It's my own desire, it's my own remorse, Help me to decide. Help me make the most, Of freedom and of pleasure, Nothing ever lasts forever, Everybody wants to rule the world
Kai n'avait aucune idée du comment il en était arrivé là. Il s'était réveillé au petit matin dans l'appartement qu'il occupait seul, après une longue nuit qui ne lui avait laissé aucun repos, entrecoupée de cauchemars et de réveils brutaux, et était parti au lycée. Comme tous les matins. Rien de plus normal. Et pourtant, il s'était soudainement retrouvé au sol. Tout autour, il y avait trop de gens. Trop de bruits et de cris scandant à la bagarre. C'était la confusion totale, surtout lorsqu'il vit au dessus de lui un de ces types qu'il détestait tant. Le genre de cauchemars pour tous les ados. Bien qu'il ne leur ait pas prêté attention au début, le fait qu'ils s'en prennent à lui de temps en temps, dans de petites altercations pas tous les temps physiques, l'avait rendu belliqueux à leur égard. Kai n'avait jamais ressenti l'envie de les tuer. Jusqu'à aujourd'hui. Et il ne savait même pas ce qu'il avait pu dire ou faire pour que la situation dégénère à ce point.
Le deuxième coup le fit se fracasser le crâne sur le sol. La douleur mélangée à la confusion fit exploser le mur qui retenait tout ce qu'il était vraiment. Mur qui était déjà grandement fissuré en permanence. Submergé par une rage et une folie meurtrière, Kai se redressa péniblement, les dents si serrées qu'il perçut un léger goût de fer. Son visage lui faisait mal là où la brute l'avait cogné, mais ce n'était rien comparé à la douleur qu'il ressentait dans chaque parcelle de son esprit. Un écho à l'intérieur de son crâne lui hurlait de se relever et de tuer ce sac à viande, il hurlait si fort que les oreilles du mutant en bourdonnaient.
Ne se contrôlant plus, Kai se releva alors, évitant grâce à ses réflexes surdéveloppés le prochain coup, et fonça tête baissée contre son assaillant. Sa taille et sa corpulence jouaient en sa défaveur. Mais il avait autre chose qui aurait pu mettre un terme à cette voix qui lui hurlait de commettre l'irréparable. Autre chose en plus de sa démence. Ne se rendant même pas compte qu'il venait de pousser un cri de pure rage, et qu'il avait probablement les yeux les plus effrayants pour un ado, il cogna sans se retenir. Il n'y avait aucune logique dans ce qu'il faisait, aucune tentative d'éviter les coups qu'il encaissait en contre partie. Ce qu'il désirait, c'était simplement se défouler. Il aurait voulu, tant voulu le saisir à la gorge et lui faire passer tellement d'électricité à travers le corps que ses globes oculaires et ce qui lui restait de cervelle auraient fondu. Jusqu'à se que la peau se calcine et se détache. Vision d'horreur. Kai n'avait aucune idée s'il avait la capacité de générer autant d'électricité pour provoquer de tels dégâts, mais c'était ce qu'il aurait voulu.
Et on l'en empêcha.
Ce n'était pas la première fois qu'il se battait dans ce lycée. Il s'en sortait généralement avec des remontrances et un regard sévère qui ne lui faisait ni chaud ni froid. Mais c'était la première fois qu'une crise en engendrait une autre aussi rapprochée. Alors qu'on les séparait brutalement, Kai n'eut même pas conscience du visage ensanglanté de l'autre type, sur qui il venait de s'acharner. Il n'avait pas non plus conscience de son propre état, des hématomes qu'il allait avoir, de son nez en sang. Tout ce qui importait, c'était qu'il n'avait pas pu finir le travail. Il n'avait pas pu rassasier cette envie morbide de le voir sans vie.
On le laissa à part, seul dans une pièce fermée, le temps qu'il se calme. Ce n'était pas comme si on allait se préoccuper de lui. Heureusement, car quiconque l'approchant à cet instant risquait sa vie. Recroquevillé sur sa chaise, dans une sorte de transe fiévreuse caractéristique d'une de ses crises, où des brides de souvenirs qu'il n'avait pas envie de revoir refaisaient surface, l'adolescent ne voulait qu'une chose : Que tout cela cesse. Et maintenant.
uiconque connaissait un tant soit peu Liv Jakobsson (mais il n'était guère simple de véritablement la connaître, étant donné toute l'application qu'elle mettait à dissimuler sa propre nature) pourrait vous affirmer qu'elle n'était pas le genre de personne que l'on supposait avoir l'instant maternel. Déjà, elle forçait sa sociabilisation au quotidien. Certes, elle savait suffisamment faire illusion pour que personne n'aille jamais la qualifier de ce qu'elle était vraiment, à savoir une véritable sociopathe, mais elle ne forçait pas sa nature au point qu'on puisse la prendre non plus pour quelqu'un de profondément à l'aise avec ses pairs. Imaginer qu'elle puisse donc être en charge d'un gamin, ou même, tout simplement, être première personne nommée sur la liste des personnes à contacter pour qui que ce soit, pouvait prêter à rire, ou au moins sourire. Pourtant, c'était bel et bien le cas, et c'était Liv elle-même qui avait insisté afin de tenir ce rôle auprès du jeune Kai. Pourquoi cela ? Oh, n'allez pas croire non plus qu'elle s'était tout à coup acheté un cœur et avait découvert ce qu'affection signifiait, mais elle avait une certaine... considération, à l'égard de ce jeune homme. Pour une raison simple : elle n'avait aucun mal à se reconnaître en lui quand elle avait le même âge, quand elle était encore au lycée, et passait pour une fille complètement paumée quand elle cherchait avant tout un moyen de faire ace à des pulsions meurtrières de plus en plus grandes, de plus en plus voraces, bref, de moins en moins répressibles. Le corbeau n'avait jamais véritablement considérée prendre qui que ce soit sous ses ailes noires, mais Kai avait su lui parler... et même, en modérant ce terme tout de même, la toucher... au point que, quelque part, lle se considérait comme un mentor pour lui. Elle l'avait entraîné dans la confrérie des mauvais mutants, et s'était donnée pour rôle de le guider sur ce chemin qu'elle avait elle-même emprunté quelques années plus tôt.
Quand son téléphone portable avait sonné, donc, et que le lycée de Kai l'avait contacté afin de lui apprendre qu'il avait été impliqué dans une bagarre et avait fait preuve d'une violence – je cite - « inexcusable », elle n'avait pas un seul instant hésité à prétexté un soucis familiale afin d'abandonner son poste au bureau de criminologie. Elle s'était rendue, donc, jusqu'au lycée du jeune homme... Ce n'était pas la première fois qu'elle était contrainte de s'y rendre. Chaque fois, la même chose, elle se faisait passer pour sa sœur... et se faisait regarder de travers. Sa tenue « gothique » n'était bien sûr pas du goût de ces personnes qui concluaient immédiatement que la pomme ne tombait jamais loin de l'arbre, et que cette famille était quoi qu'il en soit perdue pour l'histoire. On la mena jusqu'à une pièce où le jeune homme avait été isolé. Elle demanda à passer un instant avec lui. Il lui semblait nécessaire de lui parler, et sans témoins, de préférence.
-Que s'est-il passé ? Lui demanda-t-elle une fois seule avec lui.
It's my own desire, it's my own remorse, Help me to decide. Help me make the most, Of freedom and of pleasure, Nothing ever lasts forever, Everybody wants to rule the world
Se calmer et réfléchir. C'était plus facile à dire qu'à faire lorsqu'on avait envie de bondir sur ses pieds et de tout casser. Ces temps-ci, c'était comme s'il avait de plus en plus de mal à se contrôler. Que ce soit ses pouvoirs, qui pouvaient dérégler tout le système électrique autour de lui, ou ses crises de plus en plus rapprochées, Kai avait l'impression de voir sa vie lui glisser entre les doigts, sans pouvoir avoir un quelconque contrôle dessus. Les yeux toujours fermés, et recroquevillé sur sa chaise, l'adolescent n'avait plus aucune conscience de ce qui se passait autour. Il se revoyait chez cet individu. Il revoyait le regard de ses parents qui le laissaient là bas. Réfléchir, souvenirs enfouis. L'adolescent rouvrit les yeux en sentant l'eau glacée percuter sa peau, complètement paniqué, mais aussi très furieux. Son envie d'écraser quelqu'un entre ses doigts électrifiés le reprit à la gorge.
Quelle ironie. Ses parents avaient voulu le guérir, mais ça n'avait que fait libérer ce qu'il était vraiment. Porte qui s'ouvre, mouvement sur le côté. Son corps se tendit, comme un lion en cage prêt à bondir par la porte laissée malencontreusement ouverte. Le regard familier qu'il croisa le retint. Kai émergea du brouillard créé par la crise lorsqu'il reconnut la voix de Liv. Que s'était-il passé ? La question à un million de dollars. Il regarda ses mains, du sang sur les jointures. Pas son sang. Le sang de cet abruti. Une bagarre. Mais comment en était-il arrivé là ?
« Je sais pas ... Tout était normal et puis ... et puis ... »
marmonna-t-il, toujours aussi confus, comme s'il venait d'émerger d'un lourd sommeil. Puis il se rendit compte qu'il avait mal à peu près partout. Effectivement, tout avait été normal, ce matin, et puis il ne se souvenait plus de rien, jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable. Non, l'irréparable, on l'avait empêché de le commettre. Et ça ne faisait que le frustrer encore plus.
endant plusieurs secondes, Liv ne prononça pas le moindre mot. Il était connu, quoi qu'il en soit, qu'elle était plutôt avare en parole, et qu'elle ne parlait que lorsque cela était totalement nécessaire. Pour l'instant, elle se contentait d'observer son "protégé", comme elle aurait observé l'un de ses suspects depuis son bureau, tentant d'un simple regard de décrypter son esprit, de comprendre ce qui s'y tramait. Dans le cas de Kai, non pas qu'il soit quelqu'un de transparent, mais elle pensait parvenir, ne serait-ce qu'un peu, de comprendre ce qui lui arrivait, et comment il se sentait. En le voyant ainsi, elle avait l'impression de se reconnaître, jeune de plusieurs années, quand elle luttait encore contre ces pulsions qui la dominaient, contre ce monstre qu'elle peinait à garder dans sa cage intérieure. Depuis, elle était parvenue à dominer ses instincts et à dresser le monstre, à contenir ses envies malgré la frustration pour ne les libérer que dès lors qu'elles serviraient à un but qui permettait de structurer le tout. En ce sens, c'était une excellente chose que Kai ait rejoint la confrérie, il pourrait ainsi canaliser cette violence, et elle, même si elle ne s'était pourtant jamais envisagé dans une telle position, ferait au mieux pour être son guide et son mentor. Son regard suivi celui du jeune homme, qui fixait ses mains, sur les jointures, des traces de sang, pas le sien, manifestement. On avait pas manqué de lui apprendre au téléphone que l'altercation avait été violente. Mais de leur part, c'eut tout à fait pu être exagéré. Elle admettait que nom au regard de ce qu'elle observait, et du propos de Kai, qui semblait perdu, troublé, hésitant. Elle continua de l'examiner, comme elle aurait examiné un criminel potentiel dans un cadre purement professionnel, à la différence que Kai avait son respect, qui n'était pas si simple à acquérir.
-Tu vas repartir avec moi, ils t'ont renvoyé pour la semaine. dit-elle, mettant enfin un terme au silence. Tu as perdu le contrôle, je comprends. Et je peux y remédier. Son regard se tourna vers la porte ? Comment être sûr que les parois de ces murs étaient suffisamment épaisses, ou que personne ne les attendait de pied ferme, dressant l'oreille, de l'autre côté. Pour ce qu'elle avait à dire, il ne fallait pas de public, surtout pas. Ce serait loin d'aider Kai, et surtout loin de la servir elle. On ferait mieux de poursuivre notre conversation ailleurs. Suis-moi.
Sans attendre de réponse de la part du jeune homme, elle se dirigea vers la porte, pas juste en face, certes, mais non loin, le conseiller principal d'éducation attendait tout de même de pied ferme. En toute hypocrisie, Liv le remercia et se répandit en des excuses dans lesquelles elle était loin de croire, assura que cela ne se reproduira plus et tout le toutim et prit le chemin vers l'extérieur. Promesse en l'air ? Sans doute. Ce n'était pas en une semaine qu'elle allait faire des miracles, mais elle avait bon espoir de parvenir à conduire Kai sur le chemin qu'elle avait elle-même emprunté.
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Mer 31 Déc - 19:02
