avait une fierté à maintenir (enfin, une fierté… hum), alors, elle se contenta de sourire. Un sourire un peu timide, mais triomphal, aussi significatif que si elle s’était trimballée avec un panneau lumineux annonçant en lettres capitales « Je vous l’avais bien dit ! ». Étrangement, elle se sentit flattée. Peut-être avait-elle un peu réussi. Il y avait du bon en lui. Il ne le laissait juste pas paraître.
Après cet ascenseur émotionnel (elle allait s’habituer, à force…), elle accueillit la remarque de Loki non avec ironie, mais plutôt avec reconnaissance. Pour elle, ça représentait une petite victoire. Il pouvait bien essayer de la taquiner tant qu’il voulait, son regard de satisfaction ne s’effacerait pas.
« Prête à vous aider ? releva-t-elle néanmoins. On n’a pas dû comprendre la même chose… Je vous accorde mon aide, déjà, seulement parce-que c’est une opportunité pour mes recherches. » Moui… ou les recherches de Jane, plutôt. « Alors ne sautez pas sur des conclusions hâtives. » Et la voilà redevenue elle-même.
Elle ne put retenir un léger rire. « Ma première mission ? Donc ça y est, on est partis ? Vous donnez les ordres et j’exécute ? S’il pensait que ça allait être si facile… De nouveau détendue, elle se rapprocha de lui. Et ensuite je m’appelle Darcy. Épargnez-vous ce ton paternaliste et vos "Miss Lewis", s’il vous plaît, je n’ai pas besoin qu’on me supervise. Surtout, ça la faisait se sentir bizarre quand il prononçait son nom ainsi. Et je ne travaille pas pour vous, que ça soit bien clair… si je travaille, c’est avec vous. Je ne ferais pas le sale boulot toute seule. » Elle haussa les sourcils pour se donner un air sérieux – et même si elle le pensait, elle savait très bien que Loki serait occupé à… d’autres choses, et qu’elle finirait les recherches elle-même.
« Du coup… La question au bout de ses lèvres la fit sourire par anticipation. S’il était temps de mettre fin à leur… entrevue, elle pouvait aussi bien poser des questions débiles, ce ne serait pas la première fois. Je vous raccompagne ? Chez vous ? Je ne voudrais pas que vous vous perdiez et je ne voudrais surtout pas que vous butiez quelqu’un sur le chemin du retour. »
Ayant dit cela, elle embrassa une dernière fois le lac du regard, prête à quitter l’endroit et sa féérie... et acheva sa course en posant ses yeux bleus sur Loki.
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
A priori, à en croire la réaction de Darcy, tout deux n'avaient pas la même idée sur comment fonctionnerait leur relation de travail. Car oui, Loki était parti dans l'optique que c'était lui qui commandait et que Darcy serait comme son employée. Non pas qu'il doutait des capacités de la jeune femme, loin de là. C'était juste qu'il s'imaginait mal travailler en collaboration avec elle, doutant très fortement qu'elle soit du genre à ne pas hésiter à abattre qui se trouve sur son chemin elle aussi. Dans le fond, c'était une faveur qu'il lui faisait. Elle pouvait toujours se défendre d'avoir du sang sur les mains, assurer que les morts n'étaient que l'oeuvre de Loki, pas la sienne. Qu'elle n'avait pas été la tête pensante dans leur collaboration.
Si cela peut vous faire plaisir et vous motiver à vous montrer rapide et efficace de le penser, alors soit, Darcy, répondit-il avec un petit sourire en coin en marquant bien le « Darcy ».
Et qui sait ? Peut-être que sous ses airs farouches elle se révélerait être un esprit machiavélique digne des pires criminels ? Qui savait à quoi l'on pouvait prendre goût après y avoir goûté une première fois ? Loki n'avait jamais particulièrement aspiré au pouvoir avant d'avoir pu l'essayer et maintenant qu'il l'avait perdu, il le voulait à nouveau.
Quand Darcy lui parla de le raccompagner chez lui, Loki ne cacha pas son air surprit et eu un petit rire. Se perdre en rentrant lui semblait peu vraisemblable maintenant qu'il avait découvert ce moyen de locomotion fantastique qu'était les taxis. Bien plus pratique et confortable que les chevaux et cerise sur le gâteau, il suffisait de dire où vous vouliez aller pour qu'il vous y emmène, même pas besoin de connaître le chemin. Quant au risque de tuer quelqu'un... Cela n'en était pas un à ses yeux après tout.
Décidément vous avez des coutumes très étranges sur Midgard. Sur Asard ce sont les hommes qui raccompagnent les femmes pour exactement les mêmes raisons, pas l'inverse.
Quoi qu'il faudrait être plutôt fou pour vouloir attaquer une Asgardienne. Loki imaginait sans mal la dérouillée que se prendrait celui qui aurait l'idée stupide d'attaquer Syf dans une ruelle.
Mais si c'est là la coutume, alors très bien.
Sans plus attendre, Loki se remit tranquillement en route, refaisant le chemin qu'ils avaient prit pour arriver jusqu'au lac.
Et pour répondre à ce que vous avez dit plus tôt, vous n'aurez pas à faire le sale boulot comme vous dites. J'imagine que l'on peut dire que cette partie sera la mienne. Tout ce que vous aurez à faire dans l'immédiat sera d'établir un réseau de contacts pouvant nous être utile. Je m'occupe de faire diversion auprès des gouvernements et du SHIELD.
Car Loki avait conscience que son plan et sa présence finiraient bien tôt ou tard à attirer l'attention. Mais il préférait que ce soit le plus tard possible et pour cela, il fallait qu'il focalise tous les regards sur tout autre chose et il savait déjà exactement quoi et comment s'y prendre même s'il regrettait que cela signifie la mort d'une personne qui, malgré tout, avait su susciter son respect.
Darcy ne s’attendait pas à ce qu’il lui donne raison ni qu’il approuve son vœu de travailler avec une marge d’indépendance et sur un pied d’égalité - plus ou moins, mais en tous cas elle se battrait pour décrocher le titre d’associée et pas de subordonnée. Au contraire, la jeune femme pensait qu’il ferait s’évaporer ses propos d’un geste de la main, n’en tenant pas compte, car après tout, elle n’avait pas vraiment de légitimité pour demander ça. Enfin, si, elle acceptait de travailler avec lui, et c’était lui qui était venu la trouver en premier lieu, elle pouvait donc poser ses conditions. En théorie. Car en pratique, elle ne possédait pas une grande marge de manœuvre : il dominait l’entrevue et elle devrait toujours se plier à ses directives. C’était Loki, après tout. Darcy imaginait aisément qu’il avait au moins une, voire deux, longueur d’avance sur elle, et que ce serait toujours ainsi.
« Si cela peut vous faire plaisir et vous motiver à vous montrer rapide et efficace de le penser, alors soit, Darcy. » Oups. Entendre son prénom ainsi prononcé lui donna un frisson, qu’elle sentit se propager le long de sa colonne vertébrale. Elle se sentit rougir dans le noir. Trop naïve. Elle chassa quelques pensées de sa tête, tenta de se reconcentrer sur le sujet… en vain, et laissa tomber. Ils auraient d’autres occasions pour parler de leur mission.
La remarque de Loki lui arracha un sourire moqueur et elle secoua la tête. « Ce n’est pas exactement la coutume… effectivement, techniquement, c’est vous qui êtes censé me raccompagner, question de galanterie et de courtoisie, tout ça tout ça… mais moi au moins je connais la ville et je ne risque pas de tuer quelqu’un de manière complètement aléatoire. Bref, je suppose que ça justifie l’entorse à la tradition, non ? Bon après il y a toujours le risque que moi je me fasse poignarder ou un truc comme ça - ouais c'est une vraie ville de psychopathes ici, ça arrive tous les jours - mais bon ça me paraît assez improbable. » Le ton joueur était largement perceptible dans sa voix. « Et puis d’après ce que j’ai compris, vous vivez à Manhattan : j’habite bien plus loin que ça donc à moins que vous ne vouliez marcher pendant une bonne heure… » Elle haussa les épaules, ne termina pas sa phrase. C’était plus simple comme ça. Ses talons commençaient à la faire souffrir mais ça ne serait pas un souci pour rentrer, elle n’aurait qu’à prendre un taxi. Et à vrai dire, Darcy était curieuse de découvrir où le dieu nordique avait choisi de se cacher aux yeux de tous. Elle se sentait un peu moins confiante à l’idée de l’entraîner dans le lieu où elle habitait. Bon s’il voulait la trouver il n’avait qu’à ouvrir l’annuaire hein, mais quand même, par principe. Ça lui donnait l’illusion de maîtriser un peu la situation.
Ils avançaient côte à côte, sur le sentier qui les ramènerait à la vie normale. Rectification ; qui la ramènerait à sa vie normale. La petite bulle irréelle que sa rencontre avec Loki avait créé autour d’elle ce soir exploserait le lendemain, quand elle devrait assumer le fait de travailler en secret pour Loki. Quand elle devrait contacter les scientifiques présents sur son répertoire, et leur arracher une collaboration pour laquelle elle inventerait un prétexte plus ou moins tangible. Retour au bruit, retour à la lumière, et il lui faudrait continuer comme si de rien n’était, garder un secret, reprendre sa place dans le décor des choses bien ordonnées.
Darcy l’optimiste eu soudain envie de ne pas rentrer chez elle. De parcourir les rues de New-York jusqu’à ce que le soleil de lève, de s’asseoir sur le pont suspendu et d’attendre que les étoiles s’en aillent en gelant de froid. Elle sentait que la présence de Loki et la douce aura magique qu’il dégageait modifiait sa perception des choses extérieures. Elle n’avait pas eu l’occasion d’être aussi proche de Thor, mais elle imaginait que c’était ce que Jane ressentait avec lui – en plus intense, et que c’était aussi la raison pour laquelle elle avait si facilement plongé dans la dépression après le départ de son amant cosmique. Asgard devait être comme ça, aussi, magnifiée par la présence de ces êtres surhumains et par la force qui émanaient d’eux. Et c’était pour cette raison que quand Loki partirait, elle ne rentrerait pas. Elle voulait trouver dans son environnement cette même énergie magique, presque divine, qui pouvait transcender ce qui l’approchait. Perdue dans ses pensées, elle n’entendit que d’une seule oreille les propos de Loki sur la suite de leur quête et acquiesça sans y penser.
Bien sûr qu’il s’occuperait du SHIELD et des autres. « Qu’est-ce que vous entendez par diversion ? Oh et on prendra le chemin sur la gauche à la prochaine, je crois que c’est plus court pour revenir à la sortie du parc. Je veux dire, quel genre ? Juste pour savoir si je dois paniquer ou pas quand ladite diversion se produira. Au fait, vous n'avez pas froid ? Je trouve que la température est vachement basse, ça doit être à cause du lac sûrement. »
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
Tout en marchant, Loki repoussa machinalement légèrement en arrière les pans de son manteau pour enfoncé ses mains dans les poches de son pantalon tout en gardant le visage tourné vers Darcy, l'écoutant patiemment. C'était donc ça l'idée qu'elle se faisait de lui ? Elle croyait qu'elle ne pouvait pas le laisser sans surveillance sans qu'il ne tue froidement quelqu'un juste pour le plaisir ? C'était presque blessant. Certes, il n'était pas le meilleur des hommes et oui, il avait plusieurs morts sur la conscience mais il n'avait jamais tué juste pour tué. Il n'y avait même jamais prit de plaisir. Il le faisait parce qu'il le devait, c'était tout. Il n'y avait donc aucun risque qu'il ne saute sur un inconnu pour le tuer au coin d'une rue juste pour se défouler avant d'aller dormir.
Vous avez une bien piètre opinion de moi, fit-il tranquillement remarqué sans montrer le moindre signe d'agacement. Après tout, elle n'était de loin pas la seule dans ce cas. Ses « amis » d'Asgard étaient pareil, se prétendant ses amis uniquement par solidarité avec Thor, rien de plus.
Quant à son explication sur leur retour, il se contenta de hausser les épaules en signe d’acquiescement. Depuis qu'il était arrivé sur Midgard, il avait découvert cette invention absolument fantastique qui lui manquerait assurément terriblement quand il retournerait enfin sur Asgard : le Taxi ! Parce que certes il n'était pas d'ici, il était arrivé depuis peu mais il avait quand même fait l'effort de cite apprendre à se débrouiller dans son nouvel environnement et ce, sans le savoir, de manière tout de même un peu plus discrète que son frère. Après tout, Loki n'était pas entré dans une animalerie pour demander à chevaucher un perroquet, lui.
Suivant ses instructions, il prit à gauche à l'intersection tout en lui adressant un petit sourire énigmatique.
Vous êtes vraiment sûr de vouloir connaître mon plan ?, demanda-t-il sur un ton presque rieur. Je vous assure que je ferais en sorte qu'il ne vous arrive rien.
A vrai dire, la dernière chose qu'il souhaitait était justement de voir Darcy faire une crise de panique. Et à ses yeux, moins elle en saurait dans l'immédiat, mieux se serait. Elle finirait bien par découvrir la vérité de toutes manières et s'il le fallait, il le lui expliquerait tout ça en temps et en heure. Loki voulait également par là s'assurer qu'elle parle dans le vouloir et mette ainsi ses projets à l'eau, il fallait l'avouer. Même si elle travaillait pour lui, Loki préférait rester méfiant pour le moment et attendre de voir si elle était réellement digne de confiance.
Froid ?, répéta-t-il avec un air un peu étonné avant de se retenir de rire.
Loki n'avait jamais souffert du froid. Une particularité qu'il avait toujours mit tout simplement sur le fait qu'il n'était pas frileux. Enfin ça, c'était avant d'apprendre qu'elle était sa véritable nature. Un géant des glace ne craignait pas le froid le moins du monde.
Je n'ai jamais froid, avoua-t-il tout simplement sans entrer dans les détails mais en ralentissant légèrement le pas pour tendre soudainement la main vers un arbuste dont les branches se couvrir instantanément de gel. Le froid ne m'a jamais dérangé, ajouta-t-il ignorant totalement la similitude de cette aveu avec celui chanté d'une certaine Reine ayant fait des cauchemars aux parents.
Depuis le début de cette soirée, Darcy avait décidé d’accorder le bénéfice du doute à Loki et il ne l’avait pas déçue. Il avait été bien plus prévenant et courtois que la plupart des hommes qu’elle connaissait. Il lui avait tendu la main, elle l’avait saisie. La confiance n’était pas encore là, mais Darcy savait que sa naïveté ne tarderait pas à travailler là-dessus, comme si de belles paroles et quelques confessions suffisaient à couvrir un long et lourd passé. Pourtant, en pensant qu’elle avait une piètre opinion de lui, il se fourvoyait.
« Ce n’est pas vrai, murmura-t-elle. Elle s’arrêta, blessée. Est-ce que ses précédentes paroles l’avaient heurté ? Loki ? Je… Je n’ai pas une mauvaise opinion de vous. Elle se retint d’ajouter "plutôt le contraire", ne sachant pas trop comment réagir. Je ne pensais pas ce que j'ai dit, c'était idiot. Ç'avait été juste une blague pour elle, une petite boutade. Simplement, ne réalisait-il pas à quel point sa réputation le précédait sur Terre ? Elle avait pu avoir un aperçu de qui il était, mais les préjugés qu’elle avait pu entériner avant ne partaient pas aussi facilement. Quoiqu'il en soit elle n'avait pas pensé une seconde qu'il pourrait le prendre à coeur. Silly Darcy. Parce-que c'était un être surhumain impressionnant ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas être blessé par quelques paroles maladroites, et elle en était la reine. C'était maladroit. Je... À quel point était-ce dangereux de s'engager sur cette piste? Est-ce qu'elle pensait vraiment ce qu'elle s'apprêtait à dire, cette fois-ci? Elle voulait vraiment lui dire qu'elle pensait qu'il n'était pas un monstre mais elle avait peur de sa réaction. Je ne voulais pas vous blesser, je suis désolée. » D'un geste timide, elle posa sa main sur son bras quelques secondes.
Lorsqu'il lui demanda si elle voulait connaître son plan, elle secoua la tête, faisant valser ses boucles brunes sous son bonnet. « Non. Je vous fais confiance. Euh, oui, c'était pas exactement ce qu'elle avait prévu de dire, mais elle se sentait tellement mal de l'avoir blessé... Et après tout, peut-être lui faisait-elle confiance? ... un peu. »
Ils continuaient à marcher, et ils atteindraient bientôt la sortie du parc. C'est alors que, lui avouant qu'il ne craignait pas le froid, Loki couvrit d'un simple geste de la main plusieurs branches de givre. « Et vous ? Vous avez froid ? » Encore une fois, Darcy s'arrêta, un air d'extase peint sur le visage. Sans répondre, elle s'avança, tendit ses doigts hésitants vers la glace qui scintillait. « C'est superbe... ça fait partie de vos pouvoirs aussi, Reine des Neiges? demanda-t-elle d'un air espiègle, sans quitter les perles de glace des yeux. C'est un film, précisa-t-elle en levant les yeux vers lui, quoi que même pas certaine qu'il sache ce qu'était un film. Enfin, elle se tourna vers lui, toute souriante. « J'ai tout le temps froid, surtout ici. Que voulez-vous, quand on vient du sud on est habitué à des températures autrement plus clémentes. Mais je m'en sors, j'ai mes petites astuces pour déjouer le froid. »
Elle s'éclaircit la gorge - signe évident qu'elle s'apprêtait à poser une question.« Et sinon... vos pouvoirs incluent quoi d'autre? » Elle lui jeta le regard le plus innocent possible, l'air de rien. Eh, il n'allait pas lui reprocher d'être curieuse, si? Et bien tant pis, il n'avait qu'à pas agiter ses pouvoirs magiques sous son nez, parce-qu'elle ne le lâchait pas avec ça.
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
Les excuses de Darcy le touchèrent plus qu'il n'aurait voulu l'admettre. Il n'avait pas vraiment l'habitude que l'on s'excuse auprès de lui. En vérité, c'était généralement plutôt lui qui devait s'excuser. En même temps, il avait généralement de quoi s'excuser. En fait, même tout le temps d'accord. Mais cela n'empêchait pas que parfois, il aurait aimé que ceux qui lui causaient de tort s’excuse aussi. Mais ils ne le faisaient jamais. À part Darcy.
Tout va bien, ne vous en faites pas, répondit-il en inclinant doucement la tête avec un léger sourire. Il se doutait bien qu'elle n'avait pas sciemment cherché à le blesser après tout. A ce qu'il avait pu voir d'elle, elle semblait du genre à facilement parler et après à réfléchir. Étrangement, cela ne le dérangeait pas plus que cela. Au moins elle était franche et disait clairement tout ce qui lui passait par la tête. Cela la rendait un peu bavarde, certes, mais il avait vite fini par apprécier son flot de paroles quasi incessant. Il ne doutait pas qu'à certains moment, ce ne serait pas l'envie de la bâillonner qui lui manquerait, c'était certain, mais là ce soir, ça allait.
Elle ne chercha pas à en savoir plus de ses plans et ce n'était pas plus mal. Elle avait son travail, il avait le sien, même si le sien était un peu plus délicat à mettre en oeuvre. Mais il ne pouvait le faire que seul. En vérité, c'était surtout qu'il ne voulait pas la mêler à la partie la plus violente. Quand elle lui assura lui faire confiance, il fronça légèrement des sourcils, un peu surprit. A ce qu'il avait lu de ce que les humains se souvenait de lui, difficile à croire qu'ils puissent lui faire confiance. Le un peu qui suivit eu alors le mérite de la faire sourire et même doucement rire.
C'est toujours mieux que rien, répondit-il sur un ton clairement amusé.
C'est justement parce qu'il se sentait plutôt bien en cette fin de soirée qu'il alla jusqu'à faire une petite démonstration de ses pouvoirs. Rien de bien terrible, juste un petit voile de givre sur yen branche mais cela semblait suffire pour extasier Darcy. Mais il était vrai qu'ils ne connaissaient pas la magie sur Midgard. La seule qu'ils connaissaient ne se composait que de trucages plus ou moins bien réalisés.
Reine des Neige ? On l'avait déjà traité de beaucoup de choses mais encore jamais de Reine. Il l'écouta alors lui expliquer pourquoi elle avait toujours froid à New York. C'était le déracinement. Un sentiment que Loki connaissait vaguement. En fait, il le ressentait bien plus pour Asgard que pour son véritable monde natal, Jötunheim. Et pourtant, c'était bel et bien grâce à ses origines de géant des glaces qu'il ne souffrait pas du froid.
A la question de Darcy, il resta silencieux et, tout à coup, disparu. Ce fut dans le dos de Darcy qu'il réapparut tout en retirant son long manteau pour le lui déposer sur les épaules.
Je sais faire pleins de chose, répondit-il avec un sourire rieur. Thor à son marteau et moi, ma magie.
Elle le regardait, un sourire flottant sur ses lèvres. Dans ses yeux, elle ne lisait aucune colère retenue, aucun ressentiment. Il n’y avait pas de lueur mesquine masquant un mauvais coup, ni d’étincelle d’ambition dévorante. Ni, d’ailleurs, de lassitude ou d’ennui ; pas non plus de rage froide ou d’impulsion meurtrière. À la place, elle voyait de la sérénité. Bon, d’accord, Darcy n’était pas la plus fine des psychologues (quoiqu’elle se débrouillait bien, parfois) et ne prétendait pas connaître Loki. Elle ne prétendait pas non plus pouvoir lire en lui « comme un livre ouvert » selon l’expression(et d’ailleurs si c’était un livre il serait probablement écrit en Asgardien donc elle ne comprendrait que dalle de toute façon) ni être assez proche pour qu’elle puisse apprécier ses expressions à sa juste valeur. Come on, elle ne l’avait rencontré que quelques semaines auparavant, ça s’était – relativement – mal terminé et aujourd’hui eh bien… ils se retrouvaient dans des circonstances radicalement différentes, en terrain neutre, avec des intentions globalement… louables. Ou, peu viles – de son point de vue en tous cas. Et malgré toutes les contradictions qu’elle éprouvait en permanence à son égard, qu’elle se dise l’apprécier une seconde et le détester la suivante, il lui semblait qu’elle l’aimait bien, de manière générale. Elle entrevoyait qu’il était pétri de contradictions lui-même, de complexes et peut-être tout simplement mal dans sa peau, en état de dépression, ruminant une rancœur devenue haine au fil des siècles. Cela pouvait paraître bête, voire puéril, appliqué à Loki, divinité en soi.
Darcy savait qu’une espèce de règle voulait que les membres des classes sociales les plus élevées, les aristocrates, les familles régnantes, les détenteurs du pouvoir… ne devaient pas se laisser aller à leurs émotions. Que les émotions, si elles n’étaient pas bridées et contrôlées, apparaissaient comme triviales et déplacées. Qu’il était inconcevable que ces individus privilégiées par l’argent, le sang ou les terres souffrent d’afflictions quelconques et a fortiori, de troubles psychologiques, de maux de l’âme. Les historiens, des siècles après, reconnaissaient que tel ou tel souverain avait été dépressif, anorexique, suicidaire, possédait un trouble obsessionnel compulsif. Mais aujourd’hui encore, cela restait tabou – et Darcy en aurait mis sa main à couper, sur Terre comme sur Asgard. Selon sa propre manière de voir les choses, Loki n’était pas un monstre. Peut-être pas un psychopathe (ça restait à prouver, les légendes à son sujet en disaient long sur son comportement…). Probablement juste dépressif, ou profondément mélancolique, portant un fardeau que nul ne lui avait jamais permis d’exprimer et que tous lui avaient ordonné de porter.
Ça expliquait beaucoup. Aussi, Darcy appréciait beaucoup Thor. En tous cas, lorsqu’elle l’avait rencontré avec Jane, il lui avait semblé très avenant, comme quelqu’un qui n’avait à douter de rien, qui avait la confiance des gens à qui l’on doit tout. C’était très impressionnant, et Darcy doutait que son âme soit troublées par ce qu’il convient d’appeler des « questions existentielles ». Il était né pour être roi, il serait roi. Il avait sa place au soleil et personne ne la lui contesterait jamais : il n’était pas un tyran mais suivait simplement le chemin légitime qui lui échouait. Loki n’avait pas eu ce choix. Et, de ce qu’elle connaissait de Thor, bien qu’il soit extrêmement affectueux, loyal et attentionné, il n’était pas particulièrement subtil ou… fin psychologue ? Pas difficile de comprendre qu’il soit passé à côté des tourments de son frère, les ayant nourri malgré lui.
Okay, peut-être qu’au final il faudrait décerner à cette jeune femme le prix Pulitzer ou au moins la légion d’honneur ou un truc du genre. Est-ce qu’elle pouvait faire son mémoire là dessus ? Ça devait rapporter un max de crédit nan ? Elle pourrait même les faire venir le jour de la soutenance pour illustrer un peu ses propos. Non ? … non, bon. Tant pis.
Et donc, bref : pour résumer ça en trois lignes, Darcy aimait bien Loki parce-qu’elle croyait sincèrement que ce qu’il était devenu, en train de devenir ou ce qu’il croyait être (les nuances ne sont pas si évidentes) n’était pas de sa faute. Il avait sa part de torts, ça elle l’admettait bien volontiers, mais elle se disait que ça n’avait pas toujours été facile, malgré le fait d’être né dans un palais et élevé parmi les rois. Du coup, elle compatissait avec lui. Malgré son ADN probablement 100% différent du sien, son esprit restait terriblement proche de l’esprit humain. Ça craignait pour lui, mais c’était rassurant pour elle. Et elle était contente, ce soir, car même si c’était artificiel, même si c’était une vue de son esprit et même si elle se leurrait à s’en fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude (subtil et raffiné), elle aimait bien l’idée de se dire qu’il y avait peut-être un début de complicité – de réelle complicité.
Elle fut donc enchantée lorsqu’il étaya son raisonnement en exauçant l’un de ses vœu les plus cher et en faisant démonstration de sa magie. Devant elle. Pour elle. Lorsqu’il disparu en un battement de cils, le cerveau de Darcy (aussi brillant soit-il, hum hum) n’eut même pas le temps d’enregistrer l’information tellement ce fut soudain, et inattendu. Ce fut sa voix, et la sensation du long manteau qu’il déposait sur ses épaules qui la firent frissonner, et se retourner avec un sourire béat et des yeux émerveillés.
Etait-ce l’excitation, la magie (bien réelle) du moment ? Une seconde de choc, et Darcy se hissa sur la pointe des pieds, posa doucement ses mains sur les épaules Loki et déposa un léger baiser sur sa joue. Ce n’était pas exactement ce qu’elle avait prévu, mais réflexion faite, ça résumait bien la situation. Et puis, elle n’avait jamais dit qu’elle était une personne parfaitement rationnelle – et c’était la réaction la plus appropriée qu’elle puisse avoir sur le moment. Elle recula de quelques pas, et éclata de rire. « C’était fantastique ! C’est… » elle se retint de dire magique, ça paraîtrait idiot. « … prodigieux. Mieux que n’importe quel marteau ou truc du genre ! » Elle sentait une vague de questions affluer dans son esprit, concernant les habilités de Loki. Mais elle se calma, serra le manteau autour d'elle, tenta de conserver l'esprit sur terre. « Vous êtes chanceux. Bien plus chanceux que la plupart des êtres, je pense. Avec des dons comme ça, vous pourriez faire tellement de choses, dit-elle, soudain pensive - sans que l'étincelle de joie ne cesse de brûler dans ses grands yeux bleus, de produire de petits feux d'artifices un peu partout dans son esprit. « … de belles choses. Je vous envie. » Elle lui sourit, et, ne sachant pas vraiment quoi ajouter, se contenta de le regarder, ses joues un peu rougies.
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
Pour la première fois depuis des mois, Loki se sentait calme, serein même. Cette petite balade nocturne dans le parc désert lui changeait les idées. Il savait que cela ne durerait pas. Rapidement, la réalité reprendrait le dessus et il remettrait alors toute son énergie dans la mise au point de ses plans. Car il ne fallait pas se leurrer, ce n'était pas une soirée calme et sympathique qui effacerait des années de rancoeur ni ce sentiment de trahison qui le hantait tant. Sa vengeance, il y tenait tout comme il tenait à prouver qu'il valait autant que Thor – même plus ! - quand il régnerait sur Midgard. Il n'oubliait pas non plus que Darcy aurait un rôle à jouer dans ses plans. Il restait d'ailleurs étonné qu'elle ait accepté si facilement de l'aider. Les Midgardiennes étaient peut-être plus facile à convaincre que les Asgardiennes.
Le seul problème qui se profilait du coup selon lui était qu'il commençait à vraiment trouver Darcy sympathique. Or, la dernière chose qu'il voulait c'était bien de s'attacher à nouveau à quelqu'un. L'expérience lui avait douloureusement prouvé que l'attachement à autrui était une faiblesse. C'était une chose dont il ne voulait plus. Il lui fallait garder ses distances avec elle, lui dire ce qu'il attendait d'elle et la considérer comme une pièce maîtresse de ses plans futurs.
Mais malgré tout, il lui fit une nouvelle petite démonstration de ses talents non pas pour affirmer sa supériorité mais juste par amusement. Il fallait avouer que depuis que Frigga lui avait fait don d'une partie de sa magie, Loki avait toujours eu tendance à en jouer, le plus souvent au dépend de son entourage.
Loki était rarement prit au dépourvu mais pour le coup, il le fut ! Il ne s'était clairement pas attendu à ce que Darcy vienne tout à coup lui embrasser la joue. Il ne cacha d'ailleurs pas sa surprise en lui adressant un regard amusé mais en se laissant faire tout en se disant qu'elle aussi ferait mieux d'éviter de s'attacher. Loki était « le Dieu de la fourberie » et il savait que ce surnom n'était pas volé. Lui même n'avait jamais estimé être quelqu'un digne de confiance. C'était dans sa nature, c'était comme ça. Et il n'avait pas envie de voir ses plans se casser la gueule parce que Darcy aurait fini par s'en apercevoir. Et bon, d'accord, une petite partie de lui avait envie de lui éviter d'être blessée.
Quand elle lui affirma que sa magie était mieux que n'importe quel marteau, Loki ne pu réprimer une petite grimace. Il avait déjà bien comprit que les « légendes » nordiques avaient perdu en force avec les siècles. Les anciens Midgardiens pourtant avaient bien comprit à l'époque l'importance sans nulle autre pareille de Mjöllnir. Aussi étrange que cela pouvait paraître à des êtres dont le monde avait perdu toute sa magie depuis longtemps, la magie hérité de Frigga n'était finalement qu'un lot de consolation.
Et oui, il pouvait faire beaucoup de chose et il avait effectivement l'intention de faire de grandes choses mais il n'était pas sûr que ses aspirations soient considérées comme « belles » par Darcy. Un jour, peut-être, quand il serait le Dieu de Midgard. Après tout, il ne voulait pas de mal à ce monde. Dans son esprit, c'était même le contraire. Il avait juste une vision des choses quelques peu différentes. Une vision des choses qu'il avait mine de rien hérité d'Odin qu'il le veuille ou non. Loki avait grandit en écoutant les exploits conquérants de son père adoptif et mine de rien, cela avait forgé sa vision des choses.
J'espère déjà pouvoir commencer par trouver un moyen de pallier à la destruction du Bifrost par mon idiot de frère... Mais je crains qu'en partant d'ici, la magie me soit moins utile que la science pour cela. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai besoin de vous pour former une équipe.
Loki lui rappelait ainsi doucement qu'au départ, il l'avait choisie pour travailler pour lui et rien d'autre. Il faisait cela pour son bien, c'était du moins ainsi qu'il voyait les choses. Il estimait préférable de garder une distance... Professionnelle. Même s'il commençait à se demander s'il était possible de garder à distance une femme aussi expansive que Darcy Lewis.
Darcy ne s'attendait pas à un discours grandiloquent de Loki sur la nature de ses pouvoirs mais elle fut un peu déçue de l'entendre changer de sujet. Oui oui, la science, bla bla bla. Il devait sûrement toujours penser à l'élément central de son projet, mais il oubliait qu'elle, elle n'était pas une scientifique et que malgré son enthousiasme pour son travail, moins elle parlait de trucs scientifiques, mieux elle se portait. Jane faisait les calculs, les déductions, passait son temps dans un monde parallèle tandis que Darcy triait les papiers, s'occupait des "relations publiques" et conduisait la voiture. Pas vraiment le genre de personne à ramener le sujet sur "comment pallier à la destruction du Bifrost". Ceci avait déjà été abordé, elle avait convenu qu’elle l’aiderait. Maintenant, elle essayait de créer un lien entre eux – et si par instants elle avait pensé que ça marchait, dès qu’elle se montrait un peu familière, finalement, il répondait de manière distante. Elle savait qu’elle était lunatique et sujette aux brusques changements d’humeur, mais il la battait de loin. Darcy espérait arriver à le comprendre, mais il demeurait insaisissable. Il lui faudrait plus qu'une soirée pour arriver à déchiffrer l'énigme Loki, c'était certain. Mais s'il n'y mettait pas un peu du sien, leur partenariat risquait de s'en trouver endommagé. Darcy aimait travailler pour et avec des gens qu'elle connaissait et avec qui la relation de confiance était réciproque. Elle le lui avait explicitement avoué, et elle attendait en retour qu'il s'ouvre un peu. Ce ne serait pas facile, mais elle ne lâcherait pas l'affaire.
« Oui, oui, ça va. Vous en faites pas, j'oublie pas pourquoi je suis là, répondit-elle avec un ton plus las. Vous aurez votre équipe, vous finirez par avoir votre Bifrost. Avec en prime le meilleur pion de toute l'histoire des conspirations », ajouta-t-elle rapidement, une certaine amertume dans la voix. Elle avait bien tenté de penser autrement, mais que croyait-elle ? Elle était là pour rendre service, sans aucune autre assurance que les paroles de Loki. Tu parles... elle était là en s'était quand même bien fait manipuler consciemment. Elle haussa les épaules, esquissa un sourire de circonstance. « Peu importe. »
Enfin, ils sortirent de la quiétude du parc, et se retrouvèrent à nouveau au cœur de la ville agitée: le bruit, les lumières et les couleurs lui assaillirent les sens. À nouveau ils pouvaient prétendre être deux anonymes sans histoire, comme un couple ordinaire terminant une promenade romantique dans Central Park la nuit. Pas un dieu de la ruse d'un autre univers et une humaine sans talent se laissant convaincre du bien fondé d'une mission aux objectifs troubles. Ses talons embourbés claquaient à nouveau sur les dalles du trottoir, et elle s'avança pour héler un taxi.
« Bon... Comme prévu, je vous raccompagne ou ça va aller ? » le petit ton narquois était immanquable, tandis qu'elle se planta en face de lui, et enleva son manteau pour lui rendre. « Je veux bien venir avec vous si seulement vous réglez la course. » Evidemment, vu le restaurant dans lequel il l'avait invitée, il devait avoir les moyens. Sinon, pour elle, ce serait métro. Et une longue marche en perspective pour débriefer la soirée.
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
C'était terrible, à chaque fois que Darcy ouvrait la bouche, Loki devait se retenir de rire. Non pas qu'elle était une grande comique en puissance mais parce que son tempérament l'amusait vraiment. Elle n'avait pas froid aux yeux et encore moins la langue dans sa poche. Elle avait pourtant été témoin de ce dont il était capable et pourtant, elle ne semblait pas autrement apeurée en sa compagnie. S'était à ce demander si elle était extrêmement courageuse... ou juste folle.
Vous n'êtes pas un pion, répliqua-t-il tranquillement tout en lui adressant un regard. Si c'était le cas, je vous aurais tout simplement possédé, je n'aurais pas pris la peine de vous inviter au restaurant.
Il se demandait d'ailleurs pourquoi il n'avait pas tout simplement fait cela au lieu de prendre autant de son temps pour la convaincre. Peut-être parce qu'au fond de lui, Loki appréciait – comme tout le monde – d'avoir quelqu'un avec qui converser de temps à autre ce qui n'était pas vraiment la même chose avec une personne sous son emprise et donc, logiquement, toujours de son avis. Et, comme déjà dit, le tempérament de Darcy l'amusait et lui plaisait, il aurait trouvé dommage de la voir réduite à l'état de gentil pantin.
Mais je suis content d'apprendre que vous avez l'intention de devenir le meilleur pion de toute l'histoire de la conspiration, ajouta-t-il avec un sourire amusé.
Le contraste entre la rue animée et le parc était saisissant et Loki fut tenté de faire demi-tour. Asgard n'était pas un océan de quiétude, certes, mais en comparaison à New York, c'était terriblement calme. Et cela lui manquait un peu. Ici, impossible de se promener dehors sans être agresser en permanence par ces nuisances sonores. Et c'était sans parler des odeurs de pollution. Il avait découvert grâce à ce fantastique outil qu'était internet que par chance, toute la planète n'était pas ainsi. La Scandinavie, première région qu'il avait découvert lors de sa première venue des siècles plus tôt, comportait encore des endroits bien plus sauvage. Il se verrait bien s'installer par là-bas par la suite. Après tout, les hivers rudes entraient bien en résonance avec sa nature véritable.
Vous voulez venir avec moi ?, répéta-t-il en fronçant des sourcils en prenant volontairement un ton laissant comprendre le double-sens qui se laissait entendre dans sa proposition. Je savais les Midgardiennes direct mais pas à ce point.
Longeant la route, Loki fit signe à un taxi qui s'arrêta à leur hauteur et, en parfait gentleman, il ouvrit la portière pour Darcy avant de prendre place à son tour et de donner au chauffeur l'adresse... de Darcy.
Comme vous pouvez le voir, chuchota-t-il en se penchant sur l'oreille de la jeune femme pour ne pas être entendu du chauffeur de taxi. Je m'adapte plutôt vite à mon environnement. Les taxis et les annuaires en ligne n'ont plus de secrets pour moi.
Et il fallait avouer que ce système d'adresses était bien pratique. Plus pratique que les « la 3ème maison sur la gauche après celle avec des colonnes vertes sur le devant » d'Asgard.
Darcy sourit d'un air narquois à la remarque de Loki. C'est sûr, il se serait sûrement évité un tas d'embrouilles s'il l'avait juste possédée (le terme était particulièrement glauque d'ailleurs). Pas de commentaires intempestifs et d'humaine pot de colle qui posait trop de questions. Mais enfin, elle n'allait pas s'en plaindre. La jeune femme choisit de garder le silence, mais elle ne put s'empêcher de remarquer que techniquement, il ne l'avait pas invitée à proprement parler. Il s'était fait passer pour quelqu'un d'une manière grotesque et l'avait leurré dans cet endroit chic, l'avait limite soudoyée avec de bons plats et une danse et quelques tours de magie dans Central Park. Mais, pour sa défense, le restaurant était vraiment chouette.
Loki héla un taxi et les deux compagnons s'engouffrèrent dans l'habitacle, qui soudain, les coupa du froid et du bruit extérieur. « Les Midgardiennes non, répliqua-t-elle avec malice, sur le même ton, en accentuant le terme utilisé par Loki, mais je ne suis pas n'importe quelle Midgardienne, mon cher. Vous devriez le savoir maintenant. » Elle s'installa confortablement sur le siège, mais fut interrompu par la voix de Loki qui annonçait leur destination au chauffeur. Euh. Brooklyn ? Oh, non. Non. Non, non, non. Elle n'eut pas le temps de réagir que déjà, il se réjouissait de sa petite blague. Okay, message reçu, en rentrant elle se mettrait sur liste rouge. Damn, elle n'avait aucune envie que Loki sache où elle habite: qu'il connaisse l'emplacement du labo était déjà bien suffisant. Parce-que le labo était un lieu neutre (bon elle y vivait 50% du temps) mais chez elle, c'était une autre histoire.
« Vous ne pouvez pas faire ça, chuchota-t-elle. Puis, elle prit l'expression de quelqu'un qui vient d'avoir une révélation. Oh mon dieu, je vais être obligée de vous faire monter. C'est ça ? Est-ce que c'est ça la technique Asgardienne pour "le dernier verre" ? Vous auriez pu juste demander. » Elle lui lança un regard entendu, mais intérieurement, elle n'en menait pas large. Est-ce qu'il flirtait avec elle ? Est-ce qu'elle flirtait avec lui ? (oui, probablement un peu mais ce n'était pas si étonnant que ça connaissant Darcy) Est-ce qu'elle avait bu ? Oui, mais que du vin, zut alors.
Le trajet sembla durer une éternité, dans un silence un peu maladroit. Nul doute que Loki était très satisfait de sa ruse, et parfaitement décontracté, ça se lisait sur son visage, mais Darcy ne montrait pas autant d'enthousiasme. Les choses ne se passaient pas du tout selon le plan élaboré. Normalement, c'était à elle de découvrir où Loki se cachait. Elle n'aurait su dire s'il agissait par gentillesse ou courtoisie, ou si c'était une manière de s'immiscer dans son quotidien pour être sûre qu'elle ne lui fasse pas faux bond par la suite ?
Enfin, laborieusement, le taxi s'engagea dans les petites rues de Brooklyn, désertes à cette heure-là, et s'arrêta devant un immeuble. « On dirait qu'on y est. » La jeune femme fouilla dans son sac pour trouver son portefeuille - bien sûr qu'elle allait régler sa propre course. Elle tendit l'argent au chauffeur par la banquette, et se tourna vers Loki, et lui adressa un vrai, franc sourire. Darcy s'apprêta à dire quelque chose, mais sa ravisa, préférant opter pour une sortie plus légère. « C'est le moment où vous êtes censé me retenir si vous ne voulez pas que je parte. confia-t-elle avec un petit rire. Sérieusement, j'ai du thé à l'appart si euh... au cas où. » Est-ce que ça devenait gênant ? Elle n'en était pas sûre. Dans le doute, elle haussa les épaules. « Bref, peu importe. Merci pour la soirée. » Elle se rapprocha du Dieu Nordique, et comme elle l'avait quelques heures auparavant, déposa un baiser sur sa joue. « Rentrez bien. » C'était terriblement banal, mais elle ne pensait pas pouvoir faire mieux.
Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l'appât d'un bien par un mal plus grand que celui-ci, l'on est pris au piège.
Loki ne put que éclater de rire à la remarque de Darcy. C'était vrai, elle était différente des Midgardiennes qu'il avait eu l'occasion de rencontrer. Enfin... Il fallait admettre que depuis son retour, il n'avait pas eu l'occasion de beaucoup en rencontrer non plus. En même temps, il tentait de se faire un peu oublier pour l'instant alors il se voyait mal courir les.. bars ? Pour aller joeur les séducteurs.
Il en avait pourtant connu des Midgardiennes par le passé. Très bien connu même. Après tout, à cette époque, il n'avait jamais eu à cacher qui il était et il fallait avouer que s'octroyer les faveurs d'une femme était vraiment très facile quand on était un Dieu et reconnu comme tel. Après, les siècles passant, il était devenu rien de plus qu'un mythe. Mais à présent, Midgard commençait à se rappeler le passer, à réaliser que les Asgardiens n'étaient pas que des légendes et Loki comptait bien redevenir un Dieu, littéralement.
La réaction de Darcy lorsqu'il donna l'adresse au chauffeur l'étonna un peu. Ne voulait-elle pas rentrer chez elle ? Sur Asgard, il était de coutume de raccompagner les femmes chez elles et ce, même si la plupart des femmes d'Asgard étaient autant à même de se défendre que les hommes. C'était juste une habitude, une vieille coutume. Mais peut-être n'était-ce pas le cas ici ? Les femmes de Midgard étaient plus faibles que celles de son monde d'origine et donc plus encline à avoir des ennuis seules la nuit. Quant à la « technique Asgardienne du dernier verre », l'expression fit le même effet à Loki que si la jeune femme lui avait parlé dans une langue étrangère. Il ne comprenait pas vraiment la référence. Enfin si, il la comprenait au sens littérale mais quelque chose dans la réaction de Darcy lui faisait comprendre que ce n'était pas le genre d'expression à prendre au pied de la lettre.
Je crains d'avoir encore de sérieuse lacune pour ce qui est des coutumes entres hommes et femmes dans ce monde, répondit-il honnêtement.
Quand ils arrivèrent, Loki vu la jeune femme régler le taxi et il ne l'arrêta pas. Il trouvait déjà absurde de devoir payer pour un tel service. C'est pourquoi il sortit tranquillement à son tour, laissant le taxi quitter la rue.
Bon, au moins il voyait ce qu'elle voulait dire quand elle parlait de la retenir s'il le souhaitait. Au moins une chose en commun avec son monde. Mais sur Asgard, si un homme tentait de retenir une femme qui ne le souhaitait pas, il était bon pour se promener durant des jours avec un oeil au beurre noir et plié en deux, priant pour être encore en état de se reproduire. Oui, c'était bel et bien du vécu, malheureusement.
Par contre, la suite lui semblait totalement absurde. Alors qu'elle lui parlait de thé, Darcy le congédiait en même temps.
Vous êtes vraiment difficile à suivre, avoua-t-il tranquillement avant de pencher légèrement la tête sur le côté après qu'elle lui aille déposer un baiser sur la joue. Je n'ai jamais bu de thé, ajouta-t-il tout naturellement. Il connaissait le nom et avait une vague idée de ce que c'était. Une boisson chaude dans laquelle on laissait infuser des plantes. Il y avait une boisson un peu similaire sur Asgard mais elle était généralement réservée aux personnes malades.