U

ne soirée venait de commencer pour Phil Daniels. Une soirée de patrouille où ce jeune étudiant n'allait pas tarder à recadrer plusieurs vauriens et malfrats parcourant les rues de la belle New York. Alors que le super-héro enfilait son costume, le malheureux resta coincé au niveau de la fermeture éclair. Son manque d'exercice et d'action malgré les patrouilles qu'il faisait n'était pas ce qui lui avait fait perdre du poids. Au contraire, il avait beaucoup prit ces derniers temps. Néanmoins, après une heure de combat acharné et la résignation d'accepter d'arrêter de respirer durant toute la patrouille, c'est un Docteur Gravity, bouffit, étouffant dans son costume, qui commença sa traque dans les rues de la ville.

Il avait essayé de contacter ses amis super-héros. Kick-Ass, les Sauvez Tommy, Night-Bitch, Battle guy, Insectman... Même la fille aux cheveux roses, écervelée, qui avait impressionné tout le monde lors du grand combat les opposants aux supers-vilains. Comment s'appelait-elle déjà ? Ah oui... Hit Girl. Bref, personne ne répondit à l'appel. Soit parce qu'ils étaient occupés à autre chose, soit parce qu'ils avaient raccroché avec leur carrière de super-héro, soit parce qu'ils en avaient rien à foutre. Chose qui était bien triste et bien dommage. Tant pis, une petite balade nocturne ne pouvait lui faire que le plus grand bien. Et puis, jusqu'à maintenant, il n'y avait eu aucun crime lors de ses patrouilles. Il n'y avait aucune raison que cela arrive ce soir en particulier, alors qu'il se retrouvait seul à parcourir les rues. Bien sûr que non. Qui serait la personne suffisamment débile et mal intentionnée pour vouloir lui écrire cela afin de lui attirer des ennuis ?

Il commença donc sa patrouille en solitaire, équipé de son fidèle Tabasseur Anti-Gravité. Il brancha ses écouteurs à son baladeur puis passa sa musique favorite en boucle, espérant que cela fasse passer le temps plus vite. Must be the money de Nelly. Exécutant quelques pas de danses hasardeux dans les rues de New York, considérablement limité par son costume désormais trop serré pour lui, il continua d'errer, comme ça, aussi utile à la ville qu'un puceron se noyant dans sa propre urine. Avec sa musique, il n'entendit même pas la dame âgée qui lui demanda de l'aider de traverser, ni le bras qu'elle lui fit une fois qu'il l'eût dépassé sans la remarquer. Elle aurait pu pisser dans un violon qu'il n'aurait même pas capté l'odeur. Un peu plus tard dans la soirée, il eut soudainement envie d'un hamburger. Il espérait trouver un fast-food le plus vite possible et faire un maximum de plein pour l'hiver ! Problème restant tout de même de taille, comme le disait la chanson, il ''mustait'' vraiment de money.

Il lâcha comme à son habitude un tweet et un message sur sa page Facebook, histoire de rassurer ses fans pour dire qu'il continuait de les protéger. ''Une fois de plus, le Dr. Gravity est de sortie, tandis que les criminels, eux, tremblent dans leur lit !'' Il passa le restant de la soirée, posé contre un lampadaire, en train de jouer à Doodle Jump en attendant par respect des traditions que son temps de patrouille soit terminé.

code by Mandy

O

n l’avait encore lâché à pas d’heure. À chaque fois qu’elle quittait l’agence, elle se jurait de leur dire dès le lendemain qu’elle se barrerait sans sommation, et qu’on ne disposait pas ainsi d’elle à sa guise. Elle avait sa dernière année de lycée à assumer. Et elle ne comptait pas voir ses résultats flancher à l’approche de ses examens de fin d’année, et encore moins rater les examens de fin d’année en question, qui seraient décisifs pour son avenir, et dans le choix de l’université à laquelle il lui serait donnée de prétendre. L’ennui, c’est que c’était justement pour cela qu’elle faisait tout ça. Elle n’éprouvait pas outre mesure de plaisir à poser devant une nuée d’objectifs photographiques (même si à force, elle s’y était habituée), mais pour deux trois sourires à l’appareil, elle était payée une somme plus qu’acceptable, qui lui permettait en conséquence de garantir une partie de ses frais d’inscription, qu’elle ne voulait pas voir incomber à ses parents. Alors il fallait qu’elle serre les dents. Certes, il était minuit passé, les derniers bus ne passeraient pas, et elle était bonne pour se coltiner le trajet à pied (ce qui, étant donné les rues qu’il lui faudrait traverser pour atteindre l’appartement des Stacy ne l’enchantait guère, mais soit), et elle avait cours le lendemain, mais après tout, c’était pour la bonne cause. Une fois qu’elle aurait rejoint les bancs d’Oxford ou une autre université prestigieuse du même acabit, elle ne regretterait en rien d’avoir sacrifié un peu de son temps, et d’avoir en conséquence dû se perdre dans quelques ruelles un rien mal famées. Bon, si elle avait su, il est clair qu’elle aurait prit une tenue de rechange. Elle n’avait sur elle que la robe qu’on lui avait demandé de porter pour le shooting, certes élégante, mais beaucoup trop courte pour la saison, et ne parlons même pas de ces talons ! Elles étaient belles, ces chaussures, elle ne disait pas, mais quelle douleur que de devoir les porter plus de quinze minutes ! Et elle en avait pour une bonne heure avant d’être chez elle. Prudence est mère de sûreté, elle aurait sans doute dû demander à ses parents de venir la chercher, mais son père était, comme souvent (trop) absent de la maison. Et sa mère devait dormir à poings fermés. Inutile de l’inquiéter.
Ou bien… ?

Cela faisait une vingtaine de minutes qu’elle évoluait dans les rues de New-York, toujours plus glauques de nuit, luttant contre son envie de finir le reste du trajet à pied pour que cesse le supplice qu’elle faisait subir à ses pauvres pieds, quand elle repéra un groupe d’hommes, parlant fort, appuyés contre un mur, fumant elle ne savait quoi, et riant fort, visiblement alcoolisés, elle décida, par prudence, de faire un détour pour éviter de passer à côté d’eux, mais ils la repérèrent. Ils l’interpellèrent, elle fit mine de ne pas les attendre et accéléra le pas. Erreur. Son talon se coinça contre le pavé et la fit s’effondrer tout son long. Il ne fallut pas davantage de temps, aux hommes, qui empestaient effectivement au nombre de cinq pour l’encercler. L’un d’eux l’ « aida » à se relever, non sans priver de montrer ses mains baladeuses. Gwen espérait s’en tirer en les remerciant vaguement et en filant le plus loin possible, mais aucun des hommes ne semblait décidé à la laisser filer, l’un d’eux lui attrapa le bras, elle répliqua par une gifle qu’il sembla à peine sentir. Ils étaient cinq. Trop nombreux pour qu’elle puisse espérer s’en tirer indemne…

-Lâchez-moi ! cria-t-elle finalement, assez fort l’espérait-elle, pour que quelqu’un alentour l’entende et vienne à la rescousse.

code by Mandy