Après un silence, je la devinais se tourner vers moi et me regarder. Que pouvait elle bien penser ? Voulait elle rentrer ? Elle se décida enfin à parler, m'affirmant dans un souffle qu'elle ne méritait pas ma gentillesse. Je rouvrais les yeux totalement et la regardais, me préparant à encore une fois lui assurer qu'elle était une personne digne qu'on s'intéresse à elle, mais ce que je devinais de son visage et l'éclat terne qui habitait ses yeux m'en dissuadèrent et la confession qu'elle me fit ensuite me fit comprendre le fardeau qui pesait sur ses épaules et sur son âme.
...J'ai assassiné mon père ... dit elle avant de s'allonger à mes côtés, avant de poursuivre le récit du drame qu'elle avait vécu et qui la hantait toujours. Je pivotais à demi sur le côté pour la regarder et l'écouter sans bouger se remémorer ce jour là, autant pour moi que pour elle. Les mots sortaient difficilement au début, mais au fur et à mesure, elle arrivait à décrire ces événements funestes qui l'avaient marqués au fer rouge jusqu'au coeur. La mort tragique de son frère que son père, alcoolique chronique, avait quasi obligé à réaliser une figure qu'ils ne maîtrisaient pas encore devant les spectateurs. Puis sa réaction face à ce père infanticide puis son bannissement du seul environnement qu'elle connaissait et où elle était plus ou moins acceptée. Pendant qu'elle poursuivait, elle me regardait, semblant chercher à savoir ce que j'en pensais, guettant mes réactions alors que je restais totalement immobile, l'observant moi même tout en la comprenant. Je n'avais pas à la juger, elle s'était déjà condamnée depuis le début sans autre avocat que sa conscience qui la rendait coupable.
...Je crois que le pire dans l'histoire c'est que je ne regrette absolument pas mon geste. Il a eu ce qu'il méritait. Cet ordure a tué mon frère. Alors tu vois, je ne suis pas celle que tu crois et j'en suis désolée, crois-moi. ...
Elle s'était tue et me fixait avec ce regard indéfinissable, plein de tristesse. Doucement je levais la main et lentement je l'approchais de son visage, écartais quelques mèches de ses cheveux que le vent avait poussé sur son visage, puis lui caressais tendrement la joue. Me levant sur le coude je me penchais sur elle et embrassais son front doucement, puis revenais à ma position d'origine sans la quitter des yeux, ma main s'attardant au passage sur la pointe de son menton.
Ce que tu as fait ce jour là, c'est réagir comme n'importe quel être humain avec les moyens que tu avais à ta disposition. Tu n'avais rien prémédité, rien planifié. Si j'avais été à ta place, je lui aurais éclaté la tête avec n'importe quoi... Tu as réagis, c'est tout. Et le fait que même si tu t'en défends en admettant qu'il l'avait mérité, tu te tortures encore avec ce souvenir me démontre qu'au fond, tu es bien plus humaine que tu ne penses toi même ... En comparaison, je suis bien plus monstrueux que toi, Emma ... Je la regardais et lui souris tendrement. J'avais envie de lui prendre encore le visage entre mes mains et de lui caresser la joue, de la serrer dans mes bras, non plus par obligation, mais par simple plaisir et réconfort. Ma main allait à nouveau se tendre vers elle, mais dans un effort je l'en empêchais et me rallongeais totalement sur le dos, regardant le ciel étoilé.
On a tous des casseroles derrière nous tu sais. Et ce geste que tu as fait et qui te ronge encore aujourd'hui malgré tout t'aidera sans aucun doute à maîtriser cet aspect de toi qui a pris le dessus alors. J'ai confiance en toi, j'ai foi en toi même. Et ne dis pas que je te connais à peine ! peu de gens peuvent me tromper sur ce qu'ils sont, d'autant plus que je t'ai vu aussi bien au travers de mon armure que de mes vrais yeux... J'avais tourné la tête vers elle, la regardant avec toute la conviction que me donnait ce qu'avaient perçu mes sens. Je retournais à la contemplation du ciel et poursuivais après quelques secondes de silence.
Que penserais tu d'un homme, d'un soldat, qui aurait exécuté ses amis, ses compagnons de combat avec lesquels il avait lié des liens très forts, plus forts que sa propre vie, en obéissant aux ordres qu'on lui aurait donné pour le bien de tous ? Que penserais tu d'un homme qui aurait à son actif plus de mort que toute une armée, que toutes les armées de cette planète, et qui arriverait à vivre avec ça sur la conscience et à dormir, parfois, sans faire de cauchemars ? Toi tu as suivi une impulsion, j'ai fait et planifié tout cela ... J'ai moins d'humanité que toi au total malgré mon apparence ... Je suis un monstre ... Pas toi ... Pendant que je parlais, sans que j'en ai aucun contrôle, une larme coula sur ma joue et je l'effaçais d'un revers de manche, espérant qu'elle n'avait rien remarqué. Je me taisais enfin, ne sachant quoi ajouter n'étant pas le mieux placé en fait pour lui assurer encore qu'elle n'avait au fond rien à se reprocher et que sa dette était déjà payée.
C'est aussi pour ça que je veux rester indépendant, pour pouvoir prendre mes propres décisions ... C'est une des raisons pour lesquelles je me sens bien avec toi, parce que tu as cachée en toi cette part que je n'ai plus. C'est totalement égoïste en fait ... mes pensées se bousculaient et mes propos devenaient incohérents, n'exprimant que très mal ce que je voulais dire, ce que je ressentais. Emma allait sans doute prendre peur ou au moins ne plus avoir confiance en moi. Une grande tristesse m'envahissais, assombrissait mon âme peu à peu. Je ne voulais pas perdre la jeune mutante, rien que cette sensation me rendait malade, j'avais besoin de tout le contraire.

Je ne la regardais pas pour lui répondre entre mes dents : Un grand pouvoir attire de grandes calamités et une solitude assurée surtout ...
Je la sentis remuer à mes côtés tout en n'osant pas la regarder encore car j'avais dans le coeur cette ombre soudaine qui l'avait investi en repensant à ces événements tragiques qui m'étaient revenus en mémoire peu après la récupération d'une partie de mes pouvoirs.
...On fait une belle paire de cas désespéré entre nous deux hein ? ...
Là je tournais la tête vers elle, d'autant plus qu'elle venait de sensiblement se rapprocher. Elle se tenait tout près de moi, allongée sur le ventre et appuyée sur ses avant bras, ses cheveux lui cachant le visage plus ou moins, mais je sentais ses regards sur moi au travers. Son ton se voulait léger et j'en culpabilisais tout à coup.
...On va finir par vraiment déprimer à continuer comme ça, tu ne crois pas ? ...
Elle n'avait pas tors, j'étais venu la chercher pour passer une bonne soirée en sa compagnie, pour qu'elle passe un bon moment et voilà que je me lamentais presque et que je la rendais malheureuse, et cela me devint insupportable. Sans aucune pudeur, je la regardais, appréciant la courbe de ses formes, la cambrure de ses reins accentuée par cette position qu'elle avait prise.

Spoiler:

Je roulais à demi sur le côté, me rapprochant encore plus d'elle sans le vouloir, et j'appuyais ma tête sur ma main, le coude soutenant le tout.
Je la regardais, et me rendais compte à la fois que j'adorais cela mais que mon silence devenait presque gênant. Ses cheveux tombaient en cascade sur ses épaules et des mèches rebelles balayaient son visage sous l'effet du léger souffle de vent qui nous caressait, cachant une partie de son visage. Je levais la main droite que je retenais jusqu'alors sagement contre moi et esquissais le geste d'écarter ces dernières mais je stoppais mon mouvement à mi chemin prenant sur moi pour ne pas le terminer ...
Emma ... Je ... Les mots sortaient difficilement, en un murmure qui reflétait la lutte intérieure qui se livrait à ce moment entre mon esprit et mon désir. Il me suffisait de pencher la tête et de tendre le bras et j'aurais pu embrasser ses lèvres tentatrices et poser ma main sur le creux de son dos ou caresser ses cheveux et sa nuque. Mais la raison l'emporta une fois de plus. Elle avait 20 ans à peine et j'en avais 12 de plus, enfin si je comptais en années vécues dans ma propre relativité, car dans celle de la Terre et donc la sienne, j'étais bien plus vieux encore, je pouvais être son grand père.
Ensuite, qu'avais je à lui offrir ? Pas grand chose. Mon avenir était plus qu'incertain et étais je encore capable de donner quoi que ce soit ? Non, à défaut d'autre chose, je pouvais lui donner toute l'affection dont j'étais encore capable, même si je devais me consumer intérieurement pour ne pas lui révéler les sentiments qui m'habitaient maintenant.
Finalement, la raison l'emporta, encore, et je me remettais dans ma position initiale, les deux mains derrière la tête, le regard perdu dans les étoiles. Un petit rire me secoua doucement, secrètement ironique envers moi même.
Tu as totalement raison ... Tout ce que j'espère c'est que quand tu seras une élève X, ils nous laisseront nous voir encore, enfin si tu le voulais ... Rien qu'à cette pensée, mon coeur se déchirais, mais entrer dans l'institut était pour Emma une chance inespérée qu'il ne fallait pas rater. Là bas elle pourrait développer pleinement son potentiel et rencontrer des jeunes gens de son age comme elle. Je poussais un soupir de désespoir contenu et une grande résolution commença à se faire jour en moi : Quand ça n'allait pas fort, ma mère avait un bon remède contre le désespoir ou la tristesse, c'était une bonne tasse de chocolat chaud et un coockie ... Dis je sur le ton de la plaisanterie en me levant d'un seul mouvement, m'époussetant un peu pour enlever des brins d'herbes qui collaient à mes vêtements. Même si j'avais envie de tout autre chose, surtout en posant à nouveau les yeux sur la jeune femme étendue à mes pieds, je polarisais mon armure et lui tendais la main en souriant pour l'aider à se relever.
ça te dit ? On y va ?

Je la rattrapais dans mes bras, heureux de ce contact que je n'avais osé établir par moi même avant d'endosser mon armure, allongé à ses côté. C'était vraiment étrange comme elle pouvait avoir parfois une grâce toute féline dont elle possédait bien d'autres caractéristiques, et parfois une gaucherie dans les moments "normaux" de la vie en tant qu'humaine. Et cette façon adorable de se mordre la lèvre quand elle était gênée et de rougir aussi, ce que je découvrais maintenant sans problème avec l'appuis technique de mon équipement qui me permettait non seulement d'y voir comme en plein jour, mais aussi de percevoir d'autres choses plus secrètes comme les battements de son coeur qui s'était emballé au moment de trébucher et continuait sa sarabande alors qu'elle était en sécurité dans mes bras maintenant. Se pourrait il qu'elle soit attirée aussi par moi comme je l'étais par elle ? Il y avait un moyen très simple de le savoir, si simple, caché sous le masque de Nova, si lâche aussi vis à vis d'Emma et de moi même. Mais l'oser en valait la peine ! Oserais je, n'oserais je pas ... Mon bras suffisait à entourer sa taille fine et gracile et je passais ma main sous son menton, l'obligeant à relever la tête vers moi doucement de mon index plié.
Emma ... Je ... Je ressentais la chaleur de son corps contre le mien et ses mains posées sur mes hanches. Ses grands yeux, si spéciaux et magnifiques levés vers moi, pleins de je ne savais quoi, semblant attendre quelque chose ...
Dans cette position, ses lèvres semblaient s'offrir à moi, ses crocs d'ivoire en bordant la comissure charnelle. Je me penchais lentement, penchant la tête un peu pour éviter que les bords de mon casque n'entrent en contact avec sa peau, guettant une quelconque réaction contraire et finalement, je déposais un baiser chaste et tendre sur ses lèvres douces et chaudes avant de me redresser à nouveau et de lui sourire :
C'est la première fois qu'on me tombe dans les bras comme ça alors que c'était ce que je désirais secrètement ...  murmurais je au milieu de la nuit. Je restais comme ça immobile, sans rien dire l'espace de quelques battements de nos coeurs puis je lui faisais mettre ses bras autours de mon cou en pliant un peu les genoux pour l'aider, enserrais sa taille de mon bras fermement, l'autre passé sous ses fesses en guise de siège improvisé, la collais contre moi et décollais droit vers le croissant de lune plein d'une exaltation que je n'avais pas connu depuis des lustres.
De la bière et des tacos ? Pourquoi pas ... Je vais bien trouver quelque part à cette heure où on nous en servira ... Dis je d'une humeur joyeuse ... J'allais vite mais pas trop afin de savourer cet instant où elle était blottie dans mes bras, abandonnée sans autre choix, redoutant le retour sur terre où elle pourrait réagir légitimement et violemment à mon audace. Pendant le voyage, j'engageais les transactions que j'avais prévues, lui ouvrant un compte dans une petite banque du Bronx alimenté tous les mois par un autre à son nom situé dans un paradis fiscal où je virais un montant à 6 zéros. Vint ensuite l'autre partie, la modification des fichiers gouvernementaux avec scans des documents Ad Hoc donnant la nationalité Américaine à Emma Meyer suivant les termes du dispositif concernant les talents particuliers et les artistes exceptionnels. Le problème était qu'elle n'avait pas de domicile fixe, et donc j'ouvrais toujours virtuellement, je bénissais alors cette époque qui ne jurait que par internet et la dématérialisation,  pour lui louer une boite postale avec comme adresse réelle mon propre hangar. Sa carte d'identité et tous ses papiers seraient avec cette adresse, mais qu'importe, de toute façon, dans quelques jours j'aurais sans doute déménagé en lui en laissant l'entière propriété ...
A elle de faire preuve de discernement ensuite pour user de tout cela comme il fallait ... Je ne lui dis rien, préférant lui en faire la surprise en temps voulu en lui remettant la clef de son petit coffre à la poste ... J'aimais faire le bien autours de moi mais détestais en recevoir les lauriers et remerciements ...
Mes recherches sur le net me donnèrent enfin une adresse où je trouverais de quoi assouvir son envie de tacos, et quelques minutes plus tard, je me posais dans un coin tranquille près du "Black Ant" qui restait ouvert jusqu'à minuit donc encore une demi heure, ou plus, si j'arrivais à soudoyer le patron ...
Je dépolarisais mon armure à peine avais je touché le sol et je desserrais mon étreinte à regret, m'attendant à recevoir finalement une gifle monumentale voire pire. J'osais pourtant la regarder en souriant pauvrement et à lui dire : Bière et Tacos jusqu'à minuit et peut être plus si entente, madame est servie ...

Je m'attendais plus ou moins à recevoir une gifle, que j'avais évité tantôt en emmenant la demoiselle outragée dans les airs, mais en fait de soufflet j'eu droit à un éclat de rire quand elle découvrit l'endroit où je l'avais menée. Elle m'attrapais déjà par la main, tout naturellement comme si nous étions depuis des lustres des compagnons de goguette et me tirait avec entrain vers l'établissement même si elle m'avait fait une remarque pleine d'humour à propos de mon intention de lui faire prendre quelques kilos. Je me laissais guider jusqu'à une des tables et je prenais place en face d'elle, me rassasiant de sa gaieté comme d'un plat de gourmet.
Le serveur vint prendre notre commande, la mine un peu renfrognée vu l'heure, et j'assistais alors à leur échange un peu embarrassé pour elle. C'est vrai qu'ici, la distribution d'alcool dans les établissements publics était régie par des consignes et des lois très strictes, bien qu'il soit de notoriété publique que la jeunesse américaine abusait des boissons fortes en quantité incroyables lors de fêtes plus ou moins privées, avec quelques autres substances bien plus néfastes le plus souvent, et cela bien avant l'age légal prévu par le législateur, mais l'Amérique puritaine se refusait à l'admettre ailleurs ...
C'était un paradoxe agréé comme beaucoup d'autre dans ce pays ...
Je la vis donc faire son numéro de "charme" qui par les temps qui courraient pouvaient nous attirer bien des ennuis, mais qui n'eut comme effet que la soumission du serveur. Celui ci se tourna vers moi et je ne l'embarrassais pas plus longtemps, essayant de calmer le jeu par une attitude rassurante et fataliste en lui répondant gentiment un Je prendrais la même chose en boisson pour accompagner des tacos al pastor pour chacun de nous s'il vous plaît ... J'avais commandé d'autorité cette variété de Tacos sans lui demander son avis mais tout en supposant que cela lui ferait plaisir. Il ne tourna les talons pour nous préparer notre commande et quand il se fut éloigné un peu je me penchais vers Emma par dessus la table un air un peu réprobateur : Rhôôô ... Tu exagères ... J'ai pris la liberté de commander pour nous deux et abréger ses souffrances ... Excuses moi ... Si tu veux autre chose, je le rappelle ... Lui soufflais je avant de lui sourire ...
Ma main s'était posée tout naturellement sur la sienne et je la retirais immédiatement non sans l'avoir légèrement caressée au passage jusqu'au bout de ses doigts. J'avais un cruel besoin de ce contact entre nous et la partie analytique de mon cerveau assistait en spectatrice de cela, émettant parfois quelques remarques acerbes à propos des penchants des organiques ...
J'espère que la bière sera bonne, la dernière que j'ai goûté c'était lors d'une virée en Europe ... Et je n'ai jamais mangé de Tacos ...

Une bribe d'information traversa alors mon cerveau. Le Worldmind disposait d'une infime partie de mes neurones qui lui permettait de me fournir des informations sur des questions immédiates, une sorte de mémoire tampon réinitialisable à sa volonté dans laquelle il déversait une documentation appropriée au contexte. Cette fois, c'était la recette de ce plat mexicain et sur la façon de le préparer et de le déguster ... Si j'avais eu cela lorsque j'avais passé mes examens autrefois, je n'aurais pas eu les résultats aussi lamentables ... Mais bon, maintenant j'y avais perdu une partie de mon humanité, ce que je n'aurais sans doute pas accepté à l'époque ...
Le serveur revint vers nous avec un grand plateau, déposa face à nous un demi pression et une assiette contenant 3 de ces drôles de crêpes ainsi qu'une petite bouteille de Tabasco chacun. Après avoir perçu le règlement de la note auquel j'ajoutais un "pour boire" substantiel, il nous souhaita un bon appétit, jetant un regard de coin vers ma compagne, puis retourna à sa place à l'autre bout de la pièce et s'affaira à ranger le bar en prévision de la fermeture prochaine.
Bon appétit Emma ... Dis je en m'emparant de la petite bouteille de Tabasco, l'ouvrant et arrosant généreusement les garnitures comme me l'indiquait les instruction inscrites temporairement dans mon esprit. J'en saisis ensuite une entre mes doigts et la portais à ma bouche, saisissant à cet instant le regard bizarre d'Emma qui ne perdait rien de ce que je faisais. Je marquais un instant d'arrêt, l'air interrogateur, puis, mordais à pleine dents et mâchais la portion découpée, essayant de bien intégrer son goût et de l'apprécier. J'avalais ce que j'avais dans la bouche et découvrais alors la raison de l'état d'observation de ma compagne. Heureusement pour moi, la dernière modification de mon métabolisme avait inclue une sécurité équivalente à celle de mon armure, ce fameux 1% qui me permettait de "ressentir" sans pour autant mettre en danger mon organisme. Pendant un bref instant, suffisamment long pour me laisser un cuisant souvenir pour une prochaine fois, je 'dégustais" grave ... Le Tabasco m'arracha la langue, le palais et l'oesophage à la fois pour exploser enfin dans mon estomac à l'arrivée. Une goutte de sueur perla sur mon front tandis que je restais plus ou moins stoïque, puis je me saisissais de ma bière pour en boire une petite gorgée ... Histoire d'éteindre le feu qui s'était déclenché en moi ...
Ouha ! ça déménage dis donc ... Mais c'est super bon ... Dis je en reposant mon verre et en mordant à nouveau dans ma crêpe garnie, mâchant maintenant consciencieusement en fermant les yeux à demi, cherchant à dégager les saveurs variées cachées par la sauce dont j'avais abusé malencontreusement et dont mon métabolisme éliminait maintenant les effets magmatiques pour ne laisser que ce fameux pourcentage traverser mes papilles.
Pour te répondre à ce que tu disais tout à l'heure, non, je ne veux pas te rendre obèse, excuses moi, mais ça fait au moins 3 jours que je n'ai rien avalé ... Trop occupé ... Si tu n'as plus faim, ne te forces pas, je demanderai un "doggy bag" pour que tu l'emportes si il faut ... Dis je entre deux bouchées. Je la regardais en fronçant le sourcil, évaluant sa silhouette avant d'ajouter avec un petit sourire et un clin d'oeil complice : Bien qu'un peu d'embonpoint ne gâcherait rien au contraire ... .

Du Wasabi tu dis, cette pâte verte un peu forte qu'ils ajoutent tous aux plats maintenant ... Je connais, j'ai été au Japon dernièrement encore ... Ce Tabasco m'a surpris, c'est tout ... On m'a donné une mauvaise façon d'assaisonner le Tacos ... Je retiens par contre ce que tu as dis au sujet de la bière de Munich, l'Oktoberfest tu as dit, c'est noté ... Et je n'ai plus aucune illusion à me faire à propos de ton appétit, tu es une ogresse en fait ! Tu me fais penser à une certaine Fiona d'ailleurs ... Dis je enfin après avoir avalé ma dernière bouchée et en me suçant les doigts avant de les essuyer avec ma serviette.
D'un clin d'oeil malicieux, je lui faisais comprendre que je la taquinais encore ...
J'avais avalé ma ration un peu vite Faudra que je prévois un budget rien que pour ça à l'avenir, à nous 2 on risque de dévorer mon argent de poche en quelques jours ... J'avais dit cela du fond du coeur, acceptant l'idée que nous pouvions nous revoir régulièrement, la tenant même comme évidente alors que je disais ces mots. Enfin si elle le voulait, bien sur, mais cela ne fit que traverser mon esprit et je balayais l'éventualité du contraire pour forcer le destin si je le pouvais ainsi.
Nous étions vraiment comme deux vieilles connaissances en train de manger ce soir, aucune gène, que du bonheur d'être là, ensemble en cet instant. C'était cela qui me manquait depuis si longtemps, et même si Emma ne devait être qu'une amie, j'en était déjà très heureux pour ça. C'était ce que j'avais à l'esprit quand elle me demanda tout à coup comment ça se faisait que je sois célibataire ...
Arnaque ? Célibataire ? Dis je en suspendant mon geste de boire une gorgée de bière. Je fronçais le sourcil en la regardant un peu décontenancé. Drôle de question, mon âge physique n'est pourtant pas si éloigné de la moyenne des célibataires aujourd'hui ? ... Je finis mon geste de boire puis reposais mon demi et mettais mes coudes sur la table, posant mon menton sur mes mains jointe et la regardais avec un air sérieux.
Si la question est : "est ce qu'il y a ou qu'il y a eu une madame Rider autre que ma mère", la réponse est ... non ... Même chose pour mon côté volatile ... Je souriais de ma propre façon de répondre tout en remettant mes bras normalement sur la table et en faisant le tour du haut de mon boc avec mon doigt.
Si la question est : "ais je eu des relations suivies avec des membres du sexe opposé", toute autre option étant naturellement à proscrire, la réponse est  ... oui, mais toutes ont trouvé leur fin en leur temps ... J'ai quand même de la bouteille et en gros, je ne suis plus puceau pour parler trivialement ... Je lui jetais des oeillades entendues et coquines tout en faisant semblant d'être concentré sur le chemin de mon doigt sur le bord du verre comme si de cette surveillance dépendait le nombre de bulles crevant la surface du breuvage.
Si la question est : "Y a t il actuellement une Rider ou Nova Fan qui  m'attend quelque part dans cet univers", je répondrais ... à part pour me trucider, pas à ma connaissance ... Et je lui souriais largement puis vidais ma chope d'un trait et continuais de parler en la gardant en main.
En conclusion et en réponse, je dirais que la vie de soldat intergalactique ou de héros souvent confronté à des menaces assez meurtrières ne laisse pas place à ce genre de choses de la vie ... La seule personne que j'ai aimé ici n'a pas résisté à ma transformation, la seule que j'ai aimé là haut, sans espoir d'autre chose par simple incompatibilité physique me hait tellement aujourd'hui qu'elle m'enfoncerait volontiers n'importe quoi dans le coeur pour se venger de ce que j'ai fais à son frère ... Une nuance de tristesse passa un instant sur moi, remplacée par un vide gigantesque que seul le bruit de la chope que je reposais un peu brusquement dispersa.
Distraitement, je ramassais du bout du doigt la goutte de Tabasco qui était tombée sur l'assiette en badigeonnant mon tacos et le suçais sans tressaillir. Rien que de penser à ça, j'avais le coeur qui partait en lambeaux, doublement ...
Donc, l'arnaque, c'est que je suis vieux et invivable ... Finissais je enfin en pouffant pour revenir enfin dans le temps présent ... Les yeux plissés je scrutais alors Emma et je lui demandais derechef : Et toi ? Tu es amoureuse ? Pas de petit copain ou de petite copine ? Ton carnet de bal doit être bien rempli pourtant ... Au fait, si tu as une place, une petite, inscrit mon nom et mon numéro ...  Je la taquinais encore faute d'être capable de faire autre chose et regrettant immédiatement mes paroles qui pouvaient l'avoir blessée ...

Je ne vois pas où est la flatterie dans ce que j'affirme et Catwoman serait un bon nom de guerre pour toi ... Dis je boudeur puis songeur en profitant qu'elle faisait une pause en buvant un coup.
J'allais ajouter quelque chose à propos de ma totale indifférence quand à son aspect physique, du moins à ses différences morphologiques avec le genre humain standard sur ce monde, pensant fortement qu'au contraire elles m'attiraient plus qu'autre chose justement parce que j'avais vécu autre part que sur cette bonne vieille Terre, mais elle reprit la parole.
Quand elle avoua qu'elle n'avait personne, un sourire de soulagement se dessina sur mes lèvres, mais il s'effaça au fur et à mesure qu'elle décrivais ce gars qu'elle avait remarqué jusqu'à ce que je réalise que c'était bien de moi qu'elle parlait.
Mes yeux s'arrondirent par dessus mon verre un instant alors que je buvais une gorgée de bière à mon tour, mon sang affluant légèrement à mes joues avant que je ne reprenne le contrôle.
J'avalais difficilement ce que j'vais dans la bouche et qui s'évertuait à rester coincé dans ma gorge, toussais deux ou trois fois en reposant ma chope avant d'oser recroiser son regard pétillant et espiègle que le rosé de ses propres joues démentais.
Ne sachant comment le prendre ni quoi en penser, j'essayais de me défendre maladroitement ...
Battre le chaud et le froid ? Moi ? Qu'est ce que ça veut dire en plus ça ? Et puis je n'ai pas pleuré ! Bougonnais je ...
Et ici, à cette table, il n'y a aucun super héros ... Dis je en cherchant à droite et à gauche, jusque sous la table, Non, j'en vois pas ... Je ne vois qu'un homme en compagnie d'une jolie femme en train de savourer des tacos et leur bière et de faire plus ample connaissance pendant leur premier rendez vous ... Dis je souriant essayant de garder confiance en moi pour débiter la suite tout en triturant mon verre ...
Et l'homme va raccompagner la jolie femme bientôt parce qu'il se fait tard et que ce n'est que leur premier rendez vous justement, et va lui demander si elle serait d'accord pour qu'ils se revoient un autre fois ... La nuit et même la journée peut être ... parce que ça ne se fait pas d'emmener sa valentine dans son repaire de vieux garçon dès le premier soir ... Ajoutais je en mettant la main sur la table et en la glissant doucement dans sa direction paume vers le dessus comme pour mendier, attendant qu'elle fasse la même chose et qu'elle donne sa réponse affirmative à cette proposition déjà en la posant dedans.
J'en avais assez de tourner autours du pot, j'aimais les choses claires et rencontrer Emma ici sur Terre, parmi tous ces habitants, au milieu de cette foule, avait été un coup du destin, une chance que je ne pouvais laisser passer. Si je devais enfin goûter au bonheur, c'était avec elle que je voulais le faire, avec personne d'autre ... Même si elle allait chez les X-Men, quitte à leur livrer mon secret pour rester avec elle, quitte à les affronter s'ils se mettaient sur ma route, je livrerais combat pour que nous puissions être ensemble. Encore fallait il qu'elle le veuille ... Et qu'elle en ait la force ...

Quand elle avança sa main sans montrer l'ombre d'une hésitation et la posa dans la mienne, une onde de bonheur comme je n'en avait pas connu depuis bien longtemps me traversa. Même ses menaces taquines à propos de son don olfactif si je ne la rappelais pas ne purent qu'augmenter ma joie intérieure qui se traduisait par un sourire qui éclairait mon visage autant qu'elle le sien. Nous étions sur la même longueur d'onde, à l'unisson, et quand elle se pencha vers moi, mon coeur s'emballa, croyant qu'elle me demandait un baiser, espoir un peu déçu alors qu'elle ajoutait en murmurant qu'il était dangereux de courtiser et de délaisser une mutante ...
Je me penchais à mon tour un peu, nos visages se retrouvant à quelques centimètres l'un de l'autre et je lui murmurais à mon tour : Il m'arrive des fois de vouloir vivre dangereusement, mais j'évite toujours de décevoir une dame ...
J'allais franchir le peu qui nous séparait pour lui embrasser les lèvres quand je vis son regard fixer quelque chose derrière moi, puis se reculer et se lever tout en gardant sa main dans la mienne. Il était effectivement l'heure, tant pour nous que pour le serveur qui s'avançait avec un air presque soulagé. Je la suivais donc jusque dehors sans la lâcher, donnant au passage un billet au gars et en lui souhaitant une bonne nuit. Là, je passais ma main autours de sa taille et la conduisait en flânant jusqu'à la ruelle où nous avions atterri tantôt en nous amusant de la tête du serveur. Arrivés là, toujours l'un contre l'autre, je m'arrêtais et la fit pivoter pour qu'elle se retrouve face à moi, sa frimousse levée vers moi, et je ne pouvais la quitter des yeux.
Emma ? Soufflais je, et je me baissais lentement en l'enlaçant, jusqu'à frôler ses lèvres une première fois, puis une seconde, et enfin entrouvrir le sceau de ses lèvres pour y chercher timidement son chemin du bout de la langue. Ce fut un baiser long et tendre, à la juste mesure de ce que j'éprouvais pour elle. Et quand enfin nos bouches se séparèrent, devant s'y reprendre à plusieurs fois tant elles étaient avides l'une de l'autre, je me redressais un peu et lui murmurais ensuite en la serrant contre moi :
Tu comptes beaucoup pour moi ...
Et sans plus attendre, je la prenais dans mes bras rempli d'une joie indescriptible et polarisais mon armure pour filer dans le ciel, la dorlotant comme on le ferait d'une enfant, d'une amante ...
Bientôt, je me posais dans une autre ruelle, celle où nous nous étions rejoints au tout début, près de ce magasin de BD, et je redevenais Richard en un clin d'oeil, la dévorant des yeux.
Tu vas devoir te sauver, parce que je n'ai pas la force de te laisser partir ...
Pour pouvoir se séparer, il faut savoir se quitter, mais c'est une déchirure difficile pour un bonheur plus grand ... Je la serrais contre moi, voulant me souvenir jusqu'à la prochaine fois de la chaleur de son corps et de l'odeur de ses cheveux et du goût de la peau de son cou sous mes lèvres brûlantes ...
C'est alors que se rappela à mon esprit tout le sens pratique de la vie. Je ne savais pas où lui envoyer ce que j'avais préparé pour elle ... M'arrachant à la chaleur de sa joue, je m'écartais un peu tout en la gardant serrée contre moi et lui demandais :
Le type du magasin de BD, je peux lui faire confiance ? Si je lui donne quelque chose pour toi, il te le remettra bien ? ...

Donc je pouvais lui faire parvenir ce que j'avais en prévision par le biais du fameux Dave. Elle me donna un bout de papier qu'elle avait sans doute souvent utilisé, ou du moins trituré, sur lequel était inscrite une adresse, son adresse, et après y avoir jeté un coup d'oeil pour la mémoriser, je l'enfouissais au plus profond de ma poche.
Ne t'inquiètes pas, je ne te laisserai pas longtemps tranquille, je compte bien t'inviter bientôt pour une autre sortie, d'une façon ou d'une autre ... Lui répondis je, sachant très bien que j'allais éviter tout contact lors de cette livraison un peu particulière.
Emma m'embrassa alors une ultime et longue fois avant de se reculer et je la laissais partir à contre-coeur. Elle me fit un dernier geste de la main avant de passer le coin de la rue et de disparaître auquel je répondais également. A très vite ... Murmurais je ...
Un immense manque m'envahit alors qu'elle disparaissait. Une sorte de vertige à la fois de tristesse et de joie.
Tous ceux qui ont connus ce sentiment me comprendront. Une sorte d'exaltation me submergea, la même que lorsque Ginger m'avait rejoint la première fois et avait accepté de sortir avec moi. je me sentais comme sur un nuage, le coeur gonflé à bloc de bonheur avec cette envie de sauter en l'air et de crier au monde entier ma joie, de partager cet instant exceptionnel. Mais si l'adolescent de 17 ans avait succombé totalement à cet état, courant et sautant dans la rue après avoir quitté son amoureuse, l'adulte que j'étais restait dans la retenue.
Enfin presque ... Le goût sucré/salé de ses lèvres encore sur les miennes, je polarisais mon armure et prenais mon envol, un peu trop vite, car le vide que je créais en décollant attira une masse d'air surprenante et j'arrivais à la limite des toits poursuivi par un nuage de papiers et de différents détritus arrachés aux poubelles dont les couvercles s'étaient soulevés quelques instants sous la dépression.
Mais je n'y prenais pas attention et accélérais encore. Un triple "Bang" supersonique agita le quartier tout à coup alors que je n'étais déjà plus qu'un petit point invisible dans le ciel.
Je m'arrêtais enfin hors de l'attraction terrestre et regardais sous moi. New-York n'était plus qu'un petit éclat de lumière sur le sol et à l'est pointais déjà un rayon de l'aube naissante qui ne frapperait cette ville que dans plusieurs heures.
J'étais là, suspendu au milieu de nulle part, entre les étoiles et la Terre, le coeur plein du bonheur d'avoir peut être trouvé un avenir, et j'y restais immobile tout à mon rêve un bon moment ...
Lorsque enfin j'en sortais un peu, je lançais les ordres pour effectuer quelques modifications dans les démarches administratives déjà engagées, manipulais quelques bases de données gouvernementales pour l'occasion avant d'enfin me décider à redescendre et à rejoindre ma tanière où l'imprimante moléculaire attendait depuis un moment que j'ôte la pièce terminée pour se mettre à construire la suivante.
J'envoyais un texto à Emma $ Bonne nuit, à bientôt <3 $ avant de dépolariser mon armure et de me coucher sur le lit de camp spartiate qui était installé dans un coin du hangar.

ÉPILOGUE DE L'ÉPISODE

Le surlendemain, j'avais envoyé un message à Emma pour l'avertir que je serais un peu occupé ces prochains jours, je poussais la porte de la boutique de BD, un petit colis sous le bras que je confiais au vendeur, le fameux Dave sans doute, qui me dévisagea un bon moment, perplexe.
Sur la face supérieure, il était inscrit simplement "Emma Meyer de la part de Richard", ni plus, ni moins.
J'avais réussi à caser dedans pas mal de choses. Avant tout sa carte d'identité la rendant officiellement citoyenne américaine ainsi qu'un permis de conduire sur lequel j'avais collé un post it "Si tu ne sais pas conduire, tu n'as plus qu'à apprendre", un DVD de Shrek, celui où il rencontre la fameuse Fiona, une enveloppe contenant une clef de la boite postale que j'avais prévue initialement et que j'avais décidé de garder au cas où, une belle carte bancaire de couleur or et les documents associés la rendant propriétaire du montant déjà versé dessus soit 1 million de dollars.
Enfin, tout en dessous, il y avait le contrat signé par elle, et contresigné par moi, qui lui donnait le poste de vice présidente d'une des firmes que j'utilisais pour mes transactions de récupération.
Intercalé entre les pages, j'avais glissé un petit mot pour lui expliquer tout ça ...
A oui, j'oubliais, j'avais aussi mis une peluche de superman dedans, pour la faire sourire un peu ...